Promouvoir la Bolognina 

Le collectif Checkpoint Charly bâtit sa démarche artistique sur son implantation au sein de ce quartier populaire en pleine évolution 

15 heures, un groupe d'une dizaine d'élèves de 12 et 13 ans s'active dans le local de l'association BAUM (Bolognina arti in movimento). Ils tendent des bâches en plastique transparent sur le sol, puis y disposent des morceaux de toile blanche sur lesquels ils continuent le travail du jeudi précédent. 

Elena, membre du collectif d'artistes Chekpoint Charly, passe parmi les adolescents. Bombers sur le dos, dernières sneakers à la mode, lèvre et nez percés, elle s'assoit et discute avec les jeunes en panne d'inspiration. 

Elena dans les locaux de Checkpoint Charly

Tous les jeudis, en coopération avec BAUM, des membres du groupe accompagnent les volontaires du collège Testoni-Fioravanti pour leur leçon hebdomadaire. Depuis le début du mois de mai, équipés de leurs pinceaux et de peinture bleue ou argentée, ils tentent de traduire par le dessin ce que leur évoque le mot "constellation". Elena et les autres artistes de "Charly", comme elle l'appelle, coudront ensuite les différents morceaux de toile pour en faire un drapeau qui sera exposé durant le festival BAUM les 8 et 9 juin. Une initiative qui enthousiasme Danilo, le professeur.

"Les élèves qui viennent ici sentent qu'ils en ont besoin. C'est un temps qui les aide à développer leur sensibilité ou à la découvrir."

Développer l'art dans la Bolognina, l'utiliser comme un outil de rayonnement du quartier, c'est l'ambition de Checkpoint Charly depuis 7 ans.

En 2011, deux étudiants en art cherchent un lieu peu onéreux pour pouvoir travailler. Ils s'installent au 7A via dei Rosaspina, autrefois un hangar à bananes.  

Le groupe s'élargit, le confort manque. En juillet 2017, Charly est composé de 26 membres et acquiert le 3A via dei Rosaspina.  

Checkpoint Charly, c'est la coexistence de deux ambitions.  D'un côté, 26 jeunes artistes qui voudraient gagner leur vie par leur travail, exposer dans les musées d'art contemporains, se faire connaître. De l'autre un engagement social aux côtés des gens de la Bolognina en organisant des ateliers, des expositions, à Charly ou ailleurs. Au Bar Senza Nome par exemple qui a accueilli 11 performances du collectif cette année. Une initiative importante pour Federico, membre du groupe. 

"Nous voulons insérer notre travail dans un lieu social. Faire participer les gens."

En 2016, Charly affiche un plan de la Bolognina au 7A et invite les voisins à le remplir de cartes sur lesquelles ils écrivent un souvenir dédié à un lieu du quartier. Une narration collective se construit. 

Les membres de Charly collectent les cartes, les trient et décident d'illustrer les souvenirs recueillis dans une série de 21 cartes postales. Ce projet sera présenté au MAMbo, le musée d'art moderne de Bologne, le 7 juin. La Bolognina, quartier populaire, réputé infréquentable, rayonne.

Le projet permet d'entrevoir les enjeux de la Bolognina. Gentrification, probable fermeture de lieux de vie comme le centre social XM 24. Cette partie de la ville connaît d'importants changements. La mairie y a été transférée, les lieux à l'esthétique "hipster" foisonnent, le nombre de policiers augmente. Les étudiants investissent les appartements, les loyers sont en hausse, entraînant automatiquement le départ d'une partie de la population. 

Federico reste lucide quant à l'effet que peut avoir leur collectif. "Nous faisons partie de la gentrification, mais nous essayons de construire avec les gens qui habitent ici. La Bolognina est séparée par un pont, mais c'est un lien pas un obstacle", argumente le jeune artiste originaire de la petite ville de Cuneo.


Florent Bardos