XM24, squat en péril

Un des derniers centres sociaux de Bologne est menacé de destruction par la mairie. Les membres du squat vivent dans l'inquiétude.

Une centaine de personnes s'empressent sous le toit en taule du XM24. Tous assistent à la projection d’un documentaire en plein air. Un drap blanc est suspendu au plafond. Dessus, des images défilent. Celles de violences entre la police et des « black blocs ». Les visiteurs regardent avec attention. Autour d’eux : quelques caravanes, un bar en bois et des tags, notamment anti-systèmes, trustent les murs. Certaines fresques annoncent la couleur. Ou plutôt les couleurs. Le rouge et le noir du drapeau antifasciste.

Le XM24 est un lieu emblématique de la ville de Bologne. C’est aussi et avant tout un projet, une initiative utopique. Ici, une quinzaine de collectifs organisent des ateliers, des concerts, des cours de gymnastique ou encore des marchés éco-responsables… Tous ont une visée politique. Le lieu se veut un havre antifasciste mais également anticapitaliste, anti-frontières, écologique…

Mais d’ici quelque temps, tout pourrait retourner à l’état de poussière. Pour cause, le centre social est menacé par l’administration. L'accord de non-ingérence passé entre la mairie et le XM24 s'est terminé en juin dernier. Il ne devrait pas être renouvelé. L'endroit n'est jugé "plus sûr" par les pouvoirs publics. Une caserne de pompiers, des immeubles ou un centre culturel sont évoqués pour remplacer le squat. Seul hic : aucun occupant actuel n'abandonnera le projet aux mains de la mairie. Un projet bâti depuis 2013 et la transformation de cet ancien marché du quartier de la Bolognina en un espace auto-géré.

"Il y a forcément la peur de partir. Mais il y a surtout une volonté collective de lutter" Laura

Tous les soirs à partir de 18h30, l'étroite porte en fer laisse entrer au compte-goutte une foule des plus hétérogènes. Punks, étudiants, LGBTQI+ ou juste de simples curieux… Des groupes se rejoignent autour d’une bière. Les rires fusent. Près d’une caravane, Laura défait une banderole. « Antifascisti », en grosses lettres rouges. La quarantaine passée, des dreadlocks qui surplombent de petites lunettes rondes, elle explique venir au "XM" depuis le début de l'aventure. Comme un tabou, elle ne veut pas envisager la destruction qui menace ce centre.

C’est à demi-mot que le sujet est évoqué. Aucune date n’est fixée. « Nous avons reçu une lettre en juin dernier qui expliquait que le XM pouvait bientôt fermer », se souvient Andrea, le prénom générique donné à tous les membres. « Mais, depuis, nous n’avons aucune nouvelle des projets de la mairie. Nous sommes dans le flou ». Une de ses amies, Elisa*, une étudiante en dernière année de physique, a sa petite idée : « Tous les autres lieux d’occupation de la ville ont fermé l’été dernier. Ils peuvent très bien attendre que le XM soit vide pendant les vacances pour intervenir ».

"Ils pensent régler tous les problèmes de Bologne avec la fermeture du XM. C'est de la connerie" Andrea

Andrea prépare sa leçon du soir. Depuis 2017, il donne des cours d’italien à des sans-papiers. Son école risque de baisser le rideau avec la fermeture du lieu. « Les pouvoirs publics jugent que le lieu n’est plus aux normes, qu'il y a trop de tapage nocturne ou encore que c'est un problème lié à la drogue qui circulerait ici... Mais officieusement, pour eux, le XM24 n’est plus compatible avec les nouveaux projets du quartier, victime d’une gentrification », lâche-t-il après réflexion.

Andrea salue quelques élèves qui rentrent dans sa classe : un petit local où des bibliothèques se mélangent aux affiches ''Refugees Welcome''. Abdullah, originaire d'Afghanistan, assiste aux cours depuis son arrivée à Bologne en février 2018. « En ville, les gens te parlent mal parfois. Notamment parce que tu ne viens pas d’ici, ils ne te connaissent pas. Au XM c’est différent ». Il regarde la foule toujours plus nombreuse s'amasser à proximité du bar : « Ce sont les meilleures personnes de Bologne ». Autour des tablées, étrangers et locaux se rencontrent. Les pâtes préparées par "Eat the Rich", l'organisation culinaire du XM24, rencontrent un franc succès. Les visiteurs du soir festoient comme si l'avenir leur appartenait.


*Le prénom a été changé pour préserver l'anonymat.

Antoine Belhassen