Le nouveau visage de la Bolognina 

Une nouvelle population, 
jeune et branchée, fait son apparition dans ce quartier populaire. 
La Bolognina est-elle le nouveau Brooklyn ?

Deuxième quartier le plus peuplé de Bologne, c'est là que vivent les ouvriers et les immigrés. 


Longtemps associée au trafic de drogue, la Bolognina s'offre une nouvelle réputation.

 

Bolognina et gentrification. Deux mots qu'on associe souvent pour évoquer l'avenir de cet ancien quartier industriel, situé au nord de la ville. Certains pensent que le processus est déjà bien entamé, d'autres qu'il en est à ses balbutiements. Pour Maurizio Bergamaschi, professeur de sociologie de l'environnement et des territoires à l'Université de Bologne, la Bolognina n'est pas encore entré dans un processus de gentrification. 

" Je ne pense pas qu'on puisse totalement parler de gentrification. C’est un quartier qui vit beaucoup de transformations, très différentes des unes et des autres. Il est traversé par des changements profonds, non linéaires." 

Ce qui est sûr, c'est que de nouveaux lieux à l'esthétique "hipster", bars, clubs ou boutique de vélos, ont ouvert un peu partout. Ils attirent une population nouvelle, issue de la classe créative, cool, jeune, et connectée. Du genre à boire des cocktails prosecco-lime à 7€ accompagnées de pies poire-gingembre. 

Pour l'instant, selon Maurizio Bergamaschi, "les loyers et les prix des appartements n'ont pas radicalement augmenté. C’est encore une des zones où il est le plus facile d’accéder au logement, à la propriété."

Mais cela pourrait bientôt changer. À deux pas de la gare, c'est un emplacement stratégique pour les promoteurs. Ancienne zone industrielle, la Bolognina offre de nombreux espaces vides. C'est aujourd'hui le quartier où l'on construit le plus.

L'architecte star Mario Cucinella y a installé ses bureaux. Il pense que le lieu pourrait devenir un laboratoire de l'innovation urbaine. "C'est très vert, c'est un mélange de bâtiments populaires, de villas et de jardins, avec des zones densément peuplées et un bon mélange culturel", expliquait-il dans les colonnes du Corriere di Bologna en 2016.

 


Entre 2013 et 2017, 1 028 nouveaux logements ont été achevés.

C'est aussi là qu'on compte le plus de bâtiments inachevés.

30% sont concentrés dans la zone de la Bolognina.

La réhabilitation du marché Albani 

est un projet porté par la mairie. 

Le collectif d'artistes BAUMHAUS

 a été chargé de peindre les stands.

Selon Maurizio Bergamaschi, " il n'y a pas de volonté de la part de l’administration communale d’orienter les processus urbains. Les changements arrivent par eux-mêmes." Pourtant, l'aménagement du marché Francesco Albani est un projet porté par le conseiller à l'économie et à la promotion de la ville Matteo Lepore. La transformation de cette artère centrale de la Bolognina a coûté 70 000 euros à la commune. 

Décoration des stands, réaménagement des trottoirs et des espaces verts... la mairie a fait appel au BAUMHAUS, un collectif local impliqué dans la vie culturelle du quartier. Ses objectifs ? Devenir un "point de référence pour les productions culturelles de la ville, et "déclencher des mécanismes d'inclusion et d'autonomisation des nouvelles générations." 

Le collectif dispose d'un espace inauguré en mars, situé à l'étage du bar Kinotto, autre bar branché de la Bolognina. Au sein du projet La Clique !, BAUMHAUS met en réseau d'autres nouveaux acteurs de la vie culturelle : artistes, graphistes, vidéastes... Davide, du bar Fermento, en fait aussi partie. Le réseau regroupe en fait tous les lieux estampillés "cool" du quartier. 

"Il y a une volonté de la part du gouvernement local de promouvoir des « événements » culturels" Maurizio Bergamaschi 

La résistance s'organise face à la gentrification. La Bolognina a toujours été un terreau pour la jeunesse alternative. Des artistes, des antifascistes, des activistes du développement durable et des anticapitalistes se mobilisent. Ils sont regroupés dans un ancien hangar transformé en centre social, XM 24

Le lieu est soutenu par une large partie des habitants. Dans tout le quartier, "I love XM 24" s'affiche sur des stickers, des tags ou sur des drapeaux accrochés aux fenêtres. 

Si la Bolognina accueille une nouvelle catégorie de lieux et d'habitants, elle n'est pas prête de changer totalement de visage. Selon les chiffres de la mairie, elle accueille 26% de résidents étrangers, contre 15% en moyenne dans le reste de la ville. La Bolognina reste encore, en 2018, le quartier le plus multi ethnique de Bologne. 


Vidéos, photos et texte : Marie Toulemonde & Julianne Rabajoie-Kany