Valerio Rambaldi, 60 ans de combats politiques

 Ouvrier mécanique, Valerio Rambaldi, 78 ans, a participé aux luttes ouvrières qui ont débouché sur la création en 1969 du journal communiste Il Manifesto, dont il est l'un des fondateurs. Nostalgique de l'Italie et du Bologne d'antan, il dresse un constat amer sur la situation actuelle.


Pourquoi avez-vous décidé de vous engager au sein du mouvement ouvrier dans les années 1960 ?

Depuis que j'ai 18 ans, je suis engagé à gauche. J'ai commencé à travailler très tôt. J'ai intégré un syndicat mais en secret parce que mon chef était très puissant et agressif. On ne pouvait pas se réunir publiquement au sein de syndicats sous peine de subir des sanctions. Un désir de nouveauté s'est exprimé au sein des différents syndicats. 


Comment était venue l'idée de lancer un journal communiste ? 

J'étais membre du parti. Mais avec plusieurs collègues, on ne s'y retrouvait plus trop. Il y avait des luttes internes. D'où l'idée de créer un journal, Il Manifesto, pour proposer un nouveau modèle. De nombreux étudiants nous ont rejoints. Nous étions un véritable groupe de recherche pour le progrès social.


Quelles étaient vos revendications ?

Nous voulions rendre compte des conditions de travail des employés et des ouvriers. Deux questions étaient essentielles : quelles étaient leurs conditions de travail ? Est-ce que le travail peut porter préjudice à leur santé ? Nous voulions avec ce journal rapporter les revendications des travailleurs. Il y avait beaucoup d'intellectuels et d'ouvriers spécialisés dans ce type de luttes. Quelques députés communistes ont quitté le parti pour nous rejoindre. Nous travaillions ensemble. Le premier numéro était consacré aux ouvriers qui se sont fait licencier de manière brutale.

Une des premières conférences de rédaction d'Il Manifesto.

Comment avez-vous réussi à intégrer les étudiants dans vos combats ?

Selon leurs spécialités, les étudiants nous aidaient à mieux appréhender les choses. Ceux en médecine effectuaient des recherches sur la santé au travail, les ingénieurs sur le type d'organisation de travail et les étudiants en droit sur les conditions de travail des ouvriers.

Quel est votre regard sur la situation politique en Italie ?

C'est triste. Il y a eu une volonté de créer de nouveaux partis à gauche après les défaites récentes. Instaurer une nouvelle façon de faire de la politique, à l'image de Tsipras en Grèce ou de Podemos en Espagne. Mais en Italie, cette tendance reste minoritaire. Il n'y a plus la possibilité de faire et de penser la politique comme on le faisait avant. C'est le cas à Bologne. Il y a des espaces disponibles pour des activités mais trop peu de réflexion sur une possible élévation sociale.

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Pourquoi vous êtes-vous engagé au sein de Venti Pietre ?

Je vois Veinti Pietre comme un laboratoire de construction et d'idées. Je voudrais faire partager mon expérience. J'enseigne à des jeunes comment se construire une conscience politique. Mais ils sont peu présents. Venti Pietre reste malgré tout une expérience importante pour tenter un nouveau genre d'action politique qui ne se développe pas sous des formes déjà testées. C'est un nouveau moyen de socialisation. On travaille pour changer la société.

Comment Venti Pietre peut faire changer les choses ?

Nous devons renouer avec nos territoires. Il faut aller vers les citoyens pour comprendre leurs préoccupations, s'adapter à leurs souhaits. On ne peut plus penser un parti comme le centre de l'activité politique. La société a besoin de plateformes pour accueillir les revendications des travailleurs. Venti Pietre est un autre levier de pression politique.

Propos recueillis par Lucie Carbajal et Victor Lengronne