Au pied d'une légende

Romanée-Conti

Sans orgueil, sans bling-bling. Avec quelque chose de « matériel et d’immatériel ». Pourtant ici, sur tout petit lopin de terre qui ne paye pas de mine, on entretient des légendes. On prend soin de l'histoire. Planté devant une haute croix de pierre, encadré par les grands crus de Vosne-Romanée, Aubert de Villaine laisse ses yeux remonter le piedmont jusqu'à son joyau ; jusqu'à l’emblème de la Bourgogne viticole : la Romanée-Conti. 1,8 hectare de vignes plantées en 1380 par les moines. Les frontières dictées par les premiers plans monastiques n'ont pas changé. L'aura du vin non plus.

Ses 5 à 6.000 bouteilles produites chaque saison s’arrachent à prix d’or, et la rareté des bouteilles de Romanée-Conti en fait un vin non seulement à la finesse particulière, qui renferme « de la féminité, de la grâce », mais aussi un des plus chers du monde.

« Ce qui en fait une vigne à part, c’est sa position. Les meilleurs crus sont toujours sur le pied mont : pas en haut de la colline, pas au pied ; là où il y a une pente, mais assez faible. A cet endroit exact, la terre est profonde, et la roche mère est faillée. Ici, la roche est suffisamment délitée pour que les racines de la vigne s’y enfoncent pour tirer de l’humidité en période sèche, ou pour que le drainage soit efficace en période de pluie », raconte Aubert de Villaine, héritier d’une des deux familles propriétaires de la Romanée-Conti depuis sept générations.

La Romanée-Conti, c’est plus qu’une vigne, c’est l’exacte représentation d’un Climat. La perfection de la production bourguignonne. Aubert de Villaine a mené pendant huit ans la bataille des vignerons et des élus du territoire pour obtenir l’inscription des Climats de Bourgogne au patrimoine mondial de l’Unesco. « La Bourgogne n’a jamais eu besoin de reconnaissance », sourit pourtant Aubert de Villaine. Mais, il en est persuadé, « cette inscription installe sur le territoire un état d’esprit qui sera pour longtemps respectueux du patrimoine ». Parce que « cette richesse, la richesse de l’Histoire, il faut la protéger. C’est très précieux. », dit-il en insistant sur chaque mot.

«  La Bourgogne n'a jamais eu
besoin de reconnaissance »
La croix qui indique la frontière de la Romanée-Conti. Photo : Jérémie Fulleringer

Aujourd'hui, « coup de chance », la balade le long des grands crus de Vosne-Romanée se fait dans le silence. Les pèlerinages des Japonais, Chinois « et autres » n'ont pas eu lieu. En descendant la colline, Aubert de Villaine, dont l’ancêtre, négociant en vin, a acquis la propriété en 1869, évoque maintenant la transmission, son enjeu à lui. Transmission de la vigne. Transmission de l’association des Climats. Il le sait, son morceau de Côte-d’Or a « toujours rayonné sur la Bourgogne, depuis les deux grands ordres monastiques. Demain, il rayonnera sur un territoire encore plus vaste, la Bourgogne Franche-Comté. » Mais il faudra des hommes pour l'incarner.

« Le député du vin »

Député Les Républicains de la cinquième circonscription de Côte-d’Or depuis 2002, Alain Suguenot s’est toujours montré favorable à de grandes régions. Alors vice-président de la Bourgogne, il avait travaillé, en 1986, avec ses homologues de Champagne et d’Alsace, à la construction d’une vaste région économique. Aujourd'hui « député du vin », Alain Suguenot redoute « l’attraction de l’Île-de-France et de Rhône-Alpes pour les territoires en périphérie. Sans centre fort, la grande région sera difficile à faire vivre. Il faudra faire en sorte que la dorsale aride qui traverse la Nièvre, une partie de l’Yonne et le Haut Doubs ne se réactive pas. Dans ces conditions, la grande région sera peut-être l’occasion de repenser les grands projets, et d’imaginer l’axe Saône-Moselle plutôt que Rhin-Rhône. »

Le parlementaire aborde le sujet d’un regard distancié, conscient que son territoire restera à part, fort des 1,6 million de touristes qui le visitent chaque année, d’une prochaine cité du vin et de la présence sur son sol de tous les grands crus les plus prestigieux de Bourgogne. Alain Suguenot glisse néanmoins que sa circonscription est « la plus centrale. La vérité géographique se situe entre Beaune et Dole. Peut-être notre richesse pourra-t-elle servir aux autres… »

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