François Rebsamen enfile son imper. Ce matin, il inaugure le chantier de la place du quartier Fontaine d’Ouche. « Son quartier de cœur », glisse-t-on dans son entourage. Là où il a été élu conseiller général, en 1998. Où il a décroché son premier mandat.

L’ancien ministre du Travail est tout juste de retour. Après un passage éclair au gouvernement. « J’avais dit que je reviendrais, souffle François Rebsamen. À la mort d’André Millot (premier adjoint qui a assuré l’intérim), je ne pouvais pas faire autrement. J’étais triste de quitter le gouvernement, mais heureux de retrouver Dijon. Je ne sais pas quoi dire d’autre ».

Rebsamen claque la portière arrière. Sa chef de cabinet à gauche. Un ancien casque bleu du Kosovo au volant. Ce jour-là, il est en route pour retrouver à la Fontaine-d'Ouche des « visages amis, qui s’étaient estompés pendant [son] absence ». Des enjeux aussi, qui s’étaient éloignés pendant son bail ministériel.

Capitale de la Bourgogne aujourd'hui, Dijon se positionne pour être celle de la grande région demain. Avec une ambition forte : devenir une métropole capable de tirer sa région vers le haut. Rebsamen  l'avait compris avant même la fusion : Dijon, capitale ou rien. « Quand je suis arrivé à la mairie en 2001, Dijon, petite préfecture de province, était à un tournant : stagner, ou devenir capitale régionale », raconte le maire en regardant le film de sa ville défiler sur les vitres de la berline. Le scénario du maire se conclut par un pôle urbain majuscule, moteur de toute un grande territoire. Dijon, son « opéra, sa piscine olympique, le troisième zénith de France, un tramway de 21 kilomètres à 400 millions, sa communauté d’agglomération, ses écoquartiers, son technopôle… »

« Il n'a laissé aucun quartier de côté.
Il aime sa ville. Il l’aime vraiment »
François Rebsamen lors de l'inauguration des travaux de la place de la Fontaine d'Ouche. Photo : Jérémie Fulleringer

La liste n'est pas terminée quand la voiture se gare sur les hauteurs de la Fontaine d'Ouche. Sourires, poignées de mains, sourires encore. Dans le public, pendant les discours, on murmure en aparté que Rebsamen « a métamorphosé la ville. Il n’a laissé aucun quartier de côté. Il aime sa ville. Il l’aime vraiment ». Dijon,
150.000 habitants, 33.000 étudiants, une école de commerce classée au seizième rang parmi les meilleures de France, une centre historique désormais classé au patrimoine mondial
. Après avoir donné plus de vingt ans à sa ville, François Rebsamen s’inquiète aujourd'hui de l'avenir des « pôles urbains » dans une région estampillée ruralité. Surtout du sien. Si Dijon n’a pas les fonctions métropole, « les franges vont se tourner vers les extérieures. L’enjeu, c’est d’éviter une fuite de Sens vers Paris, de Nevers vers le Centre, ou de Belfort vers Mulhouse », plaide l’ancien ministre.

Mais non, prévient-il, l’idée n’est pas d’être « hégémonique ». Il s'agit bien de laisser une place à Besançon. Parce que ce « réseau urbain sera la clef pour créer de l’identité ».

La seule identité qui prévaudra, selon Éric Delzant, sera celle du « vivre ensemble. Il ne faut pas opposer les territoires ruraux et urbains. Ça n’a aucun sens, martèle le préfet de Côte-d’Or et de la région Bourgogne. Il faut nous mobiliser pour que le vivre ensemble soit une priorité, pour que les oppositions artificielles ne nourrissent pas un certain extrémisme. »

Depuis avril 2015, Éric Delzant est chargé de préfigurer le rapprochement de la Bourgogne et de la Franche-Comté. Et ce qui l'intéresse, c’est qu'il y a « la place dans ce grand ensemble pour un grand projet collectif. Un territoire, c’est des histoires, des populations, mais tout ça n’a de sens que s’il y a des projets en commun. Il y a une cohérence à construire. »

Et qu’importe le « faux problème » de la taille de la Bourgogne Franche-Comté, une des plus petites régions en termes de population (2,8 millions) et surtout de produit intérieur brut (onzième région sur 13), pourvu qu'elle en fasse un avantage. « Il faut s’efforcer de lutter contre les sentiments d’exclusion, pour porter une vision collective. C’est mon rôle de préfet. Et si l’État n’incarne pas ça, il ne joue pas son rôle. »

Retour en voiture. Un autre dossier en diagonale avant d'arriver. Plus loin, rue Larrey, Logivie, filiale du bailleur social Logéhab, implanté dans la Nièvre et en Saône-et-Loire, inaugure sa première résidence. Rebsamen y assiste. Vingt logements à loyers modérés sont sortis de terre. Une petite partie des
700 logements sociaux construits chaque année à Dijon. Vingt appartements en pleine zone pavillonnaire. À deux pas d’une cité internationale de la gastronomie en construction. Comme la grande région, Dijon construit sa mixité, sa cohérence. Dijon construit son vivre ensemble.

Trente millions pour la Fontaine d'Ouche

Le quartier de la Fontaine d’Ouche a été au coeur de l’actualité en novembre 2010. L’incendie du foyer de migrants Adoma y avait fait sept mort et une dizaines de blessés graves, parmi lesquels des enfants. « On a alors demandé aux gens ce qu’ils préféraient, se souvient François Rebsamen : déplacer le foyer, ou le reconstruire à la Fontaine-d’Ouche. » Les habitants se sont prononcés pour le retour des migrants au cœur du quartier. « La Fontaine d’Ouche, c’est ça, sourit Rebsamen. Un quartier extraordinaire », pourtant considéré comme difficile pendant des années. Cinq mille personnes y vivent. Cécile Duflot, alors ministre du Logement, avait inauguré, le 27 septembre 2013, le nouveau foyer Adoma. Après la reconstruction du centre commercial la même année, l'équipe Rebsamen, dans le cadre de la politique de la Ville, engage aujourd'hui la refonte de la place principale, dont les travaux devraient s’achever en avril 2016. Au total, 32 millions d’euros ont été injectés au titre de la rénovation urbaine dans la Fontaine d'Ouche. Un investissement d’une ampleur « jamais vue ailleurs », selon François Rebsamen.

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