Le grand pari

Morvan

Le pari de la Nièvre, c’est de penser la ruralité autrement. Dans la droite ligne du bouclier rural imaginé en 2010 par le maire de Lormes, Fabien Bazin, et voté, à l’époque, à l’unanimité par le conseil général de la Nièvre, le Département d’aujourd’hui défend, au côté de l’Allier, du Cher, et de la Creuse, la notion de «Nouvelles ruralités». En 2010, déjà, le député PS de la Nièvre, Christian Paul, jouait avec le concept de « ruralité moderne ». Avec comme laboratoire le cinquième département de la Bourgogne : le Morvan.

Ici, on a vu descendre de Paris les couples branchés avec les gamins sous le bras. Les Néerlandais et leurs chéquiers, prêts à retaper les ruines de la montagne à cheval sur les quatre départements bourguignons. « Il y a un vrai exode urbain dont on parle peu depuis cinq ans. L'arrivée de nouvelles populations a suscité l'arrivée de nouveaux équipements, de nouvelles installations. Les nouvelles technologies changent désormais l’approche de la campagne », estime Sophie Jouët, chargée de communication à la Maison du Parc, posée sur les hauteurs de Saint-Brisson. En effet, en 2007, Christian Paul l'écrivait déjà dans son ouvrage Le défi numérique des territoires - Réinventer l'action publique, aux Éditions autrement :  « Le nouvel Internet constitue le plus stimulant des défis... Il constitue un ferment démocratique, un mode de partage de la culture, il rend possible la nouvelle donne de l'intelligence collective... Si les territoires s'en emparent, il redistribuera les cartes de la géographie française. »

La géographie du Morvan, c'est 13 habitants au kilomètre carré. Peuplé par les enfants de l'assistance publique au XIXe siècle, le Morvan l’est aujourd'hui par les Parisiens, attirés par la qualité de vie qui se cache sous les sapins, à trois heures de l’Île-de-France. « Le Morvan est peuplé différemment, les activités y sont différentes

L’élevage y est pourtant encore la première source de revenu pour les 70.000 habitants qui vivent sur cette « semi-montagne ». Alors l'enjeu, pour les équipes du Parc naturel du Morvan, c'est « de résister, d'identifier les nouvelles filières de développement du Morvan ».

Un seul parc naturel régional aujourd'hui en Bourgogne. Trois demain en Bourgogne Franche-Comté, avec le Jura et une partie du ballon des Vosges qui mord sur le territoire de Belfort. « Être trois, ça peut être une force. Une nouvelle force », sourit Sophie Jouët.

« L'enjeu, c'est résister, c'est identifier
les nouvelles filières
de développement
»

À Saint-Brisson. Photo : Jérémie Fulleringer

La maison du parc, qui veille depuis 45 ans sur les lendemains du Morvan, se bat toujours pour accueillir de nouvelles activités. Développement local durable, l'environnement, la promotion touristique, l'éducation à l'environnement, l'aménagement du territoire... Le Morvan, territoire d'expérimentations. Territoire à part, longtemps choyé par Mitterrand. C'est lui qui, à la tête du conseil général de la Nièvre, en 1975, avait acheté 40 hectares sur les hauteurs de Saint-Brisson. Quarante hectares piquetés de sapins, et une maison au milieu. La maison du Parc.

L'ombre de Mitterrand plane encore sur le territoire. Sur le Morvan. Et sur la vie de Jean-Paul Duriatti.

« Une chance incroyable »

Il a refermé une dernière fois la porte du Vieux Morvan en 2002. Il y a laissé des souvenirs incroyables. « Une chance incroyable. » Après quatre ans derrière un piano dans le sud, il est finalement revenu cuisiner à Château-Chinon. Il a fait une croix sur la retraite pour relancer le restaurant Le Relais du Morvan. À quelques mètres seulement de l’hôtel du Vieux Morvan, dont il était le propriétaire de 1986 à 2002. Pour tout le « deuxième septennat », sourit-il. Dans la vitrine de son restaurant, un cadre, presque caché, sur la dernière étagère. Une photographie de François Mitterrand, lors de la réélection du Président.

Il se rappelle ce jour-là. Il se rappelle des chambres 14 et 15, le bureau et la chambre du Président. De la centaine de journalistes, le jeudi 10 mars 1988, descendue au Vieux Morvan pour assister à l’inauguration de la sculpture de Niki de Saint Phalle, l’artiste d’origine nivernaise, et de Jean Tinguely. « Ils voulaient tous savoir si Mitterrand allait se représenter pour un deuxième mandat. » Jean-Pierre Duriatti n'a pas oublié la centaine de couverts du midi, et les 80 du soir, « tous les jours ou presque ». Les discours à table de Michel Charasse, alors ministre du Budget. Jean-Pierre Duriatti en sourit. Il a grandi à Beauvais, dans l’Oise, bercé par l’histoire de la famille Dassault, et dans le sillage politique du député de la famille, Olivier.

Flash-back. Le soir du 10 mai 1981, le soir de l’arrivée de Mitterrand au pouvoir, dans l’Oise. Jean-Pierre Duriatti cuisine le repas de chasse de la famille de Boissieu, une des dernières de la noblesse française. « Au moment où le visage de Mitterrand est apparu sur Antenne 2, le repas s’est vite terminé », sourit Jean-Pierre Duriatti. Quelques années plus tard, il devenait propriétaire d’un des plus célèbres fiefs socialistes, symbole du mitterrandisme.

Aujourd’hui encore, des touristes viennent spécialement pour voir la chambre, au bout du couloir du premier étage du Vieux Morvan. Avec, parfois, un «pincement au coeur. Quand je vois comment ça se passe aujourd’hui… Oui, je me dis qu’on a quand même vécu des bons moments avec Mitterrand ».

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