Le long du fil
Itinéraire de Nathalie Robin, créatrice de
Chinthé Perles
Lundi matin, dix heures. Le soleil déjà haut dans le ciel laisse présager une journée agréable sur la commune de Thuré. Au milieu de la campagne poitevine, entouré de champs de tournesols, se dresse le lieu-dit des « Andreaux ». Cette ancienne ferme datée du début du XIXème siècle, est un véritable havre de paix. Une fois entré dans la cour fermée qui précède l'accès à la demeure, une atmosphère paisible se dégage. Le calme de la campagne se mêle à l’authenticité du lieu, auxquels vient s’ajouter un mobilier soigneusement sélectionné, fruit de quinze années d’expatriation.
C’est ici que Nathalie Robin a décidé d’installer son atelier. Dans un lieu dont elle rêvait avec son mari Laurent, depuis leur rencontre en dernière année de lycée.
La naissance d'une passion
À Rangoon, Nathalie fait connaissance avec les perles de culture, inséminées artificiellement et vendues directement sur les marchés. "C'est en Birmanie que j'ai véritablement connu les perles", conte-elle, "j'en ai acheté, offert et porté beaucoup. Je suis vraiment tombé amoureuse des perles, c'est vraiment quelque chose qui m'a plu. Mais cela en est resté là, je n'avais jamais fait de véritables bijoux à l'époque." Ce qu'elle n’a découvert que plus tard, c’est que cette matière première était directement importée de Chine. De quoi lui donner de nouvelles envies de voyage.
Mais avant de pouvoir accéder au royaume de la perle de culture qu’est l’empire chinois, la famille Robin fait escale au Venezuela. L’Amérique du Sud était alors une terre inconnue pour eux, ils y posent leurs valises trois années durant. Nathalie et Laurent y poursuivent une carrière dans l’enseignement, dans un univers où les perles de culture sont complètement absente du paysage local.
Lorsqu'ils ont l’opportunité de s’installer en Chine, c’est à Wuhan qu’ils établissent domicile. Sa formation d’ingénieur lui permet de poursuivre sa carrière dans l’enseignement des matières scientifiques, aux enfants d’expatriés francophones. Là-bas, Nathalie retrouve les perles. Elle raconte : « En Chine, nous sommes allés chez des grossistes. En terme de superficie, cela équivaut à un hypermarché rempli de perles. Nous mettions les mains dans de gros sacs plein à craquer, c’était impressionnant. » Lors de ces cinq ans, Nathalie apprend auprès de connaisseurs à reconnaître la qualité des perles, à les enfiler (le trou d’une perle de culture fait seulement 0,6 mm). Elle y apprend notamment à fabriquer des colliers. Le format de vente est un fil de 40 cm de longueur, sur lequel les perles sont triées par taille, couleur et par forme.
À son retour en France, Nathalie Robin poursuit l'enseignement à temps complet, comme au Venezuela. N’étant plus crédible sur le marché de l’ingénierie après plus de quinze ans d’inactivité, elle fait le choix avec son mari d’installer des chambres d’hôtes. Pour cela, elle rencontre un conseiller à l’emploi à qui elle montre ses créations. Il la pousse à se lancer dans la vente au détail. Chinté Perles est né.
L'atelier de Chinthé
Nathalie Robin réalise toutes ses créations à domicile. Lorsqu'elle évoque l’évolution de sa passion en profession, on peut lire dans ses yeux le rêve de petite fille devenu réalité : « J’ai toujours été très loisirs créatifs, explique-t-elle. Scrapbooking, bijoux fantaisie, depuis toute petite je confectionne des objets durant mon temps libre. » Cela se ressent dans son atelier. Lorsqu’elle me présente son atelier, la simple vision de toutes ces perles nous transporte à l’autre bout du monde. La multitude de billes aux teintes plus variées les unes que les autres retrace, à travers ses créations, l’itinéraire d’une passionnée.
Les bijoux qu'elle fabrique le plus rapidement sont les boucles d'oreille. Après avoir manipulé de petites pièces d'argent, elle confectionne ses boucles de manière assez automatique. Après avoir "pris le coup", Nathalie a pu accélérer sa production afin d'augmenter son volume de vente. Les bijoux faits-main sont longs à fabriquer. Ce qui distingue ses créations d’autres, ce sont ces fameuses perles. Leur diversité rend chaque pièce unique : certaines se ressemblent, mais ne seront jamais identiques à 100%.
Découvrez en images comment Nathalie fabrique une paire de boucles d’oreilles.
De la passion à la professionnalisation
Fabriquer des bijoux est une chose, les vendre en est une autre. Alors qu'elle voulait simplement vendre des bijoux ponctuellement, aux locataires de ses chambres d’hôtes, Nathalie rencontre un conseiller à l’emploi. Ce dernier l’accompagne dans toutes ses démarches administratives, et lui permet d’accéder à la Chambre des Métiers la plus proche de chez elle. De là, elle a pu commencer à travailler en tant qu’artisane et que commerçante. Après avoir déposé quelques bijoux dans une boutique de créateurs à Châtellerault, elle fait quelques kilomètres et découvre un système de boutiques éphémères, dans la ville de Chinon.
Grâce à ce mode de fonctionnement, Nathalie a pu prendre la mesure de son activité professionnelle et fait le choix de prendre un bail commerciale de longue durée, avec d’autres créatrices. Elle nous explique comment fonctionnent les boutiques éphémères.
Désormais à Chinon, Chinthé Perles conserve toujours quelques bijoux dans de plus modestes boutiques de créateurs. Avant d'installer ses portants à bijoux, elle a du définir les prix de ses créations.
« Au début, je pensais qu’estimer leur valeur approximative suffirait. Mais une entreprise viable ne fonctionne pas comme ça. Mon conseiller à l’emploi m’a expliqué que je devais savoir exactement le coût et la quantité de matière première utilisée, ainsi que le temps passé à la réalisation des bijoux. Sinon, je n’allais pas m’y retrouver financièrement et mon entreprise ne tiendrait pas sur le long terme. C’est ce que j’ai fait », explique Nathalie.
Le prix d'un bijou fait avec des perles s’explique par la nature même du produit. La perle est un produit organique, vivant, qu’il convient de traiter avec soin. Pour démontrer la valeur de ses créations aux clients sceptiques, Nathalie apporte toujours une paire de boucles d’oreilles en fausses perles, et une véritable perle écrasée. Lorsqu’on brise une perle, ce qui est très difficile car c’est une matière très résistante, on distingue de multiples couches de nacre. Cette matière organique est très facile à différencier d'une autre manière : frottez une perle contre vos dents, si elle est lisse c'est une fausse perle. En revanche, si elle est poreuse, rugueuse, pas de doutes : c’est une véritable perle de culture. Le lustre de la perle est également un facteur important pour en reconnaitre l'authenticité.
Faites vous-même la comparaison avec les photos ci-dessous.
Avec les années, les tendances s'inversent. Ainsi, on observe de plus en plus de jeunes femmes portant des perles. En France, par exemple, ce sont les femmes de moins de 25 ans qui possèdent le plus de bijoux en perles (3 en moyenne), contre 2 chez les 50 ans et plus. Les perles d'eau douce utilisées par Nathalie et sa marque Chinthé Perles sont en pleine explosion. Cela est du à leurs formes et couleurs diverses et variées, qui permettent de jouer avec tous ces motifs. Choses que l'on ne pouvait pas faire avec les colliers "blanc crème" traditionnels de nos grands-mères. Aujourd'hui, on revisite véritablement le port de la perle.La perle est un univers en plein renouveau. Il n'est pas rare, aujourd'hui, de voir de jeunes filles ornées de perles de toutes tailles, couleurs et formes. Grâce à des créateurs et créatrices comme Nathalie Robin, les clichés sur les perles n'existeront bientôt plus.