Marcel Pagnol 2.0

L'auteur provençal a marqué son temps. Il est aujourd'hui une marque intemporelle, intergénérationnelle et internationale. 

« On fait de Pagnol une marque. J'ai envie de dire Pagnol Provence, Marseille Pagnol. C’est un imaginaire, on s’appuie sur des citations, des sentiments, des valeurs. Aucune violence, mais beaucoup d’humilité, de tendresse, d’amour, de nature et surtout de respect. On peut tout faire tant qu’on le fait avec respect. » - Nicolas Pagnol, petit fils et garant de l'oeuvre de Marcel Pagnol.

Il est écrivain, dramaturge et cinéaste provençal, inventeur du cinéma d’auteur et l’un des premiers à proposer un film parlant. Ses oeuvres cinématographiques sont rénovées, les adaptations en bandes dessinées cartonnent, ses pièces sont jouées à Tokyo, une boutique entièrement dédiée à son oeuvre a ouvert à Marseille, la ville d'Aubagne lui rend un hommage permanent… Découvert et redécouvert sans cesse par les nouvelles générations, Marcel Pagnol est aujourd’hui une marque « intemporelle » et internationale.

C'est même un crowdfunding, lancé par Nicolas Pagnol, qui a permis de sauver ses oeuvres cinématographiques. Car si le nom de Pagnol traverse le temps, les bobines originales de ses films se dégradent au fil des années, nécessitant une restauration entièrement manuelle et très coûteuse.

Aujourd'hui, ce sont 12 films qui ont pu être ramenés sur DVD : La fille du puisatier, Topaze, Merlusse, Naïs… et le dernier d’entre eux : La femme du Boulanger.

Ce succès montre que les Français sont particulièrement attachés à l'académicien dont le génie n’a pas toujours été reconnu à sa juste valeur.

« Il y a une quinzaine d'années, il était presque impossible pour un étudiant de soutenir un thèse sur Marcel Pagnol. On lui disait de la faire sur Giono. Pagnol, c’est pas un auteur. C’est de la blague. » rapporte Nicolas.

Désormais, fini la blague. Pagnol commence à être étudié dans les universités. Le milieu intellectuel a cessé de brocarder les pagnolades. La publication du manuscrit de La Gloire de mon père a également permis de se rendre compte que l'auteur provençal travaillait beaucoup, construisait méticuleusement son récit et possédait un véritable style. Marcel Pagnol est un classique universel dont les livres sont traduits en une trentaine de langues, quand ses films sont exportés aux Etats-unis. En 1938 sortait Port of the Seven Seas, le remake américain de la Trilogie Marseillaise. 

Et de cette aura, la petite ville d'Aubagne à côté de Marseille, en a fait son image de marque. Pilier du tourisme de sa ville natale, il rassemble chaque année sur ses traces 70 000 personnes, Français comme étrangers. Les randonnées théâtrales organisées dans les collines décrites dans Les Souvenirs d'Enfance, sont classées 3ème sur "les 259 choses à voir et à faire à Marseille", par TripAdvisor.

« J'aimerais que l’image qu’il véhicule devienne un vecteur de développement économique par le biais du tourisme culturel. » - Nicolas Pagnol

Et c’est à Marseille, dans le quartier historique du Panier qu’est né le dernier temple dédié à l’enfant du pays. la boutique officielle Marcel Pagnol donne un nouveau souffle à l’oeuvre de l’auteur.

La Bande Dessinée

Et si Marcel Pagnol est maitre du 7ème art, il est désormais adapté par le neuvième. Bamboo Edition n'a pas hésité à signer pour 40 albums de bandes dessinées. Et pour cause : 160 000 exemplaires ont été vendus depuis 2015, une preuve que l’auteur est toujours actuel.

« C’est une fierté et un honneur d’avoir été sollicité par la famille de Marcel Pagnol pour adapter ses oeuvres en Bds. » s’extasie Hervé Richez directeur de collection des adaptations de Marcel Pagnol. « D’autant que nous ne sommes pas forcément les plus gros éditeurs du marché. » C’est un succès attendu qui permet, notamment grâce à une stratégie commerciale efficace, de faire connaitre des oeuvres méconnues : « On entend souvent les gens dire qu’ils ont lu tous les livres de Pagnol mais en vérité beaucoup découvrent Topaze, Merlusse… » raconte Serge Scotto, le coscénariste chargé, avec Eric Stoffel, d’adapter les livres. Afin de donner une meilleure visibilité à ces titres oubliés, l’objectif est de sortir la même année un blockbuster suivi d’une oeuvre moins connue. Ainsi, l’année dernière a vu paraitre le Temps des Secrets et Topaze.

Adapter la bande dessinée

La trilogie marseillaise sont les prochains albums en préparation. Les deux scénaristes restituent le vrai Bar de la Marine à l'endroit où il se situait vraiment. 
 source : Serge Scotto

Attention scoop ! La bande dessinée va venir compléter ce que le cinéma des années 1930 n'avait pas permis ! « J’ai découvert un carnet de mon grand-père dans le grenier, dans lequel il avait noté le découpage du film Fanny avec des scènes que l’on ne retrouve pas dans le film, tout simplement parce qu’il n’avait pas les moyens de les tourner », raconte Nicolas Pagnol, l’héritier. « Pour passer du théâtre au cinéma, Pagnol avait réécrit Fanny avec des scènes embarquées sur le navire la Malaisie. Elles lui permettaient de voir la vie de Marius autrement que par la simple lettre. Et donc ces scènes-là, nous allons pouvoir les utiliser dans la bande dessinée », appuie Serge Scotto, coscénariste des adaptations avec Éric Stoffel.

« C'est la première fois que les amateurs de Pagnol pourront lire "les Pestiférés" dans leur ensemble avec sa fin. Elle n’a pas été écrite mais en revanche, Marcel Pagnol l’avait racontée à son fils Alexandre qui avait pris des notes », raconte Éric Stoffel. « Les passionnés verront que le vrai sujet au fond, ce n’est pas tellement la peste à Marseille mais une réflexion sociétale sur le bien et le mal ».

La bande dessinée permet des coups de crayons à l'infini. « Elle lui donne des moyens qu’il n’a jamais eu au cinéma pour réaliser ses films », éclaircit Serge Scotto, auteur du chien Saucisse. « C’est un cinéma qui a un budget illimité. Certaines scènes que l’on a mises dans des cases auraient coutées plus cher que le film au cinéma », ajoute Éric Stoffel, au diapason avec son acolyte.

Les premiers tirages des adaptations sont un véritable succès. « C'est un auteur majeur, un des rares que l’on puisse bien adapter par l’image puisqu’il vient de l’image », explique Hervé Richez, directeur de la collection aux Editions Bamboo. « A la différence de certains auteurs, c’était naturel d’adapter Marcel Pagnol en BD, parce qu’il a une écriture visuelle : les détails, les couleurs, la lumière…. Il nous dirait presque où mettre la caméra dans sa façon de décrire les paysages », confirme Serge Scotto.

Marcel Pagnol a un avantage énorme puisqu'il a travaillé sur tous les médiums. « Son moyen d’expression ce n’était pas que le roman mais aussi le théâtre et le cinéma », raconte Hervé Richez, honoré de travailler avec la famille Pagnol. « On passe simplement de la mise en scène à la mise en page. Le cinéma travaille plan par plan, nous case par case. Mais c’est pareil, c’est de l’image et des dialogues », affirme Serge Scotto, ami de Nicolas Pagnol.

Marcel Pagnol était un maitre de l'image mais son œuvre est retravaillée par les scénaristes. « Dans Merlusse, on a pris les trois versions et on a essayé de faire la meilleure possible », ajoute Éric Stoffel. Si ses œuvres sont retranscrites, Marcel Pagnol reste toujours l’auteur. « C’est du Pagnol qui est vu par Serge Scotto et Éric Stoffel. Disons qu’on a inventé un troisième scénariste, un troisième homme », s'amuse Serge Scotto, complice avec Éric Stoffel depuis 15 ans.

Très attentifs et maniaques comme ils aiment se définir, les scénaristes s'adaptent aux lecteurs d’aujourd’hui sans jamais faire d’anachronisme. « Dans Topaze, Pagnol décrit le petit prof de misère qui portait des cols blancs très hauts, très guindés. Mais dans la bande dessinée, on a mis un col normal car le code a changé. Aujourd’hui, le col qui remonte c’est Karl Largerfeld, c’est-à-dire "le pognon ultime" », détaille Éric Stoffel. « On doit vérifier le sens pour ne pas le discréditer », accentue-t-il.

« Dans la Gloire de Mon père, il décrit sur une page les lieux quand il arrive devant les collines. C'est la tombée du jour avec une caractéristique dans la région où l’on a une espèce d’orangée rose qui apparait au-dessus de l’eau. Problème, on est en été, on a fait le calcul et il est 17h30. Donc le soleil couchant à 17h30… », raconte Éric Stoffel, amusé. « Il le refait coucher une heure après. A l’écrit ça ne le dérange pas. Mais en BD, c’est visible, on ne peut pas faire coucher deux fois le soleil. C’est trop flagrant », continue Serge Scotto.

Pagnol à l'international

La Treille, chères collines de Marcel Pagnol


« Marcel Pagnol est connu partout et attire des visiteurs de l'autre côté du globe. Ils font le voyage depuis la Russie, le Canada, les Philippines, le Mexique et même l’Iran », précise Olivier Chesneau, agent d’accueil de la Maison Natale de Marcel Pagnol à Aubagne.

Marseille est la destination incontournable pour les touristes étrangers, notamment outre-Atlantique, à la découverte de l’univers pagnolesque. « Les Américains sur la côte Est et Ouest sont les principales clientèles qui nous demandent des informations sur Marcel Pagnol. L’intérieur du pays se déplace un petit peu moins parce qu’il est moins érudit », raconte Maxime Tissot, directeur de l’Office de Tourisme et Congrès de Marseille. « Marcel Pagnol fait partie des personnalités qui ont fait connaitre la Provence dans le monde entier ».

 « Les Américains viennent pour Manon des Sources. Ils adorent, ils connaissent par cœur », appuie le petit-fils Nicolas Pagnol.

Marcel Pagnol fascine. Les valeurs qu'il défend sont universelles. « Les touristes sont super contents de retrouver ce qu’ils ont lu dans les livres. Tout l’imaginaire de Pagnol leur plait. A Aubagne, ils touchent la réalité », souligne Olivier Chesneau, accompagnateur conteur des randonnées Pagnol. 

Marcel Pagnol fait apprendre le français. « Une jeune fille venue avec son père étudiait Pagnol dans son lycée au Texas », se souvient-il. « Pour les Japonais, l’écrivain français c’est Marcel Pagnol. Une fois, j’ai reçu un Argentin. Ce monsieur avait appris le français avec sa grand-mère sur les livres de Marcel Pagnol », raconte-t-il avec amusement.

« Il est une des composantes du tourisme de Marseille parce qu’il représente une image de la Provence, une image ensoleillée qui donnent envie de partir à sa rencontre », analyse Nicolas Pagnol.



« Je suis persuadé qu'en développant une vraie offre, on pourra très largement dépasser les 300 000 visiteurs à Aubagne comme Marseille », développe Nicolas Pagnol, petit-fils de l'académicien.

« On peut venir à Marseille pour Marcel Pagnol mais que ceux qui le connaissent savent qu'il est né à Aubagne », confirme Maxime Tissot mettant en avant le nouvel aspect de la métropole Aix-Marseille qui rassemble le territoire.

Dans la boutique Marcel Pagnol située à Marseille, la clientèle est composée de 50 % de touristes étrangers à l’image de cette Néo-Zélandaise venue « acheter des souvenirs pour ses petits-enfants ».

                                                            Axelle Cecchi Amiel & Emilie Jamgotchian