Les Portes mordelaises

Ce fleuron de l'architecture médiévale,
installé sur des bases antiques,
va être remis en valeur.
Et Rennes va redécouvrir ses remparts.

La Porte ou les Portes mordelaises ? Les deux s'emploient à travers les usages et les livres savants. Tantôt la Porte, tantôt les Portes mordelaises. Il est vrai que la "rue des Portes-Mordelaises", côté cathédrale, débouche sur deux portes, l'une piétonne, l'autre charretière, chacune avec son pont-levis. 

Les portes, les deux tours du châtelet, les mâchicoulis... forment un ensemble remarquable d'architecture militaire médiévale. Mais les fouilles ont révélé que cette entrée de ville est bien plus ancienne : là se trouvait l'une des portes de la première enceinte autour de la ville antique, dès le IIIe siècle. 

La porte des Ducs
de BretagnE

Vous ne connaissez pas bien l'histoire des Portes mordelaises ? Laissez Gilles Brohan, animateur du patrimoine, vous les raconter... Passionnant !

Une ville,
trois ceintures successives, depuis le IIIe siècle. 
Le plan Hévin (vers 1687) représente les remparts de la ville à différentes époques (mais qui n'ont jamais cohabité tels quels dans la réalité) :
"A" la vieille ville ou Cité (enclose fin du IIIe siècle). En haut à gauche, la cathédrale et les Portes mordelaises. 
"B": la ville neuve, (enclose entre 1420 et 1450)
"C" la nouvelle ville, au sud de la Vilaine (enclose entre 1449 et 1476).
(Crédit : Archives de Rennes)

incessant renouvellement
de la ville 

Cette porte, "on en est sûr à 90 %" depuis les fouilles conduites par Elen Esnault, de l'Inrap, "est construite sur une base datant du Bas Empire (romain)". Ce qui signifie que, depuis le IIIe siècle de notre ère, ici en particulier, la ville s'est reconstruite sur elle-même. La preuve se trouve dans les différents agencements
de pierres, qu'il faut savoir décrypter. 

Matthieu Le Boulch, doctorant en histoire et archéologie au Musée de Bretagne, est passé expert dans la lecture "des pièces du puzzle". Et, justement, entre la Porte mordelaise et la tour Duchêne, il y a fort à voir. Cette portion de mur d'enceinte remonte à l'époque antique. Vers le IIIe siècle, l'enceinte est élaborée sans fossé. Celui-ci ne sera creusé qu'à l'époque médiévale. Ce creusement a nécessité de renforcer le mur antique. On trouve donc des techniques de construction du Moyen Âge, sous une partie datée du IIIe siècle. 

Déjà à l'époque antique, les bâtisseurs sont adeptes du réemploi. Dans les murs du IIIe siècle, on retrouve des blocs avec des inscriptions qui permettent de les dater entre 198 et 273. Dans leur premier usage, c'étaient des bases de statue, de colonne… Plusieurs beaux spécimens sont à voir dans l'exposition permanente du Musée de Bretagne, récupérés lors de chantier de construction sur les quais de la Vilaine (quai Duguay-Trouin) en 1968. 

Pourquoi ces réutilisations ? "Le sous-sol rennais est principalement composé de schiste bleu, assez friable et difficile à tailler, qui ne se prête pas bien aux constructions, en particulier de soubassement". Les constructeurs doivent donc aller chercher de la pierre granitique dans les environs de Combourg ou Dingé ou des plaques de schiste rouge à Pont-Réan. Si le matériau se trouve sur place, on évite les frais et le temps de transport. Matthieu Le Bouch précise encore : "Au IIIe siècle, le cœur de la ville se déplace vers l'actuelle cathédrale. L'édification des 1 200 m d'enceinte s'est faite en réutilisant des pierres de bâtiments délaissés ou détruits pour faire de l'espace autour de la nouvelle ceinture." 

"L'intérêt est presque toujours de réemployer les matériaux et les plans existants", raconte Matthieu Le Boulch, sauf quand on veut dessiner un schéma de ville différent." Exemple avec la reconstruction de Rennes, après l'incendie de 1720 :
la portion de l'enceinte qui venait juste derrière la place de la mairie a été détruite car la ville a adopté un plan en damier, classique, avec de larges rues et de grandes places royales.

Les jardins des remparts

De septembre 2018 à 2021, le réaménagement des Portes mordelaises et la création des jardins des remparts apporteront une nouvelle perspective sur cette trace du passé de coeur de ville .

Avant les travaux, visualisez les aménagements comme si vous y étiez :

L'ensemble des vestiges et des monuments historiques
sera restauré et mis en lumière.
(vue Concepto).