Au cœur
de la forêt de Rennes

Ses trésors, ses secrets, ses habitants

Pendant l'Empire romain, ses arbres venaient lécher la ville de Condate. Rapidement circonscrite à son espace actuel, la forêt de Rennes est un lieu plébiscité par les habitants de la métropole. À l’abri de ses arbres, s’y croisent des bûcherons découpant un chêne de 150 ans, des bergers belges qui décompressent et quelques vététistes en balade. Certains y auraient même trouvé une maison de Hobbit...

Un mercredi soir ensoleillé de printemps, un groupe d'hommes se prépare sur le parking des Juteauderies, pour une sortie VTT. Il est déjà 19h mais ils profiteront des dernières lumières du jour, sur les grands chemins forestiers. Les dernières voitures quittent le parking, une joggeuse poursuit sa course vers la ville, deux jeunes femmes sortent du bois avec leurs gros chiens. Seuls ces quelques vététistes prennent le chemin inverse pour s’enfoncer dans la forêt.

Dix circuits balisés


En arrivant par Thorigné-Fouillard, le panneau de l’Office national des forêts (ONF) informe le visiteur qu’il entre sur le domaine de la forêt de Rennes. Pourtant, les lotissements de la ville sont à dix mètres dans son dos. Quelques centaines de mètres plus loin, la route survole l’A84 qui arrive de Caen, dernier appendice urbain avant de pénétrer dans le poumon vert de la métropole. Petit à petit, la route se fait forestière et débouche sur le parking. Ne reste plus au visiteur qu’à partir à pied ou à vélo, pour parcourir les quelque 3 000 hectares de la forêt de Rennes.

Arriver par ici est idéal pour les promeneurs souhaitant marcher facilement à l’abri des arbres. Au rond-point forestier de la Lune, sorte d’immense clairière aménagée, s’offrent trois grandes routes forestières pour celui qui ne souhaite pas s’aventurer dans les sous-bois. À cette heure tardive, le groupe de vététistes empruntant la route des Ruissellets aura peut-être la chance d’y croiser une biche, pointant le bout de son nez en lisière du bois. Dix circuits balisés sont proposés aux promeneurs, de 2 km pour le plus court à 19 km pour le plus long.

Circuit VTT : Sud Mi-Forêt / Circuit VTT Ouest mi-forêt / Circuit VTT : les Maffrais

Une gestion durable
du bois

En partant vers le sud-ouest, les énormes troncs couchés sur le talus indiquent que l’abattage a commencé. Quelques semaines auparavant, les techniciens forestiers du département ont rejoint leurs deux collègues de la forêt de Rennes, employés par l’ONF pour entretenir le domaine. Ils ont mesuré les troncs afin de sélectionner les plus matures puis de les marquer à l’aérosol et au marteau forestier.

Ensuite, les bûcherons entreront en action, tronçonneuse en main, pour découper ces géants des forêts, qui deviendront charpente ou bois de chauffage. Il faut de 120 à 150 ans pour qu’un chêne atteigne une maturité idéale pour faire un bon bois d’abattage. Lorsque les techniciens plantent et entretiennent les parcelles pour favoriser les jeunes pousses, ils savent qu’ils travaillent pour les générations futures. « Les règles de gestion de la forêt, imposées par le document d’aménagement signé entre l’ONF et l’État, intègrent des contraintes environnementales au quotidien », explique Franck Muratet, responsable territorial, dont le bureau est installé à Mi-Forêt (lieu-dit situé sur la commune de Liffré).

Pour veiller au bon fonctionnement de l’écosystème, les agents travaillent avec les associations de protection de l’environnement comme Bretagne vivante et la Ligue de protection des oiseaux, notamment sur la zone Natura 2000, qui représente près de la moitié du secteur. La variété des arbres est essentielle (chêne, hêtre, pin sylvestre ou maritime), car chaque essence héberge une faune différente (insectes, oiseaux ou rongeurs). Le travail des techniciens consiste donc à gérer la production de bois dans le respect de cet équilibre. Anaïs, une Rennaise qui parcourt les sentiers forestiers depuis son enfance, abonde : « Il y a une grande diversité d’arbres, ce qui n’est pas négligeable pour la cueillette des champignons. » Une activité qui, à l’automne, attire nombre d’amateurs. « Ce qui nous plaît, c’est qu’elle est proche. Depuis le quartier Jeanne-d’Arc, nous mettons moins de quinze minutes en voiture, ajoute la jeune maman. Il y a des entrées de forêt un peu partout et autant d’endroits pour se garer. »

Une forêt de légendes

Largement praticable par les familles ou les personnes à mobilité réduite, la forêt garde aussi sa part de mystère pour le promeneur qui souhaite sortir des sentiers battus. À condition d’être prudent et visible en période de chasse ! Des sous-bois dont Anaïs se souvient très bien : « Quand j’étais petite, on y allait très souvent avec mes parents, on faisait des cabanes et mon père nous racontait des légendes bretonnes. On croyait voir des traces partout ! Un terrier de lapin devenait une maison de Hobbit, un bruit de feuilles pouvait bien être celui d’une fée qui vole d’arbre en arbre... J’en garde un super souvenir ! » Et elle n’est pas la seule. Chaque écolier de la métropole durant sa scolarité passera au moins une fois par le poumon vert de Rennes, un immense terrain de jeu aux vertus déstressantes. Chacun trouve en forêt un espace pour s’aérer la tête et se dégourdir les jambes. Même la brigade canine de la police nationale en a fait un sas de décompression pour ses chiens d’intervention !

Au fil des siècles, la forêt de Rennes a toujours tenu son rôle dans la vie du territoire. Ce sont ses arbres qui ont permis de reconstruire Rennes après l’incendie historique de 1720, qui détruisit près de la moitié de la ville. À cette époque, elle était habitée par une multitude d’artisans travaillant le bois : sabotiers, charpentiers ou tonneliers. En 1756, 300 hectares partent en fumée et les grands besoins de l’époque en bois, notamment pour la charpente maritime, ponctionnent sévèrement les réserves du domaine forestier. Au XIXe siècle, Napoléon engage un programme de reboisement des forêts françaises qui chasse les populations y travaillant. C’est le début d’une gestion publique de la forêt, avec notamment la fin des droits de pâturage. En 1966, l’ONF est créé pour gérer les forêts domaniales de France, appartenant à l’État. « On a beaucoup de chance, observe Anaïs. Ailleurs en France, il y a des forêts privées où on ne peut pas entrer. À Rennes, on entre dans la forêt comme on veut ! » Une richesse commune à protéger.

« La forêt garde sa part de mystère pour qui sait sortir des sentiers battus. »

On les rencontre en forêt de Rennes... 

Office national
des forêts

Depuis 1966, l'Office national des forêts (ONF) gère les forêts domaniales françaises. À Rennes, les deux agents forestiers, supervisés par Franck Muratet, responsable territorial, ont en charge la préservation du milieu naturel, en lien avec la production de bois et l’accueil du public. Ils planifient les plantations et les coupes dans le cadre d’une gestion durable de la forêt, encadrée par un contrat avec l’État. Lorsqu’il faut marquer les arbres à abattre, quatre ou cinq autres forestiers du département viennent en renfort. Puis les ouvriers et les bûcherons passent à l’action. « Le bois est vendu à des entreprises privées, explique Franck Muratet. L’ONF encaisse les produits de la vente pour subvenir à ses besoins de fonctionnement. » Historiquement, la forêt de Rennes a toujours pourvu la région en bois, pour la charpente de marine ou la construction d’habitations. « On a également une centaine de particuliers qui signent tous les ans un contrat avec nous pour du bois de chauffage », précise le responsable.

La brigade canine

S'il vous arrive de croiser plusieurs policiers nationaux, en tenue, accompagnés de leurs chiens, il ne s'agit pas d’une opération de police au coeur de la forêt ! Mais d’un moment de relâchement pour les chiens de la brigade canine du commissariat de Rennes. « Nous avons dix chiens, explique le major Loïc P. Six sont spécialisés dans l’intervention, sur les patrouilles de nuit par exemple. Quatre en recherche de produits stupéfiants et de matières explosives. » Soumis à la pression des interventions et des entraînements, les chiens ont besoin de souffler, « exactement comme quelqu’un qui part faire un footing pour se relâcher », assure le major.
Lors de ces passages en forêt, deux à trois fois par semaine, les bergers belges restent reliés à leur maître par une longe de trois à huit mètres.

L’attelage attise toujours la curiosité des promeneurs, mais attention : « On doit toujours expliquer qu’il ne faut pas les caresser. Un chien d’intervention est éduqué pour ne pas accepter qu’un inconnu l’approche ! »

Les chasseurs

« Prudence, action de chasse en cours ». Les mardis et jeudis en période de chasse, vous verrez ce panneau à l'entrée de la forêt. « On conseille de s’habiller de couleurs vives et de ne pas quitter les chemins ces jours-là. Mais on n’a jamais eu d’accident ! » rassure Cyrille Legas, vice-président de l’Association cynégétique de Saint-Roux, qui rassemble quarante chasseurs ayant l’obligation de chasser en forêt de Rennes pour réguler des espèces qui n’ont plus de prédateur naturel.
« Au départ, chasser ici c’est récréatif, le cadre est privilégié et on ne chasse que des animaux sauvages, précise-t-il. Maintenant on doit réaliser les objectifs, la course aux résultats gâche un peu le plaisir ! » Sur la dernière saison, de fin septembre au 28 février, le plan de chasse était de soixante chevreuils et trente-six sangliers. L’autre animal chassé étant la bécasse, limitée à trente prélèvements par chasseur et par saison, sur tout le territoire national. Chaque fin de journée, le groupe se retrouve dans le pavillon, à l’extérieur de la forêt, pour répartir le gibier entre les tireurs.

Le Placis vert

Une fois par semaine un petit groupe quitte la maison du Placis vert à Thorigné-Fouillard pour s'aérer l’esprit et évacuer le trop-plein d’énergie accumulé. Les résidents de la maison d’accueil spécialisée profitent de cette balade hebdomadaire pour se défouler, en toute liberté. « C’est vraiment une chance, on est juste à côté, explique Nadège Lorre, aide soignante et animatrice. Il n’y a pas de danger, pas de voiture, pour eux c’est la liberté et pour nous moins de stress. » Les résidents du Placis vert ont en moyenne cinquante ans et sont tous handicapés cérébraux, parfois moteur. Avec les plus valides, l’équipe d’animateurs n’hésite pas à emprunter les sentiers pour profiter pleinement des ressources de la forêt. « On arrive aussi à venir avec ceux qui sont en fauteuil, par les routes, mais quand on prend les chemins, on part directement de la maison, c’est vraiment agréable ! » Une sortie d’une heure ou deux ponctuée par le goûter, au cœur de la forêt, dans la cabane forestière.

Le saviez-vous ? 

Fiche d'identité

Histoire

Source Wikipédia :
Sous l'Empire romain, la forêt s'étendait jusqu'à la ville de Condate (nom de Rennes à l'époque). Mais elle a été en partie défrichée pendant cette période et au Moyen Âge.

Au carrefour de Verrières, au nord de la forêt, se trouve un enclos d'environ 3 ha datant de l’âge du fer et qui a été réemployé au Moyen Âge. Son centre comporte des fondations d’un manoir. Il s'agit d’une ancienne résidence de chasse des Ducs de Bretagne.

Au XIIe siècle, la forêt appartient au Duché de Bretagne, et devient forêt royale en raison du mariage le 6 décembre 1491 d’Anne de Bretagne avec Charles VIII, roi de France.

Au XIIIe siècle, la forêt occupait une surface comparable à celle d'aujourd'hui. Elle a été habitée et exploitée par un certain nombre d’artisans comme des sabotiers, des boisseliers, des charpentiers, ou encore des tonneliers, jusqu'en 1726 où le roi Louis XV est contraint d'autoriser des coupes dans la forêt pour pouvoir reconstruire le centre-ville de Rennes après le Grand Incendie de 1720. En 1756 un autre grand incendie forestier va ravager 300 ha.

Le XIXe siècle est marqué par la présence de Napoléon III au pouvoir. Pendant cette période, un grand nombre de forêts de France seront reboisées (dont celle de Rennes). Les artisans eux, vont disparaître peu à peu.

Une riche biodiversité

Partez à la découverte de la faune et de la flore de la forêt de Rennes (source Wikipédia)

Envie d'y aller ? 



Textes : Isabelle Jarjaille
Photos : Céline Diais