Pasteur,
la marmite à projets bouillonne

Voyage en immersion dans l'ancienne fac Pasteur, 2 500 m2 ouverts à toutes sortes d'expérimentations

Vieilles tables en céramiques encore équipées d'anciens appareils médicaux, dédales de couloirs à la peinture écaillée : sous ses allures d’usine désaffectée, l’ancienne fac dentaire de Rennes abrite en réalité un bouillonnement artistique inattendu.

Dans cet espace de 8 000m2, l’école maternelle du Faux Pont et un centre-info-école s’installeront en septembre 2019 au rez-de-chaussée du bâtiment. Restent 2 500 m2 que la Ville de Rennes a souhaité ouvrir à toutes sortes d’expérimentations.

Devenue Université foraine en 2012, la fac Pasteur est aujourd’hui un hôtel à projets. Depuis le mois de mai 2015, l’endroit fourmille d’idées, initiées notamment par L’Artillerie, une Amap culturelle, et le Laboratoire Artistique Populaire.

Pour mieux comprendre ce drôle d'endroit que nous vous faisons visiter, les explications de Sophie Ricard au magazine culturel rennais Unidivers

Un lieu insolite,
où l'on se croise, crée et expérimente

Première rencontre : un atelier couture informel, gratuit et ouvert à tous... 

Gwen et Héloïse se sont installées dans une grande salle au premier étage de l'Hôtel à projet Pasteur, au milieu d'une expo photo. Deux machines à coudre, du tissu, quelques patrons et c'est parti pour deux heures de couture. Toutes les deux ont un projet de création - une pochette pour l'une, une housse pour l'autre- qu'elles sont venues confectionner ensemble lors de cet atelier animé par Mélissande, jeune bénévole, passionnée de couture." Tu couds endroit contre endroit ou envers contre envers ? " questionne l'animatrice. Les conseils techniques se veulent pédagogiques : "L'objectif est de donner les bases de la couture aux participants, qui pourront ensuite les expliquer aux nouveaux"

Le petit groupe ainsi constitué, "Air atelier d'interaction rennais" se retrouve régulièrement, depuis plusieurs semaines, à l'hôtel à projets Pasteur. Pour des ateliers couture donc, mais aussi du fitness ou du tennis…" et pourquoi pas des cours d'anglais ? "propose Gwen qui souhaiterait une remise à niveau. Les horaires et les jours sont incertains mais sont relayés sur la page Facebook. Un fonctionnement bien à l'image de ce lieu en expérimentation : simple, bienveillant et ouvert à tous.

Mélisande a eu cette idée lors d'un stage suivi auprès de l'association "Breizh insertion sport", qui œuvre pour l'insertion par le sport…et par d'autres activités. "Notre objectif est de favoriser l'insertion pour des personnes en précarité ou en errance, par tous les moyens" précise Sabrina, l'une des 4 éducatrices sportives de l'association. " Nous accompagnons donc ce groupe qui souhaite proposer des activités à l'Hôtel Pasteur, en autonomie".

L'Hôtel Pasteur se prête parfaitement à ce genre d'activité, à la fois informelle et constructive. " A Pasteur, on accueille des gens qui n'ont pas trouvé de place ailleurs" précise Sophie Ricard, la coordinatrice du lieu. L'ancienne fac dentaire est un lieu en construction, où les étudiants des beaux-arts croisent des personnes en recherche de liens sociaux venues prendre un cours de fitness ou des étudiants de la fac dentaire, en blouse blanche. L'utilisation des salles est loin d'être figée. Chaque groupe peut les investir et les aménager le temps d'une pratique. Comme le font les sportifs de l'association "no limit barz" qui se musclent sur une structure métallique démontable ou les membres de Breizh insertion sport pour une partie de tennis...

Pendant ce temps-là...

Polaroïd is not dead : le Polaroïd s'affiche sur les murs du premier étage, dans une architecture atypique,

Exposition Archeologia II, Ann Guillaume, Pascal Journier Trémelo, Josué Z. Rausher par 40mcube Outside

Le laboratoire artistique et populaire Keur Eskemm 

Collecte kit d'hygiène pour les migrants de Calais et Grande Synthes par l'association Utopia 56

Street workout, entre gym et musculation, sur une structure métallique démontable, tous les mardis et vendredis soir (par l'association "No limit barz")

Ateliers intitiation à l'architecture avec les petits débrouillards et l'école d'architecture de Bretagne à destination des écoles les vendredis après-midi

Les étudiant en art de LISAA

Au croisement
des vies et des cultures

Richard Volante

DES COURS DE FRANÇAIS AUX DEMANDEURS D'ASILE

Abdou et Umran, 20 ans, sont deux Afghans de 20 ans installés dans le centre d'accueil Coallia à Rennes. Ils sont arrivés là un peu par hasard, après des mois de routes, un passage par Calais puis par Lorient… Ils cherchent à s'intégrer bien sûr, mais surtout, dans un premier temps, à se faire comprendre. Pas facile lorsque l'on ne maîtrise pas ou très peu la langue.

Murielle est une jeune femme qui souhaite aider les autres. « J'ai commencé à m'investir cet hiver dans le camp de migrant à Calais, avec l'association Utopia 56» explique-t-elle. Revenue à Rennes, l'infirmière a créé une association, «d'ici et d'ailleurs », pour donner des cours de français, bénévolement et sans engagement, à des migrants. Depuis, avec d'autres bénévoles, elle s'improvise prof de français trois fois par semaine, à Pasteur. Comme elle, ils sont une quinzaine à se mobiliser pendant ce mois de juin, dans une ambiance détendue, où la relation humaine prime sur les méthodes académiques.

Célia et Guillaume sont de la partie pendant une heure ce lundi après-midi. Célia, très souriante s'évertue à épeler toutes les consonnes de l'alphabet à Abdoul. « R et i, ça fait ri…comme du "riz". Tu comprends le riz ? Tu en as fait l'autre jour ». Abdou semble hésiter… C'est là que Guillaume intervient avec son smartphone pour dégoter une image illustrant le fameux mot. Sourire d'Abddoul, qui le répète pour se l'approprier. « Et c'était très bon » complète Célia.

Des niveaux très différents

L'ambiance est bonne et les bénévoles bienveillants. D'autant qu'ils sont, cette fois ci, trois professeurs pour trois apprenants. L'idéal pour ces jeunes Afghans, dont le niveau est très hétérogène. « Nous faisons face à des personnes d'âges et de milieux très différents, explique Murielle. Certains maîtrisent l'anglais, savent écrire leur langue mais pas tous …» Alors comment fait-on quand il faut partir de zéro ? « On est allé chercher des idées sur internet, j'ai emmené mon dico et on utilise des cahiers de vacances pour proposer des exercices…»

Après le cours, Umran et Abdoul profitent un peu du Wifi disponible à Pasteur en attendant que Murielle les ramène au centre d'accueil. Toujours avec le sourire.

F.LN

Répétition des musiciens Ilan Manouach et Jonas Kocher / C. Simonato

Pasteur met tous ses sens en éveil

LE TEMPS D'UNE APRÈS-MIDI, L'HÔTEL PASTEUR A MIS LA CRÉATION À L'HONNEUR. D'UN CÔTÉ, LES VISITEURS POUVAIENT SE DÉTENDRE ET (RE)DÉCOUVRIR LEURS SENS À TRAVERS UN PARCOURS SPÉCIAL. DE L'AUTRE, DES JEUNES DANSEURS FAISAIENT PARTAGER LEUR ART.

Bois, argile, sable, mousse, galets, copeaux de bois… voici dans quoi les curieux ont posés leurs pieds, à l'hôtel Pasteur, le temps d'un après-midi du mois de juin. Dans le cadre d'un parcours sensoriel sur le thème des cinq sens, les visiteurs étaient invités à ressentir différentes matières avec leurs pieds donc, mais aussi leurs mains, leurs nez, leurs bouches…


Le principe est simple. Après avoir déposé leurs chaussures au vestiaire, les participants sont invités à marcher dans des bacs jusqu'à entrer dans une petite salle où ont été déposées de petites boîtes en carton percées d'un trou. A l'aveugle, ils plongent leurs mains dedans. Surprise ! Ils sentent du sable couler entre leurs doigts, écrasent des brins de lavande… Une musique relaxante les accompagne tout le long du parcours. Dans des petites salles adjacentes, d'autres ateliers ont été mis en place : manucure, pédicure, massage, stretching… il y en a pour tous les goûts ! A la sortie, des transats et un goûter attendent les visiteurs pour prolonger cet instant détente.

Le spectacle de danse

Dans une des nombreuses salles de l'hôtel à projets, une voix se fait entendre...« Bonjour à tous. On va vous présenter notre projet de danse qui s'appelle Portraits en mouvement. On vous prévient, il va falloir danser ! » s'exclame le chorégraphe Simon Queven. Dans la salle de danse couverte de lino gris pour l'occasion, douze jeunes personnes sont allongées. Soudain, la musique commence. Elles se lèvent toutes, marchent, et se présentent. Les artistes se déplacent d'une manière qui semble aléatoire, et pourtant on devine une réelle chorégraphie derrière.

« Je m'appelle Bonheur, j'ai 17 ans. Et je vais vous présenter ma danse » récite un jeune homme. Un par un, sur une musique de leur choix, ces danseurs présentent ce qui les fait vibrer. Et ça marche ! Le public est invité à se lever pour danser avec eux. Tout le monde se lâche. La troupe fait partie de l'association Danse à tous les étages et a participé à d'autres ateliers. Aidés par l'artiste ALI, ils ont réalisé et affiché chacun un mandala qui représente leur histoire, leurs goûts. Ils ont également pu faire du light painting. Le mot qui revient lors de cette présentation, c'est celui de « partage ». Ces artistes en herbe ont tenu à nous faire partager leur art et leur vision de la vie. A la fin, presque tout le monde danse, se mêle aux artistes et bouge son corps sur un rythme africain !

Chloé Lorant

Atelier Rennes Craft dans le cadre du PLU 2030. Visite du futur quartier Baud-Chardonnet suivi d'un atelier à L'hôtel à Projets Pasteur. Un travail lancé pendant Connexités en partenariat entre Rennes Métropole et l'association 3Hit combo. Photographe : J. Mignot


La Belle dechette, ou comment faire du neuf avec du vieux

L'ASSOCIATION LA BELLE DÉCHETTE SE LANCE DANS LA CRÉATION D'UNE RESSOURCERIE. APRÈS UN PASSAGE À PASTEUR POUR EXPÉRIMENTER.

Innover…avec du vieux : c'est le projet de la Belle Déchette, une toute nouvelle association rennaise. Objectif ? Monter une ressourcerie à Rennes pour revendre des objets de seconde main, à petits prix. Mais aussi sensibiliser à l'environnement, donner envie de faire soi-même et... faire changer durablement les modes de consommation. Un beau projet, lancé il y a quelque mois par deux trentenaires rennaises, Julie Orhand et Priscilla Zamord. 

A la fin de ses études, un master culturel en poche, Priscilla Zamord s'intéresse à l'insertion sociale, notamment en faveur des femmes issues de l'immigration. Un passage en Martinique lui fait "toucher de près la culture de la débrouillardise". De retour à Rennes, la jeune femme crée une friperie solidaire dont les bénéfices finançaient des actions de lutte contre les discriminations. Julie Orhant a travaillé dans le domaine de l'environnement avant de se spécialiser dans la gestion des déchets. Après un an passé à Madagascar, elle travaille pendant 3 ans au service des déchets à Rennes Métropole. "C'est là que j'ai mûri le projet de ressourcerie et écris un dossier pour pourvoir le présenter". Mises en relation par l'intermédiaire de Rennes Métropole, les deux jeunes femmes confrontent leur projet. Et cela a tout de suite marché : " Nous avions les mêmes valeurs", constate Julie Orhant.

Pour l'instant, l'association en est aux prémices de la création d'entreprise, avec une étude-action de 6 mois, financée par l'Ademe, Bretagne active, la Ville de Rennes et Rennes Métropole. 6 mois pour se former auprès des réseaux des ressourceries, affiner la communication, et créer des partenariats. Et puis la priorité : trouver un local assez grand, à l'intérieur de la rocade pour se lancer réellement…

En attendant, La Belle Déchette a posé ses objets de récup' à l'Hôtel à projets Pasteur. Pour 3 mois. " C'est un lieu précieux, au cœur de la ville, où l'on peut expérimenter, et où on peut se tromper" : Priscilla Zamord y a installé son bureau, avec des portes posées sur des traiteaux. Et une pièce leur sert de lieu de stockage. "On teste aussi des ateliers ou des causeries". Des causeries, c'est-à-dire des rencontres, conviviales et ouvertes à tous, pour échanger sur des pratiques et des projets.

Piscilla Zamord insiste sur la dimension sociale du projet, notamment avec la réflexion menée sur le dispositif spécifique pour les personnes en difficulté. 

FLN

Au gré des visites, des inspirations, des expériences...

Richard Volante
Traversées et escales. F. Hamon


Festival Teenage kicks / D Gouray
F.Hamon
R. Volante