Le Mabilay,
un phare futuriste dans la ville  

Du Minitel à la French Tech, retour sur l'histoire
d'un emblème de l'innovation numérique rennaise.  

Reconnu pour avoir été l'un des plus grands centre de Recherche et développement de l'audiovisuel et des télécommunications dans les années 1970, le Mabilay échappe à la destruction 30 ans plus tard. D'importants travaux ont valu à ce bâtiment, au design de science-fiction, de retrouver son statut d'emblème incontournable de l'innovation.

Un ancien abattoir 

Quartier de la Mabilais, pont Schuman, au début XXe siècle - Archives de Rennes, Don Glorot, 44 Z 1282

Nous sommes au début du XXe siècle. Derrière le pont Schuman, dans la rue de la Mabilais, se trouve l'abattoir de Rennes. Construit en 1855, le lieu approvisionne les Rennais en nourriture dans des conditions d'hygiène insuffisantes. La ville s'agrandit, ainsi que les communes alentours, et avec elles, les besoins en alimentation du bassin rennais. Les locaux vétustes de la rue de la Mabilais sont délaissés, pour un abattoir flambant neuf à Vezin-le-Coquet, en 1968. 

Du Minitel à Internet

Chantier du CCETT en 1972 à Rennes - Archive Orange - 011.280 

 Le nouvel immeuble rue de la Mabilais voit le jour en 1973. L'Office de Radiodiffusion de Télévision Française (l'ORTF) et le Centre National d'Étude des Télécommunications (CNET), décident de créer un bâtiment pour le développement des signaux audiovisuels, dédié aux télécommunications. 

C'est l'architecte Louis Arretche qui va imaginer la construction. Il ne s'agit pas de son premier chantier à Rennes, puisque l'architecte a longtemps œuvré en tant qu'urbaniste-conseil de la ville. Parmi ses principales réalisations, on compte les campus de Villejean et de Beaulieu, l'aménagement du quartier Colombier ou encore la création de la salle du Liberté. Pour ce projet, Louis Arretche va concevoir un imposant bâtiment de 16 500m², en forme de tripode, au design futuriste, presque de science-fiction.

Des fenêtres arrondies, des courbes, un design des années 70 et une soucoupe qui vient coiffer une antenne de plus de 80 mètres de hauteur - Archives de Rennes 100Fi696 

La nouvelle construction devient ainsi le Centre Commun d'Études de Télévision et Télécommunication (CCETT) et voit naître de nombreuses innovations technologiques. En février 1983, Louis Mexandeau, alors ministre des PTT (Poste Télégraphes et Téléphones), lance officiellement à Rennes un service révolutionnaire. Une première mondiale, qui permet à la France de se doter du plus grand système informatique conversationnel du monde, à écran vidéo et clavier alphanumérique pour chaque foyer, le Minitel.
Pourquoi Rennes ? La ville constitue depuis plusieurs années l'épicentre français des télécommunications. Ainsi, les abonnés du téléphone d'Ille-et-Vilaine peuvent, dès 1983, choisir entre le Minitel et l'annuaire classique papier, sans incidence financière, puisque le Minitel est installé gratuitement. Le Minitel représente l'une des inventions phares de l'histoire du CCETT, mais le lieu verra naître bien d'autres découvertes, comme la carte à puce, ou encore les prémices de la TNT. 

Dans ce journal de France 3, en 1978, on s'interrogeait sur l'avenir des nouvelles technologies et des innovations Rennaises les plus inattendues. Un reportage "retour vers le futur", au cœur d'une organisation à l'avant-garde de la technologie. 

L'histoire des télécommunications en France et le développement économique de la Bretagne sont étroitement liés. L'arrivée du CCETT va mobiliser des centaines de chercheurs de haut niveau et favoriser l'implantation d'entreprises informatiques et d'écoles de télécommunication à Rennes. 

Au cours des années 80, le CCETT déménage à Cesson-Sévigné, au cœur de la technopole de Rennes Atalante, alors naissante. Rue de la Mabilais, le bâtiment à trois branches devient l'antenne Recherche et Développement pour le Grand Ouest de l'opérateur France Télécom. La présence de l'opérateur public à Rennes va avoir un effet boule de neige et impulser l'implantation de grandes entreprises dans la région comme Alcatel et Thomson, à Brest ou encore SAGEM-SAT à Lannion, Fougères et Dinan. Outre ces grands groupes de télécoms, de nombreuses PME vont profiter de cette effervescence pour s'installer à Rennes. La Bretagne se développe et confirme sa position avant-gardiste en matière d'innovation.

France Télécom décide de quitter la rue de la Mabilais en 2007. L'ancien CCETT sera tout de même reconnu comme ayant été parmi les plus grands centres de R&D de l'audiovisuel et des télécommunications au niveau mondial.

Sauvé de la destruction

Le Mabilay après sa réhabilitation en 2016 -Crédit : J.Mignot, Rennes Ville et Métropole  

Voué à la destruction, le bâtiment est sauvé par l'intervention du promoteur Jean-Paul Legendre, qui ne peut se résoudre à voir disparaître cet emblème.
Il s’en expliquait alors au micro de France 3 :

Un projet de réhabilitation du bâtiment est alors lancé. Ce rajeunissement architectural va durer 3 ans. Trois années de travaux pour remettre au goût du jour ce bâtiment mythique rennais, jugé "très Télécom" et "peu moderne" par les habitants. Malgré une restructuration intégrale du bâtiment, les codes de l'architecture initiale qui ont fait l'originalité du lieu, vont être conservés : la forme en tripode et les fenêtres arrondies qui donnent cet aspect futuriste à l'immeuble. Des jardins vont venir s'ajouter au décor et habiller l'extérieur. 

Cette réhabilitation va donner un nouveau souffle à cet ancien totem des télécoms et en faire un espace de travail attractif pour les entreprises. Des bureaux neufs, des places de stationnements, de très grandes surfaces adaptables et des commerces. Un nom de baptême lui est donné : ce sera le Mabilay. 

S'ajoute à cela, la modernisation générale du quartier de la ville, avec les rives du jardin de la Confluence et la promenade du mail Mitterrand, qui offre un cadre de travail agréable.

Des télécommunications
au numérique

La French Tech dans les locaux du Mabilay en 2016 - Crédit : D.Gouray, Rennes Ville et Métropole.

Depuis 2014, le bâtiment accueille des entreprises mais il est surtout devenu le centre de ralliement des startups brétiliennes grâce à l'installation de la French Tech. Créée en 2013, l'initiative French Tech, aide au développement de startups sur le territoire français mais aussi à l'international. Grâce à un programme d'accompagnement, la French Tech permet à des jeunes entreprises de développer rapidement leur potentiel. L'objectif : favoriser le rayonnement et la croissance du pays à travers l’économie numérique. Afin de développer cette initiative sur tout le territoire français, 9 métropoles ont été labellisées French Tech en 2014 et 4 nouvelles en 2015. Des écosystèmes qui se caractérisent par un dynamisme entrepreneurial local significatif, porté par des acteurs publics et privés.

La French Tech s'appuie sur tous les maillons de la chaîne économique locale (entrepreneurs, développeurs, designers, investisseurs, ingénieurs, médias…) pour aider des jeunes pousses du numérique à devenir des leaders dans leur domaine. Ces métropoles labellisées sont prioritaires pour recevoir des soutiens financiers pour leur développement économique. Loin d'être réduit à un simple label, la French Tech a pour objectif de structurer l’écosystème français sous la forme d’un réseau national afin de valoriser l’innovation française à l’international.

La French Tech prend ses quartiers au Mabilay

Rennes Métropole et Saint-Malo Agglomération obtiennent le label French Tech en 2014. Et pour cause, le numérique est l'un des secteurs d'activité les plus florissants en Ille-et-Vilaine (le bilan réalisé par l'Audiar et présenté le 4 avril à l'occasion du printemps du numérique, montre la forte dynamique de l'emploi dans l'écosystème numérique du département en 2016, avec + 951 emplois salariés supplémentaires, soit plus que 2014 et 2015 cumulées. Lire notre article) . Booster, incubateurs, pépinières d’entreprises, les dispositifs foisonnent dans le département. Les moyens mis en œuvre peuvent différer mais la finalité reste la même : aider les startups à se développer.

C'est donc le Mabilay qui a été choisi pour héberger la French Tech Rennes-Saint-Malo. Trois étages et 2.100 m², pour accueillir des espaces de coworking et d'événementiel, une dizaine de startups en développement et aussi le programme Booster de la French Tech Rennes-Saint-Malo. Le Booster est un programme d'accompagnement pour les startups, d’une durée de 20 semaines. Des entreprises viennent ainsi se former et développer leur concept avec ce programme. Le Booster les aide à démarrer leur activité. Durant ces 20 semaines, des ateliers de coaching et des rencontres avec des entrepreneurs expérimentés, l’occasion pour ces startups de bâtir leur projet.

Une reconversion idéale pour le Mabilay, ce bâtiment témoin de l’histoire des télécommunications en Bretagne, devenu l’emblème de la filière numérique, dans la continuité de l'esprit d'innovation qu'a toujours incarné ce lieu.


Un phare urbain

Vue de la tour du Mabilay - Crédit : J.Mignot, Rennes Ville et Métropole

La capitale bretonne a les pieds dans l'eau douce de la Villaine et les embruns d'air marins venus de Saint-Malo. Malgré tout, Rennes possède désormais son phare urbain, grâce à l'œuvre de Bruno Peinado. Artiste, plasticien, ce breton d'adoption a donné une seconde vie aux deux symboles de télécommunication, qui ont fait l'histoire du Mabilay, l'antenne et sa soucoupe. A la nuit tombée, les deux éléments s'activent pour communiquer et envoyer des messages aux Rennais. À l'image du phare marin qui guide les bateaux, le Mabilay envoie des messages codés en morse.

TATITATI TATATA TATITI TI

Dans la nuit, les projecteurs du Mabilay s'allument et éclairent la partie haute de l'antenne. Une chorégraphie lumineuse basée sur le rythme de la respiration humaine. De la lumière blanche clignote, ce sont des messages codés secrets mais bienveillants dont seul l'artiste connait la signification. Une installation culturelle pérenne qui s'inscrit dans la continuité de l'histoire de ce lieu lié aux télécommunications, à l'univers informatique et scientifique. Elle vient s'ancrer dans l'imaginaire futuriste de sciences fiction propre au Mabilay et parfaire la réhabilitation de cet édifice cher à sa ville.

Star des réseaux sociaux

Le Mabilay, l'un des bâtiments les plus photogénique de Rennes - Crédit : J.Mignot, Rennes Ville et Métropole  

De par son architecture, le Mabilay, monument emblématique Rennais, est l'un des bâtiments les plus photographiés de la ville. Star des réseaux sociaux, sous le hashtag #mabilay sur Instagram, on compte plus de 395 photos.



En février 2017, le groupe de musique Leska prenait place dans l'ancienne tour des télécoms pour y tourner un clip, à l'intérieur de la soucoupe. A l'endroit même où la nuit tombée, le bâtiment s'éveille et transmet des messages lumineux à ses habitants. A l'image de l'oeuvre de Bruno Peinado, le goupe Leska utilise des jeux de lumières pour accompagner ses mélodies électro pop. 

Un clin d’œil à ce bâtiment, épicentre historique de l'innovation Rennaise, qui a trouvé dans sa reconversion, un nouveau souffle numérique.

Lucie Duigou

Balade au bord des péniches et vue sur le Mabilay - Crédit : J.Mignot, Rennes Ville et Métropole