Cinq années de dur labeur. Avec, comme objectif, un seul et même but : franchir l'étape décisive des demi-finales et accéder au rêve de la Pro D2. Enfin. Dimanche 31 mai 2015, après un début de deuxième mi-temps fracassant sur la pelouse du Pré-Fleuri - un essai de Maya à la 43' puis un second d'Autagavaia à la 48' - ils y croyaient. Ils y ont cru jusqu'à la fin. Et pourtant. Lors des cinq dernières minutes, l'Uson a joué à 13 contre 15. Trois pénalités successives, un carton jaune et un carton blanc contre les Neversois, puis un essai arraché par les Lillois à quelques secondes de la fin, auront eu raison des Usonistes.

N'empêche, cette saison aura été leur meilleure en cinq ans. Cinq années de Fédérale 1 où tout avait été mis en oeuvre pour que, cette fois-ci, le pas soit enfin franchi.

Des plus anciens aux plus fougueux, ces compétiteurs - des joueurs au staff, en passant par l'omniprésent président - ont, cette saison, travaillé encore plus fort, main dans la main.

Avec plus ou moins de difficultés, chacun a tenté d'apporter à l'édifice sa propre pierre, et ainsi participer à LA révolution du club. Car il aurait pu s'agir là d'une première dans l'histoire du rugby nivernais....

LE GRAND RÊVE

Photo : Fabien Belloli

Entrepreneur successful, tacticien aventurier, président omnipotent : si le club en est là aujourd'hui, ce serait, selon nombre de ses laudateurs, grâce à lui. Lui. Régis Dumange. "Monsieur le président" comme ils aiment à l'appeler. Porteur DU projet, celui qui a réussi le coup d'éclat de séduire une palette de joueurs expérimentés. Et de faire s'envoler le club en Fédérale 1. Même si, pour la Pro D2, il faudra repasser. "Il va falloir travailler. Pour l'instant on est des amateurs. Nous, on repart pour une année, et bonne chance à Lille pour la Pro D2 !" lâche-t-il, amer, à la sortie des vestiaires, ce 31 mai 2015.


Si tout le monde y a cru si fort, les supporters autant que les joueurs, c'est surtout grâce à la ténacité de Régis Dumange. Un "bâtisseur" comme il aime à le rappeler. Depuis six ans, dont cinq en Fédérale 1, le président s'est escrimé à construire "quelque chose pour monter". Grâce au staff et aux joueurs aussi. Parce que, "c'est cet esprit de groupe qui fait que les joueurs gèrent parfaitement les matches". Même si ce n'est pas encore pour cette année, cela n'empêche pas la Ville de Nevers et le club de rayonner au-delà des frontières du département. Jusqu'à piquer la curiosité, de temps en temps, de personnalités rugbystiques tel que Bernard Laporte, entraîneur du RC Toulon. Ce dernier reconnaît d'ailleurs volontiers le potentiel du club.

Le club neversois fait figure d'ovni parmi les pontes du sud-ouest, et s'est même parfois fait traiter de "mercenaire" [ndlr : lors du match retour à Tyrosse, l'an dernier]. Pourtant, la structure dont dispose l'Uson a de quoi faire pâlir les plus pro' de ses adversaires. Salle de muscu' dernier cri, centre de vie pour s'aérer l'esprit - le derrière calé dans un canapé ou cramponné au billard -, centre de formation pour les futurs champions... "Ils ont des conditions idéales pour travailler", martèle le président.

Une raison pour laquelle ce dernier avouait, il y a quelques semaines, "c'est justement pour ça que je ne leur pardonnerai pas de jouer à moitié". Conscients de profiter des privilèges de l'un des plus gros clubs de Fédérale 1, les joueurs de l'Uson n'ont certainement pas joué à moitié, ce 31 mai 2015. Pour le capitaine Bertrand Aurignac, la défaite serait plutôt le fruit de leur visite lilloise au match aller : "C'est pas aujourd'hui qu'on perd la qualification. C'est la semaine dernière à Lille". Ils ont failli, certes. Mais resteront en mémoire de très belles actions et un match retour au cours duquel les Lillois ont finalement très peu touché la balle. "On l'a volée, on était mort à 60 minutes de jeu !", avoue franchement l'entraîneur du LMR, Morgan Turinui.


Les joueurs de l'Uson mesurent assez aisément leur chance. "Avec tout ce qui est fait pour nous, le seul remerciement qu'on leur doit, c'est la montée, et on en est conscient", concède Hugues Bastide, le bras droit de Bertrand Aurignac. Ce dernier confie d'ailleurs "jouer dans des conditions exceptionnelles", et pouvoir ainsi "ne penser qu'au rugby", détaché des problèmes financiers rencontrés par d'autres clubs.

LA BOTTE DES PRO'

Vidéo : Emilie Petit

Une structure qui laisse rêveur, un recrutement pensé pour une envolée chez les pro : depuis l'accession en Fédérale 1, en 2009, tout a été conçu pour franchir l'étape suivante. Cinq ans qu'ils patientent. Alors, pour Jean Anturville, entraîneur désabusé lors du match retour contre Lille, difficile de voir cette fin de saison "cruelle" autrement que comme une défaite. Cuisante. "Il nous a manqué 10 minutes de cuisson" concède-t-il.

« A ce niveau là, c'est tout simplement pas possible ! » Jean Anturville

Malgré la déception d'un match en demi-teinte, cette année est de loin la meilleure que le club ait joué depuis son accession en Fédérale 1. Pour preuve, une première qualification en demi-finales.

L'arrivée d'un Béarnais, en 2013, comme "consultant-défense", puis à la tête des troupes de l'Uson quelques mois plus tard, n'est pas étrangère aux progrès colossaux de l'équipe première.

Tours, Bourg-en-Bresse, Béziers... Jean Anturville, le meneur d'hommes, est un habitué des hautes sphères rugbystiques. Familier des exigences de jeu en Pro D2, c'est avec un regard aiguisé qu'il a entrepris de faire ce qu'aucun autre n'avait réussi jusque-là : passer les quarts de finale de Fédérale 1.

« Il est évident qu'un garçon comme lui a fait progresser tout le monde dans le club »
Guillaume Jan

Si aujourd'hui mieux que l'année dernière, "ça fonctionne", les principaux concernés s'accordent d'une seule et même voix. Une entente parfaite entre les joueurs et le staff, et l'arrivée de joueurs expérimentés dans la team neversoise serait l'assemblage parfait de ce cocktail gagnant. Ou presque.

CAPITAINE, MON CAPITAINE !

Vidéo : Emilie Petit

Après cinq années passées en Pro D2, c'est à l'appel de Jean Anturville - et aussi pour le goût du challenge - que Bertrand Aurignac est venu grossir les rangs des Usonistes, dès l'ouverture de la saison 2014.

« On est dans des conditions exceptionnelles où on ne pense qu'à jouer au rugby »
Bertrand Aurignac

Celui qui s'est imposé d'emblée au poste de capitaine se dit aujourd'hui "fier" de son équipe.

Son bras droit, le 3e ligne Hugues Bastide, le tacle volontiers sur son âge : "il est un peu vieux papy". 36 ans. Et une carrière de près de 20 ans, dont neuf ans en Pro D2 au Stade Rochelais puis au RC Narbonne.

"Relais du staff sur le terrain", Bertrand Aurignac évolue avec ses 40 joueurs, sur la pelouse du Pré-Fleuri. S'apprivoisent autour du ballon ovale Samoas, Fidjiens, Argentins, Anglais, Sud-Africains. Français, bien sûr. Neversois aussi. Un mélange des genres qui offre une combinaison infinie de jeu.

Arrivé à l'Uson, chaque joueur avait donc dans ses bagages sa petite ou grande expérience... et pour certains, leur famille aussi !

« Ça fait du bien de souffler les week-end où on n'a pas match ! » 
Stéphane Bonvalot

Pas toujours facile de concilier sa passion et le quotidien. Clément Praud le 2e ligne, a, lui, choisi sa famille plutôt que le rugby : "il n'y a pas que le rugby ! Et c'est vrai que, pour nos femmes, ce n'est pas évident tous les jours. Elles nous suivent partout où on va. Ma femme, ça fait cinq ans qu'elle est avec moi à Nevers et je comprends qu'elle ait des envies de changement. Moi aussi j'aimerais revenir dans ma région [ndlr : La Rochelle] et profiter un peu de la famille".

Il n'est pas le seul à afficher ce besoin de sortir la tête, quelques fois, de ce rugby matin, midi et soir. Presque jusqu'à l'overdose. Même si vivre de sa passion, ils l'avouent, "c'est une chance inouïe"...

Confidences de joueurs et d'entraîneurs sur leur quotidien... Saurez-vous les reconnaître ?

*Découvrez qui est qui, à la fin de ce long format !

ET APRES ?

Et après... la défaite ? "Il y a des joueurs qui doivent apprendre encore, qui doivent progresser [...] Il faut se poser les bonnes questions et repartir au boulot !" Jean Anturville est intransigeant. Après une défaite comme celle-ci, il est inenvisageable de poursuivre la saison prochaine sur ce chemin caillouteux. Ou du moins de laisser les choses en l'état. Si l'entraîneur de Lille pense avoir légèrement bénéficié du facteur chance, du côté neversois, plusieurs erreurs techniques sont pointées du doigt par les joueurs et le staff.

Mais pas toujours facile de gérer son stress quand une seule erreur peut amener à l'élimination. Et coûter l'accession. La clef ? "Se nourrir du soutien du public", assure Marie Launay, capitaine de l'équipe féminine de l'Uson.

Et après... le rugby ? Loin d'être éternelle, une carrière de rugbyman, comme dans tout autre sport, se termine en général aussi vite qu'elle a commencé. Loin de la retraite à 60 ans, les joueurs de rugby rendent leur maillot bien avant la quarantaine. Après 10, 15 ou 20 ans passés sur un terrain, pas facile d'envisager son quotidien autrement. Certains Usonistes ont pourtant déjà une petite idée de leur "après" rugby.

*Réponses du Qui est qui ? 1.Clément Praud 2.Rémi Stolz 3.Hugues Bastide 4.Manaia Salavea 5.Guillaume Jan 6.Matias Viazzo 7.Bertrand Aurignac

Un long format réalisé pour Le Journal du Centre
Textes : Emilie Petit
Images : Emilie Petit et Alice Chevrier
Montages : Emilie Petit
Photos : Fabien Belloli, Frédéric Lonjon, Christophe Masson