Massacre 
de Dun-les-Places  

Pour ne jamais oublier

Vingt-sept fusillés, un viol, des maisons pillées et incendiées. Le massacre de Dun-les-Places s'inscrit dans la longue liste des crimes perpétrés durant l'été 1944. 

Du 26 au 28 juin 1944, les villageois ont connu l'horreur. Des hommes arrachés à leur famille, puis interrogés, tombent sous les balles de la barbarie nazie laissant veuves et enfants condamnés chez eux, aux mains de l'ennemi, pillant et brûlant le village avant de regagner en hâte l'Allemagne, menacée par le débarquement en Normandie.  

Ouvert depuis le 7 mai 2016, le mémorial de Dun-les-Places a pour but de transmettre le souvenir d'événements et d'hommes, victimes de la barbarie nazie. Il a été officiellement inauguré, le 26 juin 2016 par le Président de la République, François Hollande. 

Pour l'occasion, nous vous proposons de (re)découvrir l'histoire de ce drame de l'été 1944...

L'histoire d'un massacre pendant la Libération 

Le film documentaire Mémoires d'un massacre a été réalisé par deux étudiants en Master d'histoire à l'école doctorale de Sciences Po Paris. 

L'ouvrage intitulé La mémoire de Dun-les-Places de Marcel Vigreux livre un récit précis des faits. Heure par heure, l'auteur revient sur cet événement historique. 


Lundi 26 juin 1944, 14 h environ. « Renvoyez les enfants dans leurs familles ! » Tel est le message qu'adressent deux résistants du maquis Camille, au directeur de l’école des garçons, le lundi 26 juin 1944. La Résistance s’attend à la venue imminente de troupes allemandes à Dun. 

René Marin avait sept ans au moment des faits. En 2014, il est revenu sur ces scènes effroyables, pour le Journal du Centre.

Le 26 juin 1944, il rentre de l'école en début d’après-midi. Le directeur a renvoyé les enfants chez eux. Le maquis l’a prévenu d’une arrivée de troupes ennemies.

14 h 30. Des véhicules arrivent. Et déversent des troupes, des Allemands et des Russes, dans le village. Ils sont 400, venant de Chalon-sur-Saône. En vainqueurs, certains s’installent aux terrasses des cafés. D’autres vont directement dans les caves. Et pillent. Au maire, les envahisseurs disent rechercher des « terroristes ». Le village est perquisitionné. Sans résultat. L’occupant interpelle quatre chauffeurs d’une société. Et un maçon travaillant près d’un carrefour. Ils sont emmenés en direction de Brassy. 

« J’ai vu mon père pris par les soldats, place de l’église, les mains derrière la tête. Ils ont aussi arrêté un autre homme, Marcel Blandin, boucher hôtelier... » se rappelle René Martin. Dans le village, les gens se cachent. « Nous sommes descendus dans la cave des Emery, avec ma mère, Maria Emery l’épouse du maire, puis Mme Brichet, sa fille et son fils... » 

17 h 15, environ. Le village se vide de ses envahisseurs. 

17 h 30, environ. Sur la route de Vermot (hameau de Dun), le convoi allemand est attaqué au fusil mitrailleur par un groupe du maquis Camille. Les Allemands quittent leurs véhicules et filent vers le bois de la Fulotte. D'autres se dirigent vers le hameau. La bataille de Vermot commence. 

19 h 20 - 19 h 30. Une colonne allemande arrive à Dun-les-Places par la route de Montsauche. Parmi les officiers figure le lieutenant Krüger, chef du service de sécurité de Chalon-sur-Saône. Les soldats quadrillent le village pour arrêter les hommes, « un contrôle de papiers de quelques heures » selon les Allemands. Une autre colonne, plus importante, envahit le bourg. Qui se retrouve « bouclé ». Les maisons sont occupées et des canons de 77 mis en batterie. Des tireurs sont installés aux fenêtres proches de l’église.

Hans Krüger était présent à Dun-les-Places , le 26 juin 1944. Il est resté jusqu'aux destructions du 28 juin. Reconnu comme l’instigateur des incendies dans le village et au Vieux-Dun, il a aussi été accusé du meurtre de six otages à Vermot. Il a fêté ses 35 ans cinq jours après le massacre.

20 h. Arrivée d'une troisième vague de troupes. 

22 h. Des obus touchent le clocher. Les tirs de mitraillettes sont incessants. Pendant ce temps, dans un hôtel, les prisonniers sont interrogés. Les Allemands veulent des renseignements sur les maquis proches. Aucun Dunois ne parlera. Parmi eux, l'abbé Rolland, brutalement sorti de son presbytère, et le maire Anatole Emery. Puis les hommes arrêtés sont rassemblés sous le porche de l’église. Un seul réussit à s’évader.

22 h 20 - 22 h 40. Le lieutenant Krüger ordonne le massacre. Les prisonniers sont abattus à la mitrailleuse, à la grenade, juste à l'entrée de l’église. Les corps déchiquetés restent entassés, pêle-mêle... L’abbé Rolland, monté de force dans le clocher y est frappé puis abattu. 

Mardi 27 juin. C’est le règne de la terreur dans le village. Les familles ont passé la nuit dans des caves. Impossible de regagner les maisons. Les Allemands sont toujours là. Et se livrent au pillage. Une bataille fait rage à Vermot. Deux maquisards sont tués. Cinq sont blessés. Six hommes sont torturés et exécutés (dont les quatre chauffeurs). Une jeune fille de 15 ans est violée par un soldat. Des bâtiments sont incendiés. 

Mercredi 28 juin, 7 h 30. Les Allemands incendient des maisons, en particulier aux alentours de l’église. Et chargent dans les camions le fruit de leurs pillages. 

12 h 30. Les Allemands quittent Dun où l’incendie fait rage. Pendant trois jours, ce sont près de 3.000 soldats allemands qui ont investi le village. « Les familles découvrent l’horreur près de l’église et sous le porche ». Lourd bilan. 27 fusillés, des maquisards tués, des maisons pillées et brûlées. Et des familles marquées à jamais.

En Bourgogne, Dun-les-Places fut le village le plus touché durant la Seconde Guerre mondiale.

Pour lutter contre l'oubli

Cimetière de Dun-les-Places. Photo Christophe Masson

Imaginé depuis 2009 par l'association Mémoire de Dun-les-Places, le Mémorial s'inscrit désormais dans les Chemins de Mémoire. Son objectif ? Lutter contre l'oubli. Son ambition ? Amener à une réflexion sur l’humanité et la barbarie.

Début des années 2000. L'association Mémoire de Dun-­les-­Places et la communauté de communes des Portes du Morvan réfléchissaient à la réalisation d’un lieu de mémoire à Dun, « qui ne sera pas un musée » avait précisé Claude Pichot, président de l’association.

Mars 2012. Un lieu pour que la mémoire vive. Pour que l'on n'oublie jamais. Et pour que les jeunes générations sachent tirer les leçons du martyr de Dun-­les-Places. Voici comment le projet du Mémorial de Dun-les-Places avait été présenté aux habitants du village lors d'une réunion publique, en 2012. Initié par l'association Mémoire de Dun et relayé par les élus et les collectivités locales, celui-ci envisageait la construction d'un « lieu de mémoire », un espace de réflexion collective. 

Pas de nom définitif, ni même de plan de financement établi. Le montant des travaux avait été estimé à 360.000 €.

7 mai 2016. Après des années de concertation puis de travaux, le Mémorial de Dun-les-Places ouvre enfin ses portes. La bâtisse intercommunale, par le passé syndicat d'initiative, est métamorphosée. Le montant total de l'opération porté par la communauté de communes des Portes du Morvan s'élève à 439.102 euros hors taxes.

« 26, 27, 28 juin 1944. Se souvenir et comprendre ». Les mots fraîchement gravés à l'entrée du futur Mémorial de Dun-les-Places résument à eux seuls la philosophie du site étape des Chemins de Mémoire. « Nous ne sommes plus là dans la passion ni dans la douleur, mais dans la compréhension et dans l'explication des mécanismes de la barbarie », résume Claude Pichot, vice-président de l'association Morvan Terres de Résistances-Arorm. Immersion.

Le mémorial s'articule autour de deux parcours, intérieur et extérieur. De nombreuses photographies illustrent la vie des habitants de Dun-les-Places, la vie d'un village rural, en mai 1944. 

Soudain, une rupture, comme une blessure profonde. Les images s'arrêtent. La vie paisible du village est stoppée net. Une longue frise noire parcourt les murs sur laquelle sont tracés des croquis qui illustrent les événements des 26, 27 et 28 juin 1944. 

Des écrans donnent la parole aux témoins directs du drame. Les habitants du village racontent des dizaines d'années après. L'installation audiovisuelle repose notamment sur le film documentaire Dun-les-Places, mémoire d'un village blessé réalisé par l’association « Mémoire de Dun-les-Places » en 2001.

Un espace de projection « Galerie numérique » présente une création audiovisuelle à partir de témoignages.

26 juin 2016. Le mémorial est officiellement inauguré par le président de la République François Hollande. Comme une reconnaissance de l'intérêt porté par la Nation.

Ce n'est pas la première fois qu'un homme politique rend hommage aux victimes de Dun-les-Places. Dès 1948, François Mitterrand avait assisté aux cérémonies commémoratives. Un hommage qu'il avait d'ailleurs tenu à perpétuer, et ce, même après son élection à la présidence de la République en 1981.

Une tradition perpétuée par sa femme Danielle, puis leur fils Gilbert, présent, comme de coutume, le 26 juin 2016.

A l'issue de cette matinée de commémoration et d'inauguration, Claude Pichot, président de l'association La Mémoire de Dun-les-Places, livre ses sentiments : "C'est l'aboutissement de 12 ans de travail".

Sur le chemin de la Mémoire

 Les Chemins de Mémoire à Montsauche-les-Settons. Photo Christophe Masson

Mais, Dun-les-Places n'est bien sûr pas le seul village martyr de la Seconde Guerre mondiale. Les terres de Montsauche, Planchez ou encore Manlay ont également connu massacres et actes de barbarie lors de l'été 1944. 

Ainsi, le Morvan, au cœur de la Bourgogne, est reconnu comme un territoire qui porte en lui une mémoire et une histoire très riches tant sur les faits de guerre que sur la Résistance. Pour rappeler que leur souvenir ne doit pas tomber dans l'oubli, 21 lieux ont été aménagés. 

Véritables sites emblématiques, ceux que l'on nomme les « Chemins de Mémoire » sillonnent forêts et villages des Communautés de communes des Portes du Morvan et des Grands Lacs du Morvan. Parmi eux, le Mémorial de Dun-les-Places, la Chapelle Saint-Pierre à Saint-Agnan, Le Monument aux morts et la stèle de la Verrerie à Montsauche-les-Settons. 

Pour découvrir les 21 sites en Morvan, naviguez sur notre carte interactive :

Aujourd'hui, plus de 70 ans après les faits, à Dun-les-Places comme dans de nombreux lieux de mémoire, les visiteurs se pressent pour découvrir l'histoire de ces sites devenus emblématiques. C'est ce que l'on appelle « le tourisme de Mémoire ». 

Comme l'explique Laure Bougon, chef de la section tourisme de Mémoire à la direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives du ministère de la Défense, il constitue ainsi une part entière de l'activité touristique. Il allie trois dimensions essentielles : une dimension culturelle (lieux historiques), une dimension civique (transmission de valeurs, lien Armée-Nation) et une dimension de recueillement (pèlerinages sur les tombes, les lieux de combat de ses ancêtres, recherches de noms sur les monuments…).

Il ne s'agit pas d'un phénomène récent. Bien au contraire. « Dès la fin de la Première Guerre mondiale, les anciens combattants et les familles endeuillées ont sillonné les champs de bataille. Leur démarche s'apparentait à un pèlerinage. Des guides ont été édités et les lieux marqués par les combats se sont dotés, au fur et à mesure, d'infrastructures d'accueil. »

Dans le but de conserver cette mémoire collective, les ministères chargés de la défense et du tourisme ont conclu une convention de partenariat en 2004 pour le structurer et garantir aux visiteurs un accueil de qualité, dans le respect de l'esprit des lieux.

Laure Bougon se rappelle l'importance de préserver ces sites bien ancrés dans la mémoire collective : « Ces lieux de mémoire contribuent à transmettre les valeurs républicaines et à favoriser la cohésion nationale. Ils sont un vecteur de transmission de la mémoire du sacrifice des combattants et des victimes. Ils sont par ailleurs des vestiges et des canaux de transmission d'une partie de l’histoire de France et des histoires qui la composent. »

Pour les régions durement touchées par les combats, le tourisme de Mémoire constitue un facteur de développement économique non négligeable. Ainsi, chaque année, en France, les haut lieux de la Mémoire des conflits contemporains attirent près de 300.000 visiteurs.

Textes : Fanny Delaire, Jean-Mathias Joly, Amélie James

Images : Christophe Masson, Fanny Delaire, Fred Lonjon et Alice Chevrier

Extraits de l'ouvrage Mémoire de Dun-les-Places de Michel Vigreux

Extrait du film Mémoires d'un massacre - Dun-les-Places réalisé par deux étudiants et publié par le Musée de la Résistance en Morvan

Conception et mise en forme : Amélie James