Le safran : l'or rouge 
du Perche

Agriculteur, comédien, retraité, ils se sont lancés dans la culture de cette épice.

En cette fin de matinée, l'automne a pris ses quartiers dans la campagne percheronne, la rosée peine à se dissiper. Quelques gouttelettes d'eau font de résistance, bien cachées dans les pétales de ce safran d'une couleur proche d'un léger lilas clair. Panier à la main, Bruno Slagmulder commence sa récolte.

Acteur et safranier


A Condeau où il demeure, l'homme de cinéma, avec délicatesse et précision arrache cette petite fleur de la famille des crocus, une épice précieux, devenue depuis années plus qu'une passion, une seconde activité. Cet "or rouge ", il le chouchoute et c'est avec amour qu'il fait le tour de ses vingt-sept planches de safran. Un petit regard à gauche, puis à droite.

Direction la planche numéro 5, là où les fleurs sont les plus épanouies. Ni une, ni deux, il commence sa cueillette. Tranquillement mais d'une main sûre et avec une infime précaution, il arrache les fleurs tout en les comptant. Un travail fastidieux et mine de rien physique.

Cette culture se mérite


Preuve que cette culture se mérite d'autant plus qu'à ce niveau, difficile de parler de rentabilité quand on sait qu'il faut environ 150 000 fleurs pour obtenir un kilo de safran. Avec 600 m2 de culture, Bruno Slagmulder a conscience qu'il ne pourra pas en vivre, même s'il entend avec sa marque Za'Farân proposer à ses clients un produit de luxe. Un bijou culinaire à destination des chefs étoilés, des épiceries fines et aussi des boulangers-pâtissiers. L'acteur sait que sa notoriété peut lui apporter un coup de pouce mais cela ne suffit pas.

Un produit d'exception

Pour séduire les clients, seul un produit d'exception fera la différence. Avec ce safran Made in Perche, Made in France, cet artiste safranier pense être sur la bonne voie. Marginale, anecdotique dans le pays, cette culture attire malgré tout de plus en plus. Le Perche, qui sait, pourrait devenir une terre à safran.

De l'or rouge percheron

Car Bruno Slagmulder n'est pas un cas isolé. D'autres comme lui ont franchi le cap et se sont lancés dans l'aventure. Que ce soit du côté de Marollette (près de Mamers) de Ceton (près du Theil) de Saint-Celerin ( Sarthe), ici et là poussent non pas de champs de safran mais des parcelles.

Bien loin des productions Iraniennes qui totaliseraient près de 96% de la production mondiale (elle s'élèverait à 300 tonnes par an alors qu'en France on arrive péniblement à 20 kg), ces producteurs locaux ont un atout majeur par rapport aux "usines à safran", la qualité. Une force pour un produit pur, naturel et bio.

Le safran de Mary 
à Ceton

Déterminée, la jeune femme veut démocratiser cette épice.

Le safran, Mary-Laure Ciron le connaît sur le bout des doigts. Depuis maintenant six ans, la Percheronne le cultive à Ceton, au lieu-dit La Borde Cellier, sur l'exploitation de sa famille.

Vertus

En tout, 500 m2 dédiés exclusivement à cette épice, « cet exauceur de goûts qui harmonise les saveurs », explique-t-elle.

Utilisé principalement dans la restauration, le safran possède également des vertus médicinales, liées aux antidépresseurs et antioxydants. L'univers du cosmétique l'utilise aussi.

Plantés à partir du mois de mai-juin, les bulbes promettent une belle récolte. « Quand le soleil est présent en journée et que les nuits sont fraîches, alors, le safran est en harmonie avec son environnement ».

De surcroît, les bulbes de safran aiment un sol bien drainé, c'est-à- dire qui laisse filtrer rapidement l'eau de pluie.

Depuis bientôt trois semaines, elle passe ses journées et une bonne partie de la nuit à cueillir ces plantes, à les émonder (extraction des pistils), les sécher au four puis à les conditionner. « Depuis le début, nous sommes à 30 000 fleurs. Il faut savoir que par pied, nous avons de 20 à 30 bulbes. Chacun des bulbes apporte trois fleurs ».

Le remède universel



Selon Mary-Laure, le safran souffre d'une image négative. « Celle d'un produit de luxe, onéreux et rare. Alors que ce n'est pas le cas ».


A travers les marchés de producteurs, comme celui de Margon (Eure-et-

Loir) ou par le biais de visites pédagogiques comme à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), elle veut « le banaliser. Je pense que c'est ce qui fait que le safran est encore trop méconnu du public ».


Pourtant, il est vrai que sa culture est en fait simple et accessible à toute personne. « Vous imaginez : son origine remonte à plus de 5 000 ans. L'important est de savoir l'utiliser correctement. Le temps est important pour pouvoir libérer ses arômes. Ensuite, chacun peut faire des choses simples avec. Il se marie avec plein de choses et possède un côté magique ».


Elle commercialise d'ailleurs des produits à base de safran : sirop, meringue, madeleine, macaron....


L'avenir de ce qu'on appelle "le remède universel" passerait donc par une "démocratisation" du produit.

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Le safran du Saosnois
Jean-Marc Charles, retraité se passionne pour cet or rouge

Retraité du monde hospitaliser, Jean-Marc Charles s'est lancé dans la culture du safran. Une façon comme une autre d’arrondir ses fins de mois. Cette année, il a décidé de franchir un cap et de se déclarer en auto-entrepreneur, en créant La Safranerie du Saosnois. Le Sarthois va pouvoir vendre cet « or rouge » sur les marchés : à Mamers, Bellême et peut-être Alençon.


100 bulbes au départ

Retraité depuis le 1er janvier 2014, Jean-Marc Charles a anticipé sa nouvelle vie. Disposant de terrain « et de temps », il a, en accord avec sa femme Annie, décidé de cultiver du safran, après avoir été « envoûté » par une émission à la radio.

« Nous avons visité une exploitation à côté de Vendôme chez un couple qui ne vit que de cette épice. »

Les 100 premiers bulbes plantés dans leur jardin ont convaincu le couple de se lancer définitivement dans l’aventure, débutée il y a quatre ans. Trois stages plus tard dans le Loir-et-Cher (41), Annie et Jean-Marc sont prêts : 1 500 pieds de safran français sont alors plantés. Et autant chaque année.

« A terme, nous aimerions en cultiver 500 mètres carrés. Le double suffit à faire vivre un couple. »

Coup de pouce

Avec l’aide de sa nièce, de voisins, d’amis - « ils viennent bénévolement », précise-t-il -, les Marollettins ramassent les fleurs. « Ensuite, nous récupérons le pistil rouge composé de trois filaments. »

A la maison, place à l’émondage. « Cela consiste à récolter les filaments qui seront séchés dans un four à 50 °C. »

Cette opération est répétée jusqu’à la dernière fleur.

Le retraité ne manque pas d’idées. Outre les marchés, le producteur se prépare à vendre le safran depuis son domicile. L’occasion de lui rendre visite et de découvrir ce coin d' « or rouge » dans le Nord-Sarthe.

Pratique. La Safranerie du Saosnois, renseignements auprès de Jean-Marc Charles, au : 06 12 40 47 14.

Safranez-vous

Cycle. Le crocus sativus est une végétation inversée : en floraison l'automne, il est au repos l’été.  Plantée fin juillet, début août, ses premières feuilles apparaissent fin septembre. Les fleurs, qui poussent durant le mois d’octobre, sont alors récoltées. Pendant ce temps, les bulbes se multiplient à l’intérieur jusqu’au mois de mai et la plante se met au repos tout l’été. Avant de redémarrer un nouveau cycle.

Origine. Cette épice serait originaire du Moyen-Orient. Son histoire dans la culture et les coutumes humaines remonterait à au moins 5 000 ans.

En France. La France a été pendant plus de 500 ans un producteur important de safran, notamment en Gâtinais.

80 %. Séché, le safran perd 80 % de son poids. C’est alors qu’il devient rouge vif.

Production. La plus grande part de la production mondiale qui s’élève à 300 tonnes par an (safran sous forme de poudres et de stigmates).

L’Iran arrive en tête 96 % de la production mondiale. Vient ensuite l’Espagne, l’Inde, la Grèce, l’Azerbaïdjan, le Maroc et l’Italie. La part française est réduite à peu de chagrin.

150 000 fleurs. Pour obtenir un kilo de safran, il faut compter 150 000 fleurs.

Trois semaines. La saison du safran dure environ trois semaines. Une fois, la fleur cueillie dans le champ, il faut immédiatement l’émonder pour récupérer les stigmates (safran) et la faire sécher. D’où l’importance d’avoir de la main-d’œuvre. Artisanale la culture en France, se fait souvent en famille et avec des amis.

Entre 30 et 35 €. Le Safran Français se négocie entre 30 et 35 € le gramme.

Des vertus. Utilisé dans la cuisine, la pâtisserie, le safran a aussi de vertus médicinales. Il permet de lutter contre la dépression. Il apporte gaieté et sagesse.