Milan
sous le signe de la création

Hall d'accueil de la biennale des jeunes créateurs à la Fabbrica del Vapore.

Marija Maksimovic ( Serbie)

Pavillon de la Grande Bretagne à l'exposition universelle
Au pays de l'escalope

Milan a accueilli cette année l'exposition universelle et la biennale des jeunes créateurs d'Europe et de la Méditerranée. Une démarche volontaire. Entre les deux événements, un point commun : la nourriture. Le premier affiche ses ambitions sous le thème nourrir la planète, le second s'intitule No Food’s land. Nulle commune mesure cependant côté budget. L'exposition avoisine les 3,2 milliards d'euros et serait en passe d'équilibrer le bilan, la fréquentation ayant été à la hauteur des attentes. Une fréquentation bien stimulée par la parade Disney, Mac Do, Ferrero, Nutella et autres « douceurs » qui, dans la ville de l'escalope la plus célèbre, laisse le sentiment écœurant de s'être fait rouler dans la farine.

En revanche, la Biennale et son petit budget autour du million, n'a, elle, pas été aidée. Pas de signalétique, aucun effort de communication . Rien n'a été fait pour attirer le public, malgré la présence de 300 artistes représentant 22 pays. Cette édition anniversaire – le 30e – aurait mérité mieux. D'autant que l'Espaceculture_Marseille, fer de lance du comité français est vouée à disparaître dans les cotillons du 31 décembre. Un soutien plus grand, plus festif de la part d'une ville associée à l'art, l'histoire, la culture et l'art contemporain, aurait été... la moindre des choses.

MLT


La trentaine sémillante



Une ancienne friche industrielle milanaise accueille le terreau de l'expression créatrice.

En franchissant le portail de la Fabbrica del Vapore, rénovée en 2008 par la ville, la beauté architecturale de la friche industrielle, avec son espace de plus de 30 000 m2 s’ouvrant sur une vaste cour, en impose. A l'origine l’idée était de faire se rencontrer les émergences artistiques sud européennes puis, celles de la Méditerranée. Cette année, 300 juniors sont accueillis jusqu'au 22 novembre dans le cadre du 30ème anniversaire de la Biennale des Jeunes Créateurs d'Europe et de la Méditerranée. Selon France Irrmann, responsable du pôle événement de l'Espaceculture_Marseille “en 2015 toutes les disciplines artistiques sont représentées. Né du manque de pont entre la fin de la formation et le circuit professionnel, cet événement a pour but de promouvoir la jeune création mais aussi de renforcer le dialogue, au delà des frontières politiques et géographiques, et la collaboration entre villes, régions, institutions, et ministères.”



Comment devient-on lauréat ?

Avoir moins de 30 ans, provenir de l'un des 22 pays de l’espace euro-méditerranéen, et répondre au thème imposé par l’organisation en présentant un projet en deux langues, voilà pour les contraintes. Cette année, en écho artistique à l'exposition universelle intitulée “Nourrir la planète, énergie pour la vie” la BJCEM a proposé pour thème “No food’s land”. Vingt quatre artistes composent la délégation française. “C is for Noir” jeune groupe musical niçois créé en janvier 2015, lance les festivités sur la scène dans la grande cour de la fabrique. Pour eux l’essentiel dans la biennale “ce sont les échanges avec d’autres artistes du même âge dans un lieu commun à personne” . Ils vivent cette sélection comme un privilège, une chance. Ils n’ont pas tort d’y croire, Marco Trulli, chargé de production à la Bjcem, leur trouve une date dans un bar en ville pour le surlendemain. Catégorie Arts visuels, Floryan Varennes présent sur le lieu avec Puctum Saliens, une installation de cintre en fer mi potence mi penderie semble lui aussi partager cette émulation. Tout comme Elsa Mingot, directrice de la compagnie La Conflagration pour qui c’est une chance d’être avec d’autres artistes européens”.

 Comme eux Kelemenis, Stéfan Munaner [tous des K], ou encore Cartoun sardines ont fait partie du voyage sur d’autres éditions. En 1984 lors de la création des rencontres, la jeune création était considérée comme un secteur marginal dans le monde culturel et la marché de l’art. “Aujourd’hui c’est l’heure des bilans” pour France Irrmann, “forts de la réalité politique et économique, il faut mettre les choses à plat. Le projet doit il se développer et comment ? Avec notre expérience, nous devons mieux cerner les enjeux.” Pour tenter de répondre à toutes ces questions, peut être aurait-il fallu commencer par débattre tous ensemble à Milan le 23 octobre plutôt qu’organiser en parallèle Biennale 3.0 à Turin ?

Marie-Laure Thomas

Le Baiser de la fée 
Chorégraphie Michel Kéléménis
lauréat BJCEM 1990

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IPI hip hourra !


Elsa Mingot,directrice de la compagnie la Conflagration, passe au retour d’un footing par hasard devant une affiche d’appel à la candidature pour la biennale dans la vitrine de l’espaceculture_Marseille. Elle pousse la porte, Il lui reste 3 jours pour concourir. Elle dépose le dossier le dernier jour à la dernière minute “par curiosité et pour l’exercice de style”. Il sera retenu.
Elsa découvre que sa compagnie est seule en “spectacle vivant, performance et arts de Rue”. Une belle opportunité pour “sortir de son réseau habituel”, il va falloir s’adapter.


Son « MéMé - le mémorial des Mémoires », rituel collectif, introspectif et festif sur une proposition du l’IPI, Institut de Psychopompe-funébrisme international sera joué avec 6 permanents de la compagnie et deux bénévoles trouvés sur place, comme le veut sa tradition. Un urbaniste milanais et une bénévole de l'accueil des biennales donneront la dimension internationale au spectacle. La représentation sera jouée dans une coursive aux briques rouges, tout le long illuminée par de petites bougies. Un sentiment de chaleur et d’intimité pose le décor. La fiction rencontre le réel, le rituel funéraire est revisité. Pourquoi la mort est elle autant tabou dans notre société ? Seul l’amour et le bonheur auraient droit de cité au XXI e siècle ? Bien plus complexe, et bien moins loufoque que son intitulé aurait pu nous le laisser entendre, le Mémé réunit les vivants et les morts, le temps d’une communion, d’un spectacle à l’accent de thérapie de groupe.

MLT

Expo Milano 2015

Au coeur de l'Expo. photo mlt

Les visiteurs font la queue devant le pavillon coréen....pour un temps estimé à deux heures. photo mlt

La parade Disney déambule dans l'allée centrale prénommée décumano. photo mlt

La grande Bouffe


A leur création, milieu du XIXe siècle, les Expositions universelles, avaient pour vocation de présenter les réalisations industrielles des différentes nations. Une sorte de vitrine. Londres accueille la première en 1851 sous le thème "l'industrie de toutes les nations". Les vingts dernières années, c’est la planète et le développement durable qui sont à l’honneur. L’Italie ne fera pas exception avec “Nourrir la planète. Energie pour la vie” en 2015.
Comme un préambule à la Cop21. Sur le papier c’est beau. Sur 110 hectares le site est grandiose, l’immense allée centrale dénommée “Décumano” selon la plus pure tradition antique, est bordée de pavillons représentant 145 pays et trois organisations internationales.
Le bois est le principal matériau utilisé pour les pavillons. La France avec son bâtiment inspiré des halles Baltard en use. 



Du blé, de la lavande, des casseroles et même des poissons en lieu et place d’ex-voto recouvrent le plafond. Des messages numérisés serpentes au milieu. L’effet est garanti.



En revanche en baissant les yeux, c’est sur des plantations de soja, estampillées Sojasun, que le visiteur s’arrête. Présentée comme ”une plante écologique naturellement résistante”, elle semble être l’étendard de notre agriculture. 


Avec ses 92 milliers d’hectares sur le sol français contre 5,2 millions d’hectares de blé tendre recensé en 2015 (source agreste conjoncture), c’est étonnant. D’autant plus que l’oléagineux prête souvent à controverse en raison de ses plants transgèniques.
 


A sa sortie, une boulangerie concept-car imaginée par Peugeot, propose un pain au chocolat à 2,5 euros ou une baguette traditionnelle pour 2 euros : bon appétit ! 

Arrive alors dans l’allée principale, la mascotte en mousse prénommée Foody qui ferait sans doute hurler et pas de rire Arcimboldo s’il était encore des nôtres. Dans le pays qui a inventé le slow food, comment interpréter la présence de Coca-Cola, Mac Do et autres junk food ?



Il y a comme un goût de ketchup dans la pasta. Avec un tel budget, on ne peut que se demander si l'énergie vitale ne pouvait pas être autre ? Et si en 2015 le thème, était uniquement un leurre ?

M-L T

Reportage (textes et images) : Marie-Laure Thomas
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Conception : MLT
Les  Navigli de  Milan sont des  canaux artificiels construits entre  1179 (Naviglio Grande) et le  XVI e siècle (Naviglio Martesana). photo mlt