premier acte rêvé 

Des buts, un jeu séduisant, une osmose retrouvée avec le public...Voyage en long format dans une première partie de saison que personne n'osait imaginer pour l'Olympique de Marseille. 

À l'origine, le chaos

Marcelo Bielsa au Vélodrome contre Montpellier - Photo Robert Terzian

Entre mauvais résultats sur le terrain sportif, désaccords sur le terrain politique et coups de gueules sur le terrain médiatique, le début de saison de l'OM ressemble à un cauchemar. 

Tout commence à sentir mauvais dès le mois de juin. À l'heure du mercato, le club marseillais voit resurgir ses vieux démons et remplit son loft de joueurs indésirables. Sougou, Kadir, Amalfitano ou encore Fanni sont de ceux-là, rejoints ensuite par un pilier du vestiaire, Benoît Cheyrou. Fidèle à sa politique de recrutement de jeunes joueurs prometteurs initié la saison précédente, l'OM cherche à se séparer de certains gros salaires devenus inutiles, quitte à, parfois, se comporter en patron voyou. Au mercato, le club signe quand même quelques jolis coups comme le transfert d'Alessandrini ou celui de Batshuayi mais perd son maître à jouer, Mathieu Valbuena, auteur d'une belle Coupe du monde avec les bleus. Dans ce contexte, les voyants sportifs, à quelques semaines du coup d'envoi, sont à l'orange.

Ce bien trop cher vélodrome

Sur le plan politique, ils passent au rouge le 30 juin, lorsqu'une décision du conseil municipal fixe le loyer du nouveau Vélodrome à 381.000 euros par match plus une part sur la billetterie, soit près de 10 millions annuels, environ 8% du budget du club sur la saison 2013/2014. Dans ces conditions, Vincent Labrune annonce que le club ne peut assumer de telles dépenses et menace de délocaliser la première rencontre à domicile chez les Nicollin, au Stade de la Mosson de Montpellier. Une solution sera finalement trouvée à quelques jours du premier match à Bastia, avec la signature d'un accord portant sur les trois prochaines années pour 7,5 millions d'euros.

Malgré tout , lors des matchs amicaux de préparation, l'équipe signe quelques matches probants, notamment face au Bayer Leverkusen (4-1). Mais l'image de ce début de saison est cette méthode d'engagement total demandé par l'Argentin Bielsa à ses hommes qui, souvent, finissent les entraînements le nez collé dans l'herbe, épuisés.


Collés dans les starting blocks

Pour son premier match de la saison, l'OM version Bielsa se déplace à Bastia où Claude Makélélé est devenu entraîneur. Cueillis à froid dès la 9e minute par un superbe but de Maboulou, les Marseillais réagissent bien en égalisant puis en reprenant l'avantage avant la mi-temps. À la 62e minute, Gignac signe un doublé et donne deux buts d'avance à son équipe qui... finit par se faire rejoindre. Ce match terminé sur le score de trois buts partout laisse un goût étrange dans la bouche des supporters qui ont vu un excellent spectacle offensif mais aussi de terribles lacunes défensives. 

Le constat est confirmé lors du premier match à domicile face à Montpellier. Une défense en manque de repères, un milieu en construction et une attaque privée de ballons livrent un piètre spectacle dans le nouvel écrin du boulevard Michelet. Sortis sous les sifflets, les Marseillais s'inclinent 2-0 et pointent à la 15e place du classement.

Même si, la semaine suivante, ils s'imposent à Guingamp les joueurs affichent la tête des mauvais jours. Face à de timides Bretons, ils n'ont su gagner que par le plus petit des scores et c'est avec un moral dans les chaussettes qu'ils préparent le derby du sud contre Nice au Vélodrome. Pourtant, l'OM proposera ce soir-là un football flamboyant, enlevé et porté vers l'attaque pour atomiser son voisin, il est vrai bien faible, quatre buts à zéro.  Avec ce deuxième succès consécutif, l'équipe remonte à la quatrième place du classement et peut espérer de meilleurs lendemains.


C'est ce moment que choisit Marcelo Bielsa pour vider son sac en public. Alors que certains de ses joueurs sont en sélection, il convoque la presse pour une conférence de presse improvisée et, durant plus d'une heure, étale ses griefs à l'encontre de l'équipe dirigeante de l'OM. Sa sortie sera une déflagration dans le monde feutré du football, où la langue de bois est reine.

Alors que le mercato se termine, l'Argentin regrette surtout les promesses non tenues par son président en terme de recrutement. Aucun des joueurs ciblés par le coach n'a signé et sa consigne de ne pas recruter de joueurs étrangers, eu égard à la capacité du club à les évaluer, n'a pas été respectée. Pas si fou que ça, en mettant au grand jour les dysfonctionnements dirigeants, El Loco signe là un très bon coup. Par sa franchise, il se met les supporters dans la poche tout en protégeant son groupe: en cas de mauvais résultats, il faudra chercher du côté des décideurs. Et c'est là, finalement, le vrai point de départ de la saison olympienne.

Une rédemption historique

André-Pierre Gignac buteur face à Rennes - Photo Stéphane Clad

Au retour de la trêve internationale, lors de laquelle l'OM a perdu en amical face à Arles-Avignon, le petit monde médiatique du football attend le prochain épisode du feuilleton olympien qui entraînera inexorablement le club vers le fond. Et c'est tout le contraire qui se produit. 

Libérés dans le jeu et tractés par une locomotive nommée André-Pierre Gignac, les Olympiens alignent les victoires. À Annecy, contre Evian-Thonon-Gaillard, Bielsa réintègre le lofteur Rod Fanni qui délivre une passe décisive à son avant-centre dès la première minute de jeu. L'OM s'impose 3 à 1 avec une multitude d'occasions face à une équipe qui, quinze jours plutôt, avait su museler le PSG, reparti des Alpes avec un petit point. Avec ce 3e succès de rang, l'OM monte sur le podium pour ne plus en redescendre jusqu'à la fin de l'année.

Confirmation que l'équipe va bien la semaine suivante au Vélodrome, où Rennes prend aussi trois buts sans en mettre un. Une nouvelle fois, Gignac est décisif en inscrivant un doublé et porte son total à six buts en autant de matches. Désormais leaders du championnat avec 14 buts inscrits en 6 journées, les Marseillais proposent un jeu porté vers l'attaque et l'adhésion des joueurs au projet sportif de Marcelo Bielsa est totale. 

Pour la 7e journée, l'OM et son football champagne font sauter le bouchon à Reims. André Ayew et André-Pierre Gignac inscrivent un doublé tandis que Gianelli Imbula clôture la marque d'un cinquième but limpide depuis l'extérieur de la surface. Avec ces 5 buts, l'OM affiche alors la statistique effarante de 2,7 buts par match mais laisse surtout entrevoir un jeu auquel le public marseillais n'a pas eu droit depuis très longtemps.

Lors des trois journées suivantes, l'OM s'offre le scalp de Saint-Etienne dans un Vélodrome en fusion, va battre Caen en Normandie et revient à Marseille balayer Toulouse (2-0).

Face à son ancien club, Gignac, redevenu international grâce à ses excellentes performances en club, inscrit son 10e but en autant de matches de Ligue 1. L'équipe, elle, est première avec 25 points dont 7 d'avance sur le second, le PSG. Et avec 8 victoires consécutives, elle marque l'Histoire. Auparavant, elle n'avait réussi à le faire qu'en 1937 et en 1998. L'OM, passé de la 15e place à la première en 8 journées et Gignac, passé du statut de paria à celui de sauveur, connaissent une rédemption historique.

De quoi aborder le choc de Gerland face à l'Olympique Lyonnais sereinement. Mais déjà, c'est un autre aspect de ce premier acte qui se profile.

 

André Ayew face à Saint-Etienne - Photo laurent Saccomano

 

La joie de Gignac, buteur à la dernière seconde à Caen - Photo AFP

 

Dimitri Payet face à Toulouse - Photo Robert Terzian

indigestes matches 
3 étoiles

Fanni et Barrada désemparés face au réalisme parisien - Photo AFP

Les Olympiens se présentent donc dans la capitale des Gaules en patrons et avec un matelas de points confortable. Après un début de match compliqué, ils mettent enfin le pied sur le ballon et se procurent une multitude d'occasions qu'ils ne concrétiseront jamais.

À la 26e minute, Ayew enroule une frappe déviée en corner par le gardien lyonnais qui se détend bien, encore, à la 52e sur une frappe soudaine de Gignac.  Lorsque Ayew, par deux fois, à la 61e puis à la 67e n'arrive toujours pas à tromper Lopes, on se dit que les Olympiens finiront par regretter autant d'occasions gâchées. Dans le rôle du bourreau, Yohan Gourcuff, à l'heure de jeu, crucifie Mandanda sur l'une des (très) rares occasions lyonnaises du match. 


Dominateurs mais impuissants, les hommes de Bielsa gardent tout de même la tête du championnat et quatre points d'avance sur le PSG qu'ils iront défier au Parc des Princes quinze jours plus tard.

Entre temps, une équipe largement remaniée, avec les recrues estivales Batshuayi (pourtant buteur), Barrada et Alessandrini comme titulaires, est éliminée dès le premier tour de la Coupe de la Ligue à Rennes.

Deux coups d'arrêt consécutifs qui n'empêchent pas l'OM de retrouver la confiance au Vélodrome contre une équipe de Lens valeureuse mais malheureuse.  Grâce à deux buts de Nkoulou et Thauvin contre un de Guillaume, l'OM s'impose mais est apparu en difficulté face à une équipe très bien organisée. Quoi qu'il en soit, c'est toujours en leader et avec quatre points d'avance sur le PSG que les Olympiens montent à la capitale.


Au Parc des Princes, l'OM livre une première demi-heure superbe. En moins de dix minutes et avec un peu de réussite, Thauvin d'une volée au ras du poteau et Gignac d'une tête sur la barre auraient pu donner une avance de deux buts à leur équipe. Dans une première mi-temps qu'ils dominent outrageusement, les Marseillais se procurent près de dix occasions franches sans trouver le chemin des filets. À l'inverse de la machine à sous parisienne qui, juste avant la mi-temps profite d'une mésentente dans la défense marseillaise pour ouvrir le score sur l'une de ses rares occasions. 

En deuxième mi-temps, les hommes de Bielsa continuent de se ruer vers le but de Sirigu, sans succès, pour finir par encaisser un deuxième but anecdotique de Cavani. Anecdotique car depuis quelques minutes, l'OM joue à dix suite à l'expulsion injustifiée d'Imbula par Clément Turpin.

Une nouvelle fois, dans un "match à 6 points" contre un adversaire direct, les Olympiens repartent bredouilles après avoir livré une copie pourtant très honorable.

Au retour de Paris, un nouvel épisode judiciaire

Changement de décor au retour de la capitale lorsque la justice décide de s'intéresser de très près à quelques transferts jugés douteux, dont celui de la nouvelle icône phocéenne, André-Pierre Gignac.

Trois présidents du club successifs sont mis en garde à vue afin d'être entendus sur des rétrocommissions supposées qu'auraient perçu certains intermédiaires dans les transferts de Nasri, Diawara et donc, Gignac.

Après 36h de garde à vue à l'Evêché, Pape Diouf convoque les journalistes pour livrer ce qu'il appelle "sa" vérité. Lors d'une conférence de presse fleuve, il affirme avoir été convoqué pour donner un"cours magistral sur les coulisses du foot moderne" à des policiers dépassés par ses mécanismes.

Jean-Claude Dassier, lui, réserve sa réaction à I-Télé. Il y affirme, comme Pape Diouf, ne pas avoir très bien compris pourquoi il avait été convoqué ni les conditions de sa "convocation".

Du côté de la direction actuelle de l'OM, peu ou pas de réaction officielle mais ce qui apparaît, avec du recul, comme un opportun nuage de sable venu de la péninsule arabique. Quelques heures après la fin des gardes à vue, revoilà surgir le serpent de mer du mystérieux repreneur saoudien et donc, les démentis du club, plus prompts à commenter la rumeur de rachat que les problèmes judiciaires.

Le journaliste de L'Equipe à l'origine de la secousse maintient cependant ses propos sur Twitter quelques temps après la voix officielle de l'OM. 

Au retour de Paris, nouveaux succès sportifs

Malgré ces soubresauts médiatiques l'OM reprend sa marche en avant dès le match suivant. Loin de les arrêter dans leur élan, la défaite au Parc des Princes semble au contraire conforter les joueurs dans l'idée qu'ils peuvent, cette saison, faire jeu égal avec un PSG parfois suffisant. 

Contre Nantes, Bordeaux et Metz, ils font le plein à domicile, inscrivant la bagatelle de huit buts en trois matches. Ils sont même tout près de réaliser la passe de quatre à Lorient, où les Bretons, par deux fois, sauvent le ballon sur la ligne de but pour préserver le point du nul.

  

Michy Batshuayi a inscrit son premier but en L1 face à Bordeaux - Photo Robert Terzian

 

Dimitri Payet, buteur, passeur et à l'origine du 3e but de l'OM contre Metz est le meilleur joueur de l'équipe, voire du championnat, depuis le début de la saison - Photo Laurent Saccomano

 

Rod Fanni, miraculé exemplaire de ce début de saison et buteur contre Nantes - Photo  

Pour son dernier match 3 étoiles de la phase aller, l'OM se déplace à Monaco avec la possibilité d'être champion d'automne en cas de victoire. Car le PSG, défait trois jours plus tôt à Barcelone en Ligue des Champions, s'est fait piéger à Guingamp pour y subir sa première défaite de la saison en championnat. 

Comme un copier-coller des rendez-vous de Lyon et Paris, les hommes de Bielsa, cependant moins en jambes physiquement que lors de leurs précédentes sorties, dominent le match. Ils ont une possession de balle supérieure et leurs occasions sont les plus franches. 

Malgré tout, Monaco n'est pas la meilleure défense de la Ligue des Champions pour rien et jamais le verrou du Rocher ne sautera. À l'inverse, Mandanda s'incline sur une frappe croisée de Silva et avec elle s'envolent les espoirs olympiens de prendre quatre points d'avance sur le PSG. C'est face à Lille, à domicile, qu'il faudra gagner le titre honorifique de champion d'automne.

Contre le LOSC, pour la dernière de l'année, l'OM de Bielsa remplit le Vélodrome jusqu'à la gueule. Avec plus de 62 400 supporters, c'est  même la meilleure affluence de l'Histoire du club. 


Un Vélodrome à qui Bielsa a réservé une surprise au coup d'envoi en ne sélectionnant par Dimitri Payet, pourtant meilleur joueur de l'équipe depuis le début de saison. À sa place, l'Argentin a choisi le jeune Belge Michy Batshuayi, qui va affoler la défense nordiste et livrer une très grande prestation.


En première période, l'OM se procure une bonne demi-douzaine d'occasions avec Batshuayi comme détonateur. l'ouverture du score, pourtant, l'OM la doit à un but contre son camp lillois, Nolan Roux déviant dans son but un corner vicieux de Thauvin.  Batshuayi enchaîne les gestes de classe comme cette double roulette au coeur de la défense et l'OM rejoint le vestiaire en tête à la mi-temps.

Rejointe à l'heure de jeu, l'équipe de Bielsa refuse de laisser la victoire lui échapper et peut-être, avec elle, le titre honorifique de champion d'automne. Offensif, risqué, technique, le jeu de l'OM fait très mal au LOSC qui cède dix minutes plus tard sur un très beau but de l'homme du match, Michy Batshuayi. L'OM livre ainsi sa neuvième victoire consécutive à domicile et Bielsa peut savourer une première partie de saison exceptionnelle. Une fois de plus, le sorcier de Rosario e enchanté le Vélodrome et envoyé un message très fort au monde du football depuis le temple du boulevard Michelet. 

Ici bat le cœur du peuple marseillais et personne, pas même le meilleur joueur du championnat, ne sera jamais préféré à ce qui constitue son ADN: une abnégation sans faille pour filer droit au but. 

 

Photo Stéphane Clad

 

Photo Stéphane Clad

 

Photo Stéphane Clad

 

Photo Stéphane Clad
L'écusson est au-dessus de tout. Nous qui portons l’écusson sommes tous de passage. Les seuls qui maintiennent et entretiennent la tradition, ce sont les supporters. 

Marcelo Bielsa
Photo Stéphane Clad
Texte et réalisation: Paul Goiffon
Photos: Robert Terzian - Migué Mariotti - Laurent Saccomano -  Stéphane Clad
Photo Robert Terzian