comme un lundi...

Montpellier et sa région ont connu un épisode pluvieux historique. Si aucune victime n'est à déplorer, les dégâts sont considérables et les habitants, choqués. Retour sur une journée particulière. 

Et soudain, ce fut le déluge !
Lundi après-midi, les trains, les tramways et les bus ont été stoppés, des centaines d'automobilistes piégés entre l'aéroport et Montpellier. Certaines rues de la capitale régionale ont été transformées en torrents qui entraînaient au fil des eaux, voitures et vélos devenus incontrôlables. La vigilance rouge déclenchée dès le début de l'après-midi, tout déplacement a été déconseillé et les écoles ont gardé en lieu sûr et nourrit environ un millier d'élèves, le soir venu. Le plus grand danger s'est concentré autour de l'aéroport et de la route qui mène du littoral à Montpellier. Là des centaines de véhicules ont été pris au piège des pluies torrentielles. La route n'a été rouverte qu'hier en milieu de matinée pour rapatrier les naufragés qui avaient passé la nuit au Zénith ou au Parc des expositions de Montpellier jusqu'à leur véhicule abandonné. 


Parmi les autres importants dégâts, le stade de la Mosson et le centre d'entraînement du club de football ont été inondés. La capitale régionale n'a pas été la seule touchée. Plus tôt dans la journée, Montagnac, Saint-Pargoire ou Plaissan, en coeur d'Hérault, déjà concernées par les orages qui avaient fait quatre morts à Lamalou dans la nuit du 17 au 18 septembre, ont vu déferler des eaux boueuses dans les rues et les maisons. Certains villages du nord de Montpellier ont été coupés du monde. Partout les maires ont ouvert des salles polyvalentes comme à Grabels, des écoles comme à Vias où trois campings proches de la mer ont été évacués, voire une église comme à Villeneuve-les-Béziers. Au plus fort de l'épisode, mille pompiers ont répondu à des centaines d'appels quelquefois désespérés. A Lavérune, un homme était accroché aux branches d'un arbre, plus loin un conducteur juché sur le toit de son 4X4 a dû sa mise en sécurité à un hélitreuillage. Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, comme il l'avait fait dix jours plus tôt à Lamalou est venu hier se rendre compte de la situation dans l'après-midi d'hier. Saluant le travail des secouristes, visitant le quartier des « cabanes » de Mauguio, longeant le Lez sagement revenu dans son lit, il a indiqué avoir lancé le processus de placement en catastrophe naturelle pour une soixantaine de communes. Il a été accueilli par plusieurs députés, des maires et le président de la Chambre d'agriculture. Le calme météorologique revenu, les travaux de remise en état ont commencé mais en milieu d'après-midi, 29 axes routiers secondaires étaient encore coupés et sept écoles ainsi qu'un collège fermés à Montpellier. En tout état de cause, on peut anticiper des millions d'euros de dégâts. 

Annie Menras 

"Les pieds dans l'eau, on a marché sur des fils"

Annie Menras

Sa tête repose sur son sac à dos et une couverture de survie cache mal un plâtre sur sa jambe. Couchée à même le sol dans la salle des pas perdus de la gare de Montpellier, Clare vient de passer une nuit plutôt inconfortable. Cette jeune Américaine n'en conserve pas moins le sourire en pianotant sur son téléphone. Comme elle, mille personnes ont dormi soit dans un train, soit dans le hall. Hélène et François beaucoup plus âgés se remettent bien plus mal de leur nuit. Frigorifiée, elle montre ses jambes enflées par la fatigue de longues heures passées en position assise et se plaint de la clim qui a soufflé sans arrêt dans le train. 


Heureusement, la Croix rouge distribue cafés et croissants et les gilets rouge de la SNCF sont à l'écoute même quand ils n'ont pas d'infos. Le premier TGV qui repart vers 8h30 remet un peu d'espoir au cœur des voyageurs perdus. 

"C'est un miracle !" 

Hier matin sur le parking du Zénith Sud. Les traits tirés par une nuit d’angoisse interminable, des dizaines de gens du voyage épongent, essorent, écopent. Les dégâts matériels sont plutôt marginaux mais le coup est passé près. Installé en contrebas du Domaine de Grammont, ce campement de plus de 200 personnes a manqué de peu de se retrouver piégé par la montée des eaux lors du déluge de la veille. « Quand on a vu que l’eau arrivait en haut des roues, on a été obligés de déplacer les 50 caravanes », explique un homme encore marqué. « Les enfants voyaient arriver toujours plus d’eau, ils avaient peur. » Avec les moyens du bord, hommes et femmes de la communauté s’organisent en urgence. « On a poussé un à un les véhicules. Les pieds dans l’eau, on a marché sur des fils », raconte une mère de famille qui réalise tout juste les risques qui ont été pris sans réfléchir. Au lendemain de la grosse frayeur, l’amertume prend le dessus. « Personne n’est venu nous aider, ni même demander si tout allait bien pour nous », regrette un père de famille. 


A quelques dizaines de mètres de là pourtant, le Zénith a des allures d’arche de Noé pour humains. Pour la plupart coincées sur la quatre voies qui mène à Carnon, plus de 200 personnes ont été repêchées par la dizaine de bénévoles de la Croix rouge. 70 trouveront refuge pour la nuit de lundi à mardi sur des lits de camp munis de couvertures de survie. « Une partie des ravitaillements ont été apportés par la Protection civile avec le concours de la Ville de Montpellier », raconte un bénévole de la Croix Rouge. Ses yeux cernés ne décrochent pas d’I Télé dont les images du Lez en crue tournent en boucle. Chez les secouristes aussi la nuit blanche a laissé des traces. Il est 10h30 hier matin. A l’entrée de la salle de spectacle, un couple britannique en partance pour Carcassonne puis le Yorkshire n’en finit plus d’attendre la navette qui n’arrive pas. Madame les yeux perdus au loin sur la route. Monsieur pensif voûté sur sa canne. Fatigués mais reconnaissants envers les bénévoles qui ont été aux petits soins. Voilà plus d’une heure que le bal des navettes raccompagne chez eux les naufragés de la route. Dans quelques heures, certains retrouveront leur véhicule là où ils l’avaient abandonné. Tous n’auront pas cette chance. 


« Dans les fossés, sur les ronds-points... On a travaillé toute la nuit pour remorquer plus d’une centaine de véhicules. Certaines voitures étaient retournées », se souvient Philippe. Salarié chez « Montpellier dépannage », la plus grande société du coin, il s’apprête à tracter une Clio dont le filtre à air a pris l’eau par le pare-choc.Sur le boulevard de l’aéroport qui vient tout juste de rouvrir à la circulation, les véhicules stationnés sur le bas côté ne manquent pas. L’Arena et le Parc des Expositions viennent de se vider des centaines de naufragés hébergés pour la nuit sur des matelas ou des couvertures à même le sol. Au même moment, les premiers exposants qui se sont péniblement frayés un chemin vers le Parc des expos apprennent sans étonnement que le salon des comités d’entreprises qui devait ouvrir dans la matinée est repoussé d’un jour. A l’aéroport de Montpellier, piégé lundi soir par les routes inondées, c’est le désert vers 11h15, au moment du retour à la normale. Casablanca et Rotterdam, les deux vols annulés lundi soir ont décollé dans la matinée. Les passagers retenus la nuit ont été libérés depuis que les taxis circulent et ceux qui viennent d’atterrir semblent débarquer d’une autre planète. « Si tout va bien ? Oui pourquoi ? Que s’est-il passé ? » s’étonne ce couple en provenance de l’Ile Maurice. « Oh là là ! On l’a échappé belle. On a évité la grève d’Air France et les inondations », sourit la touriste héraultaise. 

Un peu plus au Sud, Lattes. 

Lourdement sinistrée à plusieurs reprises ces dernières années, la deuxième commune de l’agglomération de Montpellier (16 000 habitants) se réveille avec des dégâts mineurs. Sur le port (Ariane) dont l’entrée à été barricadée pour éviter que la vasque ne déborde dans les jardins, la vie retrouve son cours - presque - normal. La veille, l’alerte rouge et la montée des eaux de plus d’un mètre cinquante sur le Lez ont eu raison des professionnels. « Par précaution on a décidé de fermer le cabinet à 17h au lieu de 20h », témoignent Pierre et Wilfried, kinésithérapeutes sur le port. 


Dans les propriétés qui longent les berges du Lez, pas de mare d’eau cette fois. Cyril Meunier, le maire (DVG) y voit le signe de l’efficacité de l’action des pouvoirs publics. Depuis 2006, les collectivités ont investi plusieurs dizaines de millions d’euros pour construire des digues et un chenal afin de protéger les habitants du fleuve capricieux. Une prise de conscience qui a peut-être évité un drame. 

Reportage Annie Menras et Rémy Cougnenc