Loi Travail: 
Place au débat

Jeudi 28 septembre, la Marseillaise suscitait la confrontation d'idées dans ses locaux. Compte-rendu des échanges en long format.

Fidèle à sa volonté de susciter la confrontation d'idées, « la Marseillaise » était, ce jeudi 28 septembre, à l’initiative d’un débat organisé dans ses locaux à Marseille. C’est sur un sujet brûlant de l’actualité sociale que la parole a été donnée aux intervenants issus des sphères syndicale, politique et universitaire. Soucieux de proposer au public et à ses lecteurs un débat contradictoire, notre titre a sollicité la présence d’un représentant La République en marche. En vain, puisque l’invitation a été déclinée par les caciques du parti macroniste. Quoi qu’il en soit, Pierre Dharréville, député PCF ; Frédéric Verdet, vice-président de la CPME 13 ; Fabrice Angei, secrétaire confédéral de la CGT; Yannick Ohanessian, syndicaliste cheminot Unsa 13, et Baptiste Giraud, politiste, maître de conférences en sciences politiques, spécialiste des relations professionnelles, avaient eux bel et bien répondu présent.

Le débat n'est pas clos

Editorial

La signature des ordonnances Travail par le Président de la République Emmanuel Macron la semaine dernière a-t-elle définitivement scellé le débat sur la réforme du Code du travail ? Non, loin s'en faut. L’ordonnance ne fait pas loi et le texte doit encore être ratifié. Les opposants et avis critiques présents au débat de jeudi organisé par la Marseillaise l’ont bien fait remarquer et ont visiblement l’intention d’occuper les prochaines semaines à poursuivre la mobilisation. Ils sont syndicalistes, élus politiques, avocats ou universitaires et portent toute une série de réserves – de divers degrés – sur le texte. On sent, en revanche, que les chefs d’entreprise voient toute une série de ses vœux exaucés.

Le chemin sera long, la bataille âpre

Il est très probable que des mobilisations aient rapidement lieu. Parce qu'une course contre-la-montre a été déclenchée par le gouvernement mais également parce que le mouvement social entend s’appuyer sur la base des manifestations de septembre pour amplifier et élargir le rassemblement. Des organisations qui n’étaient pas présentes jusque-là seront dans les cortèges à venir. Et c’est tant mieux. Pour la démocratie sociale et pour la défense des droits fondamentaux des salariés. Mais également pour exiger, au-delà de la défense d’un acquis tel le Code du travail, de jeter les bases de nouvelles conquêtes sociales. Tous ces arguments prennent d’autant plus de sens que le gouvernement a présenté cette semaine ses orientations budgétaires qui font la part belle aux hauts revenus. Le chemin sera long et la bataille âpre. Par la complexité du dossier, par l’éventualité de devoir multiplier les journées d’action pour aboutir et par la pression d’un patronat qui grondera s’il sent que le gouvernement commence à tanguer. Malgré ce que veulent faire croire l’Elysée et Matignon, le débat est loin d’être clos. Et c’est tant mieux.

Sébastien Madau

Une atteinte sans précédent aux droits des salariés

Préjudices, entorses ou autres brèches concernant des droits fondamentaux et acquis des salariés, les ordonnances Macron sur la réforme du Code du travail n'en manquent pas. « On n’a que l’embarras du choix », estime Fabrice Angei (CGT). Car, souligne le syndicaliste, « sur 36 dispositions, 35 leur sont défavorables ». Parmi les plus saillantes, il cite notamment « le contournement des organisations syndicales sur les négociations salariales », dans la mesure où la présence syndicale permet de « résorber les inégalités » en la matière. A titre d’exemple, le syndicaliste indique que l’écart de revenus entre salariés et cadres est en France de l’ordre de 2,8 ; alors qu’il se situe à 5 en Allemagne, pays dont le modèle économique est vanté par Emmanuel Macron, mais dont les résultats des législatives de dimanche dernier révèlent qu’il a sérieusement du plomb dans l’aile. 

« Appauvrissement » 

Pour ce qui concerne « les primes, les 13e mois ou les indemnités de licenciements », Fabrice Angei considère que « la primauté donnée aux accords d’entreprise », à la fois sur les accords de branche ou sur le contrat de travail, va avoir pour effet, dans les PME, « un assujettissement aux diktats des grandes entreprises ». Ce qui créera inéluctablement « un appauvrissement des salariés ». Il pointe en outre une fusion des Institutions représentatives des personnels (IRP) synonyme d’un « éloignement » de ces représentants, tout autant qu’un décalage avec les réalités de terrain. Avec tout ce que cela suppose en termes de dangers sur la sécurité et la santé. Un aspect à son sens « insupportable ». 

« Si la 5e puissance économique mondiale perd des droits, on va les perdre aussi partout. Ce n'est pas un combat d’arrière-garde mais pour tous les travailleurs du monde. »
Fabrice Angei, CGT

« Une catastrophe et un non-sens total », renchérit Yannick Ohanessian (Unsa) qui, au-delà des dégâts spécifiques à la SNCF dont il est issu, pointe un projet « inefficace économiquement et dangereux socialement ». Lui aussi dénonce l’inversion de la hiérarchie des normes qui interviendra dans des domaines cruciaux, tels que par exemple « l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées ». Sur cette question comme sur tant d’autres, avec l’avènement de l’entreprise toute puissante, fini le principe de « la loi qui est faite pour protéger tout le monde ». En lieu et place de l’égalité de tous face à la législation, les décisions seront fonction du bon vouloir des employeurs. 

« Quel modèle de société ? » 

Et lorsque les promoteurs de la casse du Code du travail se targuent d’octroyer 25% d’indemnités supplémentaires en cas de licenciement, le responsable Unsa rappelle que cela concerne uniquement ceux « ayant plus de dix ans d’ancienneté », soit seuls 30% de l’ensemble du salariat. D’une manière générale, résume Yannick Ohanessian, l’enjeu majeur est de « savoir quel modèle de société nous voulons ». Emplois qualifiés, convenablement rémunérés et pérennes ou « petits jobs et CDD à répétition comme en Allemagne où le taux de pauvreté des salariés atteint 23% » ? Enfonçant le clou, Pierre Dharréville (PCF) s’élève contre le fait que « les ordonnances établissent le droit de ne pas respecter les règles ». « ça va très loin », prévient-il en soulignant par exemple qu’un salarié peut se retrouver sous le coup d’un licenciement « sans savoir ce qui lui est reproché ». Pour lui, il s’agit ni plus ni moins que de « fabriquer des salariés sans droits » et victimes de nombreuses « inégalités ». Et, au nom du très tendancieux « faciliter les licenciements pour mieux embaucher », Fabrice Angei relève qu’une mise à la porte ne sera pas forcément liée « aux difficultés structurelles économiquement », « elles pourront être factuelles, conjoncturelles, voire même produites par des opérations d’optimisation fiscale ». 

A.M.

Des PME pas forcément gagnantes

Nuançant sur quelques aspects son enthousiasme au sujet de la loi Travail, Frédéric Verdet (CPME 13) n'a pas fait mystère de sa satisfaction quant à un certain nombre de mesures y figurant. Pour autant, les autres intervenants n’ont pas manqué de souligner que les très petites, petites et moyennes entreprises n’étaient pas forcément les grandes gagnantes d’un projet favorisant en premier lieu le grand patronat et les actionnaires. Ainsi, Fabrice Angei (CGT) relèvera que l’instauration de « ruptures conventionnelles collectives », qui au passage « évitent tout ce qui a trait au PSE [Plan de sauvegarde de l’emploi, ndlr] », « va bénéficier aux grands groupes financiarisés et non aux PME ». 

« Le paradoxe est que l'on n’a jamais autant négocié dans l’entreprise au moment même où le pouvoir n’y est plus, en raison de la dépendance économique vis-à-vis des donneurs d’ordres. »
Baptiste Giraud,
politiste, chercheur en sciences-politique à AMU

Selon lui, la mise en place d’un Conseil social et économique (CSE), fusion des actuelles Instances représentatives du personnel, fera « passer au second plan la sécurité des salariés » et suscitera « une augmentation des accidents du travail ». Ce danger supplémentaire sur la santé et la sécurité des salariés aura inéluctablement à son sens des conséquences sur la productivité. Sans compter qu’avec le dumping social érigé en règle, qui sera immanquablement à l’œuvre, « la déréglementation sociale va faire souffrir les PME », commente Pierre Dharréville pour qui cette logique consiste « à faire gagner les grandes entreprises et broyer les petites ». 

A.M.

Transformation et chape de peur sur le dialogue social

Cela a presque été le mot de la fin. Lors de l'ultime intervention, avant quelques questions de l’assistance, Baptiste Giraud est revenu sur la notion de dialogue social, une assertion « fourre tout » où l’on « entend tout et son contraire, il faut sortir du débat pour ou contre ». « Cela renvoie à la pratique de la négociation, l’échange entre l’employeur et les salariés existe en permanence », pose le chercheur qui prend bien soin de faire un distinguo : « Il faut dissocier les choses entre les entreprises de plus de cinquante salariés et celles de moins de cinquante ». L’universitaire relève « deux aspects contradictoires » dans le discours gouvernemental qui dit vouloir « renforcer le dialogue social ». « Avec la fusion des Instances représentatives du personnel en une seule instance, on a du mal à voir comment cela va renforcer leur efficacité dans la mesure où on a des représentants du personnel submergés par les réunions, qui manquent de temps », décrit-il. Baptiste Giraud parle même d’une « crainte ». « Au moment où des enquêtes attestent de la dégradation des conditions de travail des salariés, que ce soit psychiques ou physiques, que ce soit à ce moment-là qu’on réduise ou qu’on fasse du CHSCT une simple commission du Conseil social et économique, il y a à craindre ». Un sentiment d’insécurité syndical...? Le patronat évoque, lui, « un dialogue social régi par la peur », selon Frédéric Verdet. « La peur des entreprises de jouer à la roulette russe à chaque fois qu’elles se séparent de quelqu’un, la peur des salariés de perdre leur emploi, développe le vice-président de la CPME en charge de l’industrie. C’est le vivre ensemble dans l’entreprise qui est en ce moment sous une chape de peur. Il faut trouver des solutions pour en sortir. » Cela passe par le fameux dépoussiérage des archaïsmes dont rêvent gouvernement et patronat de concert. « Il faut inventer une nouvelle façon de fonctionner car le monde change, il n’y a pas de sacralité de fonctionnement », défend Frédéric Verdet qui au terme de « petits patrons » qui le rebute, préfère celui de « grands patrons de petites entreprises ».

« Il y a clairement une volonté politique de transformer la représentation syndicale »

Mais le chemin pris par les ordonnances ne va pas dans le bon sens sur le volet dialogue social et rôle syndical. « On veut des syndicats forts, relaie Baptiste Giraud. Je ne pense pas qu'il y ait une volonté dans les grandes entreprises d’éradiquer les syndicats, mais il y a clairement une volonté politique de transformer la représentation syndicale et faire émerger de nouvelles formes de représentations syndicales plus professionnalisées. On veut englober les organisations syndicales dans un rôle de négociations et remettre en cause un certain nombre d’avantages sociaux ». In fine, objecte-t-il, « le risque est qu’on favorise l’émergence de syndicats très professionnalisés et qui seront, par la force des choses, déconnectés du terrain. Cela aura un effet pervers pour les syndicats mais aussi pour les directions ». Si le terme de représentativité syndicale n’a pas été clairement évoqué, le rôle des syndicats, voire leur utilité, a été soulevé. Histoire de s’auto-questionner. Un sujet mis sur la table par la CPME. « Il faut se poser les vraies questions : qu’est ce qu’on amène à nos adhérents ? La vision qu’on propose de la société idéale, c’est celle là qui va arriver de convaincre de notre utilité » , espère Frédéric Verdet, plutôt critique : « Aujourd’hui, je ne crois pas que l’ensemble de nos concitoyens soit sensible à ce qu’on leur propose. C’est pour ça que les syndicats salariés disparaissent et que les syndicats patronaux régressent. Ce n’est pas en gardant des positions dogmatiques ou en s’arc-boutant sur des intérêts catégoriels particuliers qu’on arrivera à faire changer ça. Je le dis aussi bien pour les salariés que pour les organisations patronales. »

« Les syndicats ne sont pas has been »

Dans une salle et autour d'une table plutôt hostile à cette réforme XXL, le responsable patronal en profite pour battre en brèche des idées reçues sur les dirigeants d’entreprise. « C’est mal connaître les entreprises que de dire qu’elles embauchent les gens pour le plaisir de licencier, dénonce Frédéric Verdet. Il ne faut pas croire que la grande majorité des entreprises considère ses salariés comme une marchandise corvéable. » Bref, ne pas mettre tout le monde dans le même panier, surtout deux jours après la diffusion de l’émission Cash investigation décrivant par le menu les conditions de travail de grands groupes comme Lidl ou Free. Yannick Ohanessian (Unsa) s’en est d’ailleurs fait l’écho dans le débat. 

« Nous considérons que nous sommes sur un recul sans précédent de ce qui organise le travail, jamais nous avons vécu ça, même la droite n'est jamais allée aussi loin »
Yannick Ohanessian, UNSA

Plutôt absente des discussions, la jeunesse a eu droit de cité sur ses aspirations, « être son propre patron, être auto-entrepreneur », souligne Frédéric Verdet. Uber, Deliveroo, beaucoup se sont engouffrés dans ce qui était présenté comme un eldorado. « Mais aujourd’hui, qu’est-ce qu’ils demandent ? Des droits », constate Pierre Dharréville (PCF). « Les syndicats ne sont pas has been, les jeunes revendiquent des droits et se syndiquent, des sections syndicales se créent partout, abonde Fabrice Angei. Le militant CGT estime que « le syndicalisme est aujourd’hui en phase avec l’aspiration du monde et de la jeunesse. On veut que les salariés puissent discuter autour d’une table avec les pouvoirs publics, les entrepreneurs, les décideurs... ».

« C'est par la voix de tous qu’on arrivera à mener de fortes mobilisations »

Alors que les ordonnances, sur un joli coup de communication, ont été signées, la mobilisation ne va pas faiblir. « Il y a une nécessité de mener le combat qui ne peut pas être le règne du moins disant social », soutient Fabrice Angei. Le 10 octobre prochain, la fonction publique est appelée à manifester. « Un appel unitaire », salue Yannick Ohanessian qui croit en « un mouvement plus dur ». Le cheminot de l'Unsa, par ailleurs responsable politique au PS, veut croire en un mouvement « unitaire » car « c’est par la voix de tous qu’on arrivera à mener de fortes mobilisations sur le terrain et dans l’entreprise ». Seul bémol, « les PME n’ont pas prévu de manifestations », désamorce, en souriant, Frédéric Verdet. Florent de Corbier

La flexibilité... en attendant la sécurité ?

Tonalité unanime autour du terme « flexi-sécurité », chéri par Emmanuel Macron. Sauf que, pour l'heure, seule la première partie du contrat a été tenue. « Je suis pour la flexi-sécurité, je suis d’accord avec vous pour le moment, on est dans la flexi et il manque la sécurité, avoue Frédéric Verdet (CPME 13). J’espère que les prochaines étapes vont amener la sécurité. » « On sécurise beaucoup les employeurs, mais au détriment des salariés », estime Pierre Dharréville (PCF). 

L’Unsa se montre très inquiète : « On nous parle de flexi-sécurité mais on est en train de supprimer toute organisation syndicale dans le monde de l’entreprise », s’alarme Yannick Ohanessian qui cite, comme Macron, les pays du Nord en modèle : « Mais il fait tout l’inverse : là-bas, à partir de trois salariés, il y a une obligation d’avoir une présence syndicale, là-bas on implique davantage les salariés dans les conseils d’administration. » Du côté patronal, on garde la flexibilité en boussole : « Si on ne met pas ça, cela ne marchera pas. Notre société change, l’environnement concurrentiel de l’entreprise est de plus en plus complexe, plaide Frédéric Verdet. Il faut être capable de s’adapter, ça veut pas dire qu’il faut tout démonter mais remettre en cause des tabous du monde syndical. » 

F.C.

Ça passe en cassant

La volonté gouvernementale de légiférer par ordonnances a introduit le débat. Une méthode largement critiquée. À fleurets mouchetés pour la CPME qui préfère elle retenir le contenu plutôt que la forme. « On est satisfaits de ce qui a été réalisé », exprime Frédéric Verdet qui, malgré tout, « se pose un certain nombre de questions sur la méthode adoptée par le gouvernement ». Un simili de concertation pour Baptiste Giraud. En recevant les organisations syndicales, « le gouvernement a pris soin de montrer qu'il prenait le temps pour faire la démonstration que les ordonnances faisaient l’objet de discussions et de négociations ». L’universitaire pense qu’en agissant ainsi, le gouvernement nouvellement désigné s’octroie « la légitimité pour passer outre l’avis des syndicats ». Encore faut-il qu’ils aient été tous consultés. À l’instar d’autres plus petits syndicats de salariés ou patronaux, l’Unsa n’a pas été reçue par le gouvernement. « Nous n’avons pas été associés aux discussions, cela pose un souci d’un point de vue démocratique, plus globalement ça pose une difficulté pour pouvoir regarder de près ce qu’il y avait dans cette ordonnance », déplore Yannick Ohanessian. 

« On n'est pas dans un combat où il y a des méchants et des gentils. Tout le monde comprend qu'il faut créer des conditions pour qu’on vive mieux. »
Frédéric Verdet

« Ne pas faciliter la lutte » 

Et encore, les « heureuses » organisations syndicales conviées « au grand jour », selon Baptiste Giraud - ce qui dénote par rapport aux relations habituelles entre pouvoir et syndicats - l’ont été tour à tour. « La principale singularité, c’est que ces échanges se sont faits de manière bilatérale et qu’il a fallu attendre le dernier jour pour connaître le contenu des ordonnances. Ce qui est frappant, c’est que les syndicats sont tous ressortis déçus », constate le spécialiste du syndicalisme et des relations professionnelles. Un point de vue qu’atténue Fabrice Angei, pas dupe. « On n’est pas déçus car dès le début des discussions, on a compris où le gouvernement voulait aller », pointe le syndicaliste CGT varois. Qui a dû composer les échanges sur de simples intentions : « Ce qu’il y avait de particulier, c’était d’avancer sans avoir de textes, avec visiblement ce que l’on disait à l’un ce n’était pas ce que l’on disait à l’autre », critique-t-il. C’est un fait, la méthode employée par le gouvernement ne facilite pas le dialogue. « Sept heures de discussions par ordonnance, 120 heures au total de remise en cause de droit du travail, c’est très court », juge Fabrice Angei. La volonté d’aller vite est également perçue comme une manière « de ne pas faciliter la lutte », expose-t-il. Pierre Dharréville, député PCF, rappelle que le gouvernement n’a pas été très réceptif aux multiples amendements déposés par son groupe à l’Assemblée nationale sur les ordonnances. Cependant, la CGT décèle « aujourd’hui que la fébrilité monte au sein du gouvernement ». De là à revoir le contenu des ordonnances... 

F.C.

Pour un code du travail favorable aux salariés

Emmanuel Macron et son gouvernement s'attachent à véhiculer l’idée selon laquelle les détracteurs de sa réforme seraient hermétiques à toute idée de changement. Dans la rue, sur les bancs de l’Assemblée nationale et encore lors du débat qui s’est tenu jeudi, des représentants d’organisations syndicales et politiques ont une nouvelle fois fait la démonstration que la protestation pouvait se conjuguer à la formulation de propositions. Des propositions émancipatrices qui se situent, certes, aux antipodes de ce que préconise le pouvoir actuel. « Il y a des mesures progressistes que l’on peut mettre sur la table », déclare Pierre Dharréville. Et ce n’est pas faute pour le groupe parlementaire communiste, lors du débat dans l’hémicycle durant la période estivale, de s’être « appliqué à introduire des amendements ». Balayés, on s’en doute, par la majorité.

Sécurisation des parcours : « Un nouveau droit »

« Sur les alternatives que nous avons portées, nous avons notamment parlé des institutions représentatives du personnel. Il y a une institution à laquelle on ne touche pas c'est le conseil d’administration, là où il y a le pouvoir, là où sont les actionnaires. Discutons de ça, parlons-en. Qui est fondé à décider de l’avenir des stratégies des entreprises ? », déclare le député. Avant d’ajouter : « J’ai proposé à la Commission des Affaires sociales de faire une mission d’information sur l’intérêt des stock-options pour le développement économique des entreprises - sachant que les stock-options c’est zéro risque pour celui qui les détient, c’est cadeau. J’ai un petit doute sur le fait d’avoir une réponse favorable à ma demande. » Au chapitre de « la sécurisation des parcours professionnels », Pierre Dharréville préconise « une nouvelle avancée sociale d’ampleur dans notre pays, de même nature que celle qui a été produite à la Libération », en créant « un nouveau droit ». 

« Il faut mesurer l'ampleur de l’attaque frontale qui va tirer toute la société vers le bas. J’en appelle à de profonds mouvements populaires pour inverser la tendance. »
Pierre Dharréville,
député PCF des Bouches-du-Rhône

« On sait très bien qu’aujourd’hui de plus en plus de salariés connaissent différentes entreprises dans leur vie professionnelle ; qu’il y a des mutations économiques que je ne méconnais pas, le monde change. Il faut peser sur les changements du monde pour qu’ils se fassent dans la bonne direction. Nous avons les capacités d’établir ce nouveau droit qui permettrait de passer d’un emploi à une formation, pour éventuellement se réorienter. Il y a des choses à imaginer de ce point de vue-là. C’est une grande avancée de civilisation qu’il faut mettre à l’ordre du jour. » Utopique ou doux rêveur Pierre Dharréville ? Vraisemblablement pas à en croire Fabrice Angei qui met exergue une expérience - fructueuse - menée dans le Morbihan. Le département breton a en effet vu l’émergence d’un « CDI saisonniers » : ces derniers, hors période estivale de travail, se voient octroyer l’accès à des formations et « sont payés tout le temps », indique le cégétiste. Un dispositif qui s’inscrit dans la philosophie du « Nouveau statut du travail salarié », proposition prônée par son organisation syndicale.

« Libérer le travail » ? Ou les travailleurs ?

Dans le même état d'esprit, Fabrice Angei plaide pour « une discussion avec les pouvoirs publics » quant à « la nécessité de rouvrir des filières industrielles ». A fortiori dans une région où les possibilités en la matière s’avèrent particulièrement pertinente. Face au fameux « libérer le travail » d’Emmanuel Macron, qui s’apparente dans les faits à faciliter la tâche des décideurs pour toujours plus de déréglementation, le syndicaliste avance encore d’autres pistes : réduction de la durée légale du temps de travail à 32 heures ou encore parvenir à l’égalité salariale effective entre hommes et femmes. Des mesures, elles, de nature à libérer les travailleurs. Aussi, celui-ci réclame-t-il, avec d’autres, un véritable débat sur la problématique : « Qu’est-ce que bien travailler ? » 

A.M.