d'un tour à l'autre

Après près de 70 ans de présidences socialistes, le Conseil Général des Bouches-du-Rhône vient de passer aux mains de l'UMP. Plus qu'une victoire de la droite, le résultat est surtout la défaite d'une gauche autant divisée sur le plan national que sur le plan local. Récit.

Martine Vassal y est finalement arrivée. Après des années passées à s'opposer à Jean-Noël Guérini dans l'hémicycle du Conseil Général des Bouches-du-Rhône, elle le remplacera officiellement à l'issue du 3e tour, jeudi 2 avril. 


Celui qui fut l'homme fort du Parti Socialiste local, empêtré dans ses deux mises en examen, accusé de pratiquer un clientélisme outrageux par ses opposants comme par certains de ses anciens alliés, est devenu un paria dans son propre camp. 

Pour sauver sa tête, il a bien fondé un mouvement, la Force du 13, comme étendard de sa réélection. Et cela a fonctionné en partie puisqu'il lui a permis d'obtenir un siège, en compagnie de Lisette Narducci qui, à elle seule, symbolise l'état de la gauche locale. 

Ex-socialiste, elle a été réélue dans les 2e et 3e arrondissements aux dernières municipales avec l'appui de la majorité UMP (alliance dénoncée par son nouveau camp, le PRG) et vient donc de garder son siège au Conseil Général avec pour binôme, son président sortant. L'art du grand écart diront certains. La fine connaissance de la politique locale diront d'autres.


Sans sourciller, Jean-Noël Guérini note, dans son discours prononcé à l'issue de la soirée du second tour, un "contexte national et local difficile", pour donner plus de poids à sa victoire. Incontestablement, dans les Bouches-du-Rhône, si la défaite de la gauche peut être imputée comme ailleurs au rejet de la politique gouvernementale, ce n'est qu'en partie. Ses errements locaux y sont ici pour beaucoup. Et ne sont pas forcément rédhibitoires.

"ensemble" est-t-il encore possible ?

Au soir du second tour des départementales, le Parti Socialiste avait la gueule de bois. Arrivé au siège de la fédération des Bouches-du-Rhône, Jean-David Ciot, leader socialiste local, tirait les enseignements du scrutin devant une poignée de militants. Comme le symbole d'un parti où les frondeurs s'opposent au gouvernement au niveau national et se déchirent en interne au niveau local, on en comptait alors 10 fois plus au siège de campagne du dissident Guérini.


Pour Ciot, la gifle est certes douloureuse mais elle ravive aussi quelques espoirs. Partout où des binômes "d'union de  gauche" était qualifiés au second tour, ils l'ont emporté. À Gardanne par exemple, où le binôme Europe Ecologie-Front de Gauche a tenu tête au FN ou dans le canton de Marseille 1 où le socialiste Payant et l'écologiste Rubirola ont été élus. De quoi appeler à un large rassemblement en vue des régionales pour Jean-David Ciot, sentant la possible débâcle les socialistes appellent à faire fi des désaccords.

Mais le rassemblement ne sera pas évident. Car si dépasser les désaccords sur la politique nationale, souvent loin des préoccupations locales, parait possible, passer l'éponge sur les années Guérini sera plus difficile. Au soir du premier tour, voilà, entre autres, comment le binôme du Front de gauche Itrisso-Berriche, depuis son QG des quartiers nord, expliquait sa candidature. Avec en filigrane, la dénonciation de "ceux qui étaient là avant et qui ont tout fait pour dépolitiser les quartiers", comprendre, les élus socialistes.

Dans sa volonté de se rasembler, la gauche trouvera peut-être un allié inattendu en l'UMP. Car le parti de droite a compris qu'à concourir tout seul face au FN, il risquait surtout de perdre.

  

la droite sans (trop) se pavaner

Que la photo de Martine Vassal chavirant de bonheur aux côtés de Bruno Gilles ne trompe personne. À l'issue du second tour, personne, dans les rangs de l'UMP, ne songeait à se pavaner outre mesure. On préférait même mettre en avant le fait que le Conseil Départemental serait dorénavant présidé par une femme plutôt que par la droite.


De la bouche même du secrétaire fédéral de l'UMP, il s'agissait tout autant d'une "défaite de la gauche que d'une victoire de la droite".
Sans doute porté par l'élan républicain de certains de ses candidats qui, faisant fi du "ni FNPS" de Nicolas Sarkozy, ont appelé à voter pour tel candidat de gauche pour éviter une élection frontiste, Bruno Gilles y est même allé de son cynique vœu pieux : voir la gauche se reconstruire avant les régionales. Il faut dire qu'avec l'instauration d'une dose de proportionnelle et un gouvernement toujours plus impopulaire, il vaudra mieux, pour la droite, éviter de se trouver seule face au Front National.