du show au business

Jusqu'au 28 mars, les Musiques du Monde tiennent salon à Marseille. En quelques années, Babel Med Music est devenu un rendez-vous incontournable pour tout professionnel de la world. Des artistes aux managers, des organisateurs aux tourneurs, rencontre avec ceux qui ne voient la musique qu'à travers le partage.

Cette année, Wily et Fred enchaînent les interviews. Leur groupe, Radio Babel Marseille, invité à se produire lors de la conférence de presse de présentation de Babel Med Music 2015 a suscité la curiosité et l’intérêt des médias. Formation vocale à cinq voix née à la Joliette, leur musique est un carrefour du monde, qui mêle polyphonies corses, chant lyrique, voix orientales et même beat box. Aussi, pour eux, venir présenter leur travail au rendez-vous des musiques du monde, Babel Med Music, était une étape obligée.


Ici, dans l’espace marché du Dock des Suds, eux et leur producteur, Piment Rouge Production, trouveront 3000 professionnels à qui parler de leur musique. Des labels, des festivaliers, des tourneurs, des artistes comme autant de possibilités de continuer à vivre de leur art, dans une conjoncture toujours plus difficile pour le marché de la musique, a fortiori celui des musiques du monde, plus confidentiel.  

Pour eux, Babel Med Music, par le passé, leur a permis d'émerger, puisqu'ils ont été mis en avant par PhonoPACA, structure du Conseil Régional visant à promouvoir les artistes locaux. Cette année, avec une date en soirée sur la scène du festival Babel Med Music, les artistes espèrent attirer un peu plus la lumière sur leur carrefour du monde.

"Babel med c'est la possibilité de papillonner
d'une musique à l'autre"
Photo MLT

Rendez-vous musical hybride entre marché de la musique et festival, Babel Med Music en est à sa 11e édition. Parmi les piliers, Sami Sadak, ethnomusicologue et conseiller musical de l'événement. Pour lui, la musique ne vaut que si elle est partagée et un concert n'est rien d'autre qu'un lieu de rencontre entre les hommes et leurs cultures. 

Aussi, il aime voir en Babel une "agora marseillaise" où le mot d'ordre serait "l'échange"

Parmi tous les échanges qui se font à Babel, celui des cartes de visites en un parmi les plus fréquents. Pour les managers comme Cendryne Roé, qui gère la carrière du guitariste flamenco mondialement reconnu Juan Carmona, il s'agit de trouver ici des dates pour son "poulain". Dans un marché de la musique qui peine à s'adapter aux nouveaux modes de consommation, la scène est (re)devenue un des rares moyens de vivre de sa musique. 

Un peu plus loin, Lucie Beauchot tient le stand de MCE Productions, petite structure marseillaise qui promeut les musiques du monde, notamment sur sa scène, L'Eolienne. Pour elle aussi, Babel Med est un rendez-vous important dans son année. C'est là qu'elle trouve de quoi faire tourner la machine, comme ce fut le cas les années précédentes. Chaque showcase en soirée est une vitrine dont elle ne pourrait se passer.


En 2014, la musique enregistrée a rapporté quelques 570 millions d'euros quand elle en rapportait plus de 800 en 2010. Dans le même temps, plus d'une centaine de festivals ont disparu en France, ce qui rend la course au cachet de plus en plus difficile. Cendryne Roé, par ailleurs auteur d'un ouvrage intitulé "La circulation internationale du spectacle" estime que, dans cette conjoncture morose, les musiques du monde, par leur nature internationale, cumulent les handicaps.

 "Les contraintes administratives de circulation des artistes entre les pays mettent parfois à mal l'économie même d'un festival. Lorsque un artiste programmé se voit refuser son visa par exemple, les frais engagés pour le faire venir peuvent mettre en péril l'écosystème de l'événement". Selon elle, seules des décisions politiques fortes peuvent aujourd'hui aider les artistes et les festivaliers.

"Notre région a décidé de miser une partie de ses fonds européens de développement sur la culture en tant que moteur fondateur de la société et facteur essentiel de développement économique"
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Si la culture peine de plus en plus à drainer des fonds au niveau national, les politiques locales ont en revanche compris l'intérêt de miser sur son développement. Chez nous, la région PACA, partenaire de Babel Med Music depuis ses débuts, a créé PhonoPaca, groupement de tous les acteurs musicaux régionaux. C'est notamment grâce à cette structure que William et Fred du groupe Radio Babel Marseille (lire plus haut) ont pu produire leur premier album et bénéficier du réseau PhonoPaca pour se faire connaître.

Chez nos voisins italiens, c'est la région des Pouilles, celle qui forme le talon de la botte, qui est le plus avancée dans ce domaine. Avec Puglia Sounds, les politiques ont décidé de miser, dans un sud italien souvent oublié par l'état central, sur la création et la diffusion culturelle pour développer leur région. La structure intervient aussi bien dans l'aide à la promotion, via un bureau export, que dans l'aide à la production, via des sessions de mixage et d'enregistrement. "Il nous arrive aussi de financer des choses très concrètes comme des billets d'avion pour que les artistes viennent enrichir l'offre de nos festivals locaux" explique Cristina Fina, présente cette année encore à Babel Med Music pour promouvoir la création italienne.  En octobre dernier, Puglia Sounds organisait à Bari son 4e Medimex, salon musical symétrique à Babel Med Music  par l'axe alpin. Pensé comme un "salon d'innovation musicale", l'événement suit la ligne du développement durable en confrontant l'industrie musicale aux nouveaux modes de consommation, qu'il s'agisse du streaming ou du recyclage des déchets produits durant les festivals.

une place au show

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Si le côté "business" de Babel Med Music a aujourd'hui trouvé son rythme de croisière, le côté "show", lui, continue d'évoluer. Cette année encore, pour 15 euros la soirée ou 20 euros pour un pass vendredi-samedi, le public pourra découvrir plus d'un trentaine d'artistes différents. De l'opérette marseillaise version blues de Moussu T à la gouaille tropicale de Zoufris Maracas, de l'accordéon argentin de Chango Spasiuk au piano libanais de Bachar Mar-Khalifé, chaque soir de Babel est un voyage en soi.

Un voyage auquel les organisateurs ont souhaité cette année convier les minots. À travers Babel Minots qui se déroule en partie hors les murs, les petits marseillais se voient proposer concerts, ateliers, contes musicaux et tables rondes.

Jeudi, lors de la journée d'ouverture, une partie d'entre eux assistait au showcase du groupe marseillais Temenik Electric. L'espace d'un concert, ils ont pu, avec la complicité de Mehdi Haddjeri, chanteur et par ailleurs créateur du Nomad Café, s'initier à la transe rock-electro-gnawa. Déjà carrefour du monde, Babel veut désormais être, aussi, un pont entre les générations.

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Vidéos & montages:
Marie-Laure Thomas & Paul Goiffon
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Photos: Marie-Laure Thomas & Laurent Saccomano
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Texte et mise en forme: Paul Goiffon
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