Le Tour dans la région, 
113 ans d'histoires

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Personne n'aurait imaginé, en 1903, en voyant les silhouettes fatiguées se présenter à la Prairie des Filtres de Toulouse, que la région allait accueillir pendant un siècle (et sans doute bien plus) cette épreuve unique au monde. Chaque année, le Tour de France se déroule en grande partie dans notre région. Selon le tracé, plus ou moins d'un tiers de l'épreuve pédale sous le soleil de Midi-Pyrénées. En fonction du sens emprunté par la course, les cols d'ici se chargent de faire la sélection ou de l'affiner.

On ne compte plus les journées décisives vécues sur les pentes de l'Ariège, de la Haute-Garonne ou des Hautes-Pyrénées. A la triste exception de 1992 où la Grande Boucle s'était voulue européenne (une seule arrivée à...Pau), la caravane n'oublie jamais sa visite occitane. De génération en génération, les « aficionados » se pressent par centaines de milliers au bord des étapes, sur les sommets ou ailleurs, pour une communion toujours renouvelée.

Dès l'édition inaugurale donc, Toulouse a été ville-étape et c'est dans les Pyrénées, en 1910, que les coureurs ont vraiment découvert la haute montagne. Depuis, tous les départements ont accueilli avec plus ou moins d'assiduité les géants de la route. Eddy Merckx, l'immense champion belge, a choisi Luchon pour se lancer dans le plus bel exploit de sa carrière. Louison Bobet a endossé à Saint-Gaudens le maillot jaune de son dernier Tour victorieux et le duo Anquetil-Poulidor a inventé entre Andorre et la Ville rose un des épisodes les plus savoureux de l'histoire. C'est aussi sous le ciel de nos montagnes que s'est déroulé un des pires drames de la course : la mort accidentelle de Fabio Casartelli, le jeune Italien, au soleil du Portet d'Aspet en 1995.

De Gustave Garrigou, l'Aveyronnais vainqueur en 1912, à Jean-Christophe Péraud, le Toulousain deuxième en 2014, en passant par Jacques Esclassan et Laurent Jalabert, les maillots verts tarnais, ils sont des dizaines de champions avec l'accent d'ici à s'être illustrés dans le feuilleton de juillet. Voici quelques repères pour se souvenir...

                                                                                                          Patrick Louis

Toulouse et ses banlieues

L'Italien Gino Bartali gagne la 8ème étape du Tour 1948, entre Lourdes et Toulouse, avec une arrivée aux Ponts Jumeaux./AFP

LES TRèS RICHES HEURES DU STADIUM DE TOULOUSE

La Ville rose a eu l'honneur d'accueillir les sept premières éditions du Tour de France, avec une arrivée à la Prairie des Filtres pour la toute première édition en 1903. Mais elle a attendu trente ans avant de retrouver les Géants de la Route lors de la dernière édition avant la guerre. Ensuite, les arrivées au Stadium se sont succédé avec des sprints mémorables enlevés par Van Steenbergen, De Bruyne, Darrigade ou Graczyk. Le Belge Van Vlierberghe a « refermé » les portes du Vélodrome, le Tarnais Jacques Esclassan s'imposant huit ans plus tard sur une des allées jouxtant l'enceinte. Le maillot jaune et ses suivants ne sont arrivés depuis que trois fois sur les bords de Garonne, dont une, en 2003, de triste mémoire. En pleine canicule, le site de Lasbordes, bien mal choisi, avait été déserté par le public. Tant pis pour Juan-Antonio Flecha, l'Argento-catalan de Toulouse, vainqueur à domicile. Comme si le ciel s'amusait à gâcher la fête, lors de la dernière visite de la Grande Boucle, Mark Cavendish s'est imposé sur le boulevard Lascrosses sous une pluie glaciale par un temps à ne pas mettre un coureur dehors !

Les vainqueurs des arrivées à Toulouse :

REVEL, JAUNE LAURAGAIS

Le jour où le Tour de France a découvert Revel, le drapeau allemand flottait sur la caravane. Victoire pour le colosse Rudi Altig et maillot jaune pour Karl-Heinz Kunde, un des coureurs les plus légers de l'histoire ! C'était en 1966 et, depuis, la course est arrivée sept fois dans la cité du Lauragais, accueillant même une étape contre la montre en 1969. Nous soulignerons ici, au passage, le rush de Charly Mottet en 1990 et le sprint victorieux de Sergueï Outschakov face à... Lance Armstrong en 1995. 

Un « accord moral » a été passé entre Alain Chatillon, le maire de la ville, et les organisateurs pour que Revel accueille la prestigieuse épreuve tous les cinq ans. Cinq ou... six, puisque après le succès d'Alexandre Vinokourov, il a fallu attendre l'été 2016 pour revoir les coureurs remonter la côte de Saint-Ferréol.

Les vainqueurs des arrivées à Revel :

CRASH à COLOMIERS

Lorsqu'il s'est imposé dans son style puissant entre les immeubles de Colomiers, théâtre du jour de repos en 1974, Jean-Pierre Genet n'a pas pensé à cette première arrivée en banlieue et au scratch spectaculaire qu'elle avait provoqué. Deux ans plus tôt, en 1972, les équipiers d'Eddy Merckx avaient carte blanche. Jos Huysmans s'était imposé d'un boyau devant Michael Whright mais lors du sprint, son équipier Joseph Spruyt s'était brisé la clavicule, comme l'équipier de Raymond Poulidor en 1972... Tony Houbrechts, Walter Ricci et Ger Haring avaient accompagné le Flamand dans ce crash mémorable.

Les vainqueurs des arrivées à Colomiers :

ORAGE SUR BLAGNAC

Aucun orage n'a frappé avec une telle force le Tour de France. En 1987, alors que les rescapés ont quitté les Pyrénées et se dirigent vers la banlieue ouest de la capitale régionale, le ciel crève sur la caravane. La télévision ne peut plus retransmettre, les spectateurs se mettent à l'abri et es coureurs progressent avec de l'eau jusqu'au mollet. L'Allemand Rolf Gölz nage un peu mieux que les autres et s'impose. C'est la troisième arrivée blagnacaise en quatre ans (Poisson et Ruttimman s'y sont déjà imposés) et il n'y en aura plus qu'une par la suite en 1989. Ce jour-là, victoire en poche, le Belge Rudy Dhaenens glisse sur un passage clouté et offre à Mathieu Hermans la chance d'un sprint inespéré. A noter le spectaculaire départ de 1988 à destination de Guzet-Neige (après une journée de repos), avec le peloton sur les pistes de l'aéroport croisant le Concorde.

Les vainqueurs des arrivées à Blagnac :

BOBET RÉCUPÈRE SON MAILLOT A SAINT-GAUDENS

En 1955, alors que Charly Gaul s'impose en Comminges lors de la première visite, Louison Bobet récupère le maillot jaune d'Antonin Rolland. Il ne le quittera plus et deviendra le premier coureur à enlever trois Tours consécutivement. L'histoire du Tour à Saint-Gaudens retient également le baroud d'honneur de Luis Ocaña en 1970. Une victoire solitaire de prestige un an tout juste avant de retrouver l'hôpital de la ville suite à sa chute, avec le maillot jaune, dans le col de Mente.L'été 1976 a été spectaculaire dans la sous-préfecture avec la chute d'Hennie Kuiper en plein sprint, la victoire de Régis Ovion finalement déclassé pour dopage. C'est le Belge Willy Teirlinck, un habitué du Tour, qui prend sa place sur les tablettes. Depuis, à l'exception de l'été 1999, Saint-Gaudens a servi de rampe de lancement vers le Pla d'Adet, Piau Engaly ou le Plateau de Beille.

Les vainqueurs des arrivées à Saint-Gaudens :

C'EST LE DÉPART QU'ELLES PRÉFÈRENT !

Saint-Orens-de-Gammeville ne compte qu'une ligne sur le livre d'or du Tour. Au chapitre 1995. Ce jour-là, il y avait pas mal d'animation au départ puisque Miguel Indurain soufflait les 31 bougies de son gâteau d'anniversaire. Quelques heures plus tard, Marco Pantani sortait en vainqueur des brumes de Guzet-Neige, la station ariégeoise. Pour des raisons logistiques ou à la demande des organisateurs qui n'hésitent plus à dissocier les sites d'arrivées des départs du lendemain, plusieurs communes banlieusardes ont accueilli le Tour en matinée seulement. C'est le cas donc de Saint-Orens, mais aussi de Cugnaux (en 2011 à destination de Luz-Ardiden avec Thomas Voeckler en jaune) ou encore de Muret (13e étape de 2015 vers Rodez) et même de Toulouse avec l'inoubliable envol de la place du Capitole en 1989.

Le Tour dans nos campagnes

Le peloton à travers les champs, entre Montauban et Brive./AFP

AVEYRON : DES GORGES DU TARN AU PITON RUTHéNOIS

Département d'origine de Gustave Garrigou, un des vainqueurs de l'époque héroïque, de Jules Merviel un peu plus tard, de Manuel Busto, figure des années 60 et aujourd'hui d'Alexandre Geniez, le grimpeur de Flavin, l'Aveyron n'a pas eu si souvent l'honneur du Tour. 

Millau a joué les pionnières dans les années 50 mais n'a été suivie que par une autre ville, Rodez, le chef-lieu, où le peloton s'est hissé à deux reprises à une vingtaine d'années d'intervalle. On retiendra que c'est en quittant l'Aveyron par le nord-ouest que Charly Gaul, vainqueur sortant, connut une terrible défaillance dans la côte de Montsalvy qui permet d'accéder au Cantal, au-dessus de la vallée du Lot. 

C'est aussi en Aveyron, sur les bords du Tarn cette fois, que le malheureux Roger Rivière a pris le dernier départ de sa carrière inachevée. Un peu plus loin sur le chemin d'Avignon, dans la descente du col de Perjuret, le Stéphanois allait basculer dans le vide et rester handicapé à vie. Dans un premier temps arrivée classique, Millau a choisi de s'élever en 1987 avec la montée du Cade vers le Causse Noir. Charly Mottet s'y était employé pour sauver son maillot jaune. La difficulté, spectaculaire et empruntée une deuxième fois en 1990, a, par la suite, dû se contenter de Paris-Nice, avec en 1995 un duel au couteau entre le Tarnais Laurent Jalabert au sommet de son art et Lance Armstrong, un an avant le cancer qui devait changer son destin.

Toutes les arrivées en Aveyron :

GERS : DEUX GRANDS DÉPARTS à FLEURANCE, INCROYABLE MAIS VRAI !

A l'été 1989, le bon abbé Massié, curé de Notre-Dame-des-Cyclistes à Labastide-d'Armagnac, a organisé une quête un peu spéciale. Comme chaque ville étape du Tour de France, il devait régler la facture. On dit que le compte n'y était pas. « J'ai tout donné à Jean-Marie Leblanc, il ne m'a pas fait de remarque... ». A l'époque, la Grande Boucle n'était pas aussi chère qu'aujourd'hui. Le Grand Départ 2015 aux Pays-Bas a coûté 4 millions d'euros à Utrecht... Impossible donc d'imaginer qu'une cité comme Fleurance puisse envisager de retrouver, un jour, un tel événement. 

Par l'intermédiaire de Maurice Mességué, le célèbre herboriste, la Grande Boucle s'est élancée du Gers à deux reprises, en 1977 où sous un chaud soleil, le jeune Allemand Dietrich Thurau avait revêtu le premier maillot jaune, et en 1979, sous la pluie cette fois, avec le succès du champion du monde néerlandais Gerrie Knetemann. A Auch, toutes les montres à l'heure.

A Auch, toutes les montres à l'heure

Dès 1973, les Fleurantins avaient découvert la caravane et la lune de miel ne s'est évanouie que dix ans plus tard. La dernière étape, partie de Luchon, est restée célèbre, non par pour son déroulement ou pour son vainqueur, Régis Clère, mais en raison de la chute près de Montréjeau de Pascal Simon, maillot jaune depuis la veille et contraint à l'abandon quelques jours plus tard dans les Alpes...

Auch, le chef lieu du département, a eu sa part de Tour aussi avec l'arrivée d'épreuves contre-la-montre (la première en 1975 au Moulias, victoire d'Eddy Merckx) mais aussi l'incroyable sprint de Pierre-Raymond Villemiane, deux ans plus tard. Le Girondin avait surpris tous les spécialistes avec une étonnante autorité. Ces dernières années, Samatan et L'Isle-Jourdain ont rejoint le livre d'or pour deux simples départs. Mais le département, idéalement placé en raison de sa proximité avec les Pyrénées, reste candidat à des visites régulières.

Toutes les arrivées dans le Gers :

LOT : DAVID MONCOUTIé OU L'HISTOIRE D'UN IMMENSE BONHEUR à DOMICILE

Il se passe toujours quelque chose sur les routes du Quercy. Oh, le département n'a pas connu si souvent les joies du Tour (deux arrivées d'étapes et trois départs en tout et pur tout), mais la Grande Boucle n'a jamais emprunté ces chemins entre Lot et Dordogne pour rien. La preuve ? Hugo Koblet a choisi d'entamer du côté de Souillac ce qui reste comme un des raids les plus parfaits, les plus fous aussi du XXe siècle. 135 kilomètres seul à 38,946 km/h et un succès presque « facile » à Agen où il a pris le temps de se donner un coup de peigne, gagnant pour toujours son surnom de « pédaleur de charme ». Les témoins de l'exploit, à Souillac, Gourdon, Fumel où l'écart ne cessait de grandir, les adversaires humiliés (Coppi, Bobet, Geminiani, Magni en tête...) n'ont jamais oublié ce dimanche 15 juillet 1951. Malheureusement, le Zurichois n'a « charmé » qu'un seul été. Bernard Thévenet, entre ses deux victoires à Paris, a connu tout près de là, à Martel, un des pires moments de sa carrière. Il n'a jamais pu arriver à Tulle, abandonnant le Tour de France 1976 à quatre jours des Champs-Elysées.

Durand : un drapeau tricolore flotte sur Cahors !

Revenons dans le bonheur absolu avec Jacky Durand remontant le boulevard Gambetta sous les cris d'une foule déchaînée. Le Mayennais porte le maillot bleu-blanc-rouge de champion de France, et le privilège de s'imposer sur le Tour dans ce costume très particulier reste rare. Ce sera la seule arrivée à Cahors qui a connu par ailleurs un départ vers Angoulême en 2007. Le départ, c'est précisément le premier événement vécu dans le Lot par le Tour. C'était en 1978 et les rescapés, au sortir des Pyrénées, avaient pris le train jusqu'à Figeac afin de se rapprocher des Monts d'Auvergne. 

David Moncoutié n'avait que trois ans et il ignorait qu'un jour lointain, il franchirait le Célé en vainqueur pour avaler la côte du Foirail. C'était en juillet 2004. Parti peu après Saint-Flour dans la bosse aveyronnaise de Therondels avec les inquiétants Espagnols Flecha et Martinez, le coureur de Biars-sur-Cère a manœuvré comme un champion à la sortie de Bagnac. Sans se poser d'autres questions, il est descendu à fond vers la sous-préfecture, s'offrant (un an avant son succès du 14 juillet à Digne-les-Bains) les instants les plus exaltants de sa carrière. « Tous mes amis étaient là, la famille, j'avais mal aux jambes mais j'étais en train d'exaucer mon rêve... ».

Toutes les arrivées dans le Lot :

TARN : CONTRE la MONTRE ET LA canicule

Le Tarn depuis les années 50 a servi de décor à ce que l'on appelle souvent les étapes de transition. Une échappée, un sprint, des coureurs profitant de la trêve des grands, voilà le lot habituel des visites dans le coin. Il faut pourtant préciser qu'à l'occasion de deux contre-la-montre, un dans les années 70, l'autre au début des années 2000, les visites tarnaises ont directement concerné les premiers du classement général.

En 1971, Eddy Merckx et Luis Ocaña se sont livrés à un nouvel épisode de leur terrible duel. Piégé dans l'étape de Marseille la veille, l'Espagnol a perdu encore quelques secondes sur le Belge autour du circuit du Séquestre. Un échange musclé avait suivi, Merckx, accusant le maillot jaune d'avoir profité de l'abri d'une moto de la télévision... Le lendemain, la fameuse empoignade se terminait dans la descente du col de Mente, sous l'orage. L'autre épisode chronométré, pour tous ceux qui l'ont vécu, brûle encore la mémoire. Dans une insupportable fournaise, au cœur de la canicule, Jan Ullrich avait sérieusement mis en danger le règne, aujourd'hui disparu, de Lance Armstrong. Un petit chef d'œuvre pour le rouleur allemand, une belle frayeur pour son ami américain.

Toutes les arrivées dans le Tarn :

TARN-ET-GARONNE : LE TOUR AU COMPTE-GOUTTES

Jacky Durand aime bien les arrivées inédites dans le Sud-Ouest. Déjà vainqueur à Cahors en 1994 pour la toute première halte dans le département, il a remis ça à Montauban en 1998. Un succès comme une parenthèse dans l'affaire Festina. La veille, Richard Virenque en larmes et ses équipiers (dont le... Montalbanais Didier Rous), avait été virés du Tour en Corrèze, nouvel épisode du feuilleton débuté par l'arrestation de Willy Voet, le soigneur de l'équipe, à un poste frontière franco-belge, en possession d'une quantité astronomique de produits dopants. Clin d'œil de l'Histoire, ces événements devaient permettre à Christophe Rinero, un autre Tarn-et-Garonnais, de réaliser son meilleur Tour avec une place au pied du podium sur les Champs-Elysées et le maillot à pois sur les épaules.

Avant que la caravane ne retrouve la cité d'Ingres en 2016, à la veille de l'entrée dans les Pyrénées, le Tarn-et-Garonne ne compte qu'une autre arrivée au palmarès, celle de Castelsarrasin en 2007. « Castel » a par ailleurs organisé deux départs, en 2001 vers Saran et en 2004 vers La Mongie. Tout aurait dû débuter en 1978, mais la fameuse grève du peloton en a décidé autrement. En 1982, les Valenciens avaient obtenu un « chrono » de compensation au cours duquel Bernard Hinault devait subir la loi du spécialiste néerlandais Knetemann.

Toutes les arrivées dans le Tarn-et-Garonne :

AUDE : LES SPRINTERS SE RÉGALENT DANS LES VIGNES

Le très rapide Parisien de l'équipe de France, René Le Grevès, a inauguré la série des arrivées à Narbonne avant la guerre. Jusque-là, les coureurs du Tour y étaient passés pratiquement chaque année (les tracés n'évoluaient pas beaucoup et en sortant ou en entrant dans les Pyrénées, il n'y avait pas trente-six solutions...), sans jamais pensé à s'arrêter. Le Grevès s'est même imposé deux fois de suite à l'ombre de la cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur sans savoir que bien plus tard, une fusée venue de l'île de Man sprinterait victorieusement sur ses traces. Entre les deux, on n'a pas oublié le sprint majestueux d'un Freddy Maertens ressuscité en juillet 1981 à Narbonne-Plage. Ce millésime fut très riche pour la région puisque l'arrivée en bord de mer était suivie d'un chrono collectif 100% audois, dans les vignes entre Narbonne et Carcassonne.

Le département de l'Aude a été beaucoup utilisé depuis pour des départs (Castelnaudary en 1969, Lézignan-Corbières en 1980, Limoux en 2011 et 2012, Narbonne et Carcassonne plus souvent...), le dernier vainqueur en ces terres cathares étant Popovych, le fidèle lieutenant de Lance Armstrong. C'était en 2006.

Toutes les arrivées dans l'Aude :

LOT-ET-GARONNE : APRèS L'EXPLOIT D'HUGO KOBLET, LE VIDE...

Le département aquitain n'a pas vraiment la cote. Avec quatre arrivées seulement (et autant de départs puisque Agen après l'exploit d'Hugo Koblet s'est spécialisé dans les rassemblements matinaux 1951-1980-1996-2000...), le Lot-et-Garonne figure dans le gruppetto des villes hôtes de la Grande Boucle. A noter un chrono important, celui de 1980, que nous relatons par ailleurs, et deux étapes ordinaires à Villeneuve-sur-Lot. Michel Périn, et plus près de nous, Pierrick Fédrigo ont disputé le Tour. Le Marmandais, fils de Michel, fameux sprinter amateur aux 400 bouquets, s'est imposé à quatre reprises sur le Tour, en 2006 à Gap, en 2009 à Tarbes, en 2010 et en 2012 à Pau. Ce n'est pas rien...

Toutes les arrivées dans le Lot-et-Garonne :

Contre-la-montre : 
bons et mauvais temps

Le Français Stéphane Goubert le 21 juillet 2007 lors d'un contre-la-montre à Albi.

DES AIGUILLES DE TOUTES LES COULEURS

Les coureurs de toutes les époques ont dû se battre contre le temps. Le mauvais du ciel, bien sûr, mais surtout celui du chronomètre, bien plus intraitable finalement. Henri Desgrange, le créateur de l'épreuve, a imaginé dès 1934 des étapes où les concurrents partiraient seuls à l'assaut des kilomètres dans un exercice d'une pureté exemplaire. « L'essai » a eu lieu en fin de Tour, lors de l'étape La Roche-Sur-Yon-Nantes (sur 90 kilomètres quand même !), enlevée par Antonin Magne, le maillot jaune et futur vainqueur à Paris.

Par la suite, les différentes expériences ont mis en lumière les capacités des tricheurs à s'offrir lors de ces longues balades « solitaires » de solides entraîneurs... motorisés. Les officiels, peu nombreux, étant occupé à surveiller de près les meilleurs, on a vu des seconds couteaux s'inviter sans prévenir dans les classements de ces épreuves si particulières, réalisant d'étonnantes performances.

Les chronos d'aujourd'hui n'ont plus à souffrir de cette lutte inégale mais leur importance a poussé de nombreux préparateurs à forcer la dose... Si l'on prend les dix premiers du classement général après le contre-la-montre d'Albi en 2007, on a bien du mal (et on vous laisse le trouver) à récupérer un athlète n'ayant jamais trempé dans une affaire de dopage. Les voici dans l'ordre : Armstrong, Ullrich, Vinokourov, Hamilton, Zubeldia, Mayo, Mancebo, Basso, Menchov, Moreau... Bien moins présent aujourd'hui que dans les années 60 (ou même 30 puisque l'édition 1939 comptait 282,5 kilomètres contre la montre !), l'exercice a quand même permis régulièrement au maillot jaune à changer d'épaules à la veille de l'arrivée (1962, 1968, 1978, 1987, 1990, 2006, 2011 et bien sûr en 1989 quand Laurent Fignon a vu son troisième Tour s'écrouler pour 8 secondes sur les Champs-Élysées).

LES HORLOGERS DE NARBONNE

Dans notre région, le premier « chrono » a eu lieu dès 1935 entre Narbonne et Perpignan avec le succès du spécialiste Maurice Archambaud, futur recordman de l'heure. L'année suivante, le départ est donné par équipes mais le classement reste individuel. Sylvère Maes, leader de l'épreuve, illustre la supériorité des Belges dans cette spécialité. Deux Narbonne-Béziers (27 km) marquent les derniers Tours d'avant-guerre, récompensant Félicien Vervaeke puis, de nouveau Archambaud.

En 1981, le superbe contre-la-montre par équipes enlevé par l'intouchable Ti-Raleigh de Peter Post, emmenée par Geerie Knetemann, Bert Ossterosch et Jan Raas entre Narbonne et Carcassonne (avec arrivée sur la piste du stade Domec), ressemblait à un adieu : l'Aude n'a plus, depuis, accueilli ce genre d'étape si appréciée par le public qui, pour une fois, ne doit pas se contenter d'un passage éclair du peloton...

TRèS HAUTE-GARONNE

En 1962, les Pyrénées découvrent à leur tour l'art de la course individuelle. Entre Luchon et Superbagnères (18,5 km), alors qu'Anquetil attend son heure, l'Aigle de Tolède, Federico Bahamontes, déploie ses ailes et domine tous ses rivaux. Au sommet, le Belge Joseph Planckaert en profite pour ravir le maillot jaune porté par Tom Simpson, qui disparaîtra tragiquement cinq ans plus tard sur les pentes surchauffées du Mont-Ventoux. Les Belges sont à l'aise dans le département puisqu'Eddy Merckx, sous les yeux du rugbyman Walter Spanghero venu en voisin, s'impose sur le fameux circuit de Revel. Le Bruxellois se lâche une fois de plus, deux ans plus tard, pas très loin du Lauragais, à Albi, où il grignote, à quelques heures de l'accident du col de Mente, une poignée de secondes à Luis Ocaña.

Le dernier chrono haut-garonnais a de nouveau pour décor Superbagnères, sous un ciel maussade, peu après le grand départ de Fleurance. Bernard Hinault en profite pour remettre les pendules à l'heure et déshabille sont jeune équipier Jean-René Bernaudeau. Le Breton perdra ensuite son fauteuil de leader face à un Zoetemelk moins timide que d'ordinaire, mais le retrouvera à la faveur d'un autre contre-la-montre en côte, dans les Alpes cette fois, entre Morzine et Avoriaz. L'été suivant, paradoxe : le Blaireau, touché à un genou et proche de l'abandon (il va se retirer le lendemain soir à Pau), est battu entre Damazan et Laplume en Lot-et-Garonne, mais récupère pourtant le maillot de Rudy Pevenage.

A L'HEURE DE GASCOGNE

Comme relaté par ailleurs, le fameux herboriste Maurice Mességué et la municipalité de Fleurance ont obtenu à deux reprises ce que l'on n'appelait pas encore le « Grand Départ ». En 1977, le jeune Allemand Didi Thurau y a surpris le grand Eddy Merckx à quelques mois de sa retraite, et deux ans plus tard, Geerie Knetemann, un des plus redoutables rouleurs de sa génération, a endossé la première tunique de leader de l'été. Le Tour avait déjà apprécié les reliefs gersois lors de deux journées mémorables, en 1975 avec la victoire de Merckx entre Fleurance et Auch à la veille de la journée de repos, et en 1976 avec les larmes du vétéran wallon Ferdinand Bracke, souverain sur le même tracé. Avant les deux derniers épisodes tarnais, Valence d'Agen, en « récompense » de la grève de 1978, a obtenu un superbe rendez-vous contre-la-montre avec, une fois de plus, le Néerlandais Geerie Knetemann à la baguette.

LE TARN EN EAUX TROUBLES

Alors que le Gers espère bientôt une suite à son superbe feuilleton chronométré (les Aveyronnais rêvent de leur côté d'un Villefranche-de-Rouergue-Rodez), le Tarn a provisoirement refermé l'histoire des étapes contre-la-montre dans la région. Nous aurions préféré deux scénarios plus limpides, moins controversés, mais l'histoire roule toute seule et l'époque ne laissait que bien peu de place aux chevaliers blancs...

En 2003, sous la canicule, suiveurs et public médusés ont vu Lance Armstrong, le maître de l'US Postal au-dessus de tous depuis son retour en 1999, vaciller face à Jan Ullrich, vainqueur du Tour 1997. Sous son maillot Bianchi ressuscité, l'Allemand a collé 1'36'' au monstre américain, revenant ce jour là à 34'' du maillot jaune. On devait apprendre plus tard que l'un et l'autre ne pédalaient pas franchement dans un bassin d'eau claire.

Pas plus qu'Alexandre Vinokourov, proprement viré des tablettes (c'est l'Australien Cadel Evans qui a récupéré le bouquet) après son écrasante chevauchée de 2007. L'ancien coureur de Vincent Lavenu, débarqué à Saint-Etienne de son Kazakhstan natal et devenu patron d'Astana, avait été pris pour transfusions sanguines. Il a toujours crié son innocence.