Traces

Editorial par Jean-Claude Souléry

C'est la question qu'on se pose : la catastrophe d'AZF, l'une des plus grandes catastrophes industrielles de France, a-t-elle toujours laissé des traces dans la mémoire toulousaine ? Oui, bien sûr! pour tous ceux-là, qui ont perdu leurs proches mais aussi leurs emplois. Oui, bien sûr, pour ces milliers de blessés, graves ou légers, pour ceux dont la maison ou l'appartement ont été soufflé. Oui encore pour la plupart de ceux qui gardent dans un coin de mémoire ces images de dévastation, ce bruit d'explosion(s), ces secondes de grand fracas, le concert des sirènes, la course des secouristes, l'immense cohue de la ville sur laquelle planait un sinistre nuage orange, enfin le colportage pervers des rumeurs les plus extravagantes que l'enquête policière ne parviendra pas à éteindre totalement.

Oui, les traces demeurent quinze ans plus tard, comme celles des blessures profondes qui démangent entre la chair et l'os. Les ouvriers d'AZF, un peu trop vite montrés du doigt, y ont perdu – outre leurs camarades – une part d'eux-mêmes, les derniers pans de leur usine, une certaine idée du travail, une vraie «culture ouvrière» qui remontait à loin et qui, désagrégée en un instant, n'existe plus que dans leur nostalgie.

Oui, elles se réveillent, ces traces inaltérables, chaque 21 septembre, depuis que Toulouse, par un étrange raccourci, est devenue une sorte de banlieue de New York, dévastée dix jours plus tôt. De même, elles resurgissent forcément à l'occasion des interminables procès où la justice tente de redire en mots d'experts ce qui fut pour nous un jour de grand malheur.

Et pourtant, ce qu'on appelle désormais la résilience nous autorise à dire que, pour la majorité des Toulousains, le nuage menaçant d'AZF s'est, avec le temps, dispersé. On y pense quand les sirènes nous disent d'y penser. On y pense lorsqu'on longe, du côté de la route d'Espagne, la mémoire des murs d'usine qui parlent aux plus anciens. Et puis, nos habitudes reprennent le cours de leur vie. Jusqu'au prochain 21 septembre.

Toulouse,
le 21 septembre 2001,
10h17...






C'était une belle journée de fin d'été. Quelques rares petits nuages. Un léger souffle de vent. Ce matin-là, Toulouse s'est réveillée en douceur, comme ces vendredis où l'on lorgne déjà vers le week-end. Mais le cœur n'y est pas tout à fait. La Ville rose, comme le reste du monde, est groggy : dix jours plus tôt, les Tours Jumelles de New York se sont effondrées. Le plus terrible attentat jamais commis. Un traumatisme planétaire qui laisse des traces dans toutes les consciences. Et des peurs chez chacun. 

L'usine AZF tourne à plein régime

L'usine AZF tourne à plein régime comme chaque jour. Dans cette immense entreprise, au sud de Toulouse, on fabrique depuis trois-quarts de siècle des produits chimiques. Du chlore, notamment, et des engrais agricoles à base de nitrate. 

Pendant longtemps, le sud de Toulouse a baigné dans les vapeurs ammoniaquées rejetées dans l'air. Mais, en matière environnementale, l'entreprise a fait beaucoup de progrès, ces dernières années. L'immense cheminée blanche et rouge a cessé de cracher des rejets nauséabonds. Dans le même état d'esprit, on a décidé aussi d'organiser à l'intérieur de l'usine, le recyclage des emballages. 

Dans le hangar 335, on récupère les gros sacs en plastique qui viennent des différents parties de l'usine. Aussi bien du côté nitrate, que du côté chlore. On le sait depuis toujours, dans cette usine : il faut éviter que ces deux produits se croisent, car ils ne font pas bon ménage. Dans le 335, les sacs sont vides. Donc, pas de danger. En théorie... 

En ce matin du 21 septembre 2001, l'employé du hangar 335 a eu affaire à des sacs qui n'étaient pas bien vidés. Aussi, par terre, il y a une couche blanchâtre de débris qu'il balaye consciencieusement. Et jette dans une benne. Que faire de cette benne ? Où vider ces quelques kilos de produits chimiques ? L'employé demande à son supérieur. Qui lui conseille d'aller la vider dans le hangar 221. C'est dans le 221 que l'on entrepose les nitrates déclassés. Ceux qui n'ont pas le calibre pour être emballés tels quels. Ils sont stockés là avant d'être renvoyés vers une autre usine chargée de les recycler. 

Ce matin-là, il y a environ 320 tonnes d'ammonitrates. C'est là dessus que l'employé vide sa benne. Quelques minutes plus tard, à 10h17, l'usine explose. Est-ce à cause d'un mélange de produits incompatibles, un mélange du chlore balayé sur le sol du 335 et des nitrates du 221 ? C'est en tout cas la thèse judiciaire, celle qui a été retenue par la Cour d'Appel de Toulouse qui a condamné l'entreprise... 

La déflagration est colossale 

La déflagration est colossale. Les ammonitrates sont d'excellents engrais ; ils sont aussi des explosifs puissants. L'explosion produit un séisme de magnitude 5,6. Et forme un cratère énorme de 70 mètres de long et 40 mètres de large. Des milliers de tonnes de terre mélangée aux nitrates sont projetées en l'air formant un titanesque nuage rougeâtre, qui retombera en poussière sur des milliers de Toulousains. C'est une onde de choc terrible, que l'on entendra jusqu'à cinquante kilomètres à la ronde.



A Toulouse, elle est si puissante que la moitié de la ville a l'impression que l'explosion a eu lieu juste à côté. Dans les premières minutes, l'image du 11-Septembre à New York est dans toutes les mémoires et l'on imagine une série d'attentats. On signale donc une bombe à Esquirol, une autre à Saint-Michel, une au Mirail, l'autre à Rangueil... Sur un tiers sud de l'agglomération, pas une seule vitre ne reste aux fenêtres. Les murs intérieurs sont soufflés. Les cloisons balayées. Les toits éventrés. 



Plus on s'approche de la zone du cratère, plus les dégâts sont importants. C'est bien sûr l'usine qui a le plus souffert. Le hangar 221 n'existe plus ; pas plus que les bâtiments voisins : ils se sont volatilisés. Des débris viendront même blesser ou tuer à des centaines de mètres à la ronde. Une trentaine d'employés est tuée sur le coup. 

Tous les bâtiments sont atomisés. Les engins de chantiers balayés comme des fétus de paille. Comme ils peuvent, les employés, dont beaucoup sont blessés, organisent les premiers secours. 

Et surtout, à AZF et dans l'usine voisine SNPE, ils mettent tout en sécurité, pour éviter une catastrophe supplémentaire. N'oublions pas qu'à la SNPE, on fabrique le phosgène, composant du carburant d'Ariane, mais gaz mortel, utilisé jadis comme gaz de combat.

Tout autour, les magasins, les entreprises voisines ont subi de terribles dommages. Il y a des blessés, des morts. Les quartiers de Bellefontaine, Reynerie, Papus, Faourette, Bordelongue, Oustalous sont éventrés. Des milliers de maisons, d'appartements, ont été chamboulés. Le Lycée Françoise, les écoles voisines, sont comme bombardés. Et c'est un vent de panique qui va gagner les Toulousains. 

Beaucoup vont se jeter dans leur voiture et s'empiler dans d'interminables embouteillages pour tenter de fuir la ville. Le bouche-à-oreille colporte des rumeurs folles, comme par exemple, que le nuage de terre est cancérigène. Même si l'information que l'explosion est un accident à l'usine AZF, les complotistes commencent déjà à s'interroger. 

Très rapidement, la police arrive sur les lieux. Le commissaire se souviendra plus tard d'une « scène de crime » totalement chaotique, au cœur d'un amas phénoménal de poutres d'acier et de plaques de tôles, autour d'un cratère presque aussi vaste que la pelouse du Stadium, une pagaille gigantesque, et surtout piétinée par des centaines de personnes, employés de l'usine, secouristes, pompiers, ambulanciers, journalistes et curieux... qui compromettent sa chasse aux indices.

31 tués, 900 blessés 

Les secours aussi s'organisent. On déplore 31 tués et près de 900 blessés. Toute l'avenue de Muret devient une incroyable infirmerie à ciel ouvert, où l'on recoud des coupures provoquées par des éclats de verre, où l'on éponge les crânes fracassés par des débris tombés du ciel, où l'on lave les paupières et les yeux irrités par les projections, sans parler des oreilles transpercées par la violence de la déflagration. Et il faut déchoquer, rassurer, consoler... 



Consoler et rassurer d'autant plus que les téléphones ne passent plus. Toulouse est devenue sourde. Tandis que chacun cherche à joindre ses proches, les télécommunications saturées rendent l'âme... Toute cette journée du 21 septembre, Toulouse sera sous le coup, paralysée, gérant l'urgence, des services municipaux aux toubibs de quartiers, des infirmiers libéraux aux pompiers, en passant bien sûr par les hôpitaux, en état de guerre... sans oublier le malheureux centre psychiatrique Marchant, aux premières loges, face à l'usine, dont il a fallu évacuer tous les pensionnaires dans la journée ! Toulouse a eu bien du mal à trouver le sommeil, au soir du 21 septembre 2001. Et a mis des mois, voire des années pour panser ces plaies. 

Ce qui est arrivé à Toulouse fait partie des plus grandes catastrophes industrielles survenues sur la planète, comme l'explosion de Texas City en 1947 ou celle de Bhopal en Inde, en 1984 ; même si le nombre de tués est moindre, c'est tout une ville qui a été traumatisée. Pas un Toulousain présent ce jour-là n'oubliera ce qu'il faisait ce 21 septembre à 10h17.

Dominique Delpiroux

LES DIFFÉRENTS SCÉNARIOS ET THÈSES


Attentat terroriste, tir de roquette, en provenance de la cité du Mirail, lancement d'une fusée amateur, chute de météorite ou de pièce d'avion ou encore l'éjection d'un filtre d'une tour de traitement sous l'effet d’un éclair… Depuis 2001, les théories les plus folles ont parfois été avancées pour expliquer l'explosion de l'usine AZF. 

Sporadiquement, la thèse du complot ou de l’enquête sabotée resurgit également dans des articles ou dans des livres. Voici un rappel des principaux scénarios, plus ou moins fantaisistes, qui ont été évoqués au cours de ces quinze dernières années, alors que la justice a, elle, retenu la piste d'un accident chimique. 

L’accident électromagnétique

Il serait la conséquence d'essais tenus secrets sur le site de la SNPE (Société nationale des poudres et explosifs) voisine d'AZF. Un arc électrique se serait formé et aurait frappé, 800 mètres plus loin, de l'autre côté de la Garonne, le hangar 221 où se trouvait le nitrate d’ammonium, provoquant ainsi l'explosion de l'usine AZF. Aucun enregistrement des tensions électriques dans le secteur ne vient appuyer cette thèse au cours du procès, et il a été démontré qu'un arc électrique n'aurait pas la puissance suffisante pour initier une explosion. 

L'attentat islamiste

L'explosion de l'usine est survenue dix jours seulement après les attentats du 11-Septembre. La piste terroriste était alors dans tous les esprits. L'un des ouvriers décédés dans l'usine portait en outre sur lui plusieurs couches de sous-vêtements, comme l'a révélé le médecin légiste dans son compte rendu d’examen du corps. En pleine psychose du 11 septembre, cette particularité a évidemment donné cours à de nombreuses interrogations puisque certains kamikazes islamistes protègent en effet leurs organes sexuels pour être accueillis dans les meilleures conditions par les vierges du paradis. Mais l'instruction a démontré que ce jeune homme était particulièrement maigre, ce qui le complexait, et qu'il mettait souvent plusieurs couches de vêtements pour cacher cette maigreur. Par ailleurs, cette théorie des sous-vêtements multiples pour kamikazes est très sujette à caution. 

Le "gaz fuyard"

Un mystérieux gaz serait passé par la porte du hangar et aurait réagi en se mêlant aux émanations de nitrate, ce qui aurait provoqué l'explosion. Mais il n'existe aucune conduite à proximité du hangar qui aurait pu être à l'origine d'une fuite de gaz. 

L'éclair

La tour d'AZF, telle un paratonnerre, aurait attiré toute l'énergie d'un éclair, aperçu quelques secondes avant le drame par des témoins et l'explosion aurait donc été causée par la foudre. Aucun impact de foudre n'a été signalé par la météo ce jour-là, à des kilomètres à la ronde. L'éclair peut s'expliquer par la combustion soudaine lors de l'explosion de parties métalliques du hangar, à l'instar des flashes de magnésium.

Le largage d'une bombe

De multiples témoignages ont décrit le passage de deux hélicoptères au-dessus de l'usine quelques minutes avant l'explosion, ce qui a donné lieu à une théorie de largages de bombes par ces aéronefs.En fait, les hélicoptères sont passés après l'explosion. Quant aux bombes...

Les tirs de roquettes

Des roquettes auraient été tirées depuis Pech David, le quartier le plus élevé de Toulouse. Aucun témoin, aucun élément dans ce sens n'a été décelé pendant l'instruction.

Claire Raynaud et Dominique Delpiroux

Les victimes

Le mémorial aux victimes sur le site de l'ancienne usine. / Photo DDM, Xavier de Fenoyl.



L'explosion de l'usine AZF a fait des centaines de blessés. La justice a reconnu dans un premier temps 31 victimes décédées officielles. Au cours des procès, d'autres personnes, décédées parfois bien après l'explosion, des suites de leurs blessures, ont été rajoutées à cette liste. Nous vous proposons de rendre hommage à 32 femmes et hommes ci-dessous. 

Cliquez sur leur photo pour lire leur portrait.

Les témoins

Ils ont tous été acteurs du drame puis de l'affaire AZF. Témoins directs, ouvrier de l'usine, victimes, avocats, responsable de Total, etc. Quels souvenirs gardent-ils de ce 21 septembre 2001 ? Comment ont-ils vécu après ce traumatisme ? Quinze ans après, La Dépêche est allée à leur rencontre. 

Roland Le Goff

Roland le Goff était responsable sécurité, incendie et gardiennage sur le site d'AZF. Il est resté enseveli sous les décombres pendant 8 heures. Son expérience de pompier l’a aidé à supporter ce calvaire. Il espère que le troisième procès permettra de désigner le responsable.

Pauline Miranda

Pauline Miranda vivait à proximité de l'usine. Elle circulait en voiture dans le quartier, au moment de l’explosion. Elle a perdu 100% de son audition côté gauche, 70% côté droit. Depuis, elle est engagée dans l’Association des sinistrés du 21 septembre 2001 et assiste les autres victimes souffrant de séquelles auditives.

Patrick Timbart

Patrick Timbart était directeur délégué du groupe Total à Toulouse.

Où étiez-vous le 21 septembre 2001 ? 

J'étais à Toulouse, et c'est un pur hasard. J'ai ma famille à Toulouse et c'est la ville où j'ai fait mes études, mais à cette époque je travaillais chez Total à Paris, et on me nommait en Espagne. Je revenais de Madrid pour Paris, et je faisais une escale à Toulouse, ce 21 septembre. Je suis descendu de l'avion à 9 heures, je suis allé chez moi, à l'époque j'habitais rue Ozenne, et à 10h17, donc, l'usine a explosé. J'ai téléphoné à Paris, c'est donc moi qui ai, le premier, averti Total de l'explosion d'AZF. Sur le moment, comme tout le monde, j'ai embarqué mes enfants et ma belle-mère et nous sommes allés à Castillon-en-Couserans en Ariège, (ndlr : Patrick Timbart est actuellement maire de cette commune) dans la maison familiale. Sur le moment, je me souviens bien sûr du bruit énorme, de cette odeur persistante, mais c'est surtout en revenant quelques jours plus tard que j'ai mesuré l'ampleur des dégâts. 

Vous êtes rentré à Paris quelques jours plus tard ? 

L'explosion a eu lieu le vendredi et c'est le mardi que je suis remonté à Paris. A ce moment-là, Thierry Desmarest, qui était le PDG de Total à l'époque, m'a convoqué. Il m'a posé des questions. Je lui ai expliqué rapidement qu'il y avait des milliers de gens sans fenêtres, des morts, des blessés... Il m'a dit : « Il faut faire notre devoir . Il faut indemniser, et reloger les gens. Vous qui êtes de Toulouse, qui connaissez bien la ville, retournez là-bas, et faites ce qu'il faut faire. Donnez-vous les moyens nécessaires. » 

Qu'avez-vous trouvé à votre retour ? 

Quand je suis retourné dans l'usine, j'ai vu le désarroi, le choc à la fois physique et psychologique des employés, qui avaient été aux premières loges et qui étaient montrés du doigt. Ils étaient abattus, atterrés, hébétés... Dans tout cela, j'ai le souvenir du visage pathétique de Serge Biechlin, le directeur de l'usine, qui vivait une tragédie personnelle affreuse. 

Dans les quartiers, j'ai trouvé à la fois de la stupéfaction, mais aussi beaucoup de dignité.

Et au delà de l'usine ? 

Dans les quartiers, j'ai trouvé à la fois de la stupéfaction, mais aussi beaucoup de dignité. Ensuite, il y a eu pour moi des moments compliqués. Je me souviens de toute une série de débats, notamment à la radio créée par Radio France, mais aussi à La Dépêche du Midi, où les gens venaient m'interpeller et m'enguirlander... J'avais ma photo dans tous les journaux, à la télévision, et ma famille n'osait plus sortir avec moi, car tout le monde me reconnaissait et m'interpellait ! Au restaurant, il y avait des gens qui venaient pour m'engueuler, d'autres qui venaient pour me remercier, mais quand j'étais en famille...

Cela a été une grosse pression. Mais cela a été vite compensé par la compréhension dont certains faisaient preuve. Il est vrai qu'avec les moyens de Total, on a pu faire des choses qui n'auraient pas pu être possibles autrement. Par exemple, très vite, on a pu indemniser sur facture tous les dommages inférieurs à 15 000 francs ! Peu à peu, j'ai acquis le soutien et la confiance, non seulement de la mairie ou de la préfecture, mais aussi des associations. 

Après quinze ans, quels sont les souvenirs les plus marquants ? 

Cette terrible hébétude, cette tristesse des salariés, le choc pour les familles qui ont eu des blessés ou des morts et face à ce mur de colère que j'avais en face de moi, je me demandais ce que je pouvais faire... Et puis, il y a eu une deuxième phase, beaucoup plus apaisée, où l'on a reconstruit. Et enfin une troisième phase, cette fois plutôt gratifiante, où j'avais des relations de confiance avec les gens. J'ai essayé de me tenir au plus près des sinistrés. Finalement, on a pu créer 2000 emplois, et puis il y a eu l'aventure du Cancéropole... Quand je passe devant aujourd'hui, je me dis aussi que c'est grâce à nous que tout cela existe. Je dois dire que cela a été possible aussi avec le soutien permanent de Thierry Desmarest. On faisait le point chaque semaine. Il connaissait le dossier parfaitement. Il me demandait des nouvelles de telle cité HLM, de tel groupe scolaire, de tel lycée.... 

Quel sentiment personnel retirez-vous de cette expérience ?

Cela a été un moment extrêmement intense, très enrichissant. Je n'avais jamais fait ça de ma vie, ma carrière s'est déroulée presque entièrement à l'étranger où je n'avais pratiquement jamais affaire aux médias, et la, je me suis retrouvé porte parole du groupe... Ce sont des moments où les personnalités se croisent et se révèlent. Les gens sont mis à nu. Cela m'a donné l'occasion de rencontrer des personnalités très attachantes, comme Frédéric Arrou, pour son engagement entier dans cette affaire ou même Jean-François Grelier, qui mène un combat politique et social... J'ai eu aussi l'occasion de retrouver de vieux amis, comme Philippe Douste-Blazy ou Jean-Michel Baylet ou de découvrir des gens comme Martin Malvy, ou Pierre Izard, même si parfois les choses étaient compliquées. Avec cette expérience, où il m'a fallu affronter le public et les médias, j'ai pu un peu mieux comprendre ce que vivent au quotidien les politiques !

Propos recueillis par Dominique Delpiroux

Brigitte aubert

Brigitte Aubert était à son bureau, sur le site d'AZF, quand l’explosion s’est produite. Elle remplaçait en intérim sa collègue Arlette, en qualité d’assistante commerciale en administration des ventes. Arlette a perdu la vie dans l’explosion, Brigitte a survécu. Depuis, le sentiment de culpabilité ne l’a jamais quittée.

Christophe Ghiani

Christophe Ghiani était officier de garde à la caserne des sapeurs-pompiers, près du Grand Rond. Il était parmi les premiers secouristes à se rendre sur place. Il a passé 28 heures à donner les premiers soins aux blessés, à constater les décès et à évacuer les personnes valides.

Gérard Ratier, la mémoire d'une enquête fleuve

L'explosion de l’usine AZF à Toulouse le 21 septembre 2001 a donné lieu à une enquête tentaculaire : plus de 6 800 pièces sont cotées dans le dossier d’instruction, dont certaines font des centaines de pages... Une personne - et sans doute qu’une seule - a lu l’intégralité de l’énorme pile, quatre ou cinq fois d’une traite, sans compter les relectures partielles de tel ou tel procès-verbal... Gérard Ratier, 79 ans, président de l’Association de familles endeuillées, dont le fils, Alain, salarié d’OTIS, a été tué dans l’usine, tient une place à part dans l’histoire de la catastrophe. Non seulement l’ancien prof de mécanique à la retraite a tout lu de l’enquête mais cette vision synthétique, et les innombrables recoupements effectués, lui permettent d’affirmer : «certaines choses, je suis le seul à les savoir de façon aussi complète.»

En quelques mots, il résume le mécanisme qui, selon l’enquête à laquelle il adhère, a entraîné l’explosion : la décision de recycler les sacs de plastique contenant les différents produits chimiques fabriqués dans l’usine, leur stockage dans un même hangar, le 335, le nettoyage de ce lieu et le transfert de dérivés chlorés dans le hangar 221 des nitrates, le 21 septembre, un mélange incompatible.

Aujourd'hui, ce n’est pas à la légère si je dis que l’attentat n’est pas envisageable.

Et pourtant, juste après l’explosion, Gérard Ratier était loin de cette conclusion. «Dans un premier temps, j’étais coupé du monde. Je n’ai refait surface qu’en janvier. Je me suis décidé à aller chercher chaque famille endeuillée.» Et à se plonger dans le dossier alors même qu’il penchait plutôt «pour la piste volontaire», c’est-à-dire l’attentat. «Cela m’a pris beaucoup de temps. Puis j’ai commencé à douter. Aujourd’hui, ce n’est pas à la légère si je dis que l’attentat n’est pas envisageable.»

Alors que les auditions des policiers s’empilent, Gérard Ratier trouve suspecte l’attitude des membres de la commission interne de Grand Paroisse. «Si la justice a mis beaucoup de temps à débroussailler le terrain, c’est que Total a fait en sorte qu’on n’y voit pas clair», juge le retraité, dont la plainte pour entrave n’a cependant pas donné lieu à des poursuites. Mais «c’est ce qui a permis d’éclairer la justice», estime-t-il.

Quinze ans après, la catastrophe n’est toujours pas jugée. «Si nous en sommes là, c’est que nous avons affaire à un puissant qui a des ressources et qui a compris qu’en faisant durer, il y trouvait son avantage», affirme Gérard Ratier qui a écrit aux membres du conseil d’administration de Total pour leur demander de renoncer à ce troisième procès.

Propos recueillis par Jean-Noël Gros

Bruno Joly

Bruno Joly était anesthésiste réanimateur au Samu. Sa priorité a été d'organiser les premiers secours sur le site d’AZF. Il a eu la lourde tache d’appeler les familles des victimes pour leur donner des nouvelles. Une expérience qui le marquera à jamais.

Marc Viguier

Marc Viguier était chef de service de l'unité de soins de longue durée de l’hôpital Gérard Marchant. Il est arrivé sur les lieux en vélo. Jusqu’à 22 heures, il a recousu des patients. La majorité provenait du site de Tisséo. C’est avec la même aiguille et sans anesthésie qu’il a opéré ce jour-là. Une « médecine de guerre » qu’il n’oubliera jamais.

L'après AZF : l'oncopole

Les bâtiments des laboratoires Pierre-Fabre. / Photo DDM, Nathalie Saint-Affre.

Reconstruction
et reconversion

Quinze ans après la catastrophe AZF, le temps de la reconstruction et/ou de la reconversion des sites touchés par l'explosion a fait son oeuvre. La Dépêche vous propose de découvrir les images avant/après de quelques lieux emblématiques. Avec votre souris, faites défiler la barre verticale pour découvrir l'évolution.





Le site aujourd'hui

Philippe Douste-Blazy :
"Le jour le plus long"

Il était le maire de Toulouse lors de l'explosion de l'usine AZF. Ancien ministre de la Santé, président de la fondation Toulouse Cancer Santé et secrétaire général adjoint de l'ONU, Philippe Douste-Blazy a géré la reconstruction de Toulouse. C'est également lui qui a pris la décision de créer sur le site de l'ancienne usine d'AZF l'Oncopole. Entretien. 

J'ai d'abord cru qu'une bombe placée dans les caves du Capitole venait d'exploser.

Qu'étiez-vous en train de faire au moment de l'explosion ? 

J'étais au Capitole, dans mon bureau. Je parlais au téléphone avec le secrétaire général de la ville lorsque j'ai entendu la première déflagration. Elle a été immédiatement suivie d'une deuxième. La crémone de la fenêtre a été projetée et la fenêtre s'est ouverte. Compte-tenu du contexte, avec la proximité des attentats de New-York qui avaient eu lieu dix jours auparavant, j'ai d'abord cru qu'une bombe placée dans les caves du Capitole venait d'exploser. Je suis descendu, je n'ai rien vu. Puis je suis sorti dans le square et là quelqu'un m'a dit que c'était le réservoir de kérozène d'Airbus qui venait de sauter. J'allais m'y rendre quand on m'a parlé du secteur de l'Onia. Nous sommes alors partis avec mon chauffeur. Sur la rocade, c'était effrayant, il y avait des cendres partout, des voitures sur le toit, des blessés… Nous avons crevé trois pneus sur quatre mais nous sommes quand même arrivés jusqu'à AZF. Je me souviens que nous sommes allés vérifier avec le colonel des pompiers les installations de phosgène, à la SNPE voisine. Puis j'ai téléphoné à l'hôpital afin de mettre en place un véritable hôpital de guerre. Le principal problème pour les soignants était de trier les malades, ceux dont la vie était en jeu et les autres… 

Puis j'ai fait ouvrir les gymnases de la ville pour accueillir toutes les personnes sans logement. J'ai fait diffuser des messages aux Toulousains, comme celui de ne pas quitter la ville, et j'ai demandé à des psychologues de se rendre dans les secteurs les plus touchés. Enfin j'ai appelé Jacques Chirac et Lionel Jospin. 

Dans votre carrière d'élu, ce fut le jour le plus long ? 

Le jour le plus long, oui. Ce fut très dur. Quand on est le maire d'une ville dont une grosse partie a explosé, on se sent très seul… 

Comment prend-on des décisions dans l'urgence face à une telle catastrophe ?

Sincèrement je pense que le fait d'avoir été cardiologue m'a aidé à bien réagir. Je me souviens avoir été très virulent avec M. Desmaret, le PDG de Total. Je lui avais dit que tout ce qui avait été détruit devrait être réparé et que dans le cas contraire, je saurais me montrer très dur. En réalité le dilemme fut le suivant : fallait-il poursuivre Total - quitte à attendre plusieurs années avant une éventuelle réparation du préjudice - ou bien lui demander de payer toutes les réparations rubis sur l'ongle moyennant l'abandon des poursuites ? 

C'est la deuxième hypothèse qui a été privilégiée et c'est ainsi que des équipements publics comme le Zénith, le Stadium ou le Palais des sports ont pu être assez vite réparés. 

Comment aviez-vous vécu d'être pris à partie par des sinistrés lors des premières cérémonies de commémoration ? 

Très douloureusement. Nous avons beaucoup travaillé, malheureusement la vitesse des assureurs n'est pas la même que la vitesse politique. On a assisté à une sorte de hiatus entre la parole publique et ceux qui n'avaient toujours pas de fenêtres. 

Comment avez-vous décidé de construire l'Oncopole sur l'ancien site de l'usine AZF ? 

Il y avait plusieurs raisons à cela. D'abord, il y avait une pression très forte des promoteurs immobiliers et je ne voulais pas de quelque chose de commercial sur le site. Ensuite, j'ai toujours pensé qu'il y avait un risque de mono-industrie à Toulouse. J'ai imaginé un pôle médical et je suis allé en parler à Pierre Fabre dans sa maison de Lavaur. Je lui ai dit que c'était le moment où jamais que la recherche publique et privée travaillent ensemble. C'était le moment où j'ai été nommé ministre de la Santé et j'ai pu impulser un certain nombre de dossiers. 

On a imaginé le transfert sur le site de l'Institut Claudius-Regaud avec l'idée d'en faire un hôpital, la création d'un centre de recherche publique avec l'Inserm et le CNRS, d'une fondation etc. Aujourd'hui, l'Institut universitaire du cancer peut tester des médicaments à partir des travaux de recherche clinique. 

Depuis la mise en service de l'Oncopole, quelles avancées scientifiques ont permis de lutter contre la maladie ? 

L'immunothérapie va modifier la cancérologie et les équipes toulousaines sont à la pointe dans ce domaine. Par exemple, pour le même cancer, il n'y aurait pas le même traitement. Chercheurs et médecins toulousains sont également très en avance sur le traitement du myélome. Nous avons peut-être la meilleure équipe au monde. 

Propos recueillis par Sébastien Marti

L'oncopole dessine l'avenir

À quelques centaines de mètres du mémorial AZF, la vie a repris ses droits, sous la forme d'un campus de 200 hectares dédié à la médecine, la recherche et l’innovation. Le long de la route d’Espagne, le quartier de Langlade se réinvente depuis une dizaine d’années autour de l’Oncopole. 

Son parti pris ? La collaboration. Elle est symboliquement représentée par la passerelle qui relie depuis 2014 les 19 équipes de chercheurs du Centre de Recherche en Cancérologie de Toulouse (CRCT) et les 1 400 professionnels de santé de l’Institut Universitaire du Cancer de Toulouse Oncopole (IUCTO). Le concept, unique en France, permet de rassembler les projets de la recherche publique en cancérologie et de les porter jusqu’au lit des malades. Cette aventure hospitalière qui a mis un peu de temps à se construire et à fédérer tous les acteurs, représente un grand tournant pour l’Oncopole aujourd’hui identifié comme un des plus gros centres en France pour le traitement du cancer (10 000 nouveaux patients par an, 70 000 consultations). 


Bientôt une clinique et un téléphérique 

Côté privé, l’industriel Pierre Fabre a le premier misé sur le site. En 2007, le groupe lance les travaux de son centre de recherche et de développement. Le bâtiment de 45 000 m2, résolument futuriste, regroupe depuis 2011 plus de 600 chercheurs, pharmaciens et techniciens autour de la production de nouvelles molécules en cancérologie. Evotec, le repreneur allemand des activités de recherche de Sanofi, constitue la deuxième « big pharma » du site. Il ambitionne de passer de 200 à 350 salariés en cinq ans sur le Bioparc (reconversion du site Sanofi en avril 2015) où il a positionné son centre d’excellence en oncologie et où 15 autres entreprises se sont également installées. 


À l’autre bout, le centre Pierre Potier, bâtiment de 5 000 m2 de Toulouse Métropole fait cohabiter les chercheurs de l’ITAV (Institut des technologies en sciences du vivant) avec 15 start-up du secteur des biotechnologies. Deux hôtels, une brasserie sont les récentes touches apportées sur ce campus qui accueillera dans les prochains mois les chercheurs de l’Etablissement Français du Sang pour la thérapie cellulaire et une clinique privée Korian de soins de suite et de réadaptation dont les travaux de construction vont démarrer. Une liaison par téléphérique avec Rangueil et l’université Paul-Sabatier est attendue pour 2019 afin de fluidifier les déplacements vers le site. Enfin, l’Institut universitaire du cancer candidate pour accueillir un centre de protonthérapie (un projet de 54 millions d’euros) destiné notamment au traitement de cancers pédiatriques. 

Emmanuelle Rey

La saga judiciaire se poursuit

L’immense salle d'audience. / Photo DDM, Michel Labonne

La catastrophe d'AZF, c’est aussi un gigantesque marathon judiciaire, qui n’est pas encore terminé, plus de quinze ans après, puisqu’en janvier prochain, un nouveau procès va s’ouvrir devant la cour d’Appel de Paris. 

Premier procès après huit ans d'enquête

Un premier procès a eu lieu, pendant quatre mois, à Toulouse, après huit ans d’une enquête et d’une instruction tumultueuse et complexe. Quatre mois à l’issue desquels le tribunal a décidé une relaxe générale, faute de preuves. Trois ans plus tard, le procès en appel toujours à Toulouse, retient la thèse de l’homicide involontaire et condamne l’ancien directeur Serge Biechlin ainsi que la société Grande Paroisse. 

Cet arrêt de la cour d’Appel de Toulouse sera partiellement cassé, et l’énorme dossier à nouveau examiné, cette fois par la Cour d’Appel de Paris. Des procès totalement hors normes. Hors normes dans leurs dimensions matérielles. En 2009, on réquisitionne la salle Mermoz à Toulouse où sont installées plus de mille places. On dénombre 1800 parties civiles, victimes ou parents de victimes, une centaine d’avocats, autant de journalistes, venus du monde entier. Deux cents témoins vont se succéder, des dizaines d’experts, contributeurs et « sachants ». 

Le dossier comporte 103 tomes, soit 500 kilos de papier.

Le dossier comporte 103 tomes, soit 500 kilos de papier. Des écrans géants retransmettent les débats, qui sont exceptionnellement filmés : on ne pourra regarder les vidéos que dans 50 ans. Les débats, conduits par le président Thomas Le Monnyer, vont durer quatre mois. Et chaque jour, ce sont entre 400 et 500 personnes en moyenne qui vont assister fidèlement à des débats qui commençaient tôt le matin et pouvaient se prolonger tard dans le soirée. 

Le dispositif technique sera à peu de choses près le même, trois ans plus tard, pour l’audience en appel. Un procès hors norme aussi du point de vue émotionnel. Dès le début de l’audience, les témoins du drame, les familles des victimes, les employés, les proches, tous vont venir à la barre exprimer leur douleur, leur incompréhension. C’est tout une ville traumatisée qui vient à la barre. 

Mais aussi des histoires personnelles chamboulées, des vies brisées, des maris, des épouses, des enfants fauchés par le souffle de l’explosion dont on vient évoquer la mémoire. Le premier mois de l’audience est plombé par ces douleurs et ces souffrances qui n’ont pas pu s’effacer, malgré les huit années écoulées depuis la catastrophe. Émotion intense pour les victimes, pour les Toulousains encore secoués par le souvenir de cette journée, émotion intense aussi pour les employés de l’usine, et surtout le premier d’entre eux, l’ancien directeur Serge Biechlin, qui est le seul sur le banc des prévenus. 

Culpabilité et responsabilité

Tous les anciens d’AZF sont alors écartelés entre un sentiment de culpabilité terrible, d’être à l’origine de la destruction d’un tiers de la ville et l’impression de ne pas avoir failli à leur mission, de n’être pas responsable de cette explosion. Hors normes enfin par sa dimension judiciaire : rarement une enquête aura subi autant de polémiques, de contestations et de fantasmes. Les premiers experts sur place après l’explosion vont, dès le début, estimer que cette catastrophe est due au croisement de produits incompatibles. C’est ce qu’ils viendront expliquer au procès, notamment le spécialiste de la pyrotechnie civile et militaire Daniel van Schendel. Pour le collège officiel de l’instruction, des débris de chlore récoltés dans le hangar 335, où l’on récupérait les emballages, ont été mélangés à des ammonitrates, dans le hangar 221. 

Un quart d’heure après que la benne venue du 335 ait été vidée, l’explosion s’est produite. L’accusation se base sur les expérimentations réalisées par un autre expert, Didier Bergues, sur le site militaire de Grammat, avec un « sandwich » chlore-nitrate. C’est cette thèse que, durant les deux procès, l’équipe des avocats de Total, menée par Me Daniel Soulez-Larivière, va s’efforcer de démolir. Pour le groupe, cette explication ne tient pas. Et l’accusation n’apporte pas la preuve formelle de ce qu’elle avance.

La thèse officielle et les autres

Cette thèse officielle a été contestée dès le début. Par Total, bien sûr. L’entreprise, civilement responsable, a payé rubis sur l’ongle tous les dégats. Mais elle se refuse à se reconnaître comme pénalement responsable. Cette catastrophe a donc suscité beaucoup d’hypothèses alternatives.  Toutes ont été présentées, décortiquées, débattues pendant les deux procès. 

Des heures et des heures, parfois dans la quatrième dimension, sans qu’il puisse en sortir quelque chose de tangible. L’affrontement des avocats de la défense et de ceux des parties civiles, a donné lieu à des joutes homériques, tout au long des deux audiences. 

Des extraterrestres à Pech-David

AZF a suscité d’autre rumeurs encore plus délirante, de l’intervention des extraterrestres à la présence d’une base militaire secrète sous le Pech-David : les complotistes s’en sont donné à cœur joie. Pour le prochain procès, il sera doute question des ballastières, ces gravières proches de la Garonne où l’on avait vidé des tonnes de nitrocellulose, un produit hautement inflammable... Les juges de première instance ont estimé en 2009 qu’il n’y avait pas de preuve suffisante pour condamner le directeur et la société Grande Paroisse. 

Et a relaxé les deux. Une décision qui avait satisfait le groupe Total, qui soutenait qu’il n’y avait pas de preuve d’une faute de l’industriel. En revanche, en appel, les magistrats ont considéré qu’il y avait eu de graves dysfonctionnements dans le circuit des déchets et que c’était bien à cause d’une erreur de manipulation que l’explosion s’était produite dans le hangar 221. Une décision qui, cette fois, a satisfait les associations de victimes, pour qui la faute de l’industriel ne fait aucun doute. 

Le 3e procès à Paris

Devant la cour de cassation, Total a obtenu que l’affaire soit, une fois de plus rejugée. Comme la loi le prévoit, ce second appel se déroulera devant une cour d’appel spécialisée, à Paris, au grand dam des associations de victimes, qui auront les plus grandes difficultés à assister au procès. Celui ci est prévu pendant quatre mois à partir de janvier 2017. Avec un résultat toujours aussi incertain. 

Dominique Delpiroux

"Il y a 15 ans, AZF". Un long format de la rédaction de La Dépêche du Midi. 

Textes : Jean-Claude SouléryDominique Delpiroux, Claire Raynaud, Sébastien Marti, Jean-Noël Gros, Emmanuelle Rey.

Vidéos : Sébastien Marcelle, Agnès Grimaldi, Manon Haussy.
Archives vidéos : TF1 / Dépêche News.
Photos : Thierry Bordas, Nathalie Saint-Affre, Didier Pouydebat, Michel Viala, Michel Labonne, Xavier de Fenoyl, Jean-Michel Mazet, Frédéric Charmeux, Hélène Dagues, Marion Joly.
Infographies : agence Idé, DDM, Mathilde Pujol.
Mise en page : Philippe Rioux.
© La Dépêche du Midi, septembre 2016.