Pause Guitare, 20 ans, et déjà dans la cour des grands

Du 5 au 10 juillet 2016, à Albi

Vingt ans déjà. Avec l'édition 2016, Pause Guitare fête ses vingt ans d'existence. Quelle évolution, quelle révolution entre les tout premiers concerts sur la place de la mairie, à Monestiés, avec ses 150 entrées payantes en 1997, et 2016 où l'organisation annonce 50 000 billets vendus.

Que d'artistes qui ont foulé la scène champêtre et superbe du petit village du Carmausin. On se rappellera de Mano Solo, Thomas Fersen, Cali, Moustaki, Pierre Perret. On en oublie, évidemment. Il y en a trop, des bons, des très bons, qui ont fait confiance à cette petite équipe de bénévoles réunis autour du couple Alain Navarro et Annie Soum. Puis, il y eut le départ vers Albi. Il fallait grossir, évoluer, trouver un autre public pour continuer à exister après la fin des suspensions européennes. Ce furent les moments magiques de la place Sainte-Cécile, de ces concerts au pied de la cathédrale et au théâtre de verdure du Bondidou. On y croisa la magie de Vanessa Paradis, la légende Patti Smith, la voix de Joe Cocker, Arno, Bertignac, Benabar, Higelin, Louise Attaque. Là aussi, pardon pour les oublis.
Puis, Navarro et les siens ont migré vers le site de Pratgrassals et ses 12 000 places permettant la venue de grandes têtes d'affiches internationales. On citera Sting, Status quo, Charlie Winston, Dylan, Cantat, M, Etienne Daho, Aubert, Iggy Pop... 

On le voit. Il a bien grandi le bébé de Navarro. Au point qu'il fallait une affiche de roi pour fêter les 20 ans : Elton John, Joan Baez, Cabrel, Sanseverino, Jeanne Added, Mika, Feu! Chatterton, Dionysos, Kendji Girac, Jain, Louane, Louise Attaque, William Sheller, The Avener...  une programmation éclectique, pour tous les publics. 

Mais c'est déjà une autre histoire. Avant, un retour aux sources s'impose.

Il était une fois Pause Guitare

Pause Guitare, une histoire de copains qui commence en 1997.

Il y a vingt ans, le village de Monestiés accueillait la première édition de Pause Guitare. Le bureau d'origine s'est rendu sur la place de la mairie, où tout a commencé.

Un véritable retour aux origines. Ils se sont rejoints sur la place de la mairie. Une petite dizaine des membres du bureau d'origine de Pause Guitare. C'est eux, qui ont fait naître le festival, en 1997. Des retrouvailles entre amis, rythmées par des rires, des exclamations, et des souvenirs. 

«Ici il y avait la scène» précise Anne-Marie Gabel, en désignant le parvis de la mairie. Sur les côtés de la place, on retrouvait les tables qui accueillaient le public pour manger après le premier concert. Au milieu, les 150 spectateurs s'installaient sur des chaises pour apprécier les prestations des artistes. Derrière, sous les arches, se tenait le bar. 

"Beaucoup de personnes du village participaient. Papy Gérard a été le premier. A 90 ans, il est encore bénévole. Toujours au bar. Depuis 20 ans, il n'a jamais lâché son poste" sourit Annie Navarro.

«Dans le coin au fond, il y avait la caisse, qu'on avait fait tomber à la fin de la soirée» se rappelle en rigolant Annie Navarro. Tous s'accordent pour dire que la première édition était la plus stressante. « On emmenait tout de chez nous. On était chargé de tout. On s'occupait des repas, du bar, des entrées, de l'accueil des artistes, des transports » énumère Raphaëlle Soum. Un de leur ami était cuisinier dans un institut, et se chargeait de gérer les quantités, « on pensait que rien ne se mangerait » se rappelle Jean-Luc Bousquet. La salle de réunion de la mairie servait de loges pour les artistes.

Il faisait beau pour cette première édition, les femmes se souviennent avoir monté les tables en plein cagnard l'après-midi. Grâce à ces organisateurs, cette toute première soirée s'est déroulée sans encombres. Enfin presque, « la pendule de l'église sonnait toutes les heures, ça faisait rire tout le monde. Et les lampadaires restaient allumés » explique Alain Navarro.

Vingt ans plus tard, ces membres du premier bureau sont amis comme un premier jour. Pour célébrer l'anniversaire, Jean-Luc Bousquet débouche une bouteille. Ces joyeux compagnons rigolent fort sur la place de la mairie. Mado, qui vit dans une maison au bord de la place, leur fait bonjour au loin. Tous lui répondent gaiement. Cette dame a été une fidèle de Pause Guitare. «Elle installait sa chaise au premier rang deux heures avant le début, et y mettait son nom. Elle a fait ça pendant les neuf ans à Monestiés, on n'avait pas intérêt à lui piquer sa place» raconte Annie Navarro.

Aux origines du festival

«On voulait créer notre propre emploi, pour Annie qui venait d'être licenciée» explique Alain Navarro. Ils ont employé leur temps libre à créer un festival de guitare. Le 5 avril, ils organisent un concert à l'église Saint-Salvy à Albi, avec, pour invité, Roland Dyens. «Ça s'est vraiment bien passé» ajoute le fondateur du festival. À partir de là, le couple décide de continuer l'aventure. Ils bloquent la date du 25 juillet, pour la première édition de Pause Guitare. « On a demandé de l'aide à nos amis, qui ont plongé avec nous dans l'organisation. » 

Jean-Luc Bousquet connaissait le maire de Monestiés, à qui il a demandé les autorisations. « Le maire nous a même imprimé des affiches » précise-t-il. La troupe fait du porte-à-porte pour faire connaître leur événement, qui deviendra plus tard, le plus grand festival de chanson de Midi-Pyrénées. La première édition réunit 150 personnes. « Beaucoup sont venus parce qu'on les connaissait, c'était des copains » précise Jean-Luc Bousquet. Un premier succès, qui les incite à continuer l'aventure, encore et encore, sous les arbres de Monestiés d'abord, où ils peuvent installer une scène plus grande, à Albi ensuite. Le début de la montée en puissance.

5 présidents : aucun n'imaginait un tel succès au début de Pause guitare

Alain Navarro, 60 ans, président fondateur, 
1997-2004

« Je n'aurais jamais cru arriver à 70 000 personnes, mais ça se construit, c'est un apprentissage. Les huit premières années, j'avais trois casquettes : président, directeur et directeur artistique. Rien ne me faisait peur, j'étais convaincu qu'en travaillant, on pouvait y arriver. Mon objectif était de faire un festival convivial et très professionnel. Au début, les bureaux étaient à la maison. C'était un projet très personnel, j'étais accompagné d'amis. Il suffisait d'y mettre du cœur. »

Jean-Luc Bousquet, 60 ans, éducateur spécialisé, 2005-2009

« Au début, on n'imaginait pas l'ampleur qu'allait prendre le festival. J'étais présent depuis la création de Pause Guitare, mais je suis devenu président la dernière édition à Monestiés. C'est une expérience enrichissante, qui prenait beaucoup de temps. Un véritable casse-tête chinois. Je ne pouvais pas lâcher pour la transition à Albi, mais à la fin, j'ai ressenti l'usure; ça nous prend tout notre temps personnel, nos congés. Et puis, j'étais très attaché à Monestiés. »

Françoise Lehrmann, 51 ans, artisan,
2006-2009

« Je n'étais pas présente aux débuts de Pause Guitare mais quand je suis arrivée sur le festival en 2006, je n'imaginais pas l'ampleur que cela allait prendre dix ans plus tard. Ce succès est dû, en grande partie, au personnage visionnaire d'Alain Navarro. Il impulse beaucoup au niveau de la grandeur du festival et de sa façon de travailler avec les partenaires. Je pense que les bénévoles, qui sont nombreux et bien accueillis, participent aussi au succès de cette belle histoire humaine. »

Mano Bernal, 62 ans, retraité infirmier, 
2010-2015

« Il y a 20 ans, on n'imaginait pas un tel succès. Il faut dire que le festival a beaucoup évolué au fil des ans. Au départ, il était dédié à la guitare, puis à la chanson française. Aujourd'hui, il est assez généraliste ; il fait plaisir à tous. Ce succès s'explique par un esprit d'équipe dont les maîtres mots sont simplicité et sourire et par les nombreux bénévoles. J'ai été président pendant 5 ans. Je pense que cela suffit pour impulser des choses. Et puis, c'est intéressant aussi de pouvoir passer la main. » 

Jean-Marc Fouillade, 57 ans, cadre dans l'éducation spécialisée, président depuis 2015

« Pour moi, l'aventure a commencé il y a 18 ans, comme bénévole, l'idée était de boucher les trous, de rendre service, de faire la popote. On n'imaginait pas que ça deviendrait si grand. Puis je suis rentré au conseil d'administration, ensuite je suis devenu chef d'équipe. On m'a demandé de devenir président, j'ai accepté. Ça reste encore de la découverte, c'est une mission particulière. Je suis élu pour deux ans. Je ne sais pas si je continuerai après, je ne réfléchis pas à ça. »

Retour sur les grands moments de Pause Guitare

Pause Guitare 2015 : Cali en communion avec le public. / Photo DDM, Marie-Pierre Volle

Vingt ans de concerts. Vingt piges de joies, d'émotions partagées. Nous avons demandé à deux piliers de l'association Arpèges et Trémolos d'en parler. Évidemment, il y a le boss, Alain Navarro, âme de ce fil conducteur, qu'il mène depuis la première heure. Et puis il y a la jeune génération de permanents de l'association, représentée par Tristan Lévêque. Anecdotes, peurs, joies, surprises, ils nous disent tout de cette aventure, partie d'une petite bande de copains sur le site de Monestiès, en 1997. La première édition a accueilli 150 personnes. Pour celle de 2016, c'est 50.000 billets qui ont été vendus.

1997 à Monestiès

Une première stressante. « Tout a commencé avec un concert organisé le 5 avril 1997 en l'église Saint-Salvi, avec Roland Dyens qui sera d'ailleurs sur le festival cette année. L'affiche a très bien fonctionné. Du coup avec Annie (la compagne d'Alain Navarro), on s'est dit: "nous allons organiser un festival dans un village du Tarn". Le hasard nous a conduits à Monestiès. Le maire a suivi. Je me rappelle du stress énorme de l'organisation des semaines à l'avance. Pourtant, il n'y avait que 150 personnes à accueillir. »

1998 à Monestiès

La découverte de Celso Machado et Birili Lagrène. « Pour cette édition, on garde la même philosophie. Un festival convivial où, entre les concerts, on fait une pause d'une heure pour manger. Nous sommes en pleine Coupe du Monde. Cette année-là, je découvre deux artistes exceptionnels. Le Brésilien Celso Machado qui donne un magnifique concert malgré la défaite de son équipe nationale face à la France 3-0. Et puis Birili Lagrène. Un génie qui fait corps avec ses instruments. Un pur bonheur. »

1999 à Monestiès

L'émotion du public avec Graeme Allright. « Cette année-là, on passe à trois soirées avec 600 personnes par soir. On affiche complet en installant des petits gradins, place de la mairie. Je me rappelle surtout de cet extraordinaire concert de Graeme Allright. Le public était en larme. Incroyable. L'un des plus beaux moments de ces vingt ans. Peut-être le plus beau. »

2000 à Monestiès

La venue de Moustaki. « On change de site et on s'installe sur les boulevards du village. On me prend pour un fou. Pourtant, très vite, le lieu devient magique. Vous imaginez. J'accueille Georges Moustaki, « le métèque » dont je connais tous les titres. Je rêve d'être là à ses côtés. Il fait un temps catastrophique. Il pleut sans discontinuer. J'ai peur de l'annulation. Les gens arrivent tout de même avec des duvets. À 20 heures, il demande par respect du public de jouer. Un bon concert et un homme magnifique. »

2001 à Monestiès

Les doutes d'Higelin. « C'est inconcevable dans mon cerveau. Accueillir Le Forestier et Higelin. Le Forestier nous a offert un concert parfait. Trop. Si on écoutait son disque, c'était la même chose. Higelin, c'est l'inverse. Un artiste dans le doute permanent. Durant le concert, il a un peu merdé avec sa guitare. Il était en colère contre lui-même. En sortant il me dit, Alain, tu es content de moi. Higelin qui me demande mon avis à moi. Un truc de fou. »

2002 à Monestiès

La découverte de Sanseverino. « C'est l'année où l'on fait découvrir au public Sanseverino. Il était à l'affiche avec Leni Escudéro. À la fin du concert, Leni lui dit: "Bravo". Je n'ai jamais vu un chanteur qui a autant de comédien en soi. » Sanseverino réplique : « Le vrai comédien c'est toi, qui arrive aussi bien à capter le public avec ta tête d'asperge ». C'est aussi l'année de notre première grosse production avec Lavilliers. J'ai appris le poids d'un régisseur qui voulait annuler, car il pleuvait. Une journée stressante. Heureusement, Bernard a fait un super-concert. Et je me souviens de la soirée avec lui qui a fini tard, très tard. »

2003 à Monestiès

Autour du blues, Christophe et Johnny Clegg. « On passe à quatre jours de concerts. En 2003, on fait très fort avec la venue « d'Autour du blues » avec entre autres Paul Personne et Cabrel qui ne faisait jamais de festival. Un joli moment. Christophe, lui, nous a livré un concert sublime. J'ai changé d'avis sur l'homme. Il est très à l'écoute, disponible avec le public. Un grand monsieur. C'est aussi la découverte de Bénabar et une soirée fabuleuse avec Johnny Clegg. Ce fut le plus grand nombre de rappels du festival. Plus d'une demi-heure. Même après la douche, il est revenu chanter, car le public en redemandait. »

2003 à Monestiès

Les larmes de Cali. « J'avais vu Cali quelque temps avant, devant 70 personnes. Je l'ai invité en première partie des Têtes raides. 30 minutes après le début du concert, un vent violent se lève. Par sécurité, j'arrête la soirée. À l'arrière de la scène, je retrouve Cali en larmes. Je lui explique que je ne peux pas prendre de risques. Il me réplique « ta gueule ». Le vent se calme. Il revient et fait un concert mémorable. Ce sont des histoires qui forgent des liens. À noter aussi un très grand Thomas Fersen. »

2005 à Monestiès

Clap de fin à Monestiès. « On apprend en début d'année que les subventions européennes sont coupées. C'est 25 % de notre budget à cette époque. On sait que c'est la dernière à Monestiès et on ne connaît rien de l'avenir. Une année de paradoxe avec la superbe Camille, le concert d'enfer de Mano Solo, et un carton rouge à Bohringer. Un vrai connard irrespectueux des gens. Juste pour l'anecdote, le festival lui avait fait deux cadeaux de bienvenue. Vous savez où on les a retrouvés. Dans une poubelle. »

2006 place Sainte Cécile à Albi

Place Sainte-Cécile. « On partait dans l'inconnu en venant à Albi. On avait carte blanche du maire Philippe Bonnecarrère. Ma peur, c'est que le public albigeois ne réponde pas présent. Et ce fut un immense succès. Il y avait du monde partout. C'est la première fois que je voyais de la vie sur cette place. Cette année-là, nous avions une scène de 2 500 places. J'ai le souvenir de Louis Bertignac au jardin de Verdure. Tout simplement énorme. »

2007 place Sainte-Cécile à Albi

La peur de tout perdre. « Notre structure évolue pour passer à 4 000 places. Quand il a fallu annuler les concerts d'Arno et Higelin pour cause de pluie, j'ai dit à Annie - on ne va pas perdre la maison, quand même- C'était très douloureux. Certes, on était assuré, mais j'avais vraiment peur de ne pas rentrer dans les frais. Heureusement avec notre assurance, cela s'est très bien passé, mais la fête était gâchée. J'ai aussi un souvenir assez amusant du passage de Michel Delpech. C'était la première fois que l'on accueillait un public du troisième âge. »

2008 place Sainte-Cécile à Albi

L'hommage à Bobby Lapointe et la gentillesse d'Adamo. « L'hommage que l'on a rendu à Bobby Lapointe était très émouvant... J'avais son fils à mes côtés. Il était bouleversé. Bobby est décédé un mois plus tard. Un moment immense.J'ai gardé en mémoire la gentillesse d'Adamo. C'est un grand monsieur, auteur-compositeur interprète qui a joué avec les musiciens d'Arno. Toujours souriant, respectueux du public. Le système et le succès ne l'ont pas changé. C'est vraiment une personnalité qui m'intéresse. Le mauvais côté de cette édition, c'est que nous avons dû faire face à 8 annulations. »

2009 place Sainte-Cécile à Albi

La réussite de la planète Nougaro. « Je suis fier d'avoir proposé pour cette édition, un très beau plateau pour Planète Nougaro. Là aussi, un bien beau souvenir. Un de plus. »
Tristan Lévêque : « C'est la première fois que je venais à Albi. Je débarque de ma Bretagne natale pour assister à un concert de Caravane Palace. Et je me suis dit que ce festival était vraiment le temps fort culturel de la ville. Tout le monde ne parlait que de ça. »

2010 place Sainte-Cécile à Albi

L'année magique. « C'est fou. Avoir à côté de moi Patti Smith, icône du rock. Quel moment, quel concert, quelle gentillesse. Une bien belle édition, avec la magie de Vanessa Paradis et le final d' Archive. »
Tristan Lévêque : « Ma première année à Arpèges et Trémolos. Et déjà plein de souvenirs avec l'incroyable Patti Smith et des choses étonnantes. Comme le soir où j'ai vu Brigitte Fontaine sortir de sa loge ,menottée à son régisseur. Comme s'il ne fallait surtout pas la perdre. »

2011 place Sainte-Cécile à Albi

La voix retrouvée de Joe Cocker. « Pour cette édition 2011, on pense bien sûr à la venue de Joe Cocker. Un beau moment, car l'artiste avait retrouvé sa voix après des ennuis de santé. On pense aussi au talent d'Ibrahim Maalouf, de Gaëtan Roussel racontant son adolescence pensionnaire à Lapérouse et ses matchs de foot avec le club de Marssac. »
Tristan Lévêque : « Moi je me souviens d'un Philippe Katerine déambulant à vélo dans les rues d'Albi à la découverte du centre-ville. Unique. »

2012 place Sainte-Cécile et Pratgaussals à Albi

La nouvelle dimension du festival. « Première année à Pratgraussals,tout en gardant la scène place Sainte-Cécile. On change de dimension avec une scène qui peut accueillir plus de 11 000 spectateurs. Pour Sting, on avait peur d'une telle production. Mais c'est un homme simple, sain. Et que dire du show, du concert personnalisé qu'a offert Jean-Louis Aubert. Le nombreux public présent s'en rappelle encore. »
Tristan Lévêque. « N'oublions pas Roger Hodgson. Entendre le son de Supertramp. C'est magique. En plus, un mec génial. »

2013 place Sainte-Cécile et Pratgaussals à Albi

L'année noire. « La venue du Tour de France a imposé à changer les dates et de faire deux soirées, le lundi et le mardi. La billetterie n'a pas été au rendez-vous. Les soirées Mika et Bruel ont été des échecs. C'est une année douloureuse financièrement. Dommage. »
Tristan Lévêque : « C'est vrai que cela a été une année compliquée. Gardons le positif avec la chance de voir Iggy Pop et son show incroyable. Et puis, c'était la première fois que l'on organisait un concert hip-hop au Scénith avec Sexion d'assaut. Un immense succès. »

2014 à Pratgaussals à Albi

L'année rock. « On est revenu pour des raisons financières à trois soirées. On est vraiment très fier d'avoir proposé cette année-là une soirée rock de très grande qualité. Avoir le même soir Skip the Use, Détroit avec Bertrand Cantat et The Hives, c'était vraiment génial. N'oublions pas M que je voulais faire venir depuis longtemps et Yodélice, qui a démontré sur scène ton talent grandissant. »
Tristan Lévêque : « Sincèrement, notre plateau était à la hauteur des meilleurs festivals rock de l'Hexagone. »

2015 à Pratgaussals à Albi

De Shaka Ponk à Bob Dylan. « Évidemment, accueillir Bob Dylan est extraordinaire pour moi. Vous imaginez. Cette légende sur la scène de Pause Guitare. Que dire de plus. J'aurais simplement aimé qu'il soit plus disponible, plus humain. Mais on ne peut pas tout avoir. N'oublions pas le show incroyable de Shaka Ponk. À couper le souffle. Enfin, avec la soirée Calogero, nous avons mis le doigt sur nos limites techniques, avec de telles machines de production. Mais on s'améliore chaque année. »



2016 et 2017

L'édition 2016 est une réussite totale. 50 000 billets vendus. C'est le record absolu pour le festival. Et après. Pour Alain Navarro, les idées ne manquent pas.
« En 2017, la passerelle sur le Tarn va désenclaver le site de Pratgraussals. Nous allons pouvoir réfléchir à des nouveautés, avec pourquoi pas plusieurs scènes . Et pour les artistes à venir ? «Soyons clairs ? Pratgraussals ne nous permet pas d'accueillir de groupes comme Muse. Pour être rentable, il faut au moins 35 000 à 40 000 spectateurs payants. Mais j'avoue que la venue de Léonard Cohen ou Scorpion ferait mon bonheur. » Et si un jour, une très grosse opportunité s'offre au festival ? « Si on peut avoir une très grosse pointure qui demande d'accueillir plus de 30 000 personnes. Pourquoi pas s'installer pour un soir au circuit. Mais ce sera une seule fois. Notre lieu, c'est Pratgraussals. Et pour longtemps. »

Les professionnels européens dithyrambiques sur Pause Guitare

2012, première année à Pratgraussals, le festival Pause Guitare s'offre Sting, un grand moment. / Photo DDM, Jean-Marie Lamboley 

Quelle est l'image du festival d'Albi auprès des pros? Nous avons demandé leur avis à des producteurs de renom, des directeurs de festivals et des artistes... tous dithyrambiques. La preuve. 

Alain Lahana, producteur d'Iggy Pop, Patti Smith...

Alain Lahana a fait ses premières armes dans la région toulousaine. Il avait à peine plus de 20 ans quand il faisait des concerts avec Magma, à l'Auberge du cheval blanc, à Albi. Quarante ans plus tard, celui qui est devenu l'un des plus grands producteurs français, avec "Le rat des villes", donne son sentiment sur Pause Guitare : "La réputation de ce festival commence à jouer maintenant. C'est tout un travail de longue haleine que mène Alain car, pour que le bouche à oreille circule vraiment, il faut des années. On n'a pas toujours chaussure à sa pointure. Là, Alain a eu envie de monter en puissance. Pour ça, il faut montrer patte blanche. Il a peut-être payé un peu cher pour avoir certains artistes. Mais ça permet de monter plus vite, d'attirer des grands noms de la scène internationale. Là, peut-être que j'ai un peu aidé, mais c'est Alain Navarro qui a donné la crédibilité à son événement. Entre Patti et Iggy, déjà, j'ai vu une grosse différence. En conclusion, je peux dire que Pause Guitare est perçu comme un bon festival, qui est en expansion, avec une qualité d'accueil qui est forte, où les artistes se sentent chez eux. A Albi, tu es comme à la maison. Ce qui est sûr, c'est que Patti, elle a a-do-ré ! Le festival, et se promener avant dans les rues de la ville, au musée Toulouse-Lautrec... C'était super. Le soir, elle en a même parlé dans son concert, en faisant une impro sur sa visite au musée."

Philippe Couret, Détours de chant (Toulouse)

Promoteur du célèbre festival toulousain, Philippe Couret occupe le devant de la scène en hiver, ce qui lui laisse du temps pour aller voir les festivals d'été. Il ne tarit pas d'éloge sur Pause Guitare : "C'est un énorme succès. Alain Navarro, on ne va pas lui cirer les pompes, mais c'est un gars exceptionnel, un véritable meneur d'hommes. Il n'y a qu'à voir le nombre de bénévoles sur son festival. La qualité de la programmation aussi est très bonne. C'est une incontestable réussite, je me répète. Sur la région, c'est le plus gros avec Jazz in Marciac, mais sur un créneau différent. Il n'y a rien à redire; Alain sait mélanger le financement public et privé. C'est un exemple à suivre pour nous tous."

Cali, chanteur

Entre Cali et Pause Guitare, c'est "l'amour parfait". Le titre de son premier album studio, en 2003, colle très bien à la relation qu'il entretient avec Alain Navarro depuis 2004, l'année où le directeur du festival l'a réconforté, derrière la scène, parce qu'il avait dû arrêter le concert à cause de l'orage. Cali faisait alors la première partie des Têtes raides. Le vent a fini par se calmer. Le futur grand a fait un concert mémorable. « Le festival m'a toujours aidé, invité. Entre moi et Pause Guitare, c'est une histoire de fidélité, d'amour. J'ai beaucoup de respect pour Alain Navarro et son équipe. Vraiment », insiste Cali, qui était sur la scène de la cathédrale à Albi en 2008 et 2011 et de la soirée Bob Dylan, à Pratgraussals, en 2015, « un merveilleux cadeau », sans oublier sa venue en 2013 au festival Les P'tits bouchons, l'autre festival organisé par Arpèges et Trémolos, l'association fondée par Annie et Alain Navarro, en 1997.

Pascal Chauvet, le Bijou à Toulouse

La petite salle indépendante du Bijou est considérée comme une "grande" dans le monde professionnel et parmi les directeurs de festivals qui viennent y découvrir des talents émergents susceptibles de passer sur leur scène Tremplin. Un appui qui, en ce qui concerne Pause Guitare, marche dans les deux sens. 

"La première chose qui me marque, c'est le caractère extrêmement humain de ce festival, alors même que c'est devenu une grosse machine qui accueille des stars internationales, confie Pascal Chauvet. J'en fais beaucoup et je suis bien placé pour dire que c'est rare dans des festivals. Là, on se sent accueilli, attendu, considéré. Je parle en tant que professionnel. La programmation découverte, qui m'intéresse évidemment beaucoup, est aussi très pointue. La passerelle marche dans les deux sens entre nous, car la sélection découverte de Pause Guitare n'est pas que régionale. On découvre des artistes à Albi. On en voit qui progressent. Je ne sais pas comment fait Alain Navarro, mais il arrive en plus à avoir de très belles signatures, Iggy Pop, Sting... quasi en exclusivité ! Elton John, il est rare sur scène en France. Sting aussi. Il fait 4-5 dates. Franchement, Alain, c'est notre maître à tous (rires). Mais il a aussi une équipe formidable. Ce festival a pris une dimension folle, avec un public, des partenaires, dans un cadre extraordinaire. C'est un festival inscrit dans le paysage. Je dirais LE rendez-vous quasi obligatoire de début juillet car, avec les grands noms qui sont passés avant, ça incite les grosses machines à venir. Non, vraiment, c'est pas des plaisantins à Pause Guitare. Ils savent travailler."

Benoit Chastanet, Ecaussystème (Lot)

Les liens qui se sont tissés entre Pause Guitare et Ecaussystème ne sont pas étrangers à la venue d'Iggy Pop à Gignac cet été, dans le nord du Lot... "On se connaît depuis quelque temps avec Alain Navarro. Avant de faire une proposition financière, on s'appelle pour prendre des infos, savoir où on met les pieds. On est très transparent car il y a une confiance réciproque. On travaille aussi sur les questions d'assurance, de partenariat. On essaie de prendre le meilleur de chacun. Pour ça, je remercie Alain. Car on n'est pas un festival au niveau de Pause Guitare. D'autres festivals sont regardent avec un peu de condescendance. Ce n'est pas le cas de Pause Guitare qui n'a pas peur de mettre les chiffres sur la table. On a même envisagé des séminaires entre nos équipes. Déjà, au Salon sur les musiques actuelles à Nantes, la personne qui s'occupe des partenariats à Pause Guitare a passé une demi journée avec la personne qu'on venait de recruter pour ça, juste pour l'aider. Ils vont bien dans le fond des choses sur le partage, à Albi."

Philippe Maindron, festival de Poupet (Vendée)

Le festival de Poupet attire 100.000 spectateurs chaque année, à Saint-Malo-du-Bois, en Vendée. Il a fêté ses trente ans d'existence le dernier week-end de juin 2016. "Avec Pause Guitare, on a une histoire assez commune. On fait partie des petites organisations qui, à force de bénévolat, arrivent à sortir des sentiers battus. On a énormément échangé sur les cachets, la procédure... Pour des festivals comme les nôtres, un peu nouveaux, le problème, c'est les réseaux. Ce qui est génial avec Alain Navarro, c'est qu'on peut échanger beaucoup, en toute transparence. Il avait eu la chance de signer Bob Dylan avant moi. On s'est raccroché à lui. Et Dylan a pu venir en 2015. Quand ça t'arrive, t'es content. Alors Alain, que voulez-vous, il a une belle image dans le milieu. C'est un gars à l'écoute."

Jacques Madebène, Sémaphore en chanson (Puy-de-Dôme)

Jacques Madebène, festival Sémaphore en chanson : "Alain (Navarro) est venu chez nous au tout début. Moi, je viens à Albi depuis une dizaine d'années. J'étais très attaché au site de la cathédrale. J'ai eu un peu des doutes, au début, quand le festival s'est déplacé (en 2012, vers Pratgraussals). Mais il a gardé la même chaleur humaine. La ville est bien mise en valeur par le biais du festival. Sur le plan professionnel, je suis très attaché aux découvertes, et c'est un temps fort de la programmation à Albi; ça nous a rapproché avec Alain qui est devenu un ami. Toute l'année, on échange sur nos programmations. Mais, pour ce qui est de Pause Guitare, je suis admiratif. C'est un des grands-beaux festivals en France. Il y a une qualité à Pause Guitare, une relation humaine assez exceptionnelle. Il a en plus une équipe formidable. C'est ce qui fait l'âme d'un festival. Mais je reviens sur Alain. Il a été un des premiers à être venu chez nous; ça nous a ouvert beaucoup de portes. C'est un type très curieux. C'est pour ça qu'il est très attachant. Et puis, il nous a parrainé pour entrer à la Fédération des chansons francophones; ça nous a valu une belle reconnaissance de la profession. Et ça nous a rassurés sur ce qu'on faisait."

Dominique Janin, Alors chante! Castelsarrasin

Alors chante! ne fait plus les beaux jours de Montauban. La politique s'en est mêlée et... La 30e édition du festival aurait pu tomber à l'eau. Dominique Janin l'a remonté à Castelsarrasin, pour une première en mai 2016. Et pour ça, elle a bénéficié du précieux soutien d'Alain Navarro et d'une bonne partie de l'équipe de Pause Guitare. Autant dire que la directrice du festival le plus proche d'Albi n'a que de belles choses à dire sur ce confrère tant admiré et ce qu'il a réussi à faire dans le Tarn. "Allez, ça fait 15 ans que je les suis, depuis Monestiés. On ne peut pas comparer le Pause Guitare de l'époque, très axé sur les cordes, et ce qu'il est devenu aujourd'hui. C'était un festival intimiste, avec déjà une grande qualité de programmation. Il a eu des difficultés. Et puis Albi a tout compris. Mais, si le festival est devenu ce qu'il est, c'est grâce à l'excellence de cet homme (Alain Navarro) qui a une connaissance extraordinaire en chanson francophone. Il a su allier le patrimoine, la chanson au sens large et toucher tous les publics. Je me souviens de la première année à Albi, en 2007 je crois. On faisait des farandoles à 2 heures du matin autour de Sainte-Cécile. J'étais émerveillée, c'était fabuleux. Il a osé franchir le pas, en grandissant, avec beaucoup d'humilité. Il est très discret, très humble. Il est dans la générosité. Mais pour moi, il ne faut pas dissocier Alain et Annie. Ils ont su poser et créer tous les deux cette histoire-là. Je ne dissocierais pas le couple. Annie est toute discrète et tout en force aussi. Et puis, il y a l'équipe de Pause Guitare aussi, que j'ai vue évoluer aussi, tout en gardant l'esprit Navarro, un esprit qu'on ne retrouve peut-être pas ailleurs. C'est un très beau et grand festival, qui fait partie des festivals incontournables de l'été. J'en parle avec beaucoup d'enthousiasme, parce que je les aime. Et puis, Alain fait partie de mes piliers pour Alors chante! Il est toujours là. Je peux lui parler, me confier, avoir son écoute, son regard. C'est un vrai ami. Bienveillant."

Dany Lapointe, Printival, Pézenas

Dany Lapointe est la petite-fille de Boby Lapointe et la fille de Jacky Lapointe, qui a lancé le Printival de Pézenas avec Sam Olivier, en 2000. Elle suit le festival Pause Guitare depuis 2007. Printival fait en moyenne 4500 entrées sur quatre jours, en salle. "Je n'ai connu Pause Guitare qu'à Albi. J'ai vu des jauges qui ont grossi, la grande scène arriver, avec les artistes internationaux qui ont suivi. C'est devenu un rendez-vous important. L'équipe est très présente. Les bénévoles ont tous le sourire. On se sent très bien accueilli. Il y a une convivialité qui est gardée, malgré l'augmentation de la jauge. Et puis, il y a des passerelles entre nos deux festivals du côté des découvertes. Chaque année, on fait un échange artistique. K et Jesers par le passé. En 2016, j'envoie Zob, pour la scène découverte à Albi (NDLR: le samedi 9 juillet). Je pense aussi à Barbara Weldom, que je suis depuis 2014 et qui joue en première partie de Fugain. C'est bien que Pause Guitare ait su garder ça."

Charles Gardier, Francofolies de Spa (Belgique)

Plus gros que les Francofolies de La Rochelle, le festival de Spa attire chaque année près de 200.000 spectateurs, ce qui en fait l'un des plus gros festivals de l'été en Europe. "Pause Guitare, ça m'évoque d'abord Alain Navarro. C'est quelqu'un qui m'a complètement séduit, une des belles rencontres de ce métier. Il fait un beau festival, avec des réactions humaines aux difficultés rencontrées. Il met l'homme au centre. Il m'a inspiré, quelque part, par rapport aux difficultés que je rencontre dans mon festival. C'est quelqu'un d'inspirant, voilà! Je suis bien malheureux de ne pas être présent à Albi, car nos festivals sont proches l'un de l'autre dans le calendrier."

Michel Rolland, Cognac blues passions

Le festival Cognac Blues passions fait sa 23e édition en même temps que Pause Guitare. Michel Rolland n'est donc pas venu à Albi en 2016. Mais il s'est offert ce privilège en 2015. "Pause Guitare, je connais depuis longtemps. Mon regard est un joyeux regard sur ce festival. J'ai trouvé beaucoup de similitudes avec le nôtre. Nous avons quasiment la même façon d faire notre métier. C'est un festival hyper convivial et familial. Alain Navarro et son équipe font tout pour que la musique se partage; ça donne une âme au festival. Je me suis fondu dans la foule comme dans l'espace VIP, pour voir. J'ai trouvé de la justesse et de la philosophie partout dans l'organisation. Nos événements sont tellement similaires que, depuis deux ans, on réfléchit et on travaille ensemble, en osmose. Sur la communication, le programme... On n'est pas concurrent. On réfléchit aussi sur la façon d'acheter les artistes ensemble, sur la mutualisation des moyens. En tout cas, sur le plan artistique, Pause Guitare fait partie, pour moi, des grands festivals."

"Pause Guitare, 20 ans, et déjà dans la cour des grands". Un long format de la rédaction de La Dépêche du Midi.
Mise en page : Béatrice Dillies.
Textes : Vincent Vidal, Anne-Charlotte Eveillé, Béatrice Dillies.
Photos La Dépêche du Midi : Emilie Cayre, Marie-Pierre Volle, Frédéric Charmeux, Didier Pouydebat, Michel Viala, Jean-Marie Lamboley et DR.
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© La Dépêche du Midi, juin 2016.