Histoires de champions (2/2)

Ces vainqueurs qui ont marqué les Jeux Olympiques

Ils ont tous remporté l'or. Perchistes, nageurs, gymnastes ou boxeurs, ils ont brillé aux Jeux Olympiques. Ils ont gravi des sommets, mais chacun a une histoire particulière. A priori, il y a peu en commun entre un Américain et un Allemand devenus amis sous le régime nazi, une famille de nageurs taillée pour la réussite, un décathlonien devenu femme ou une petite Roumaine prodige de la gymnastique. Pourtant, ils ont fait vibrer le monde entier. Certains continuent d'exceller et entrent au panthéon des JO, adulés pour l’éternité. D’autres vont si haut qu’ils finissent par se brûler les ailes : stoppés en plein vol, la chute n’en est que plus dure. Tous sont différents, mais leur destin est hors du commun. Rien n'est impossible lorsque l'on est champion olympique.

Michael Phelps : un souverain bardé de médailles

Phelps avant un 100 mètres papillon (Nati Harnik/AP/SIPA)

Intouchable. A 31 ans, Michael Phelps est une légende vivante du sport, de la natation et des jeux olympiques. Avec 22 médailles, dont seize en or, il est l'athlète le plus titré de l’histoire des JO. Son palmarès impressionnant et inégalé pourrait encore augmenter : à Rio, il participera à ses cinquièmes jeux olympiques. Un record pour un nageur américain. Il avait pourtant mis un terme à sa carrière après les JO de Londres en 2012, mais prépare son grand retour dans les bassins olympiques. Le géant rêve d’une sortie digne d’une star hollywoodienne, avec de nouveaux records à la clé et quelques médailles en plus.

Débordant d’énergie, le petit Michael est orienté vers la natation en 1992 pour canaliser ses troubles de l’attention, à l’âge de sept ans. Précoce, il fait sa première apparition aux Jeux en 2000 à Sydney alors qu’il n’a que 15 ans. Plus jeune nageur américain sélectionné depuis 70 ans, il ne remporte pas de médaille en Australie. Mais son avenir est tout tracé.

Les années suivantes, Phelps enchaîne les médailles et les records. Avant les Jeux d’Athènes, il est déjà quadruple champion du monde. Un avant-goût de la réussite avant la consécration olympique. En 2004, il remporte six médailles d’or, deux de bronze et un record mondial. Puis huit titres olympiques à Pékin en 2008. Lorsqu’arrivent les Jeux de Londres, le nageur est une star mondiale. Il devient mythique lorsqu’il bat le record de 18 médailles olympiques, alors détenu par la gymnaste soviétique Larisa Latynina. Désormais au sommet, il en faudra beaucoup pour détrôner le roi.

Oscar Pistorius : Blade Runner derrière les barreaux

Oscar Pistorius  à son procès en juillet 2016 (Shiraaz Mohamed/AP/SIPA)

Rarement un tel symbole n'aura connu une telle déchéance. L’histoire d’Oscar Pistorius est celle d’un enfant né sans péronés, amputé des deux jambes à 11 mois, et qui doit apprendre à marcher avec des prothèses. Passant au-dessus de son handicap, il pratique de nombreux sports à l’école, dont le sport national : le rugby. Coup du sort, il se blesse gravement au genou et passe à la course à pied sur les conseils de son médecin. Pari gagnant pour Pistorius qui est décidément fait pour ça.

Dès 2004, à 18 ans, il participe aux jeux paralympiques d’Athènes, glane sa première médaille d’or sur 200m et fait troisième sur le 100 mètres, dans la catégorie des amputés des membres inférieurs. Après plusieurs performances honorables, il commence à courir avec les athlètes valides dès 2007. En 2008, il est au cœur de la tourmente après les conclusions d’un rapport certifiant que ses prothèses lui donnent un avantage sur les longues distances, par rapport aux athlètes valides. Après plusieurs semaines d’enquête, il sera finalement établi qu’il peut concourir avec les non-handicapés. 

Mais c'est lors des Jeux paralympiques de Pékin qu'il rafle tout. 2008 est l’année du sacre pour Pistorius, qui glane trois médailles d’or, respectivement sur 100, 200 et 400 mètres. Il signe d’ailleurs le record du monde paralympique du 400 mètres au passage.

En 2011, il participe aux qualifications des championnats du monde valides de Daegu. Il ne participe pas aux finales mais obtient une médaille d’argent glanée par ses coéquipiers. Il rentre alors dans l’histoire : il est le premier athlète handisport médaillé aux championnats du monde valides.

En 2012, aux Jeux olympiques de Londres, il réussit un nouveau tour de force en se qualifiant à la fois pour le circuit valide et paralympique. Si son parcours chez les valides se termine en demi-finale du 400 mètres, il remporte une médaille d’or en 400 mètres et en relais 4x100 mètres paralympique. Il ne terminera que deuxième du 200 m, après avoir pourtant signé un record du monde durant les qualifications (21 secondes 30, toujours en vigueur). Il devient alors un symbole pour tout son pays et un exemple vivant pour le sport paralympique.

 « Je l'ai prise pour un cambrioleur »

La suite, elle est tristement célèbre pour le coureur sud-africain. Au matin de la Saint-Valentin de 2013, Blade Runner, comme on le surnomme, est accusé du meurtre de sa compagne Reeva Steenkamp. Il affirme l'avoir « prise pour un cambrioleur ». Après de multiples rebondissements, le 6 juillet 2016, Pistorius est finalement condamné à 6 ans de prison ferme pour meurtre. Une sentence dont le parquet fait appel, la jugeant « trop clémente ».

Abebe Bikila : vainqueur aux pieds nus

Abebe Bikala lors du marathon olympique de 1960. (AP/SIPA)

Du jamais-vu. Aux jeux de Rome, en 1960, le nom d'Abebe Bikila est inscrit en dernière minute pour l’épreuve du marathon. L’Éthiopien a été appelé pour remplacer Wami Biratu au pied levé, alors que ce dernier s’est blessé lors d’un match de football. Membre de la garde de l’empereur Haïlé Sélassié Ier, son potentiel athlétique avait déjà été repéré, mais sa sélection en équipe nationale est une surprise. 

« Je voulais que le monde sache que mon pays, l'Éthiopie, a toujours vaincu avec détermination et héroïsme. »

En arrivant à Rome, l’athlète ne trouve pas de chaussures à sa taille. Qu’importe. Le jour du marathon, il choisit de courir pieds nus, comme il en a l’habitude à l’entraînement. Il s’élance dans la course en fin d’après-midi : pour la première fois de l’histoire olympique, l’arrivée du marathon est nocturne. Le suspense est à son comble. Le Marocain Rhadi Ben Abdesselam est en tête, mais Bikila le distance dans les 500 derniers mètres au prix d’un sprint fulgurant. Il s’impose avec 25 secondes d’avance, ce qui lui permet de battre le record du monde. Lorsqu’on lui demande pourquoi il a décidé de courir pieds nus, il répond : « Je voulais que le monde sache que mon pays, l’Éthiopie, a toujours vaincu avec détermination et héroïsme », révèle le site des Jeux Olympiques.

Tout un symbole. En débardeur vert, short rouge et jaune, Abebe Bikila porte haut les couleurs de son pays, l’Éthiopie, colonisé par l’Italie de Mussolini entre 1936 et 1941. Lorsque l’Éthiopien franchit la ligne d’arrivée après 2h15 d’efforts, il passe sous l’Arc de Constantin, à l’endroit même où Mussolini avait lancé sa campagne d’Éthiopie en 1935. La victoire n’en est que plus belle. 

A Tokyo, quatre ans plus tard, il s’offre une deuxième victoire époustouflante. Cette fois, il a des chaussures, mais a été opéré un mois plus tôt pour une appendicite aiguë. Cela ne l’empêche pas de terminer la course en 2h12 et de battre un nouveau record du monde. Il devient le premier coureur à remporter le marathon des JO deux fois de suite, et le premier athlète subsaharien à devenir champion olympique. Il est l’homme de tous les exploits. 

Yelena Isinbayeva : la Tsarine de la perche privée de jeux

Yelena Isinbayeva remporte la médaille d'or et bat le record du monde de saut à la perche en 2004, à Athènes. (FAUGERE/DPPI-SIPA)

« Merci à tous d'avoir enterré l’athlétisme ». Yelena Isinbayeva est amère. La perchiste russe ne pourra pas aller chercher un troisième titre olympique à Rio cet été 2016. La championne n’a jamais été contrôlée positive au dopage, mais le tribunal arbitral du sport (TAS) a décidé d’exclure collectivement les athlètes russes de la compétition suite aux accusations de dopage d’État visant le pays.

La Russie pourrait d’ailleurs être totalement exclue des JO 2016 après la publication du rapport McLaren, qui a démontré l'existence d'un système de dopage organisé par l'État russe, avec le soutien actif des services secrets, de 2011 à 2015, dans 30 disciplines. Sur 300 pages, le rapport décrit un « haut niveau de collusion parmi les athlètes, les entraîneurs, les médecins, les officiels et les agences sportives pour fournir de façon systématique aux athlètes russes des produits dopants afin d'atteindre le principal objectif de l'État (...) : produire des vainqueurs ». Tous les athlètes qui avaient fait appel de leur suspension par la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), le 17 juin 2016, ont été recalés le 21 juillet par le TAS. Seules deux sportives ont échappé à la sanction.

« Que tous ces sportifs étrangers 'propres' poussent un soupir de soulagement et gagnent en notre absence leurs pseudo-médailles d'or »

Un choc pour le géant de l’athlétisme et pour l’ensemble du sport mondial. La décision a été qualifiée de « purement politique » par Isinbayeva, soutien de Vladimir Poutine. « Que tous ces sportifs étrangers 'propres' poussent un soupir de soulagement et gagnent en notre absence leurs pseudo-médailles d’or », a lancé la perchiste.

La grande dame de la perche peut être déçue : elle fait partie des pionnières du saut à la perche féminin, entré au programme des Jeux en 2000. En 2004, elle remporte son premier titre olympique à Athènes avec une nouvelle marque mondiale à 4,91 mètres, qu’elle bat un an plus tard en devenant la première femme à franchir la barre symbolique des 5 mètres. A Pékin, en 2008, elle réitère l’exploit et remporte une deuxième médaille d’or avec une barre placée à 5,05 mètres. Submergée par l’émotion, elle éclate en sanglots sur le podium. Huit ans plus tard, la voilà de nouveau en larmes. La « Tsarine » a été freinée dans son envol, ses espoirs olympiques réduits à néant.

Bruce Jenner : du décathlon aux talons

Bruce Jenner au javelot (AP/SIPA)

C'est ce que l’on peut appeler vivre plusieurs vies. Qui peut se targuer d’avoir à la fois remporté une médaille d’or aux Jeux Olympiques, changé de sexe et fait la couverture de tous les plus grands magazines de mode ? A priori personne d’autre que Bruce Jenner, devenu Caitlyn en mai 2015. Voilà un athlète au parcours pour le moins atypique. Décathlonien prometteur, Bruce dispute sa première compétition à Des Moines en 1970 et sera déjà qualifié pour les Jeux Olympiques de Munich deux ans plus tard. Alors simplement âgé de 23 ans, il termine 10e sur un score de 7772 points. Un score plus qu’honorable mais insuffisant pour remporter une médaille. Cette année-là, c’est le Russe Mykola Avilov qui remporte la médaille d’or avec un score de 8454 points. Blessé l’année suivante (fracture au pied et lésion d’une vertèbre), il arrête la compétition. Il revient aux affaires en 1974 et remporte son premier titre aux Championnats des États-Unis. Mais c’est en mars 1975 que Jenner marque l’histoire de sa discipline. Lors du match d'athlétisme États-Unis / Pologne / URSS, l’athlète établit un nouveau record du monde du décathlon avec 8 524 points. La même année, il remporte les jeux panaméricains de Mexico avec un petit 8045 points, néanmoins suffisant pour l’emporter.

En 1976, il redevient champion des États-Unis et bat son propre record en marquant 8 538 points. C’est vraiment l’année de la consécration pour Jenner, qui remporte la médaille d’or du décathlon des Jeux Olympiques de Montréal. Et il le fait avec la manière puisque, non content d’obtenir la médaille d’or, il survole littéralement la compétition et bat son propre record du monde en établissant un score de 8618 points. Guido Kratshmer, arrivé deuxième, ne marque « que » 8411 points.

Côté vie privée, Jenner se marie en 1991 avec Kris Jenner, la célèbre mère des non moins célèbres Kim, Khloé et Kourtney Kardashian. Quelques années plus tard, il devient l’une des vedettes de l’émission de téléréalité « Keeping up with the Kardashians » (« L’incroyable famille Kardashian »), qui compte tout de même 12 saisons. 

«Call me Caitlyn »

En 2013, il se sépare de Kris Jenner et annonce qu’il va subir une chondrolaryngoplastie, opération du larynx, souvent réservée à un changement de sexe. S’il dément dans un premier temps, il annonce en avril 2015 qu’il se considère comme transgenre et qu’il souhaite entamer une transition. Le premier juin de la même année, Bruce Jenner fait la Une de Vanity Fair sous ses nouveaux traits féminins et souhaite désormais être appelé par son nouveau prénom : Caitlyn. Sa transformation et sa nouvelle vie font d’ailleurs l’objet d’une nouvelle émission de téléréalité : « Appelez-moi Caitlyn ». 

Textes : Guilhem de Grenier & Clémence Simon / Photo de couverture : Mark J. Terrill/AP/SIPA