Les coulisses
du salon du Bourget

15-18 juin 2015

C'est à la gare RER du Bourget, petite ville de 15000 habitants du Nord de Paris, que démarre le plus grand salon aéronautique du monde pour les 140000 visiteurs professionnels. A peine sorti de la ligne B du RER, toutes les langues se font entendre sur le quai. Français Américains, Indiens, Anglais, Italiens, Espagnols, Japonais, Chinois... s’entassent pour attraper une navette qui les amènera au cœur du salon.

Pendant une semaine, les rues de cette ville de banlieue de Seine-Saint-Denis, d'ordinaire plutôt tranquilles, sont paralysées, congestionnées. Une thrombose à laquelle les habitants se résignent tous les deux ans. A chaque carrefour est planté un agent de police alors que les cortèges officiels remontent les files toutes sirènes hurlantes.

Ce lundi 15 juin au matin, on attend François Hollande pour inaugurer la 51e édition de ce salon du Bourget mais les bouchons ne lui seront pas imputables. Pour la simple et bonne raison qu'il arrive à bord d’un A350 spécialement affrété par Airbus depuis l'aéroport d'Orly, au sud de Paris. Une fois sur le tarmac, le président à peine sorti du dernier-né de la gamme Airbus a levé les yeux au ciel. En guise d’ouverture la patrouille de France a barré de ces fumées tricolores le ciel parisien.

Au même moment, tous les regards se sont tournés vers l'A400M. L’Airbus militaire s’aligne en bout de piste pour son premier vol en public depuis le crash de Séville le mois dernier. Les professionnels de l’aéronautique réunis en masse dans les allées du salon n’ont aucun doute sur la performance de celui que l’Armée de l’air française a baptisé « Atlas ». «L’enquête a rapidement permis de découvrir que l’accident est dû à une erreur d’installation de logiciel » confie un proche de l’avionneur.

Tous les jours à partir de 13h30 débutent ainsi les démonstrations en vol. Plus de quarante appareils différents se succèdent toute la semaine pour évoluer dans des figures plus ou moins acrobatiques (voir photos ci-dessus). Pour assister au mieux à ce spectacle, il faut se trouver sur les fameuses terrasses des chalets. Et pendant de longues minutes, les réacteurs des chasseurs et leur post-combustion rendent inaudibles toutes conversations dans les chalets.

Derrière les façades
du chalet Airbus

Les chalets sont ces bâtiments modulaires qu'occupent les industriels de l’aéronautique au luxe bien éloigné des simples Algeco que l'on croise sur les chantiers. A leur grandeur, on mesure la puissance de l’entreprise.

Celui d’Airbus Group mesure ainsi plus de 100 mètres de long. C’est dans ce saint des saints que sont accueillies les délégations officielles d’hommes et femmes politiques, les clients, les fournisseurs et les journalistes. Ces chalets servent à exposer les dernières innovations des avionneurs (cockpit, cabine, moteur, etc.) mais aussi à accueillir les compagnies aériennes clientes dans les meilleures conditions.

A l'étage sont ainsi aménagées de très belles salles de réunion et des bureaux afin que les équipes de John Leahy, le directeur commercial d'Airbus, finalisent les projets de vente d’avions. Le puissant directeur de l’avionneur toulousain n’arbore pas cette année sa verve et son énergie habituelles. Il est vrai que les commandes peinent à affluer. « C’est parce qu’on était mal habitué durant les éditions 2011 et 2013 », glisse un cadre dirigeant d’Airbus. Qu’importe. Les carnets de commandes d’Airbus sont remplis pour neuf ans de production et l’année n’est pas terminée. Alors, comme pour faire bonne figure, Airbus vante la qualité de ses produits en faisant visiter l’A350 et l’A380. Alain Juppé, François Fillon, Ségolène Royal, Emmanuel Macron, ce samedi, mais aussi Martin Malvy, président de la Région Midi-Pyrénées ou encore le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc... et bien sûr le président de la République dès lundi dernier ont eu droit à une visite VIP. « C’est toujours bon de pouvoir amener les ministres et les élus voir nos produits » confie-t-on au département des « affaires politiques ».

Chez Boeing, on garde le calme des vieilles troupes. Sans tambour ni trompette, la firme de Seattle réalise son bonhomme de chemin au point de finir le mercredi soir devant Airbus en terme de commandes. Le tout dans une ambiance glaciale car la climatisation américaine fait chuter la température sous la barre des 18° C ! A l'intérieur de ces chalets, Airbus, Boeing, Embraer, ATR... dévoilent au compte-gouttes les commandes décrochées auprès des compagnies aériennes.

3000 journalistes accrédités


Des affiches et des mails envoyés aux 3000 journalistes accrédités donnent chaque matin le planning des annonces : 10h, 11h puis 14h... Dès la vente dévoilée, la bande passante des réseaux Wifi se sature à cause des articles et alertes mail envoyés par les journalistes à leur rédaction pour informer lecteurs et internautes. Le Bourget se passe de plus en plus sur le web et pas seulement le long des pistes !

La grande majorité des journalistes se retrouvent au sein d'un chalet réservé à la presse le long du « statique » du salon, avec une vue imprenable sur les démonstrations en vol depuis une large terrasse.

Parmi les 3000 journalistes présents: Pierre Julien, reporter pour RTL. Le rédacteur en chef adjoint de la célèbre radio est spécialiste aéronautique et défense. Il a couvert de très nombreux salons aéronautiques et connaît très bien les coulisses de ces grandes manifestations.

Nous l'avons suivi dans son studio aménagé au premier étage du chalet réservé aux médias sur le salon. Le lieu est sobre. Quelques panneaux et autocollants aux couleurs (rouge et blanc) de la radio décorent la pièce. Deux tables accueillent un ordinateur portable, un téléphone, un nagra (l'enregistreur professionnel), deux micros, un micro-casque et un boitier de connexion pour appeler les studios parisiens de la radio. Au menu du jour: un reportage sur les coulisses du salon à faire en direct pour le journal de 18h, au sein d'une tranche horaire très écoutée animée par Marc-Olivier Fogiel.

Grâce à son réseau et sa connaissance du sujet, Pierre Julien peut, comme quelques autres journalistes, avoir accès à des lieux privés et assistés à des rencontres secrètes. Il connaît les responsables d'Airbus, d'ATR, de Dassault ou de Boeing mais aussi ceux des compagies aériennes venus faire leur marché. Il raconte ce qu'il voit aux aditeurs de RTL, toujours avec de grands gestes. Le secret pour un récit vivant.

Outre les clients, les grands dirigeants des constructeurs aéronautiques reçoivent aussi les journalistes dans des one to one privilégiés afin de donner des informations plus détaillées. Plus tôt, leur service communication leur ont transmis les éléments de langage sur les grands thèmes (commandes, A400M, A380neo, etc.) afin de ne pas être sec face à une question.

Des centaines de PME
françaises présentes

Pendant ce temps, les PME (Petites et moyennes entreprises) sont présentes depuis plusieurs jours avant même l'ouverture du salon. « Il a fallu venir dès le jeudi de la semaine précédente pour monter notre stand avec notre prestataire. Je suis parti de Toulouse avec deux collaborateurs pour tout installer », raconte un chef d’entreprise de l’Ouest toulousain soucieux d’offrir un accueil sans faille à ses clients notamment japonais.



C'est une véritable chaîne d'assemblage qui a été recréée au cœur du salon du Bourget avec l'avion des métiers. Un tronçon d'Airbus, des sièges d'avions, des postes de soudure, des pièces métalliques… on se croirait dans une véritable usine aéronautique. Le but de ce déploiement de moyens est de mettre en avant les métiers de l'aéronautique car le secteur peine toujours à recruter. L'avion des métiers a donc été créé pour susciter les vocations et aussi convaincre les parents que l'industrie aéronautique peut offrir des débouchés intéressants à leurs têtes blondes. Plus d'une vingtaine de grands métiers sont ainsi mis en scène à travers différents ateliers animés par des salariés du secteur aéronautique. C'est le cas de Lucas, un soudeur de chez Liebherr à Toulouse âgé d'une vingtaine d'années. Il est venu passer la semaine pour expliquer son métier et sa passion du travail bien fait aux visiteurs essentiellement des lycéens durant la semaine. « Le grand rush sera à partir de vendredi avec l'ouverture au grand public à qui nous expliquerons pour chaque poste les métiers autour de l'avion », anticipe le Toulousain qui a été formé par son employeur pour devenir soudeur aéronautique.

Et tous les midis c'est la bataille des sandwiches. Faire manger 150000 exposants et visiteurs tous les jours relèvent en effet de la gageure. Points chauds, sandwicheries, saladeries, service traiteur dans certains chalets... tous les moyens sont bons pour manger un bout. Et le soir venu, c’est éreinté par une journée remplie de rendez-vous et de négociations que tout ce beau monde fait le chemin inverse. Direction les navettes de la RATP pour regagner la gare RER dans le centre ville du Bourget et rentrer à Paris.

La très grande majorité des exposants et visiteurs préfèrent en effet loger dans les hôtels de la capitale plutôt que dans cette ville de la banlieue nord. L’occasion pour les Américains notamment de profiter de la gastronomie française. Voilà peut-être une autre raison du succès du Bourget !

Webdoc réalisé par Gil Bousquet et Sébastien Marcelle

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