La médecine du futur
est déjà là

Le CHU de Toulouse s'est retrouvé sous les projecteurs avec une première mondiale : une transplantation rénale réalisée avec l'aide d'un robot. La robotique est de plus en plus présente dans les blocs opératoires, comme dans les hôpitaux toulousains. Tour d'horizon.

 Voilà bien une décennie que les robots ont pénétré l'univers hospitalier. Ils font désormais partie de l'acte médical, de la chirurgie cardiaque à la chirurgie mini invasive endoscopique, de la neurochirurgie à la chirurgie osseuse. Le robot supplée l'homme dans ses gestes, même si c'est le praticien qui en manipule les bras à distance. L'homme a besoin du robot, mais le robot ne peut se passer du médecin. 


Jeudi 3 septembre dernier se sont tenues à l'Institut Pasteur les 3es Rencontres du progrès médical consacrées à l'innovation technologique. Un carrefour du savoir très attendu où la médecine toulousaine a toute sa place avec des débats consacrés à des disciplines auxquelles le centre hospitalier universitaire et les établissements privés de la Région consacrent une large part de leurs activités : la neurologie et le traitement de la maladie de Parkinson, l'e-santé qui englobe tous les dispositifs médicaux communicants, dont la télémédecine… 

Le CHU dans son rôle de pionnier Mais les travaux étaient également consacrés à l'audiologie avec des appareils auditifs toujours plus performants et une technologie miniaturisée qui vole au secours des personnes atteintes de surdité profonde. Le CHU de Toulouse et l'équipe du Pr Fraysse ont été pionniers dans ce domaine où l'électronique se glisse désormais sous la peau du patient. 

La maîtrise de la technologie robotique appliquée au médical a fait un grand pas à Toulouse

Autre secteur où les techniques sont remarquables, celui de l'urologie où, de la cœlioscopie à l'urochirurgie, les avancées sont rapides. À cet égard, la première mondiale annoncée le 19 août par le CHU est remarquable : l'extraction d'un rein par voie vaginale grâce à l'assistance d'un robot chirurgical et sa transplantation par les mêmes moyens. Une technique très innovante qui a bénéficié à deux sœurs. La donneuse a pu rentrer chez elle le deuxième jour, et la receveuse le quatrième. Une prouesse à mettre à l'actif de deux chirurgiens toulousains : Nicolas Doumerc, expert en chirurgie urologique robot-assistée, et Federico Sallusto, chirurgien urologue, coordonnateur responsable de la transplantation rénale au CHU de Toulouse. 

Ce jour-là, la maîtrise de la technologie robotique appliquée au médical faisait un grand pas. Concordance des temps : le magazine LePoint publiait au même moment son classement des performances des hôpitaux et cliniques de l'hexagone. Le CHU y est constamment cité pour ses performances. La médecine toulousaine fait souvent l'actualité. En 1983, autres première mondiale, trois médecins du service de chirurgie cardio-thoracique de Purpan, les Dr Fournial, Choy et Marco, désobstruent des artères coronaires à l'aide d'un faisceau laser. 

En 1986, c'est le Pr. Puel qui met en place le premier stent endocoronaire chez l'homme. Autre exemple parmi d'autres : en février 2014, le service d'ophtalmologie du Pr. Malecaze du CHU s'équipe d'un laser femto-seconde de dernière génération pour corriger la myopie, l'astimagtisme et la presbytie. 

C'est ainsi un des tout premiers centres à utiliser ce laser pour la cataracte…

Jean-Marie Decorse

«Le robot, un tournant
pour la chirurgie»

Le docteur Nicolas Doumerc, 40 ans, compte 600 interventions effectuées depuis 2010 avec le robot chirurgical da Vinci Si HD®. Il a réalisé la première transplantation rénale totalement robotique sans incision avec introduction du rein d'une donneuse vivante prélevé également par voie robotique pure. La séquence, unique au monde, s'est déroulée le 9 juillet 2015 au CHU Rangueil de Toulouse.



Le bloc opératoire du futur sera-t-il dirigé par un chirurgien-robot ?

Le robot chirurgical dont on parle aujourd'hui n'est pas vraiment un robot. Il s'agit d'une interface informatique qui nécessite un savoir-faire, un travail d'équipe. Sans ça, il n'a aucune raison d'être dans un bloc opératoire. Il ne s'agit pas de jouer avec des manettes, il n'y a aucune place pour l'improvisation. La machine peut être déroutante. Elle ne facilite pas la chirurgie, elle permet de procéder avec une technique différente. Si on ne sait pas se servir du robot, c'est l'enfer ! Et toute la chaîne est importante, de l'anesthésiste qui doit bien doser pour un réveil plus rapide à l'infirmière de bloc qui doit pouvoir manipuler le robot en cas de problème.

Le robot n'a d'ailleurs pas toujours bonne presse…

Nous sommes dans l'époque de l'image, de l'électronique. Les patients sont nombreux à réclamer du «high-tech». Des chirurgiens qui opéraient très bien de manière conventionnelle ont vu partir des patients dans des centres qui débutaient tout juste en robotique et qui en sont revenus déçus. Pour être bon, il faut un certain volume et on ne peut pas avoir de bons résultats en utilisant le robot une fois par mois. Derrière la machine, nous devons être excellents, les patients l'exigent.

Qu'amène la robotique ?

La vision 3D et les instruments qui tournent dans tous les sens nous permettent de suturer et de couper plus facilement, le geste est juste. Le robot a beaucoup amené pour la chirurgie du cancer des testicules après chimiothérapie, pour enlever des tumeurs rénales tout en conservant le rein, il vient de prouver sa pertinence pour la transplantation et permet d'opérer plus facilement les patients obèses. C'est aussi un formidable instrument d'apprentissage par l'image. Avec le robot, pour la première fois, le chirurgien se détache de son patient. C'est un tournant dans la façon d'appréhender la chirurgie et de l'enseigner. Chaque fois que je m'assieds devant ma console, je suis émerveillé.

Le robot a stimulé le monde de la chirurgie

Où en est le développement du robot chirurgical en France ?

Il existe 85 unités robotiques da Vinci ® (seule compagnie sur le marché) en France dont 5 en Midi-Pyrénées : à la clinique des Cèdres de Cornebarrieu, à la clinique Saint-Jean du Languedoc ; nous avons une machine au CHU Rangueil depuis 2009, une autre à l'Oncopole (Institut universitaire du cancer), toutes deux de troisième génération, et la clinique Toulouse-Lautrec d'Albi s'est équipée en 2013. Dans l'avenir, le robot chirurgical sera suspendu dans les blocs opératoires, il ne fera qu'une incision et ses bras se déploieront dans le patient.

Le robot est-il une machine à générer des bénéfices ?

Aujourd'hui, un robot chirurgical da Vinci Si ® coûte deux millions d'euros à l'achat et 150 000 € de maintenance annuelle pendant cinq ans, il est amorti sur 7 ans environ et chaque intervention revient à 1 500 € de consommable (housses, instruments). 

On ne fait pas de bénéfice avec le robot, chaque chirurgie se fait à perte, mais le robot doit se concevoir dans des modèles macro-économiques plus larges, prenant en compte la réduction de la durée de séjour à l'hôpital, la reprise d'activité professionnelle plus précoce pour les patients… 

Le robot a stimulé le monde de la chirurgie. Les équipes qui n'en disposent pas doivent être encore meilleures pour lutter contre les effets marketing des centres qui se lancent dans la robotique.

Recueilli par Emmanuelle Rey

Greffe de rein
par voie vaginale : première mondiale à Toulouse

Une greffe de rein par voie vaginale, entièrement assistée par robot, a été réalisée en juillet au CHU de Toulouse. Une première mondiale qui a bénéficié à deux sœurs. Récit.

Juste cinq petites cicatrices de 8 mm, nécessaires au passage des bras du robot et une sortie rapide de l'hôpital sans douleur. Béatrice Perez, receveuse, et Valérie Perez, donneuse, ont bénéficié de la première transplantation rénale par voie vaginale entièrement robot-assistée avec donneur vivant. La séquence, unique au monde, a été réalisée le 9 juillet dernier à l'hôpital Rangueil de Toulouse par les docteurs Nicolas Doumerc et Federico Sallusto (1). Le 13 mai 2015, la même équipe avait déjà réussi une première greffe rénale avec introduction du rein par voie vaginale par voie coelioscopique robot-assistée exclusive (2).

«Notre objectif est toujours de limiter le nombre d'incisions et d'améliorer les suites post-opératoires. Nicolas Doumerc avait l'expérience du travail avec robot (500 interventions depuis 2010 sur prostate, vessie et rein), moi celle des greffes (600 transplantations de reins depuis 2005). Nous avons tout mis en commun», explique Federico Sallusto.



Cette aventure, les deux chirurgiens y pensaient depuis plus de six mois. Ils ont d'abord étudié les publications des confrères français sur l'utilisation du robot pour des greffes rénales (Créteil en 2001, Tours en 2013), américains (Chicago 2010) ainsi que des vidéos d'intervention réalisées en Inde (mars 2015). Seulement 140 patients dans le monde ont bénéficié d'une transplantation rénale à l'aide d'un robot chirurgical, et 8 femmes ont reçu le greffon par voie vaginale.

«Nous nous sommes aussi appuyés sur des études gynécologiques qui montraient qu'une incision dans le vagin ne provoquait pas plus d'infections ou de complications de la vie sexuelle », complète le docteur Nicolas Doumerc.

«Nous sommes prêts à recommencer et même à lancer un programme à destination des patients obèses pour qui l'incision classique est compliquée », lance Federico Sallusto. «Nous avons le goût du challenge, mais nous savons où nous allons. Il n'y a pas de place pour l'improvisation. Le robot n'est pas un joujou dont on prend les manettes. Quand on pratique une greffe avec donneur vivant, on a encore moins le droit à l'erreur. S'il y avait eu le moindre souci, nous serions passés à l'incision classique pour ne pas compromettre la greffe», complète le chirurgien.

Parmi les petits détails qui ont certainement garanti la réussite des interventions, l'idée de mettre le greffon dans un sac plastique entouré de gel pour le faire glisser, ou encore l'irrigation froide avec utilisation d'une sonde thermique pour que le greffon soit à bonne température au moment de la transplantation.

(1) Interventions réalisées grâce à la présence des chirurgiens assistants Jean-Baptiste Beauval et Mathieu Roumiguié, CHU Toulouse

(2) Publication dans le journal European Urology de l'association européenne d'urologie. La publication de la séquence du 9 juillet vient d'être soumise à l'American Journal of Transplantation

Don, greffe : ce que permet la loi de bioéthique

En France, le rein est l'organe le plus greffé : 3 232 en 2014, pour plus de 12 000 personnes en attente. Sur ces 3 232 greffes, 514 ont été réalisées à partir de donneurs vivants.

Comme il est possible de vivre avec un seul rein, une personne vivante, volontaire et en bonne santé, peut donner un rein à un de ses proches dans les conditions définies par la loi.

En 2004, la transplantation rénale à partir d'un donneur vivant n'est plus seulement réservée aux parents proches (père, mère, fratrie), elle est élargie aux grands-parents, oncle, tante s'il y a compatibilité de groupe sanguin.

En 2010, le don s'élargit au conjoint et amis (s'ils se connaissent depuis au moins deux ans) et autorise la greffe même avec une incompatibilité de groupe sanguin entre donneur et receveur. Enfin, en 2011, la loi de bioéthique autorise le don croisé, solution qui peut être envisagée lorsque le proche qui souhaite donner n'est pas compatible avec le patient.

Le don croisé reste anonyme.

Informations sur le site www.dondorganes.fr ainsi que sur le site de l'agence de biomédecine.

Le chiffre : 195 greffes de reins. En 2014, l'hôpital Rangueil a réalisé 195 greffes rénales dont 63 avec donneurs vivants. Un chiffre qui place le CHU de Toulouse au premier rang français.

Pour Béatrice,
«une renaissance»

C'est sous le soleil de Saleilles, dans les Pyrénées Orientales, que Béatrice Perez, 43 ans, se remet -très bien- de ce qu'elle appelle une «formidable aventure». Un peu plus d'un mois après sa greffe rénale, la jeune femme profite de tous les instants avec son jeune fils. Sans douleur, sans dialyse.

A plusieurs centaines de kilomètres de là, en région parisienne, sa sœur Valérie, 44 ans, se repose. Elle a donné un rein à Béatrice, en bénéficiant également de la technique robot assistée par voie vaginale. C'est même elle qui a, la première, accepté le challenge. Béatrice ne voulait pas. «Je n'avais pas envie d'être un cobaye et j'avais trop peur que cette technique abîme le rein de ma sœur, ça aurait été insupportable », se souvient cette dernière. Échanges de mail, discussion téléphonique puis rencontre avec le docteur Nicolas Doumerc au CHU Rangueil, la jeune femme se laisse finalement convaincre. Victime d'une maladie auto-immune à 18 ans, Béatrice a vécu l'insuffisance rénale, les dialyses et une première greffe qui lui a permis de mener une vie normale pendant 15 ans. Les traitements pour combattre deux pneumopathies contractées en 2014 ont eu raison de son greffon. Béatrice ne voulait pas prendre de risque avec le rein de sa sœur.

«J'ai été complètement rassurée par les médecins, et, contrairement à ma première greffe, j'ai eu le temps de me préparer. Le court temps d'hospitalisation a été un argument primordial : mon fils n'a que cinq ans, il a besoin de moi et il a besoin de voir que je vais bien ».

Sans douleur

Une fois la décision prise, les deux sœurs organisent leur été 2015. L'opération a lieu le 9 juillet, quand les enfants sont chez leurs pères respectifs. «Valérie est partie au bloc à 7 heures, moi à 10 heures. Entre-temps, le médecin était venu me dire que ma sœur allait bien et que son rein était magnifique. Je suis remontée en chambre à 20 h 30. Le lendemain matin, Valérie est venue me voir, à pied ! Et moi, je n'avais pas mal. Rien à voir avec ma première greffe, très douloureuse où j'avais l'impression d'avoir une enclume sur le ventre », rapporte Béatrice.

«J'aimerais que mon expérience serve à d'autres personnes. Avant d'être greffé, il est important de savoir où on va. Cette technique est révolutionnaire».

L'émotion dans la voix, Béatrice Pérez parle aujourd'hui de cette greffe comme d'une «renaissance ». «La première avait été une résurrection mais là c'est doublement significatif, ce don précieux de ma sœur s'est fait par le vagin. Elle a '‘accouché'' de ce rein et moi je renais par mon vagin qui a donné une fois la vie ».

«Tout s'est vraiment bien passé », confirme Valérie au téléphone. «La technique ? Je n'avais pas peur, de toute façon, je dormais ! Au final, quand j'en parle je dis que j'ai eu mal en accouchant de ma fille, pas là », raconte la sœur aînée, heureuse d'avoir pu aider sa sœur. «Je n'attends pas qu'elle me remercie même si elle l'a fait. Si quelque chose arrive au rein, ce ne sera pas de sa faute. Et puis, donner c'est donner ».

Recueilli par E. Rey

Innovations, investissements :
Toulouse en pointe

Chirurgie

À Rangueil, le CHU de Toulouse vient de se doter de trois salles hybrides de radiologie interventionnelle permettant d'associer chirurgie et imagerie 3D avec des applications en cardiologie et cancérologie. On retrouvera ces équipements dans le nouveau bâtiment «Passerelle» de la clinique Pasteur (ouverture début 2016) ainsi que dans l'extension des cliniques Sarrus-Teinturiers et Saint-Nicolas (premier trimestre 2017). À Cornebarrieu, la clinique des Cèdres s'est équipée au début de l'année d'un bloc chirurgical 3D pour opérer ses patients obèses par «By-Pass». 

Cardiologie

Alors que le CHU Rangueil reste leader sur les greffes cardiaques et la recherche avec les thérapies cellulaires, c'est à la clinique Pasteur qu'est implanté, depuis mai 2014, le plus petit moniteur cardiaque au monde, outil de diagnostic des troubles du rythme cardiaque. 

Imagerie

À l'Oncopole, l'Institut universitaire du cancer, a été, en septembre 2014, le premier site au monde équipé de la dernière génération de machine TEP Scan, utilisée en cancérologie pour le repérage des tumeurs. La Discovery IQ permet de diviser par deux le temps d'examen et de réduire la dose de produit radioactif injecté. 

Radiothérapie

Depuis quelques mois, la clinique Pasteur est le premier établissement français utilisant une machine de radiothérapie avec le système VERO TM. Elle permet de traiter les tumeurs mobiles du fait de la respiration (tumeurs primitives et métastases pulmonaires notamment).

Des implants électroniques
pour les sourds profonds

Autre secteur de pointe où se distingue le CHU de Toulouse : celui des implants cochléaires pour les personnes atteintes de surdité profonde et qui ne peuvent être appareillées avec une prothèse conventionnelle. L'équipe du Pr. Bernard Fraysse, otologiste et otoneurochirurgien, a acquis une notoriété européenne dans le domaine de l'audition, où les techniques évoluent à toute vitesse. 

Ces implants cochléaires se composent d'un processeur placé sous la peau du crâne et relié à 15 à 22 électrodes positionnées dans l'oreille interne tous les millimètres. Chacune d'entre elles envoie un signal qui dépend de la fréquence aiguë ou grave (voix d'homme ou de femme), et de l'intensité forte ou faible.



 À l'extérieur du corps, se trouve un processeur, sorte de prothèse auditive, qui capte les sons et les envoie par radiofréquence vers l'électrode dédiée, laquelle, par «sélectivité», va à son tour stimuler la partie de nerf sensible à telle fréquence ou intensité. On comprend à la fois la complexité du système et toute sa précision. Si l'intervention chirurgicale ne dure qu'une à deux heures, la période de rééducation et de réhabilitation peut se révéler très longue pour habituer le cerveau à la nature des sons qui lui sont transmis et dont il doit retrouver la mémoire. 

Mais le réapprentissage sera d'autant plus aisé que les patients ont déjà entendu ces sons et les ont conservés dans un bout de leur mémoire. La rééducation est plus longue bien sûr quand la surdité est déjà très ancienne ou congénitale.

Au final, la personne atteinte de surdité sévère peut réapprendre à téléphoner, à comprendre une conversation… Mais la qualité du son se révèle différente de celle obtenue naturellement, moins d'informations sonores étant transmises au cerveau.

J.-M.D.

Le cœur artificiel à Toulouse

Le calendrier est établi. Alors que le troisième patient implanté du cœur artificiel Carmat est rentré chez lui jeudi, cinq mois après l'intervention chirurgicalee, le CHU de Toulouse devrait procéder en 2016 à la 5e pose du cœur artificiel développé par la société Carmat. Mais il faut achever d'abord la phase de validation de 4 implantations assurées par les centres développeurs de Paris et Nantes. Pour l'heure, trois ont déjà eu lieu. À Toulouse, une équipe s'est formée autour du Pr. Camille Dambrin

Son poids avoisine les 900 grammes, soit trois fois celui d'un cœur biologique. Le cœur artificiel développé par l'industriel Carmat pourra être implanté l'an prochain sur un patient du CHU de Toulouse. Le centre hospitalier régional, tout comme son voisin de Bordeaux, est lancé dans la course pour poser à terme le cœur artificiel sur des malades qui ne pourraient supporter une greffe.

Savoir-faire reconnu

La technologie Carmat n'a pas choisi Toulouse au hasard. Le CHU a acquis une vraie réputation en matière de cardiologie, tout comme elle bénéficie d'une expérience reconnue dans le domaine des greffes. L'enjeu, rappelons-le, est de rendre totalement fiable un cœur intelligent entièrement autonome, capable de se substituer au cœur humain tout en garantissant au patient une certaine mobilité. Depuis 2008, Carmat, créé par l'équipe du Pr Alain Carpentier, développe un système biocompatible . Mais la mise en œuvre reste très progressive. Le premier patient, âgé de 76 ans, est décédé. Le deuxième est mort le 2 mai, neuf mois après l'opération, à la suite d'un dysfonctionnement des moteurs. Le troisième patient, opéré le 8 avril, est sorti voilà un mois de l'hôpital Pompidou. Son séjour dans un centre de réadaptation cardiaque s'achève et il devrait rejoindre son domicile au début du mois.


Les centres développeurs de Paris et Nantes attendent maintenant le feu vert de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour lancer une quatrième greffe de cœur artificiel. Celle-ci interviendrait avant la fin de l'année. «Après ce programme de validation, on pourra ouvrir les premières pages du développement clinique», explique le Pr Camille Dambrin, choisi comme médecin référent par la société.

Pourquoi l'industriel s'est-il tourné vers Toulouse pour figurer parmi les premiers centres implanteurs de cœur Carmat après l'hôpital Georges-Pompidou à Paris et le CHU de Nantes ? «Notre expérience a pesé dans la balance avec 300 greffes effectuées depuis l'ouverture du programme, il y a 30 ans. Sur la seule année 2015, on a procédé à 18 greffes cardiaques à un rythme de 20 à 25 par an», souligne-t-il encore. Mais qui sont ces greffés ? «Des patients parvenus au stade d'une insuffisance cardiaque terminale qui n'ont pas d'autre ressource thérapeutique, et pour lesquels le traitement médical est dépassé.» Mais les délais d'attente restent longs, entre six mois et un an.

Assistance ventriculaire

Par ailleurs, Carmat a retenu l'expérience du CHU en matière d'assistance ventriculaire, une nouvelle technique de traitement quand il s'agit d'une insuffisance monoventriculaire gauche. Le CHU a procédé à une cinquantaine d'implantations. «On a donc une expérience reconnue, au plan national et international, précise le Pr. Dambrin. Il faut maintenant que se présente un patient compatible, dont le profil correspondant parfaitement à l'indication.

En attendant, le CHU de Toulouse se prépare activement. À Rangueil, a été installée une équipe dédiée avec chirurgiens, anesthésistes, cardiologues et infirmières de bloc. Tous sont partis sur le site de Carmat pour y recevoir une formation théorique et pratique. Puis, c'est l'équipe de l'industriel qui s'est rendue à Toulouse pour rencontrer les différents acteurs du programme. «Nous sommes prêts à collaborer avec les cliniques comme Pasteur si se présente le cas de patients très sévères. Nous déciderons ensemble de la meilleure stratégie thérapeutique. Mais il est évident que l'implantation et les gestes chirurgicaux seront réalisés au CHU...»

Jean-Marie Decorse

Textes : Jean-Marie Decorse, Emmanuelle Rey
Mise en forme : Philippe Rioux