De l'Occitanie aux Etats-Unis

Ils nous racontent leur rêve américain

Après la Suisse, un pays où les Français choisissent de s'installer pour des raisons qui tiennent souvent plus à une législation fiscale particulièrement bienveillante qu'à la beauté des paysages, c'est aux États-Unis que l'on trouve le plus d'expatriés tricolores. À la fin de l'année 2015, selon un recensement effectué par le ministère des Affaires étrangères, on dénombrait ainsi 141 942 personnes inscrites au Registre des Français établis aux États-Unis. Un chiffre qui ne correspond pas à l'exacte réalité puisque l'immatriculation auprès du consulat est facultative et que selon le ministère des Affaires étrangères, le nombre de Français vivant aux USA serait en fait supérieur à 300 000. 

Ces statistiques font de la France la 3e communauté européenne aux États-Unis, derrière la Suisse et l'Allemagne. Les villes les plus prisées par ces expatriés français sont, dans l'ordre New York, San Francisco, Los Angeles, Washington et Miami. Avec un taux de chômage d’environ 5 % et une flexibilité du marché du travail qui fait que les Américains changent de job tous les trois ans en moyenne, les États-Unis apparaissent, pour nombre de Français comme un eldorado professionnel. Pour autant, s’y installer n’est pas simple et le rêve américain, ce mythique « American dream » qui fait fantasmer tant de candidats à l'expatriation, ne devient pas toujours réalité.

À quelques jours de l'élection présidentielle américaine, la Dépêche du Midi est partie à la rencontre d' « aventuriers », qui ont quitté le Gers, l'Ariège, Le Tarn-et-Garonne, les Hautes-Pyrénées, le Tarn, le Lot-et-Garonne ou encore la Haute-Garonne, pour s'installer dans le « nouveau monde », à New York, Los Angeles, Washington ou encore dans le Nevada. Ils nous racontent leur quotidien, très différent de celui qu'ils avaient lorsqu'ils vivaient dans la région, et nous font vivre les derniers jours de cette campagne électorale, aux antipodes également de celles qu'ils ont connues en France.

Claire Raynaud

Marcel, 76 ans, de l'Ariège 
 à New York

Originaire d'Ercé, un tout petit village de l'Ariège situé entre Massat et Aulus-les-Bains, Marcel Denamiel a tout quitté en 1962 pour tenter sa chance à New-York.

Après avoir combattu pendant deux ans en Algérie, Marcel Denamiel décide de quitter son hameau natal, Cominac, près d’Ercé, dans le Couserans pour aller tenter sa chance outre-Atlantique. À 22 ans et sans le sou, avec une barrière de la langue à passer et simplement un certificat d’études en poche, c'est un sacré défi. 
« C’était en 1962, ça fait une paille ! C’était la mode à l’époque de partir en Amérique », se souvient en rigolant le septuagénaire. Avec son épouse, ils commencent par faire la plonge dans des restaurants new-yorkais. Puis il monte sa propre affaire dans Big Apple avec ses frères, qui l'ont rejoint : « Le café du soir », un vrai restaurant français à New-York, qui deviendra par la suite "Le Rivage ».

L'affaire marche très bien et Marcel n'a donc aucune raison de revenir habiter en Ariège. Mais il passe tous ses étés dans le petit village où il a grandi. Avec des bagages qui s'alourdissent un peu plus chaque année puisqu'il ramène pour les vacances, son fils puis ses petits-enfants, tous nés à New-York. « L’Ariège, c’est ma vie. J’aime retrouver Cominac, le plus beau village du monde », sourit-il. Marcel Denamiel garde des bons souvenirs de son enfance. Fils d’agriculteurs, il a commencé à travailler à quatorze ans aux côtés de son père et de ses vaches, « dans les jolies montagnes ». Aujourd’hui, malgré son âge il continue à venir au restaurant « Le Rivage », désormais propriété de son fils Paul, chef cuisinier qui a repris l’affaire il y a 17 ans. « Je me balade, je discute avec les clients », confie-t-il.

Derrière les fourneaux, Paul n’oublie pas la terre natale de son père. Le Rivage propose une cuisine 100 % française. Au menu, bœuf bourguignon, dont             « raffolent les Américains », bouillabaisse et « beaucoup de canard ». « J’ai mes racines en Ariège, mes habitudes, beaucoup d’amis et de cousins », rappelle Paul. 


Père et fils sont unanimes sur les Américains. « Ce sont des gens gentils, honnêtes et droits. » Sauf… en période électorale. « En période de présidentielle, nous sommes dans la stupidité. Les gens intelligents ne se mettraient jamais dans cette position. J’irai voter bien sûr, mais cela ne rime à rien, lâche Paul. « Donald Trump dit un peu trop de bêtises, je pense qu’Hillary Clinton gagnera, poursuit Marcel. Le débat est trop axé sur la vie privée. Et je n’aime pas la façon dont ils parlent. Lors des élections précédentes, les candidats étaient plus sérieux, L’ambiance n’est pas terrible. Je n’aime pas trop ça, on s’en passerait volontiers ». 

« Je ne vendrai jamais ma maison en Ariège, et si mon fils la vend après ma mort, je reviendrai la hanter ! »

Le restaurateur bientôt à la retraite, qui n'a pas perdu son accent ariégeois depuis 50 ans même si il est désormais mâtiné à l'américaine, pense déjà à ses prochaines vacances dans sa maison natale à Cominac, dont il ne veut pas se séparer. « Je ne la vendrai jamais, et si mon fils la vend après ma mort, je reviendrai la hanter ! »

Charlotte van Ouwerkerk



Le "little" quiz 

Allez vous voter pour Clinton ou Trump ?
Je ne veux pas le dire parce que je tiens un restaurant.
Ce que vous préférez aux States ?
Les gens, parce qu'ils sont gentils, honnêtes, droits, francs.
Ce qui vous insupporte aux States ?
Le montant exorbitant des impôts.

Yannick, 28 ans, des
Hautes-Pyrénées à Los Angeles

Yannick Luby, 28 ans, est un enseignant polyglotte. Le jeune Haut-Pyrénéen, professeur des écoles , qui était déjà bilingue occitan-français, a ajouté une nouvelle corde à son arc : depuis deux ans qu'il enseigne au Lycée international de Los Angeles, il est devenu trilingue.

Entre Hibarette, commune de 300 âmes dans les Hautes-Pyrénées où il a grandi, et Los Angeles, mégalopole de plus de 3,8 millions d'habitants, il y a un océan. Yannick Luby, 28 ans, l'a franchi il y a un peu plus d'un an. Tout a démarré par un message humoristique d'un collègue de l'école Godolin à Toulouse, où Yannick Luby enseignait. « Il m'a envoyé une annonce trouvée dans Télérama, annonçant le recrutement de professeurs pour le Lycée International de Los Angeles. « Tu pourras aller surfer, m'avait dit mon copain dans son mail», raconte Yannick. Le jeune professeur aspire alors à travailler dans un pays étranger. « Je n'étais jamais parti de la région, et j'avais envie de voir autre chose. » Mais ce n'est que le dernier jour du dépôt des candidatures, le 31 décembre 2014, qu'il se souvient de l'annonce et postule «sans trop y croire ».


Sélectionné pour les entretiens à Paris, où participent des centaines d'autres candidats, il prend l'exercice comme un « entraînement ». A son étonnement, son anglais et son parcours séduisent l'école internationale qui lui propose un poste de professeur de CP, soit « first grade », avant de prendre les CM2 à la rentrée 2016/2017. Après avoir obtenu son détachement auprès de l'Education nationale, il dégote le précieux sésame : un visa de travail pour 3 ans, qui lui est remis à l'Ambassade à Paris.


En août 2015, il s’envole vers la cité des Anges. Malgré l'appui de son employeur, l'arrivée à Los Angeles est quelque peu brutale. « Au départ, l'école nous loue une voiture pour 15 jours et nous paie une chambre d’hôtel pour une semaine. Mais il faut aussi ouvrir un compte, trouver un appartement, un moyen de locomotion vu l’étendue de la ville, demander son « social security number », passer le permis et j'en passe... Or, sans historique de crédit à la banque, beaucoup de portes se ferment », se souvient-il. 

Les démarches d'installation ont été compliquées

« Heureusement, je n'étais pas seul. Un de mes meilleurs amis m'avait accompagné. » Les premiers mois, laissent quelques traces douloureuses sur le compte en banque, après l'installation et l'achat d'un scooter ; Ils sont aussi éprouvants avec la découverte d'une nouvelle organisation de travail. « Nos classes sont moins chargées qu'en France, avec 18 élèves, mais il y a énormément de projets exigés en parallèle. Il y a aussi un important travail de communication avec les parents. »


Outre son travail prégnant, il s'est reconstruit un quotidien : des cours d'italien aux matchs de « soccer » en passant par les virées le week-end. « Ma vie n'a pas trop changé finalement. Avant, le week-end, je jouais avec le club de rugby Marquisat, et le soir je sortais au Brauhauban, au Verdun ou à l'Arsenal. Maintenant, je joue avec le FC International et je sors sur Hollywood Boulevard. » Depuis son installation, il a également troqué son scooter contre une voiture en leasing, qui lui permet d'arpenter ce vaste territoire. C'est d'ailleurs cette diversité qui lui plaît. « J'ai eu la chance de visiter des parcs nationaux, et des villes comme San Francisco et la Nouvelle Orléans », se réjouit-il.



Un fossé social qui le frappe

Mais, tout n'est pas rose dans cette ville. « Les inégalités sont frappantes à Los Angeles. Dans la même journée, on va croiser un millionnaire travaillant dans le cinéma et des sans-abris complètement abandonnés. » Face à la « superficialité » de cette ville, il lui arrive parfois d'être nostalgique de sa région natale. « Les Pyrénées me manquent parfois et je me surprends à regarder la webcam du Pic du Midi,où on ne voit pas grand chose d'ailleurs », raconte-t-il, le sourire aux lèvres.

Les sirènes d'Hollywood n'auront pas totalement conquis son cœur. L'expatriation lui a ouvert de nouveaux horizons, et le jeune professeur aspire à travailler en Italie ou en Espagne après ces deux années outre-atlantique. « Cela risque d'être difficile car beaucoup de Français sont déjà sur place, et acceptent des contrats locaux. Sinon, je serai ravi de retourner à Toulouse, et de mettre à contribution mes nouveaux acquis sur l'enseignement bilingue. »

Sandra Cazenave

Le "little" Quiz


Allez-vous voter pour Clinton ou Trump ?
La question ne se pose pas pour moi, car je ne peux pas voter aux Etats-Unis, n'ayant pas la citoyenneté américaine. 
Ce que vous préférez aux States ?
La bonne humeur et la bienveillance dont font preuve les Américains, et notamment à l'égard des Français. 
Ce qui vous insupporte aux States ?
A Los Angeles, tout est prétexte à vous ponctionner : amende pour des raisons absurdes (il faut incliner les roues de la voiture dans un certains sens...), pourboires au restaurant, taxes non comprises dans l'affichage des prix, et j'en passe... 

Sévérine, 41 ans, 
du Tarn-et-Garonne à Washington

Originaire de Vazerac, un petit village de 732 habitants, situé à 25 kilomètres au nord de Montauban, Séverine Baffalie, 41 ans, a quitté son Tarn-et-Garonne natal depuis 20 ans pour faire ses études aux États-Unis et n'en est jamais rentrée. Celle qui s'appelle désormais Mrs Jennings et qui a obtenu la nationalité américaine, nous raconte ces deux décennies d'expatriation.

"Cela fait 20 ans que je vis aux États-Unis maintenant. Après avoir obtenu une licence de business international à Paris, je suis partie étudier aux États-Unis en 1996, à la San José State University, en Californie du Nord. Pendant mes études, durant lesquelles j'ai rencontré mon futur mari, j'ai eu l’opportunité de travailler sur le campus de l’université, à la cafétéria. J'ai obtenu au bout de trois ans un Bachelor Degree en business international et juste après mon diplôme, je me suis mariée avec Bill Jennings à Los Gatos, en Californie. Moins d’une semaine après notre mariage, nous sommes partis pour le Texas, mon mari ayant eu une opportunité pour son travail à Dallas. 

Nous avons donc tous les deux découvert en même temps le Texas du Nord. C’est à Dallas que j’ai commencé à travailler dans le management des expatriés dans le monde, pour des petites et des grandes compagnies internationales. Après avoir travaillé pour trois compagnies américaines différentes au début de ma carrière, j’ai finalement trouvé la meilleure, avec laquelle je collabore depuis maintenant douze ans. Cette compagnie m’a permis de monter les échelons jusqu’au niveau management. C’est durant cette période que j’ai aussi complété mon MBA, à l’Université de Dallas au Texas. En 2008, mon employeur m'a proposé de partir travailler en Asie : cette fois-ci, c'est mon mari, qui m'a accompagné, qui a vécu à son tour l'aventure de l'expatriation, puisque nous avons vécu à Hong-Kong puis à Singapour. Nous sommes finalement rentrés aux États-Unis en 2010. 


Notre retour aux States nous a amenés dans le Maryland, cette fois, près de Washington DC, un état que ni mon mari ni moi ne connaissions. Nous sommes installés depuis maintenant six ans dans notre maison. 

Vivre près des communautés Amish est assez surprenant

Nous aimons la proximité de Washington DC, tout en étant pourtant dans un cadre campagnard. Moi qui ai visité de nombreux endroits dans le monde, j’ai eu deux chocs culturels en arrivant dans le Maryland : la forte présence des Amish et du personnel militaire ! 

Nous avons ajouté un membre à notre famille, le 1er janvier 2013, avec la naissance de notre fils Ethan. En tant que premier bébé de l'année, il a fait la Une de la gazette locale. Cette même année, j’ai obtenu la citoyenneté américaine et cela va donc me permettre, pour la première fois depuis que je suis arrivée aux USA, de voter pour les élections présidentielles de 2016. Quelle chance !"

Le “little" quiz

Allez vous voter pour Clinton ou Trump ?
Clinton
Ce que vous préférez aux States ?
C'est plus facile de monter les échelons en entreprise !
Ce qui vous insupporte aux States ?
On n'a pas assez de vacances quand on est salarié !

Ariane, 55 ans, du Gers à Big Apple

Arrivée à 18 ans aux USA pour étudier le journalisme, Ariane Daguin, la fille d' André Daguin, l'ancien chef étoilé de l'Hôtel de France à Auch, y a construit un parcours professionnel remarquable dans le commerce et la gastronomie.

A quelques jours près, elle aurait pu voter en 2012, lors de la réélection de Barack Obama. «J'avais acquis la double citoyenneté mais il me manquait quelques papiers pour être inscrite sur les listes électorales. Alors oui, c’est la première fois que je vais voter pour l’élection présidentielle», confie Ariane Daguin. La Gersoise, qui vit aux États-Unis depuis presque 40 ans, n’aura d’ailleurs aucune excuse le 8 novembre prochain : «Je vote à New York, dans le quartier de Manhattan. Le bureau de vote où je suis inscrite sera ouvert dans une école située juste en face de chez moi».


La campagne opposant Hillary Clinton à Donald Trump, Ariane Daguin la vit comme «un feuilleton fascinant de monstruosité. Depuis des semaines, on est tous collés à la télé car il y a tellement de rebondissements._C’est incroyable qu’on en soit arrivés à ce niveau de trash.»

La chef d’entreprise ne fait pas mystère de sa préférence: «Dans l’état de New York, c’est clair, on va tous voter Hillary. D’ailleurs, ici, il n’y a pas de campagne, il n’y a eu que des found risers, des dîners pour collecter de sous. Comme toujours, l’élection va se jouer dans quelques états clés, les swing states, comme la Floride, l’Iowa ou l’Ohio.»

Dans l'état de New York, c’est clair, on va tous voter Hillary

Ariane Daguin se dit « un peu plus rassurée qu’il y a un mois, un mois et demi» sur les chances de victoire d’Hillary Clinton. «Trump a fait et dit assez de bêtises pour baisser dans les sondages. Ceci dit, je suis toujours inquiète de la tournure qu’a pris cette campagne, car tout est vraiment en dessous de la ceinture.» Elle parle de Donald Trump comme d’un «populiste qui a vécu et vit toujours sur sa célébrité.» Une réputation d’homme d’affaires avisé qui en a pris un coup. «J’ai lu qu’il avait fait 11 fois faillite. Nous, à d’Artagnan, on s’est fait avoir pour une prestation fournie au casino Le Taj Mahal, à Atlantic City. J’attends toujours qu’il me rembourse.»

Heureusement, Ariane Daguin ne comptait pas sur Donald Trump pour faire prospérer son entreprise qui a fêté son 30e anniversaire en 2015...au son des bandas du Gers !

Sa réussite : avoir imposé au pays du hamburger non seulement le foie gras (oui, oui, il y a des éleveurs gaveurs au pays de l’Oncle Sam et c’est à notre Mousquetaire au féminin qu’on le doit!), mais aussi le goût retrouvé du poulet, de la dinde ou du bœuf. «Il ne faut pas croire que les USA sont le pays de la malbouffe. Ça fait 31 ans qu’on a une chance extraordinaire avec d’Artagnan: on est arrivés à un moment où la gastronomie devenait quelque chose d’important pour les Américains.»Une affaire florissante

Une affaire florissante

La société d’Ariane Daguin est «super-spécialisée dans les protéines animales et seulement les bons animaux, élevés par un réseau de fermiers selon nos spécifications.» La société d’Artagnan, qui emploie 240 salariés, a généré l’an dernier un chiffre d’affaires de 107 millions de dollars. Basée dans le New Jersey (de Newark, l’entreprise a déménagé en 2015 à Union City «dans des locaux grands comme deux terrains de rugby»), D’Artagnan possède des entrepôts avec bureaux à Chicago et Houston. 

«On a le projet de s’implanter à Atlanta, car on a besoin d’être au plus près du marché pour donner le service dont les restaurateurs et les magasins ont besoin.» La proximité est, avec l’intransigeance sur la qualité, une des clés de la réussite américaine de la fille d’André Daguin. D’ailleurs, ce soir-là (midi à New York) au téléphone, elle doit se déconnecter du Gers. «Vous m’excusez mais dans 2 heures, j’ai un avion pour le Kansas.» Ses éleveurs l'attendent!

Pierre-Jean Pyrda



Le « little » Quiz

Allez-vous voter pour Clinton ou Trump ?
Pour Hillary Clinton.
Ce qui vous plaît aux États-Unis?
L’état d’esprit positif et confiant. Quand on rencontre quelqu’un, ici, on part du principe que c’est quelqu’un de bien. 
Ce qui vous insupporte aux États-Unis ?
Le côté racial qui est là, sous-jacent. Trump a ouvert des espèces de plaies énormes à ce sujet. Là où le bât blesse aussi, c’est cette espèce de fanatisme à avoir le droit de porter des armes. Ce débat est porté à son paroxysme aux États-Unis. C’est blanc ou noir, on ne vous reconnaît pas le droit d’être neutre sur cette question.

Emmanuelle, 39 ans, 
de la Haute-Garonne à L.A.

Une petite maison à deux pas de Beverly Hills, vingt minutes de l'océan et trente minutes d'Hollywood, une carrière prometteuse de photographe de mode, des soirées et des paillettes... Pour beaucoup, la vie de la Toulousaine Emmanuelle Choussy à Los Angeles a tout du rêve américain.

En 2011, à 33 ans, la photographe toulousaine quitte tout pour goûter à la vie américaine avec son mari et son fils, alors âgé de  2 ans et demi. Depuis plusieurs années, le couple veut s'aventurer à l'étranger, mais aucune des mutations proposées par l'entreprise d'aéronautique du mari d'Emmanuelle Choussy ne les séduit. C'est Los Angeles qui les convainc finalement de franchir le pas.

Du jour au lendemain, la Toulousaine renonce à la société de photo et de conseil en communication qu'elle a montée dans la Ville rose pendant huit ans. « J'ai tout quitté au moment où ça commençait vraiment à marcher », se souvient-elle. Mais la jeune femme oublie vite son sacrifice. « L.A., on adore ou on déteste. Passer de Toulouse à une ville de 22 millions d'habitants, le choc a été rude. Mais je fais partie de ceux qui ont adoré. Il y a une énergie folle, beaucoup de créativité, d'artistes, de culture ».

D'Oliver Stone à Jane Fonda

La première année, Emmanuelle Choussy travaille dur et pour se recréer un réseau. « J'ai dû tout recommencer à zéro », se souvient-elle. « Il y a des milliers de photographes à L.A. La concurrence est rude. J'ai travaillé sans rien gagner, juste pour me faire connaître. ».

La détermination de la Toulousaine est payante. Un an après son arrivé dans la ville des anges, Emmanuelle Choussy réalise son premier gros coup en photographiant le réalisateur américain Oliver Stone. Petit à petit, les portes s'ouvrent. Son travail est diffusé par les agences de photo françaises Gamma et Sipa. Son travail de mode et de reportage est publié dans des magazines français comme Le Parisien, le titre masculin The Good Life ou encore Gala, pour qui elle réalise la séance photo qui propulsera la fille de David Hallyday et Estelle Lefébure, Ilona Smet, sur le devant de la scène. 

La photographe réalise aussi des shootings pour des titres américains, des créateurs de modes réputés outre-Atlantique et de grands noms de l'édition.

Et il y a deux ans, c'est la consécration. Moulée dans une robe rouge flamboyante, Emmanuelle Choussy remporte le prix du meilleur photographe aux Hollywood Beauty Awards lors d'une cérémonie animée par Jane Fonda. « Je ne me souviens de rien tellement j'étais émue. C'est le blackout total ! ».

Pourtant, la photographe se sent très éloignée du rêve américain. « Il y a beaucoup d'opportunités que je n'aurais pas pu avoir en France, c'est sûr, mais la vie ici est très très dure », assure-t-elle. « Les gens fantasment beaucoup depuis la France sur le côté glamour et le quotidien. Mais la vie est très chère et les Américains sont d'un égoïsme déconcertant tant dans la vie personnelle que professionnelle. C'est le culte du chacun pour soi. Ça use ».

Malgré sa carrière prometteuse aux États-Unis, l'éloignement et la mentalité de certains Américains poussent parfois Emmanuelle Choussy à envisager un retour en France. « Passer du temps avec ma famille, bien me soigner, bien manger, ça commence à me manquer un peu », avoue-t-elle. « Mais ce ne serait pas un retour définitif, on garderait toujours un pied à L.A. J'aime tellement les deux que je n'ai pas envie de choisir entre la France et L.A. ».

Julie Guérineau

Le « Little»QUIZ

Allez-vous voter pour Trimp ou Clinton ?
Si je votais, je voterais pour Hillary, bien sûr ! Trump me fait peur, mais ce qui me fait le plus peur, c'est qu'il y a ait des gens qui puissent voter pour lui. 
Ce que vous préférez aux États-Unis ?
J'adore la diversité des paysages qu'offre L.A. En moins d'une heure, on passe de la montagne à la neige, à l'océan, au désert de rochers. 
Ce que vous ne supportez pas aux États-Unis ? 
J'ai beaucoup de mal à me faire à l'égoïsme d'une bonne partie des Américains. Mais je ne leur reproche pas, ils sont élevés comme ça.

Morgan, 52 ans, du Lot-et-Garonne au Nevada

Il est la définition même du rêve américain. Depuis 1998, Morgan Combes a quitté Agen, sa ville d'origine, pour partir s'installer outre-Atlantique. Un « american dream » qui lui trottait dans la tête depuis toujours.

« J’ai eu une enfance 100 % agenaise », se souvient Morgan. « J’ai habité à Estillac, fait mes études au lycée Jean-Baptiste-de-Baudre. Mais au fond de moi, j’ai toujours voulu partir aux États-Unis. » Une seule opportunité lui a suffi pour s’envoler vers les USA. Il avait 24 ans. « C’était pour travailler dans la boulangerie de Pascal Rigo, alors que j’avais fait un BTS mécanique. J’ai passé un CAP de boulanger et je suis parti en Californie, avec un contrat d’un an et demi sous le bras. Ce fut une belle porte d’entrée. » Une aventure qui se poursuit encore. Mais Morgan a pris un virage dans sa carrière professionnelle. Passionné de sport automobile, il décide de s’inscrire en 2000 dans un club de pilotage. Il devient instructeur et fonde sa propre entreprise, Ace Driving Gear.


« Ce qu’il y a de bien aux USA, c’est que c’est facile de monter sa propre affaire. Il n’y a pas toutes les contraintes que l’on connaît en France par exemple. » Au cours de différents voyages, il a exploré les moindres recoins de la côte Ouest des États-Unis « On est parti de la frontière mexicaine jusqu’à la frontière canadienne. Mais mon endroit préféré reste celui où je suis actuellement. »

Après avoir passé plusieurs années en Californie, dans la Baie de San Francisco, il a décidé de partir en direction du Nevada. « J’ai déménagé il y a un an. San Francisco ne me correspondait plus. Maintenant, j’habite au bord du lac Tahoe, dans le Nevada. Là, les paysages sont magnifiques, loin du centre-ville. C’est un endroit fascinant. »

Depuis le temps qu’il réside au pays de l’oncle Sam, il aurait pu demander sa nationalité américaine. Mais il ne l’a pas encore fait. « J’ai encore ma carte verte, le statut de résident permanent aux États-Unis. Donc je ne pourrai pas voter à la prochaine élection… » Cette élection qui fait tant parler à travers le monde. Morgan est en position d’observateur. « J’ai remarqué deux choses. Ceux qui vont voter pour Trump l’admirent car il sort du moule, il n’est pas comme les autres politiciens. Ceux qui vont voter pour Clinton, c’est plus un vote par défaut qu’autre chose. À gauche, les Américains avaient plébiscité Bernie Sanders, et ceux qui l’avaient soutenu ne se reconnaissent pas en Hillary Clinton. » 

Loin de ses racines, Morgan ne semble pas prêt à revenir au pays. « Quand je vois les informations, la France me manque de moins en moins… C’est la distance avec la famille qui est le plus difficile. Mais elle vient me voir le plus souvent possible, et je reviens à Agen de temps en temps également. Ce qui est drôle, c’est que bon nombre d’Américains me posent des questions sur le football, qui se démocratise ici. Mais moi, je leur réponds que je suis né au pays du rugby !»

Guillaume Béars

Le "little" quiz

Allez vous voter pour Clinton ou Trump ?
Aucun des deux. Je choisirais plutôt l’un des candidats des deux autres « petits partis ».
Ce que vous préférez aux States ?
Le fait que l’on puisse faire beaucoup chose, notamment au niveau de l’entreprise, de l'emploi et du business
Ce qui vous insupporte aux States ?
Pas grand-chose !

André, 47 ans, du Tarn à Big Apple

Aux Etats-Unis, André Compeyre est une star. Selon les médias américains, le Tarnais expatrié à New York est tout simplement le meilleur sommelier du pays. So crazy ! 

À 47 ans, il s'est bâti une réputation en or puisque les magazines américains font de lui « le » sommelier français des États-Unis. Mais André Compeyre, modeste, pondère : "Pascaline Lepeltier, Michael Engelmann, Adrien Falcone, Michel Couvreux, Émilie Perrier sont aussi des compatriotes très influents de Big Apple ». Installé aux States depuis 12 ans, il est aujourd'hui le chef sommelier de l'Essex House, le prestigieux établissement d'Alain Ducasse à New York et véritable phare de la cuisine française outre-Atlantique. Parallèlement, il donne des cours à l'association américaine des sommeliers et à l'Open Wine School. 


André Compeyre revient, dès qu'il en a l'occasion, à Toulouse et dans le Tarn retrouver ses mentors : Alain Landolt, qui a deviné ses qualités à l'École hôtelière de Toulouse et l'a dirigé et Daniel Pestre qui lui a offert son premier emploi. "Daniel Pestre m'a formé. Son restaurant "La table du sommelier" à Albi a été une pépinière de sommeliers qui ont fait leur chemin dans les meilleurs restaurants d'Europe ou du monde ». Au début des années 1990, Daniel Pestre l'a orienté vers le Gavroche, un 3 étoiles Michelin de Londres. Le parcours d'André s'est poursuivi sur la Côte d'Azur (Eze) puis les États-Unis (New York, Greenwich), dans les restaurants Henkelmann, et, depuis juin 2000, chez Alain Ducasse. 


André, forcément, connaît bien le vignoble gaillacois : « Ce vignoble a tout pour séduire les sommeliers dont l'une des missions est de faire découvrir les petites merveilles méconnues ». 


La nostalgie du Tarn et de la France ? Elle existe, évidemment. "Je reviens au moins une fois par an. Cet automne j'ai arpenté le Bordelais et visité ses châteaux". C'est le moins qu'il puisse dire puisqu'il en a profité pour disputer et terminer le célèbre marathon du Médoc, joignant ainsi l'utile à l'agréable. "Il est probable que dans l'avenir, je fasse mieux connaître le terroir du Tarn de ce côté-ci de l'Atlantique". Reste à trouver de quelle manière car la carrière américaine d'André Compeyre est certainement à un tournant : "les salles de restaurant je connais, j'ai envie d'évoluer vers autre chose". Et ce sera certainement au pays de l'oncle Sam où André compte rester tant que son fils fera des études. 

Or Quentin, qui est né à New York, mais qui parle français, précise son père, n'a que 13 ans : André n'est donc pas près de revenir poser ses valises dans ce Tarn qu'il aime tant. 

Richard Bornia 

Le « little » quiz 

Allez vous voter pour Clinton ou Trump ?
Je voterai contre Trump. C'est donc un choix par défaut. Voter pour Hillary Clinton c'est le choix le moins pire.
Ce que vous préférez aux States ?
New York, New York et encore New York. Il se dégage une telle énergie de cette ville.
Ce qui vous insupporte aux States ?
Je ne peux dire que cela m'insupporte, mais c'est parfois dur de vivre dans l'anonymat. Parfois, je suis nostalgique de la France et de ses petits villages.


"De l'Occitanie aux Etats-Unis : ils nous racontent leur rêve américain."
Un long format de la rédaction de La Dépêche du Midi.

Textes : Charlotte van Ouwerkerk, Sandra Cazenave, Pierre-Jean Pyrda, Julie Guérineau, Richard Bornia, Guillaume Béars, Séverine Baffalie, Claire Raynaud. 

Réalisation : Claire Raynaud
Photos : DR.
© La Dépêche du Midi, novembre 2016.