Cannes, temple du cinéma et du glamour depuis 70 ans 

Depuis 1946, acteurs et réalisateurs de renom, figures hollywoodiennes ou starlettes en mal de célébrité se pressent aux portes du plus grand événement cinématographique mondial. Pourtant, le festival de Cannes n’a pas toujours eu l’étiquette glamour et la renommée internationale qu’on lui prête aujourd’hui.


A l'origine, un festival destiné à contrer le péril fasciste

Le festival international du Film est né d'une idée audacieuse et éminemment politique. Dans les années 30, la Mostra de Venise s'impose comme la grande messe du cinéma mondial. Problème : elle est contrôlée par le régime fasciste de Mussolini, et sous influence hitlérienne.

En 1938, un documentaire de propagande nazie, Les Dieux du stade (Olympia film) reçoit la Coupe Mussolini, plus haute récompense de la manifestation, alors que le choix du jury s’était porté sur un film américain.

Philippe Erlanger, diplomate français présent dans le jury de la Mostra, décide alors de créer un festival libre de toute pression politique. A son retour en France, il propose un projet capable de concurrencer la Biennale de Venise. Avec l’approbation de Jean Zay, ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-arts, et celle d'Albert Sarraut, ministre de l'Intérieur, l’idée d’une manifestation française dédiée au cinéma prend forme.

D'abord prévue en septembre 1939, la guerre porte un coup d'arrêt au déroulement de la première édition du festival. Elle se déroule finalement en 1946, dans la ville cannoise. Depuis cette date, le rendez-vous cinématographique a lieu tous les ans en septembre – sauf en 1948 et en 1950 – avant de se dérouler au mois de mai à partir de 1952.

Vitrine des arts et des stars

Catherine Deneuve et sa soeur Françoise Dorléac en 1965  ( DALMAS/SIPA)

A ses débuts, il ne s'agit que d’un événement mondain sans grand intérêt, durant lequel presque tous les films repartent avec un prix. Il faut attendre l’arrivée des fameux Alain Delon, Romy Schneider ou Sophia Loren à partir des années 50 pour que le festival gagne en popularité.


La venue de stars internationales et la médiatisation grandissante garantissent le succès du Festival de Cannes. Il est aujourd'hui l’événement le plus médiatisé au monde après les Jeux Olympiques. Son caractère clinquant et parfois superficiel lui a d’ailleurs souvent été reproché.

Au milieu des années 50, le Festival de Cannes s'affirme aussi sur le plan artistique avec la création de la Palme d’Or, qui devient rapidement un label de qualité. La manifestation entre dans la cour des grands, et attire des artistes internationaux. Plusieurs acteurs et actrices débutants tentent alors de se faire connaître : c’est le cas de Brigitte Bardot, découverte sur la Croisette en 1956. Elle devient un modèle et amplifie le phénomène. Aujourd’hui encore, le festival permet à des étoiles montantes de s’affirmer. Mais n’est pas Brigitte Bardot qui veut. Sur la Croisette, nombreuses sont les starlettes à tenter de se faire un nom.

Cannes, c'est aussi et surtout des films mythiques. Si la sélection peut ne pas plaire à tout le monde, de grandes productions ont su séduire par leur audace, leur originalité ou leur caractère sulfureux et sont rentrés depuis dans le panthéon du septième art. De nombreuses Palmes d’or ont marqué le cinéma. Le déjanté Pulp Fiction de Quentin Tarantino, la Dolce Vita du réalisateur italien Federico Fellini, Taxi Driver de Martin Scorsese ou encore La Vie d’Adèle : Chapitres 1 & 2 d'Abdellatif Kechiche sont devenus cultes. 


Parfum de scandales

Robert Mitchum et Simone Silva en 1954  (HUFFSCHMITT/SIPA)

Cannes est souvent le théâtre de scandales mineurs, comme le sein de Sophie Marceau dévoilé sur le tapis rouge en 2005, ou encore la photo entre l'acteur américain Robert Mitchum et Simone Silva à demi dénudée en 1954. L'affaire fit grand bruit aux Etats-Unis et provoqua le renvoi de Cannes de l'actrice britannique. Mais c'est aussi un lieu de revendications sociales. L’édition de mai 68 reste à ce titre l’une des plus illustres du festival. La fièvre contestataire touche les personnalités du cinéma français. Plusieurs réalisateurs dont Jean-Luc Godard, Claude Berri et François Truffaut demandent l’interruption de la manifestation. Devant le refus du délégué général, plusieurs membres du jury démissionnent tandis que des cinéastes demandent le retrait de la compétition pour leurs films. Le festival se clôt finalement de manière anticipée et ne remet aucun prix cette année-là.

Certains films restent également dans les annales pour leur caractère sulfureux. C’est le cas de La Grande Bouffe, de Marco Ferreri. Très controversée, l’histoire raconte le suicide collectif de quatre hommes qui décident de manger jusqu’à ce que mort s’ensuive. Cette critique de la société de consommation, qui dénonce indirectement le faste et l’abondance du rendez-vous cannois, fait scandale.

« Si vous ne m'aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus. »

Parfois, ce sont des petites phrases qui font polémique à Cannes. « Je ne vais pas faillir à ma réputation : je suis surtout content ce soir pour tous les cris et les sifflets que vous m'adressez. Et si vous ne m'aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus », avait déclaré Maurice Pialat, lauréat de la Palme d’Or en 1987 pour son film Sous le soleil de Satan, devant un public qui le huait pour cette récompense. Le favori cette année-là n'était pas le film de Maurice Pialat mais celui de Wim Wenders, Les Ailes du désir.

Dans un autre registre, le réalisateur danois Lars Von Trier jette un froid sur la Croisette en 2011 en évoquant Hitler. « Je dis que je comprends l'homme. Ce n'est pas vraiment un brave type, mais (...) je compatis un peu avec lui », avait déclaré le cinéaste en pleine conférence de presse pour son film Melancholia. Devant l’ampleur du malaise, le réalisateur s’est par la suite excusé.

La mise en scène est inhérente au cinéma. C'est d’autant plus vrai lors du festival, fastueuse cérémonie du grand écran, spectacle de célébrités en tout genre, parenthèse surréaliste du mois de mai. Toutes ces choses, « ça n’arrive qu’à Cannes » résume Laurent Laffite, maître de cérémonie de cette 69e édition.




Pour terminer, un petit quiz pour tester vos connaissances sur le festival 


Photo de couverture : HUFFSCHMITT/SIPA

Texte :Clémence Simon