L'oeil de la Dépêche

Sélection du 1er janvier au 30 avril 2016 

Les photographes sortent le grand jeu

Fin janvier 2016, vous avez été 23 638 à visionner notre sélection des 120 photos les plus marquantes de l'année 2015. Certains pour le plaisir, d'autres pour élire la photo de l'année, "Levons-nous" de Michel Viala, et tenter de gagner des abonnements gratuits à la Dépêche numérique, des livres... Un franc succès qui nous a amenés à vous proposer de nouvelles sélections, non plus une fois par an mais trois fois par an, avec un choix encore plus qualitatif. 

Voici donc notre première galerie de l'année 2016, des photos prises entre le 1er janvier et le 30 avril. Certaines n'ont pas été publiées dans le journal, car elles illustraient un «à-côté» qui n'était pas forcément le plus «parlant» de l'actualité. Mais, publiées ou non, ces photos ont un point commun, un regard. Celui du journaliste évidemment, mais aussi celui de l'artiste qui se cache parfois derrière la carte de presse quand il s'agit de sublimer l'instant présent. 

Toutes racontent une histoire. Elles ont une écriture qui leur est propre. À charge pour vous de leur donner du sens. Amateurs et professionnels seront sans doute plus sensibles au cadrage, à la profondeur de champ, à l'ouverture, à la maîtrise des contrastes... Les novices puiseront plus volontiers dans leurs tripes, leurs rêves ou les livres d'histoire pour trouver LA photo qui fait écho en eux. Qu'importe. Émilie Cayre, Morad Cherchari, Laurent Dard, Xavier de Fenoyl, Jean-Michel Mazet, Thierry Pons et Michel Viala attendent votre verdict sereins, par avance heureux des échanges qui naîtront du partage de leur travail. Bon vote !

Elisez votre photo coup de coeur entre le 18 et le 31 mai 2016.

L'OMBRE D'IWO JIMA

Dimanche 10 avril 2016. Xavier de Fenoyl est sur le pont pour couvrir la course Extrême day, à Muret. Un parcours du combattant,, juste pour rire. Mais une butte réveille le passionné qui a nourri son imaginaire avec des maîtres illustres dont les photos sont entrées dans l'histoire. L'une d'elle, signée Joe Rosenthal, a inspiré un sculpteur chargé d'ériger un monument au cimetière militaire d'Arlington; celle de cinq marines et d'un infirmier de la Navy en train de hisser la bannière étoilée sur le mont d'Iwo Jima, le 23 février 1945, après la victoire. Et voilà que, là, devant lui, la silhouette de cinq participants à Extrême day se dessine dans le ciel. L'envie de rendre hommage au prix Pullitzer 1945 est tentante.Reste à gérer le contre-jour pour figer à leur tour les concurrents comme des statues, tout en préservant le bleu du ciel et le reflet sur les pneus censés les alourdir. La bouche entrouverte de celui qui tend la main à son ami ajoute de la force à la scène.

ALLO... À L'EAU?

Les sujets météo, un grand classique dans la presse, qu'il vente, qu'il pleuve ou qu'il neige. Le 14 janvier, Morad Cherchari sillonne la ville d'Agen, à la recherche de LA photo. Il essaie le soleil sur les pavés humides, va voir du côté de la Garonne, revient vers un parking en ville... Les flaques d'eau, dans le macadam crevé, sont autant de miroirs possibles, pour illustrer le yin et le yang d'une météo capricieuse en ce début d'année. Du déjà vu, oui, évidemment, mais... Et puis, il s'arrête sur les gouttes d'eau encore accrochées au pare-brise des voitures. Il faut varier les plaisirs. Finalement, il opte pour une carrosserie métallisée dont le beige fait écho à la couleur du bâtiment voisin. Les fenêtres se reflètent sur le toit mouillé. Une jeune femme passe, téléphone sur l'oreille. Elle apporte de la vie à cet univers graphique mais figé. Allo? Non mais à l'eau quoi!

LE DROIT DE VIVRE

Le 12 avril 2016, sur l'esplanade du conseil départemental de Haute-Garonne, à Toulouse. Les travailleurs précaires et les lycéens appliquent la convergence des luttes. Opposés à la loi Travail, ils ont un même message à faire passer: "Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend." Ils pointent du doigt les responsables de leur avenir incertain: les élus qui font obstacle à leurs aspirations. Et là, de toute évidence, le doigt qui sort de l'ombre n'est pas celui d'un "col blanc". Xavier de Fenoyl choisit un grand angle pour concentrer le regard sur cette main potelée et le parchemin qu'elle désigne. Les manifestants assis ou debout, derrière, sont volontairement dans le flou. Et pour cause, les messagers pourraient être différents. Le message, lui, en revanche, non. Les élus sont prévenus.

MEULE BLEUE anti-crise 

Des meules sur les routes, on ne va pas en faire un foin! Eh bien si, justement. Car, la meule bleue revient au goût du jour, à l'instar des façades rénovées, place de la mairie, à Tarbes. Séquence nostalgie pour le maire qui retrouve sa jeunesse, quand il était apprenti boulanger. Sauf qu'à l'époque il était plutôt Solex®. Qu'importe. Le vintage est une invitation à la bonne humeur, un remède anti-crise. Pas difficile à illustrer pour Laurent Dard qui capte des mines réjouies. En abaissant son centre de gravité, il plonge dans le gravier qui semble crisser sous les pneus. Pour un peu, on entendrait même les Bleues pétarader. Laurent choisit un grand angle, 16 mm et travaille au 500e de seconde. Les couleurs flashy font le reste. Que disait ce manifestant, déjà, à Toulouse? "Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend." Allez, tous en selle! 

Les yeux dans le bleu 

Le 13 février 2016, en arrivant au salon du chat, au parc des expos de Toulouse, Michel Viala trouve très vite LA photo au poil. Celle d'un chat sans poil paradoxalement, qui laisse les visiteurs nus face à leurs émotions contradictoires. Attraction, répulsion. Et ces yeux bleus qui ne vous lâchent pas, à la grande fierté de la propriétaire. Rares sont les amoureux des chats qui ont eu l'occasion de voir des Sphynx, des Donskoy ou des Perterbald. Des extraterrestres dans la planète des félidés. Et si celui-ci avait tourné dans Men in Black? Chat se pourrait bien! Pour une vedette, le grand angle s'impose: 1600 ISO, objectif 16 mm, 1/100 sec, f 16. 

OPEN FLASH AU TGS 

Le 9 avril 2016, Diagora Labège accueille une nouvelle édition du Toulouse Game Show, le TGS SprinkBreak. Amateurs de jeux vidéos et de mangas ne manquent pas d'imagination pour imiter leurs héros préférés. L'attention de Xavier de Fenoyl est attirée par un guitariste psychédélique, pantalon orange fleuri, boa jaune autour du cou et tête de mort surmontée d'un grand chapeau. Xavier règle l'appareil sur une vitesse lente, envoie un coup de flash pour créer un flou de bougé. Et voilà notre bonhomme extrait de la réalité, prêt à donner le tournis aux spectateurs. Confusion des genres et des époques, ce personnage de TGS 2016 nous ramène aux années 80. A 1982 plus précisément, année de la sortie de Thriller, le clip de Mickaël Jackson! Et si le Toulouse Game Show était d'abord un jeu de lumière! 

Huile sur toile 

Le 20 mars 2016, un important incendie ravage une partie du Centre de Gros Larrieu, à Portet-sur-Garonne, près de Toulouse. Xavier de Fenoyl est envoyé sur place; ça grouille de pompiers qui ont déjà déroulé une première lance à incendie. Comment illustrer une mécanique bien huilée? L'atmosphère est enfumée, une toiture siffle, ondule et s'écrase. Les pompiers restent imperturbables, concentrés. Xavier aperçoit leur reflet dans l'eau qui s'écoule des poutres ruisselantes. Leur silhouette se découpe dans le ciel qui menace. A quelques mètres de la fournaise, l'effet miroir concentre l'attention sur eux et révèle en même temps l'âpreté de leur tâche. Ils sont bel et bien déterminés à aller au bout de leur mission. Dans ce nouveau cadre, qui sort les pompiers de la réalité, le photographe devient peintre, sa photo une huile sur toile. 

un canal, des canailles 

Au départ, c'est un simple reportage dans l'Hérault, le 25 avril 2016, tout au bout du canal du Midi, au Phare des Onglous, juste avant l'étang de Thau. Et puis Thierry Pons rencontre un vieux loup de mer qui s'est fixé là. Son voilier l'inspire, les couleurs et les nuages aussi.Il règne comme un petit air de Pirate des Caraïbes. "Jusqu'au bout", voilà comment cet homme a baptisé le voilier. Pour un photographe toulousain venu jusqu'au bout du canal du Midi trouver LA photo, c'est une invitation au voyage. Il choisit de donner une connotation onirique à l'instant présent. Le chef d'œuvre de Pierre-Paul Riquet, fil conducteur de la nouvelle grande région, entre Tarn-et-Garonne et Hérault, offre décidément bien des surprises. 

LE masque de zorro 

Ambiance mexicaine au marché aux bestiaux de Valence-d'Albigeois, dans le Tarn. Ici, éleveurs et maquignons négocient toujours en francs. Les maquignons, ce sont les hommes en noir. Leur cible: les veaux du Ségala. Avant de rentrer dans l'arène, le 5821 n'a pas l'air inquiet. L'ombre du portique sur son front rappelle le masque de Zorro à Emilie Cayre. Elle claque la photo qui, bien sûr, ne passera pas dans le journal. Pas assez représentative du négoce qui se joue de l'autre côté de la barrière métallique. Mais l'ombre du vengeur masqué plane. D'un clic, Emilie a offert la postérité au 5821. La mise à mort? Les hommes en noir verront plus tard.

Ombre et lumière

Tous les conseillers municipaux et les maires de l'agglomération agenaise sont réunis au théâtre d'Agen. Il y a foule en ce 10 février 2016. Pour le journal, une photo de groupe suffira. Mais Jean-Michel Mazet a l'oeil et envie de se faire plaisir. Les lumières s'éteignent et, soudain, ce sont les écrans qui forment autant de taches de lumière dans la nuit. Des écrans qui sont maintenant au centre de nos vies. Des écrans grâce auxquels il est si facile d'être seul au milieu de la multitude. 

Fenêtre sur le passé

Le 27 janvier 2016, ce qui capte d'abord le regard d'Emilie Cayre, ce n'est pas le marché aux bestiaux de Valence-d'Albigeois, dans le Tarn, mais le regard toujours curieux de cet homme sur ce que fut sa vie. Un besoin de prendre de la distance mais de fixer l'instant présent, pour ne pas oublier. Une fenêtre sur le passé qui en ouvre une autre dans la tête de la photographe, celle des chambres noires et de leur lumière rouge sang, quand on passait encore les pellicules argentiques au révélateur, un temps où cet homme conduisait lui-même le troupeau au champ. Portait-il alors la même casquette?

Le divin chauve

Thierry Pons a été chargé de faire le portrait de Fabien Barthez, "le divin chauve", propulsé au rang d'ambassadeur de la ville de Toulouse et de son stade, par l'UEFA, dans le cadre de l'Euro 2016. Il veut donner à l'ancien gardien de l'équipe de France de football un côté Marlon Brandon dans Apocalypse Now, en profitant d'un jeu graphique de clairs-obscurs. Il se sert de simples lampes décoratives dans le salon particulier d’un hôtel et les utilise comme boîtes à lumière à l'instar de celles que l'on trouve dans un studio photo. Les tempes du champion du monde 1998 brillent de mille feux, ce qui permet au photographe de concentrer les ombres sur le front, l'arête nasale et la fossette du menton. C'est dans la boîte. 

EN JEU : UN NIKON, DES TIRAGES D'ART, DES STAGES ET DES ABONNEMENTS À LA DÉPÊCHE NUMÉRIQUE

Ce jeu photo est ouvert du 18 au 31 mai 2016 inclus. Un tirage au sort sera effectué parmi les personnes qui auront voté pour la photo ayant recueilli le plus de voix. 

Le premier prix - offert par La Dépêche du Midi et son partenaire Numériphot - est un Nikon D3300, doté d'un objectif 18/105, avec une carte et un sac, le tout d'une valeur de 630 euros. 

Du 2e prix au 11e prix, vous pouvez espérer gagner un tirage Fine-Art de la photo gagnante, numéroté, sur papier brillant 190 gr Evolution®, certifié Fogra 39, label DDM, échelle chromatique et données identifiées en Extra-infos (certificat d'authenticité). Format 30X40cm. Valeur : 450 euros. 

Du 12e au 14e prix, une journée Workshop avec un reporter-photographe professionnel de la Dépêche du Midi. Valeur : 300 euros. 

Du 15e au 25e prix, un abonnement à la Dépêche numérique pour une durée de 3 mois. Valeur : 59,70 euros.

La photo primée en 2015

Michel Viala revient sur les circonstances de cette prise de vue, le 15 novembre 2015 à Toulouse.

Levons-nous, une photo de Michel Viala

Déjà auteur d'une photo primée en 1998. Michel Viala s'est de nouveau distingué avec la photo qui a recueilli le plus de voix sur les 120 photos présentées dans notre rétro 2015. En cliquant sur ce lien, vous pourrez voir la photo élue dans chacun des 10 départements couverts par la Dépêche du Midi.

Ci-dessous, Michel Viala revient sur les circonstances dans lesquelles il a pris la photo "Levons-nous", le 15 novembre 2015 à 17h41, place du Capitole, à Toulouse. 

"Après avoir assuré la photo minimum soit, au choix, le plan d'ensemble avec sa multitude de bougies et de personnes ou le gros plan de la-petite-fille-aux-grands-yeux-tristes-qui-allume-sa-bougie-avec-recueillement, il est temps d'essayer autre chose avec - toutefois - la contrainte de temps, à savoir cette heure fugace entre chien et loup où la lumière des bougies commence à se détacher au crépuscule mais où les personnes sont encore un peu éclairées par le jour qui se meurt. J'observe un petit groupe qui fait quelque chose de vraiment original: ils récupèrent de la cire fondue sur des bougies bleues, blanches et rouges et l'étalent en parfait drapeau français sur le sol de la place du Capitole. A ce moment-là, pourquoi ne pas faire la photo dans un axe strictement vertical pour transformer le sol en mur et isoler les trois personnages de la foule en les rendant, en plus, anonymes (pensons au droit à l'image) et accentuer le coté graphique! Prenons un peu de hauteur grâce à l'emploi d'un objectif grand-angle. Cerise sur le gâteau, le tee-shirt «Nous sommes Paris» rend la légende superflue. Une contradiction: l'inscription «levons nous», alors qu'ils sont tous accroupis, ne m'avait pas frappée ce jour-là."​

Michel Viala est aussi lauréat du Prix BENDRIHEM, prix européen de la photo politique, en 1998. Une photo "politique" très liée à l'une de ses deux spécialités, la photo de sport, puisque Michel avait alors immortalisé Jacques Chirac, le président de la République, embrassant Fabien Barthez sur le crâne (à l'image de ce que faisait Laurent Blanc), au moment où l'Ariégeois avait reçu la Coupe du Monde de football. 

Outre les photos de football en général et du TFC en particulier, Michel Viala fait aussi beaucoup de sujets culturels, couvrant notamment le festival Jazz in Marciac depuis de très nombreuses années.

Long format de la Dépêche du Midi.  Légendes et mise en forme de Béatrice Dillies. Photos d'Émilie Cayre, Morad Cherchari, Laurent Dard, Xavier de Fenoyl, Jean-Michel Mazet, Thierry Pons et Michel Viala.