La Pezade

Haut lieu de Résistance en Sud-Aveyron

Ce samedi 22 aoûtse tient sur le Larzac la traditionnelle cérémonie commémorative du combat de La Pezade, haut fait de Résistance lors de la seconde Guerre mondiale.

A l'occasion du 60e anniversaire de la Libération de Millau et du combat de La Pezade, La Dépêche du Midi avait proposé à ses lecteurs, en août 2004, la chronique "C'était la Libération." Chronique reprenant les textes et photos d'une exposition exceptionnelle organisée à Millau par la Ville, les archives municipales et le musée de Millau sur la Libération de la cité du gant et sur le combat de La Pezade mené par le maquis du Saint-Affricain Paul Claie. 

Afin de prolonger le devoir de mémoire, la rédaction du sud Aveyron avait conçu un mini-site internet

Pour les commémorations de 2015, La Dépêche vous propose aujourd'hui ce long format rassemblant les articles publiés à l'époque dans les colonnes de La Dépêche sur le combat de La Pezade mais aussi sur l'incroyable histoire du pilote américain, à l'identité restée longtemps inconnue, abattu le 22 août 1944 dans le ciel du Larzac.

Combattants
de la Liberté

Différents mais ensemble, ils ont assumé leur devoir

Par Henri Moizet, auteur, avec Christian Font, du livre «L'Aveyron et les Aveyronnais dans la seconde Guerre Mondiale.» Ed. CRDP Midi-Pyrénnées. Coll. Savoir-faire. (Article publié le 14 août 2004)

Soixante ans ont passé depuis ce 22 août 1944, ce jour où vingt-trois maquisards du maquis saint-affricain Paul Clé sont tombés sous les balles allemandes, à La Pezade. Soixante ans déjà. Cela fait longtemps, pourrait-on dire dans notre langage courant et pour des faits sans importance ou communs.Mais pour la mort au combat de vingt-trois jeunes Français dans un soir d’été, pour la souffrance endurée et la cruauté subie, pour la douleur des familles et de leurs amis, le temps s’est figé.Le temps ne passe plus et il ne peut pas s’effacer. Aussi, soixante ans après le combat sanglant de La Pezade, il ne saurait être question de prescription pour la mémoire.Nous devons nous souvenir.Nous devons exprimer encore notre reconnaissance à ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour que la nôtre et celle des générations futures puissent se dérouler dignement, dans la liberté et la fraternité.Ce devoir de gratitude justifie à lui seul la cérémonie qui, traditionnellement, rassemble, chaque 22 août, une foule nombreuse et toujours aussi émue.Elle y honore la mémoire des résistants morts en ce lieu.Mais cet hommage est un effort pour mieux comprendre et faire nôtre le sens de leur engagement. 

Qui étaient-ils?

Le groupe de sabotage du maquis Paul Clé se composait de vingt-trois membres. A leur tête, un jeune sous-lieutenant, édouard Pays, né le 26 avril 1919, à Reims, parachuté en Aveyron, près de Sévérac-le-Château, le 15 juin.Cela lui vaut le surnom de « L'Ange ».Affecté au maquis Paul Clé, ses qualités militaires, son esprit entreprenant, le désignent pour un commandement à forte responsabilité et il se voit confier la section de sabotage.Tout de suite, il s’illustre dans plusieurs missions de sabotage de ponts ou d’abattage d’arbres.

Des témoignages le présentent comme un chef aimant le combat et capable de témérité. Sur les vingt-deux hommes, treize sont nés entre 1922 et 1924, trois entre 1920 et 1921, les trois plus jeunes, dont Alphonse Roussouly, de Saint-Affrique, ont à peine 18 et 19 ans.Les autres, plus âgés, sont nés entre 1912 et 1920. Le groupe principal est d’origine aveyronnaise.Outre les trois Saint-Affricains (Girbal, Rességuier, Roussouly) on repère un Millavois, Bouloc; un Belmontais, Mouls; Sentoul, de Camarès; Canac, d’Arvieu.Les autres proviennent de l’Hérault et de l’Aude, du Tarn et du Cantal, de départements lointains (Haut-Rhin, Vosges, Finistère, Belfort, Oise et Var). 

A noter un maquisard d’origine espagnole, Cuadra, et Alémo, un déserteur russe des troupes d’occupation.Une telle énumération illustre la diversité des origines et des âges mais surtout la diversité des courants de pensée, de religions ou d’options politiques qui se rencontrent dans la Résistance.Un tel constat nous interdit de faire un tri parmi ces résistants ou de privilégier tel aspect de la Résistance aux dépens de tel autre.Il doit, au contraire, nous imposer de respecter la vérité historique, à savoir que la Résistance fut plurielle.Rappelons-nous le mot de Chaban-Delmas: « Tout nous opposait sauf l’essentiel ».

Reconnaissance

Avec le combat de La Pezade, s'achevait la libération de l'Aveyron mais la guerre continuait vers la vallée du Rhône, la Bourgogne et le Rhin.La France libre et l'armée d’Afrique, la Résistance intérieure, les alliés progressivement, faisaient leur jonction.Pour nous, outre le souvenir des vingt-trois maquisards, c’est l’occasion de rappeler que c’est le même engagement, le même sacrifice, qui unissent les jeunes combattants aveyronnais, l’aviateur allié, aux autres morts dans les combats en Aveyron. 

Différents mais ensemble, ils ont assumé leur devoir librement choisi.Tous, illustres ou anonymes, ont permis le rétablissement d’une France démocratique voilà soixante ans. Aujourd’hui, à La Pezade, osons nous en souvenir.

Le mystère
du pilote américain

Depuis 1999, aux vingt-trois noms de maquisards, a été ajouté le nom d'un aviateur américain, le lieutenant Richard-Francis Hoy. Le drapeau américain qui flotte à côté du drapeau tricolore intrigue parfois. On connaissait la présence dans notre ciel, le 22 août 1944, de deux avions alliés, dont un avait été abattu.

Le pilote fut enterré près des Infruts. Grâce au long et patient travail de recherche entrepris par Jean Robin, le pilote inconnu du Larzac a, désormais, une identité. 

Richard Francis Hoy est né le 7 février 1921, à Détroit, aux USA. Il termina sa qualification de pilote à l'école de Spence Field Californie en décembre 1943 et la poursuivit en Afrique du Nord. C’est un pilote expérimenté qui survole le sud de la France, à partir de la Corse, pour surveiller les mouvements de troupes allemandes et les retarder par des attaques en rase-mottes.

Le témoignage de son leader, le lieutenant Simmons Roy, permet de suivre leur parcours de Marseille à Saint-Gilles puis au-dessus de Nîmes et Alès, puis Peyreleau et le Larzac, à hauteur de La Cavalerie.Il était 18h50 quand le deuxième avion Mustang fut touché et qu’il s’écrasa, entraînant dans la mort son pilote Hoy. Nous l’associons désormais dans notre hommage aux maquisards aveyronnais.

La famille du pilote retrouvée grâce
à La Dépêche

En 2009, grâce à La Dépêche, un colonel de l'US Air Force avait localisé les proches de Richard Francis Hoy, dont l'avion avait été abattu au-dessus du Larzac le 22 août 1944. (Article publié le 23 mars 2009)

C'est une histoire digne de celle du film « Il faut sauver le soldat Ryan. » Une de ces histoires qui ont fait la grande. Une de celles qui commencent mal mais qui finissent bien. Soixante-cinq ans après les faits, un colonel en retraite de l'US Air Force vient de retrouver la famille d'un pilote américain dont l'avion avait été abattu au-dessus du Larzac le 22 août 1944. 

En 2007, le colonel Donald M. Bohler, qui a des attaches familiales dans le sud de la France par son épouse et qui connaît bien l'Europe pour avoir été vice-président de Lockheed Martin Corporation sur le Vieux Continent, découvre le mémorial de La Pezade, près de l'A75, et la plaque commémorative rendant hommage au pilote Richard Francis Hoy de la 3e escadre de reconnaissance tactique. Intrigué, de retour chez lui, le colonel fait des recherches et lance un appel à témoignagnes sur un forum internet de l'US Air force, car le pilote n'est répertorié nulle part. De fil en aiguille, le colonel découvre le blog que « La Dépêche du Midi » a mis en place pour le 60e anniversaire de la Libération du Sud Aveyron (http://ddm12.free.fr/liberation.html). 

Il nous contacte alors pour avoir davantage de renseignements, bien décidé à retrouver les proches du pilote aux États-Unis. 

Après deux ans de recherches, Don Bohler est enfin parvenu à localiser la famille du pilote, dont les seuls survivants sont un cousin et sa fille. « Thomas Lighbody est le cousin germain de Richard Francis Hoy. Il a 88 ans. Sa fille, Susan Morianti est âgée de 55 ans. Tous deux vivent à Novi, dans le Michigan », nous a écrit Don Bohler cette semaine. 

Le prochain objectif du colonel est de faire venir en France les parents de Richard Francis Hoy pour qu'ils assistent à la prochaine cérémonie commémorative, qui se tiendra, comme chaque année, le 22 août prochain. Contacté par nos soins, le sénateur-maire PS de Saint-Affrique, Alain Fauconnier, va répondre favorablement au souhait de Don Bohler. « Cette histoire est formidable. C'est avec grand plaisir que nous allons inviter la famille du pilote Hoy et M. et Mme Bohler », a indiqué le sénateur. 

L'autre pilote survivant retrouvé en 2009

En 2009, le colonel Bohler parvient également à retrouver l'identité du camarade du lieutenant Hoy. L'homme est vivant et n'imaginait pas l'hommage rendu à so camarade. (Article publié le 4 novembre 2009)


Soixante-cinq ans après les faits, l'identité de l'un des deux pilotes de l'US Air Force qui avaient combattu le 22 août 1944 au-dessus du Larzac, en sud Aveyron, vient d'être révélée, mettant ainsi un point final à ce qui fut pendant des années l'un des mystères de la seconde guerre mondiale. Aujourd'hui retraité, le colonel Roy D. Simmons, 87 ans, qui participa à 110 combats aériens, coule des jours heureux à Nashville dans le Tennessee depuis 1981 et ne doit d'être sorti de l'anonymat que grâce à l'opiniâtreté de l'un de ses compatriotes, Dan Bohler. 

Ce colonel en retraite de l'armée américaine, qui fut vice-président de Lockheed Martin en Europe, avait découvert en 2007 le mémorial de La Pezade, près de l'A75, qui rend hommage à 22 résistants aveyronnais et au pilote américain Richard F. Hoy de la 111e escadre de reconnaissance tactique. De retour chez lui, M. Bohler avait alors remué ciel et terre pour retrouver la famille du pilote abattu qui ne figurait sur aucun registre. Un appel à témoignages lancé sur un forum internet, un coup de pouce de « La Dépêche » qui avait mis en place un blog pour le 60e anniversaire de la Libération du Sud Aveyron et le colonel Bohler, après deux ans de recherches, avait retrouvé un cousin du pilote. Après avoir participé aux cérémonies du 65e anniversaire du 22 août 2009, en compagnie du consul des États-Unis à Toulouse, David Brown, le colonel Bohler a alors entrepris de retrouver la trace du 2e pilote qui avait survécu à l'attaque allemande en 1944 et pu rejoindre la Corse. 

Mission accomplie donc. « J'ai eu une conversation téléphonique avec lui. Étrangement, il n'avait aucune idée de l'hommage rendu au lieutenant Hoy par le peuple français », raconte, ému, Dan Bohler. 

Retour sur le Larzac


En 2010, Roy D. Simmons a pu assister aux cérémonies de La Pezade. IL avait confié à notre consoeur Françoise Cariès sont émotion. (Article publié le 17 août 2010).

Soixante-six ans se sont écoulés depuis ce 22 août 1944 où vingt-trois jeunes hommes du maquis de Saint-Affrique sont tombés sous les balles allemandes à La Pezade sur le Larzac en Aveyron. Un homme, un seul, peut encore dire avec exactitude comment s'est déroulé ce sanglant combat. C'est le lieutenant-colonel Roy D. Simmons de l'armée de l'air américaine. Il y était. Ce jour-là il pilotait l'un des deux Mustang P-51-F6A qui effectuaient une reconnaissance au-dessus du sud de la France, harcelant les troupes ennemies dans le cadre du débarquement de Provence commencé le 15 août. Ayant repéré le combat, les deux aviateurs ont attaqué la colonne allemande. Le lieutenant Richard Francis Hoy du 3 th Tactical Reconnaissance Squadron de la 12nd AF a été abattu. Roy D. Simmons est rentré indemne à sa base en Corse avant de se fondre dans l'anonymat. 

Retrouvé à Nashville dans le sud des USA il y a quelques mois grâce à la ténacité du colonel Donald Bohler et de son épouse française résidants à Montpellier, Roy D. Simmons, 88 ans, participera à la cérémonie commémorative annuelle du 22 août à La Pezade. 

Aujourd'hui (17 août 2010), accompagné de ses deux filles, de deux petits-fils et d'une petite-fille il arrivera à Paris où il sera accueilli par le sénateur de l'Aveyron, Alain Fauconnier. Il restera trois jours dans la capitale où il a demandé à visiter le Palais du Luxembourg, le musée des Invalides en particulier les salles consacrées aux armées de La Fayette et celles réservées à la Seconde Guerre mondiale, la Tour Eiffel et le Palais de Versailles. 

Puis, à sa demande en TGV (pour un Américain, il est stupéfiant de traverser par le rail un pays en trois heures), il sillonnera la France où il n'est pas revenu depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. 

Sur le Larzac, huit cadets de l'armée de l'air américaine en stage à Salonj-de-Provence lui rendront les honneurs ainsi qu'au lieutenant Hoy qui ne figure toujours pas sur les listes des vétérans aux États-Unis mais dont la mémoire est perpétuée au mémorial de La Pezade aux côtés des vingt-trois maquisards aveyronnais. Sa croix blanche se distingue des autres, car elle seule arbore les drapeaux français et américain. 

Par décision du président de la République, Roy D.Simmons sera fait chevalier de la Légion d'Honneur. Les insignes lui seront remis au cours de la cérémonie. Et sur le Larzac, certainement écrasé de soleil, après la Marseillaise, on entendra The Star Spangled Banner, l'hymne national des États-Unis. 

"Oui j'y étais"

« Avez-vous survolé le Sud de la France le 22 août 1944 ? » A l'autre bout du fil, Outre Atlantique, un « Oui » hésitant, suivi d'un long silence qu'à Montpellier, Donald Bolher respecte tant l'émotion est palpable. « Qui êtes-vous ? » demande soudain d'une voix étranglée, son interlocuteur, Roy D. Simmons. C'était en janvier dernier (2010). Le lien entre la journée tragique du 22 août 1944 - où, à La Pezade, son camarade Francis Hoy avait été abattu par l'armée allemande - et l'aviateur Roy D. Simmons venait d'être renoué. 

Le colonel en retraite de l'armée de l'air américaine Bohler explique alors au lieutenant-colonel en retraite de l'armée de l'air américaine qu'il le recherchait parce que son nom était associé chaque année au souvenir du combat sanglant qui s'était déroulé sur le Larzac. Un combat auquel il avait participé… 

Alors débute un récit retraçant la recherche à travers les archives de l'armée américaine auxquelles un ancien militaire peut avoir accès, les déductions pour arriver à mettre un nom sur le pilote qui n'avait pas été abattu, puis à partir du lieu de sa naissance dans le Kentucky, les ultimes déductions qui conduisirent à un numéro de téléphone dans l'annuaire. Et des souvenirs qui surgissent mêlés de tristesse. Puis Donald Bohler transmet à ce vétéran resté dans l'ombre, l'invitation d'Alain Fauconnier, maire de Saint-Affrique à participer à la cérémonie du souvenir à La Pezade. Ayant consulté sa famille, Roy D. Simmons accepte. Un de ses petits-fils décide de l'accompagner puis ses deux filles et une de ses petites-filles. Pour eux tous, ce sera un premier contact avec la France, « pays qui symbolise pour nous un événement familial intergénérationnel ».