Pause Guitare, festival d'amour et d'amitié

Tant pour le nombre d'entrées que pour celui de bénévoles, Pause Guitare a fait un bond en 2016. En 2015, ils étaient 750 à prêter leurs bras au festival. Cette année, on compte 950 bénévoles, entre 18 et 80 ans, à œuvrer sur le site dans 32 équipes différentes. Ensemble, ils balayent un champ large : cantine (5 000 repas servis), photographes, contrôle nettoyage, bricolage, transports, bars, loges artistes, VIP, cashless, bars, gestion des bénévoles, accueil presse, accueil professionnels, billetterie… Ils œuvrent comme dans une ruche sur les différents sites du festival, toujours avec le souci du détail. Outre le fait qu’ils sont majeurs, qu’ils ont signé la charte du bénévole et qu’ils sont disponibles au minimum trois jours durant le festival, ces volontaires ont bien un point commun, quelque chose de fort qui les relie… On croit savoir quoi. Car quand on les interroge sur ce qui les fait aimer le festival, le mot « convivialité » revient en chœur dans toutes les bouches. Petit coup de projecteur sur 4 des 950 personnes nécessaires au fonctionnement de Pause guitare. 

Jérôme : chauffeur

« Je suis bénévole depuis 16 ans. Je prends des vacances exprès pour le festival. Mon travail, c'est de transporter les artistes entre l’aéroport, la gare, l’hôtel et le site. Si j’officie dans le festival chaque année, c’est parce que c’est une grande famille. La convivialité est d’ailleurs perçue par les artistes, je pense. On fait ça pour le plaisir. La place que j’occupe est très intéressante : elle permet d’être plus proche des artistes. Ils sont en général sympas et accessibles. Le mot d’ordre, c’est les respecter et d’être distant. Évidemment, il ne faut pas faire de selfies avec eux. Je me souviens d’Iggy Pop, un mythe, de sa qualité artistique... Il est humain et accessible. Juliette Greco m’a aussi marqué : elle a beaucoup de classe et elle est très intéressante. Une anecdote par rapport au festival... Une année, je transportais une chanteuse qui m’a demandé avant son concert le nom des habitants d’Albi. Alors je lui ai répondu : « les albinos ». Puis on est passés devant le moulin de l’Albigeois. Elle l’a vu et elle a compris… ».

Marion : entrées sorties

« Ça fait depuis 2005 que je suis bénévole. J'avais fêté mon bac là-bas ! J’ai toujours posé des congés pour venir au festival. La première année, je pense qu’on était moins de 100 bénévoles, chacun s’occupait un peu de tout. Maintenant, je suis en charge des entrées et des sorties. À Pause Guitare, on s’entend tous très bien. L’ambiance est super, on se relaye et on peut s’échapper voir des concerts ou aller voir quelqu’un dans la foule. Je m’étais jamais dit que je verrai un jour Sting ou Joe Cocker ! J’ai plein de bons souvenirs. Ma première année au festival, Allain Leprest passait à Monestiés. Avec une copine, on surveillait les entrées : on ne pouvait faire rentrer que les artistes et les techniciens. Le chanteur arrive et nous dit « je viens pour répéter ». On le croyait pas, on lui dit "t’es pas le premier à faire le coup". Et puis il est revenu avec Alain (Navarro, le directeur du festival): c’était vraiment un artiste, seulement, il n’avait pas son badge sur lui ! ».

Arlette : espace détente

« Ça fait 8 ans que je suis bénévole au festival. Je suis fane de concerts et de musique. J'ai été au bar, à la restauration chaude et depuis l’an dernier je travaille à l’espace détente. Pause Guitare, c’est des belles rencontres, des expériences humaines intenses en découverte. En tant que bénévole, on a des droits et des devoirs mais surtout une liberté d’action ! C’est la bouffée motivante de l’année. Parmi mes souvenirs, je me souviens de m’être retrouvée à côté de Cali dans la foule du concert de Bob Dylan et de l’avoir pris dans mes bras comme si c’était mon fils ! »

Pascale : billetterie

« Depuis 2008, je suis bénévole à Pause guitare alors je pose mes congés à ce moment-là. Ce que j'aime, c’est la convivialité : on bosse, mais c’est festif. Par exemple, cette année, on a prévu un dress-code chaque jour : fluo pour la soirée Mika, hippie pour la soirée Joan Baez… Le premier jour, on va distribuer plus de 1 000 forfaits ! C’est sympa de rendre service. Cette année j’aimerais voir Joan Baez, si je peux, mais j’ai rarement vu un concert en entier : je suis tracassée que ça se passe bien à la billetterie. Au fur et à mesure des années, Arpège et Trémolos s’est adapté aux remarques des gens. A propos de ça, j’ai une anecdote : une année, lors des balances d’Izia à la cathédrale, on était au standard une dame avait appelé pour se plaindre : ses fenêtres avaient craqué pendant la balance à cause du son ! »

J. G-C.

Pause Guitare, un festival comme on aime

Alain Navarro, le président de Pause Guitare, témoin du mariage de deux bénévoles en plein festival, le 7 juillet 2016. / Photo DDM, Emilie Cayre

Si Pause Guitare n'existait pas, est-ce que ces enfants existeraient ? En 2004, Christophe Thélier est partenaire, fournisseur du café sur le festival à Monestiés. Habitant des Hautes-Pyrénées, il passe les quatre jours au camping. Le vendredi matin, il rencontre Sandrine Gasquet, employée de l’office de tourisme. Elle est chargée de faire les relevés sur le camping. Un mois plus tard, les nouveaux amoureux vivent ensemble à Saint-Benoît-de-Carmaux : « ça s’est fait très, très vite, raconte Christophe, j’ai laissé ma maison pour venir habiter ici ». 

Lenny, premier bébé Pause Guitare 

En 2006, le couple accueille son premier enfant, qui devient ainsi le premier bébé Pause Guitare. Il se prénomme Lenny, « comme Lenny Kravitz » précise l’heureux papa décidément amateur de bonne musique. Pour lui, c'est clair, le festival a bouleversé sa vie et celle de Sandrine. 

La nouvelle petite famille suit d'ailleurs Pause Guitare quand le festival migre à Albi, pour sa première édition, en 2006. L’année suivante, elle ouvre les bras à un deuxième nouveau-né : Cécile, comme la cathédrale et la sainte patronne des musiciens. « Les enfants ont fait leurs premiers concerts à Pause Guitare », explique Christophe pour lequel « le festival sera toujours un événement à part, il restera gravé à vie ». 

Depuis, les couples et les bébés s’enchaînent à Pause Guitare. Gigi Czapla est devenue bénévole dès la deuxième édition. En 2008, elle est chargée de l’accueil des artistes. Elle se rend à la cantine, qui était au Bondidou, pour un café, lorsqu’elle rencontre Wilfried Ardigo. Ils se recroisent en 2009. Et en 2010, ils passent un cap. « On s’est mis ensemble, raconte Gigi. Il y a beaucoup d’amitié et d’amour en festival, tout est décuplé, c’est un moment à part. »
Ce qui a séduit Gigi, c’est le côté loufoque de Wilfried. «Il m’a fait beaucoup rire.» Et pour cause, à la cantine, l’équipe des bénévoles ne manquait pas d’humour. Ils se déguisaient et faisaient rigoler tous les passants qui venaient se restaurer, ainsi que les artistes. 

Le 30 janvier 2012, le couple met au monde la petite Anouchka, leur bébé Pause Guitare. La petite n’a que six mois lorsqu’elle se rend pour la première fois sur le festival, pour assister au concert de Sting. « Mais les boules quiès dans les oreilles des enfants, ça ne tient pas trop » dit en rigolant Gigi. Depuis l’arrivée de la petite, le couple s’investit un peu moins dans Pause Guitare. « Mais on a toujours un pied dedans » racontent-ils. Gigi s’occupe des bénévoles sur le off pour Les Amis du Jour d’Euf. Wilfried, lui, est devenu prestataire, et installe les tentes sur la place du Vigan et à Pratgraussals. Gigi et Wilfried ont décidé d’aller plus loin. Ils se sont mariés six ans jour pour jour après leur rencontre. « On s’est mis ensemble le 7 juillet 2010 » expliquent-ils. Pourtant, ils ne voulaient pas officialiser leur union dès le premier jour, car le contexte du festival est toujours un peu particulier. «Pour les 20 ans du festival, et notre anniversaire, on voulait marquer le coup. » 

David avait demandé Sandrine en mariage lors du concert de Cali en 2015

L'événement avait marqué tout le public présent au concert de Cali en 2015. David Djafou était monté sur scène pendant la chanson «c’est quand le bonheur», et il avait demandé Sandrine en mariage devant environ 6 500 personnes. Un courage qu'il avait eu grâce à la complicité d'Alain Navarro, le directeur du festival, et de Cali qu'il était allé voir dans sa loge pour lui en parler, sur les conseils d'Alain. « Je pensais le faire avant son concert, le groupe était plutôt emballé, mais Cali avait une meilleure idée. Il a proposé de le faire pendant son set» se souvient David, les yeux encore émerveillés. « J’ai juste eu le temps de comprendre ce qui allait se passer. »

Sandrine a été totalement surprise. David voulait une demande en mariage insolite, c’est réussi. « Il fallait quelque chose de grand. Pause Guitare, c’est grand, gros et beau, ça correspondait parfaitement. »

Cerise sur le gâteau, le couple a célébré son union le samedi 2 juillet 2016. Sandrine a laissé le nom de Verrando pour prendre celui de Djafou. Tous les deux ont 31 ans et vivent heureux à Carmaux.

A-C. E.

Au commencement était l'amour d'Annie et Alain...

Quand on la voit s'avancer devant des milliers de personnes, poids plume en suspension au bord de la scène du festival Pause Guitare, on se demande ce qui peut bien se passer dans la tête d'Annie Navarro, cocréatrice et administratrice du festival depuis vingt ans. 

« La première fois, je tremblais comme une feuille. Je me suis dit stop. Il n'y a aucune raison d'avoir le trac. Les gens ne viennent pas pour te voir, qu'est-ce que tu crois ! », lance-t-elle, disparaissant dans un rire trois fois plus grand qu'elle. Il faut dire que du haut de ses 1,59 m et 43 kg, l'administratrice de l'association Arpèges et Trémolos pratique avec brio l'art de se rendre invisible.


En adepte des positions reculées, celle qui se définit comme « une solitaire qui aime le monde » observe souvent, rit beaucoup et n'en pense pas moins. Avec des convictions fortes, comme ce jour de février 1989 où, chez des amis, elle rencontre Alain Navarro.

Un coup de foudre

« Un coup de foudre ; quelque chose que tu n'as jamais ressenti ; la conviction que tu ne te trompes pas… On ne s'est plus quitté », rigole-t-elle sans rire.

Ça n'a pourtant pas toujours été simple, au commencement de l'aventure Pause Guitare, d'échapper à l'ombre portée d'Alain Navarro, mari et mur porteur de l'association. « J'ai dû pousser les coudes ; il a fallu que je trouve ma place », reconnaît-elle. Au vu de ses mensurations, on se dit que sa force doit venir d'ailleurs. En partie sans doute de cette qualité d'humeur, toujours égale, jusque dans la tempête d'un festival devenu aujourd'hui bien lourd à porter.

« Je suis quelqu'un qui se satisfait de ce que je vis. Je n'ai pas de désir inassouvi et le quotidien ne m'ennuie jamais », assure-t-elle. Et d'ajouter sans rire : « Je ne me laisse impressionner par personne ». Fini le temps de ses 20 ans, des recherches d'emploi sans respect ni réponse. « Tu cherches du boulot mais avec un bac, tu repars avec le sentiment que tu n'es qu'une m...».

Ce qu'elle voulait plus que tout c'était travailler auprès d'enfants petits. Et si elle a dû renoncer à l'école qu'elle avait choisie, c'est simplement « parce ce que ça coûtait le salaire de mon père ». Elle en gardera deux engagements forts : une passion intacte pour l'enfance et la jeunesse et une conscience sociale toujours en éveil.

« Très pédagogue et toujours apaisante. Elle est gardienne d'une certaine éthique, toujours dans l'humain et la dimension sociale. Elle a cette volonté de nous laisser de la place, de transmettre », confie Tristan, un des jeunes salariés d'Arpèges et Trémolos.

Travailler et rire ensemble

En 2013, quand le festival a connu de lourdes pertes, c'est pour eux, les jeunes, qu'elle a le plus souffert. « Ces jeunes qui bossent, qui sont incroyablement efficaces. L'idée qu'ils se retrouvent au chômage me rendait malade. » Raison de plus, laisse-t-elle entendre, pour travailler et surtout rire, ensemble. « L'humour, c'est important et j'aime que les choses soient simples. J'ai beaucoup de mal avec l'agressivité. » Et d'avouer sa passion sans bornes pour les artistes québécois invités du festival depuis quelques années. « Ils sont sains, nature, gentils et toujours contents. Rien n'est compliqué avec eux. » Avec elle non plus, à condition de ne pas trahir sa confiance, une des rares choses qui puisse mettre ce moineau rieur en colère.

La retraite dans 4 ans

La retraite ? Après 20 ans d'un festival « plus lourd à porter depuis deux ou trois ans », bien sûr qu'elle y pense. « Ce sera très difficile… Mais quatre ans de plus et ce serait bien pour moi de passer la main. »

A quoi pensera Annie Navarro, le mardi 5 juillet 2016, à 20 h 30, quand, au bord de la grande scène des Cordeliers, elle ouvrira le 20e Pause Guitare ? Peut-être au simple plaisir de l'instant. « J'ai tout trouvé dans le boulot que je fais aujourd'hui. Et tout trouvé dans l'homme que j'ai choisi. »

M. L.

"Pause Guitare, festival d'amour et d'amitié". Un long format de la rédaction de La Dépêche du Midi.
Mise en page : Béatrice Dillies.
Textes : Joséphine Gruwé-Court, Anne-Charlotte Eveillé, Martine Lecaudey.
Photos La Dépêche du Midi : Marie-Pierre Volle (photo de une), Emilie Cayre, Béatrice Dillies.
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© La Dépêche du Midi, juillet 2016.