Ambiance électrique

Les voitures 100% électriques au Mondial de l'auto

Automobile : pour le tout électrique c'est loin d'être gagné !


Vous adorez que l'on vous parle d'un temps où ces trois lettres, «EDF», ne renvoyaient ni à Deschamps, ni à Mbappé, ni à Griezmann. Vous collectionnez les compteurs bleus, vous tombez en pâmoison à l'ombre du moindre pylône, votre père a effectué toute sa carrière à tirer des câbles pour éclairer des cités ou des hameaux, il vous a bercé aux touches sublimes de Jacques Loussier («Pulsion», pub télévisée de 1986), vous êtes branché au sens premier du terme. 

Et vous rêvez tout naturellement de rouler électrique depuis l'annonce d'un nouveau courant, de technologies innovantes, à la fin du siècle dernier. Dans l'histoire de l'automobile (dès novembre 1881, Gustave Trouvé présentait un modèle à l'Exposition internationale… d'Électricité) les constructeurs, accompagnés par d'ambitieux «bricoleurs» se sont toujours penchés sur ce type de motorisations. 

Mais nous n'avions jamais assisté à un tel développement, une telle offre et de tels… objectifs. 

Une offre inédite 

Le Mondial de Paris, ouvert depuis jeudi (jusqu'au 14 octobre), confirme cette tendance de façon spectaculaire. Il a fallu multiplier les prises sous les halls de la Porte de Versailles ! Renault poursuit sa très généreuse politique dans le sillage de sa Zoé, Kia et Hyundai, généralistes coréens, présentent de «vrais» véhicules pour de «vrais» clients, Mercedes, Jaguar et Audi viennent d'entrer dans la danse… Parler d'embouteillage serait sans doute exagéré mais disons que l'électro-trafic est devenu assez dense sur les routes et dans les concessions. 

On n'a jamais vendu autant de voitures électriques (tout est relatif, en France elles ne pesaient que 1,2 % du marché en 2017), c'est un fait, l'offre existe désormais dans tous les segments ou presque et les plaidoiries des vendeurs semblent de plus en plus optimistes. Ceux qui ne jurent que par cette énergie et prédisent son utilisation massive à court ou moyen terme devraient être comblés. 

Pourtant, il faudra des décennies pour que l'ensemble de la planète soit électrifié s'il doit l'être un jour. En Allemagne ou en Chine, l'électricité sort des centrales à… charbon L'aspect écologique, si alléchant à première vue (on ne parle que de voiture «propre») évite de prendre en compte l'ensemble de la production, courant compris. En Allemagne ou en Chine, l'électricité est tirée exclusivement de très sales usines à… charbon. 

Dans ces cas précis, le bilan carbone devient désastreux et les autos si vertueuses dans les vitrines ou sur les magazines se révèlent plus polluantes (180 g/km contre 132 g/km en rejets CO2) que les diesels accusés de tous les maux mais pas encore au musée, soyons-en persuadés. Par ailleurs, l'extraction du lithium utilisé pour les batteries provoque des situations préoccupantes (le mot est faible) au Tibet par exemple et dans la région du lac d'Atacama au Chili. Il n'est pas question ici de démontrer que la voiture électrique est une catastrophe pour notre chère planète, juste de rappeler quelques «détails» qui ont évidemment du mal à trouver leur place dans les discours vantant ses bienfaits. 

Silence, on roule 

Sinon, les héritières de la «Jamais Contente» (la première à atteindre les 100 km – 105,88 – en avril 1899, sur la route centrale du parc agricole d'Achères !) offrent aujourd'hui de vraies carrosseries, du style, de l'élégance et pour la plupart un confort et un agrément d'utilisations étonnants. Le seul petit problème, dans le cadre d'une circulation urbaine, (ça doit bien marcher aussi sur nos routes de campagne avec ces milliers de chevreuils et de sangliers), c'est… le silence de fonctionnement. 

Dans les allées extérieures du Mondial, malgré l'adresse et le respect des pilotes, la noria des navettes exige une attention de tous les instants. L'électrique que l'on connaît va augmenter ses parts de marché, c'est certain mais devra partager la suite avec d'autres solutions, comme l'hydrogène et la pile à combustible dans les cartons depuis longtemps et représentée au Mondial par le Nexo de Hyundai Le vrai frein à la progression des ventes dans notre pays comme ailleurs (si l'on excepte les tarifs toujours très élevés), c'est leur recharge. 

Il faudra investir encore et beaucoup pour mailler le territoire, permettre à tous les utilisateurs de trouver une borne (Nissan pour sa Leaf, la plus vendue au monde, a réalisé un cadre idéal en Corse) sans se prendre la tête. Au volant d'une hybride rechargeable, on peut basculer sur l'essence et poursuivre son chemin. Là, quand il n'y a plus de jus, c'est la fin du voyage.

De notre envoyé spécial à Paris, Patrick Louis

8 modèles à la loupe

Concept KZE

Sur le terrain du véhicule électrique, Renault a pris une belle avance sur la plupart de ses concurrents. Carlos Ghosn a dévoilé, à Paris, à la veille du Mondial, les principales lignes de sa stratégie dans ce domaine. Ses propos sont appuyés par la présentation de Concept KZE. Rappelant le Kwid déjà très populaire en Inde, il pourrait être badgé Dacia pour ses premiers tours de roues européens et c'est la Chine qui en aura la primeur. 

Commercialisation : 2020. Autonomie : 200 km. Prix : estimé à moins de 20 000 €. 

Kia e Niro 

Calandre pleine, discrets inserts bleus, le e-Niro veut se démarquer de ses frères hybrides, tout en conservant la même philosophie. Il embarque une batterie lithium-ion de 64 kWh, qui lui assure 450 kilomètres en une seule charge et peut retrouver l'intégralité de son autonomie en à peine plus d'une heure. Ce Coréen écolo bénéficie d'un ambassadeur de prestige : Robert de… Niro. Bien joué ! 

Commercialisation : Autonomie : 450 km. Prix : à partir de 35 800 € 

Hyundai Kona Electric

En 2019, Hyundai France veut commercialiser 6 000 véhicules électrifiés et espère réaliser très vite un tiers de ses ventes avec ce type de motorisations (hybride, hybride rechargeable ou 100 % électrique). La présentation au Mondial de Kona Electric était très attendue, ce modèle, déjà plébiscité avec les motorisations thermiques est appelé à jouer un rôle clé pour le constructeur coréen dans le domaine des énergies nouvelles. 

Commercialisation : depuis cet été. Autonomie : 400 km. Prix : à partir de 38 400 € 

Peugeot E-legend 

Déclinaison émouvante et bien sûr très propre du coupé 504 (31 163 exemplaires de 1969 à 1983…), ce concept dispose de 460 ch transmis aux quatre roues et se vante de pouvoir récupérer 80 % de son autonomie en 25 petites minutes grâce à un superchargeur, sans fil, par induction ! Vu le succès de cette lionne hyperbranchée (une pétition est en ligne pour «exiger» sa production !), la marque envisage de la mettre sur le marché. 

Commercialisation : ? Autonomie : 600 km. Prix : à définir… 

Tesla Modèle 3 

Les attaques, les procès et les fortes amendes ne freinent pas Elon Musk le patron de Tesla. Paris accueille la plus «abordable» de sa collection dont les premiers exemplaires doivent être livrés chez nous au début de l'année prochaine. Tout en haut de la gamme, la «Performance» peut atteindre les 250 km/h en vitesse maxi. 

Commercialisation : premier semestre 2019. Autonomie : de 355 à 500 km. Prix : autour de 50 000 €. 

DS3 E-Tense 

Un bloc électrique de 100 kW (136 ch) alimenté par une batterie lithium-ion de 50 kWh, un couple de 260 Nm lui permettant d'abattre le 0 à 100 km en 8,7 secondes, la DS3 Crossback e-Tense arrive ! Elle promet une recharge de 80 % en une demi-heure sur une borne rapide et 5 heures sur une prise domestique. Elle peut être déverrouillée par smartphone et cinq utilisateurs peuvent l'utiliser… sans avoir les clés. 

Commercialisation : second semestre 2019. Autonomie : 300 km. Prix : Non communiqué 

BMW iX3 

Révélé au salon de Pékin au printemps, le concept iX3 de BM a effectué le déplacement à Paris. Toujours pas de version définitive (elle devrait être très proche esthétiquement du X3 thermique) mais la confirmation d'une prochaine entrée au catalogue. Il devrait s'appuyer sur une puissance de 200 kw (environ 272 ch). BMW a, par ailleurs, annoncé l'arrivée de douze nouveaux modèles électriques d'ici 2025. 

Commercialisation : 2020. Autonomie : 400km. Prix : Non communiqué 

Mercedes EQC 

Voilà le tout premier SUV 100 % électrique de la prestigieuse marque allemande. L'EQC reprend la base du GLC et adopte deux moteurs électriques, un par essieu pour offrir à son utilisateur une puissance de… 408 ch. Sa vitesse de pointe est de 180 km/h et son chrono de 0 à 100 km/h : 5,1 secondes. À l'intérieur, on retrouve l'immense tableau de bord révélé par la nouvelle Classe A, unifiant l'écran numérique et l'écran tactile. 

Commercialisation : mi-2019. Autonomie 350 km. Prix : 86 000 €


Les points forts de l'électrique

CONFORT D'UTILISATION 

Lors de la première expérience « électrique », l’automobiliste découvre cette sensation de quiétude, de sérénité. Pas le moindre bruit (c’est presque dérangeant au début, presque inquiétant même…) on a l’impression de voler. Très agréable. 

COÛT 

Aujourd’hui on a dépassé les 9 € pour effectuer les 100 kilomètres avec un moteur diesel (ça ne va pas baisser dans les mois et sans doute les années à venir !). Le moteur électrique n’exige que 2 € d’électricité pour effectuer la même distance. Faites le calcul. 

BONUS 

Pour les voitures électriques neuves le bonus s’élève à 6 000 € dans la limite de 27 % du coût d’acquisition. Si vous achetez une voiture à 10 000 euros, le bonus sera donc de 2 700 euros, soit 27 % du prix. Si vous optez pour un modèle à partir de 22 000 €ou plus vous toucherez 6 000 €, 27 % du prix de la voiture étant supérieur à 6 000 €. 

DYNAMIQUE 

Avec un couple maximal disponible dès le démarrage, les véhicules électriques offrent un départ spectaculaire. En ville, leur terrain de jeu préféré, c’est un vrai bonheur à chaque feu rouge. Attention quand même aux radars, on ne se rend vraiment pas compte de la vitesse.

ENTRETIEN 

Plus de vidange, plus de filtre, plus de bougies, plus de courroie de distribution et pratiquement plus de rendez-vous à prendre, l’entretien est réduit aux plaquettes de frein (souvent préservées par les systèmes de récupération d’énergie au freinage). 

ASSURANCES 

Certaines compagnies ont décidé de soutenir la voiture électrique. Par rapport à un véhicule traditionnel, l’utilisateur peut économiser de 5 à… 50 %. sur son contrat, ça vaut le coup de passer quelques coups de fil ! 

REJETS 

En roulant la voiture électrique ne rejette pas de CO2 dans l’atmosphère, si vous êtes un peu, ou très concerné par l’environnement, vous aurez le sentiment de jouer un rôle…

... et les points faibles

PRIX D'ACHAT

Les taris baissent, peut-être, mais restent très élevés, c’est une des raisons majeures qui empêchent certains automobilistes de se décider. Si l’on prend le cas de l’excellente Leaf de Nissan, elle est facturée 35 400 € en France. Le bonus écologique automatique de 6 000 € adoucit la facture mais il faut quand même sortir 30 000 €. Renault a mis en place la location des batteries de sa Zoé pour obtenir des prix plus bas. Ceux qui ont fait le calcul ont préféré conserver une petite citadine essence… 

RECHARGE

Imaginez une seule seconde un week-end de grand départ en vacances comme nos compatriotes les aiment tant (sinon ils ne s’entasseraient avec autant d’enthousiasme une bonne quinzaine de fois par an). Un week-end de demain avec, disons 30 % de la flotte électrique. Impossible, même avec des structures très adaptées, de recharger « normalement » les batteries. Nos chers réservoirs engloutissent leur plein en quelques minutes, là il faudrait des heures ! L’État s’est engagé à installer 7 millions de bornes d’ici… 2030. Et en attendant ? 

AUTONOMIE 

Tout devrait s’arranger de ce côté-là, les nouveaux modèles osent les 400 km, promettent même 600 km pour les meilleurs élèves, mais il faut toujours calculer son point de chute.Savoir où l’on pourra trouver la fameuse prise (attention à la maison ça peut surchauffer…). Accepter aussi de rouler au ralenti quand on met le chauffage ou la clim, et de pester quand on s’est montré un peu trop pressé et que l’autonomie a brusquement rétréci… 

BILAN CARBONE

Nous l’avons évoqué plus haut. Les inconvénients liés à l’exploitation du lithium (pollutions sévères, déplacement de populations…), le recyclage des batteries, constituent de sérieux écueils. Le lithium est un métal qui attaque les tissus organiques, réagit avec l’oxygène, l’azote et la vapeur d’eau contenus dans l’air. Il peut former une substance, très corrosive… Quand on pense que le but principal de l’auto électrique est de ne pas polluer…

"Ambiance électrique" un long format de la rédaction des informations générales de La Dépêche du Midi. Textes : Patrick Louis. Photos : constructeurs. Mise en page : Philippe Rioux. © La Dépêche, octobre 2018.