Fête de la science 2016

La Dépêche du Midi & Sciences animation

500 animations sont prévues dans 75 villes de la région Occitanie, du 8 au 16 octobre. Des villages de la science, mais aussi des labos qui ouvrent leurs portes et des scientifiques qui rencontrent le public. La Dépêche du Midi en partenariat avec Science et animation vous propose un coup de projecteur sur des chercheurs de la région qui font avancer la science.

Qu'est-ce qui peut bien se cacher au bout de la lunette d’un microscope ?Un affreux virus ricanant ? Une bactérie somnolente ?Un œil de mouche qui vous regarde droit dans la rétine ?Ou un atome qui attend qu’on l’ausculte ? Il faudra mener l’enquête, la semaine prochaine, au Quai du Savoir à Toulouse, pour vivre cette plongée dans le monde de l’infiniment petit.Et surtout de remonter le cours du temps pour savoir quand et comment nous avons pu pousser notre regard jusqu’à ces horizons du minuscule… 

La microscopie sera un des temps forts de cette fête de la science 2016, dans la région Occitanie, avec des centaines de rendez-vous et de rencontres. Une opération qui se déroulera en partenariat avec La Dépêche du Midi : tout au long de cette semaine, nous allons vous présenter des scientifiques de la région, et vous expliquer leurs aventures. 

« Le but, c’est de rendre la science accessible à tous » explique Johan Langot, directeur de Sciences et Animation, l’association qui va coordonner les manifestations de la Fête de la Science en Occitanie.« Les portes des laboratoires seront ouvertes, mais la Fête de la Science ira dans les villes et les campagnes pour être au plus près du public. Dans les « Villages des Sciences », ce seront les chercheurs qui iront expliquer leurs découvertes. » 

Gare aux gourous !

La science, toute la science, car la recherche fondamentale, parfois un peu obscure pour le grand public, trouve toujours des applications pratiques : « C’est grâce à la relativité d’Einstein que l’on a pu construire des microscopes électroniques, poursuit Johan Langot.Ce sont les théories du chaos qui nous donnent des outils pour comprendre le climat ! » Et puis, la science n’est pas toujours nichée là où l’on penserait : « Un boulanger fait de la chimie, tous les jours, rappelle Johan Langot.La fabrication du pain, c’est un processus complexe : les sciences sont partout ! » Il y a quelques années, la science manquait de vocations.

Aujourd’hui, la situation s’est améliorée…mais pas pour les filles qui sont moins nombreuses à venir vers les carrières scientifiques, alors qu’elles y ont toute leur place.La Fête de la Science, c’est aussi pour elles ! « Et puis, au-delà des découvertes, c’est la démarche scientifique qui est importante, souligne le directeur de Sciences Animation.Savoir rechercher, expérimenter, vérifier.

C’est le doute, le questionnement, qui est important.Cela permet de mettre à l’écart tous les gourous et tous les charlatans…Je pense notamment aux climatosceptiques, alors que toutes les recherches scientifiques démontrent que le climat change et que l’homme n’y est pas pour rien. » Eh oui, la science, cela commence toujours en ouvrant les yeux et pas en se bouchant les oreilles. 

D. D.

Les animations

Dans la pléthore de manifestations prévues cette année, il a bien fallu faire des choix. 

Du mardi 11 au dimanche 16 octobre, au Quai des Savoirs, à Toulouse, à la découverte des secrets de la microscopie.Cette exploration dans l'invisible s’accompagnera de rencontres avec des scientifiques, ateliers, interactivité. 

Samedi 15 octobre, portes ouvertes au Laas. On y découvrira une dizaine d’animations autour des robots, des composants électroniques, des objets « intelligents » et un parcours Jeunes avec des ateliers ludiques présentés par les doctorants.

Fête de la science.
Une plongée vers l'infiniment petit

Gros plan sur la microscopie, qui sera une des animations phares de la Fête de la Science qui débute la semaine prochaine, avec une visite au Cemes de Toulouse où l'on plonge dans l’infiniment petit, à hauteur d’atome…

Le saviez-vous ?On peut « voir » les atomes ! Bon, ce sera plus facile de distinguer un bon gros atome d'uranium ventru (masse atomique 238) qu’un atome d’hydrogène maigre comme un clou (masse atomique 1).Mais le miracle est bien là.Aujourd’hui, les microscopes électroniques peuvent nous amener aux confins de l’infiniment petit, au plus près des briques de la matière… 

Alors, si c’est bien le Normand Louis de Broglie qui motiva l’invention de la microscopie électronique en découvrant la nature ondulatoire des électrons, c’est le Toulousain Gaston Dupouy qui en a été l’un des pionniers : c’est lui qui a fait construire la « Boule de Rangueil ».

Au fait, comment ça marche ? « On envoie des électrons vers le matériau que l’on veut étudier, explique Étienne Snoeck, directeur d’unité au Cemes à Toulouse. Quand ces électrons traversent le matériau, ils interagissent avec lui, perdent de l’énergie, changent de direction… À partir de ces informations, on va reconstruire l’image du matériau, sa carte. » Voilà le principe, mais il y a des variantes.

On peut aussi promener un faisceau d’électrons sur la matière.On récupère les électrons diffusés de l’autre côté et là encore, on reconstruit l’image. Autre méthode : « L’holographie est une technique phare, assure Étienne Snoeck.

On utilise l’onde électronique qui va être déphasée en rencontrant les champs électriques et magnétiques présents dans le matériau et autour de lui...Le déphasage de cette onde va permettre la cartographie des champs. » Déphasant… 

Des avions au cancer 

Oui, mais alors, à quoi ça sert ? En fait, naviguer comme ça au cœur des matériaux permet aux scientifiques de mieux comprendre la manière dont ils sont agencés de l’intérieur.Et les applications sont nombreuses : « En aéronautique, par exemple, propose Étienne Snoeck.On trouve des alliages avec de l’aluminium, du cuivre, du titane…Les matériaux doivent être souples, résistants et légers.

Avec le microscope, on peut étudier leurs défauts.Et mieux comprendre pourquoi ils cassent ou pas. » Une autre application très pratique se retrouve dans l’électronique.Pour faire fonctionner des mobiles ou des radios, il faut des transistors. « On a commencé à en fabriquer avec des lampes, maintenant, ils sont de plus en plus petits, réduits à des éléments de silicium. L’objectif est désormais que les transferts d’électron se fassent de plus en plus vite à l’intérieur du silicium.Or, en déformant ce matériau, on obtient un transfert plus rapide des électrons à l’intérieur. »

Sans le microscope électronique, on n’aurait jamais vu ça. Dernière piste, fascinante : des nanoparticules magnétiques, greffées sur des récepteurs biologiques, seront capables un jour d’aller jusqu’au cœur des tumeurs cancéreuses.Et au moment où l’on changera, de l’extérieur, l’aimantation de ces particules, elles se mettront à chauffer très fort…pour cuire et détruire les tumeurs ! On a souvent besoin d’un plus petit que soi, non ? 

Dominique Delpiroux

Microscopie avec La Dépêche 


À l'occasion de la fête de la science, La Dépêche du Midi publie, en collaboration avec le CNRS « Microscopie », regards croisés de chercheurs. Cette plaquette, réalisée en collaboration avec le CEMES, nous raconte l’histoire de la microscopie (qui est passée par Toulouse et la fameuse « Boule de Rangueil »), et surtout, nous détaille ses nombreuses applications : archéologie, datation des roches, plongée au cœur de la biologie, génétique, nanotechnologies… Microscopie. La Dépêche-CNRS. 4,90 € Ce Petit illustré est aussi disponible en version numérique sur l'application (iOS et Android) La Dépêche Premium.

Fête de la science.
Ce robot est une vedette incontestée

Largement inspiré des mangas, le robot HRP2 est arrivé au Laas-CNRS de Toulouse il y a tout juste dix ans.Il va à nouveau occuper la scène le 15 octobre avec de nouvelles démonstrations.

Vous le connaissez forcément avec sa silhouette sortie tout droit de l'imagination d’un dessinateur de manga. HRP2 est un vieux Toulousain.Il est arrivé au Laboratoire d’architecture et d’analyse des systèmes (Laas-CNRS), il y a tout juste dix ans. Depuis qu’il a rejoint le labo, le Laas n’a eu de cesse de vouloir améliorer les performances de l’humanoïde qui essaye d’imiter nos moindres gestes.Le robot est devenu la vedette incontestée des Fêtes de la science.En 2012, il a exécuté à l’occasion du festival La Novela, une incroyable chorégraphie avec le danseur de hip-hop Tayeb Benamara

Les spectateurs de la Halle aux Grains, à Toulouse, n’en sont pas revenus. Derrière cette prestation, se cachaient des programmes complexes de modélisation du mouvement élaboré par les chercheurs en robotique du groupe Gepetto, du nom du menuisier qui a créé le célèbre pantin. À l’époque, le Laas était le seul labo européen à posséder une copie de ce robot aux allures de Goldorak. Avec son 1,54 mètre et ses 58 kg, HRP2 avait déjà acquis le réflexe de la marche. Depuis, il s’est mis à danser, mais a su démontrer aussi qu’il pouvait gravir des marches d’escalier, qu’il était capable de se relever, de mettre la table ou de visser un écrou sur un avion… 

Sur les chaînes d’Airbus… 

En février, Airbus a donné son accord à un programme de recherche visant à utiliser des robots sur ses chaînes d’assemblage.Un challenge qui passe par de nouveaux algorithmes de planification et de contrôle des mouvements précis pour apprendre au robot à remplir des tâches complexes. HRP2, l’emblématique robot des chercheurs toulousains, a été en d’une certaine façon le développeur d’une nouvelle génération de robots, soucieux qu’il était d’assurer sa descendance. 

Il a confirmé également le fort engouement de la Région pour la robotique qui a définitivement conquis le monde de la médecine, celui de la défense avec notamment les drones, mais aussi notre quotidien, comme en témoignent les robots aspirateurs ou de piscine. 

En septembre 2012, a vu le jour à Toulouse Robotics Place, le premier cluster national que préside aujourd’hui par Laurent Latorse d’Airod Technologies. 

J.-M.D.

Portes ouvertes 

Au Laas, les roboticiens sont répartis en trois groupes. Le premier, baptisé RAP, travaille sur la perception, le deuxième, RIS, sur l'intelligence artificielle, et Gepetto dans lequel on retrouve Olivier Stasse, sur le mouvement. Ces trois groupes participeront, cette année encore, à la Fête de la Science. Le LAAS-CNRS s’est associé aux autres établissements du campus aérospatial de Toulouse pour proposer un programme élargi. Le Laas -CNRS ouvrira ses portes le samedi 15 octobre, de 9 h 30 à 12 h 30 puis de 13 h 30 à 17 h 30. L’occasion d’entrer dans le monde de la robotique humanoïde et d’assistance comme les robots autonomes et les drones..


« On a encore amélioré le cerveau de l'humanoïde»

Olivier Stasse est ingénieur au Laboratoire d'analyse et d’architecture des systèmes (LAAS).

Le robot humanoïde HRP2 fête ses 10 ans. Pendant tout ce temps, vous avez encore développé ses fonctions ? 

Certes, ce robot est ancien, mais nous continuons à l'utiliser pour nos expériences. Lors de nos « Portes ouvertes », le public pourra découvrir les nouveaux développements que nous avons apportés au robot dans le cadre d’un projet européen qui analyse les mouvements d’un être humain. On a essayé d’arrêter des grands principes relatifs aux mouvements que nous faisons quand nous marchons, pour ensuite les appliquer au robot. Générer un mouvement pour un robot humanoïde reste quelque chose de compliqué. Du coup, on a essayé d’utiliser nos connaissances des hommes pour simplifier l’apprentissage du mouvement chez le robot. Pour cela, nous allons essayer de montrer au public comment il se meut grâce aux techniques que nous lui avons apprises. Créée en 2006, l’équipe Gepetto, dont le nom s’inspire du concepteur de Pinocchio, est centrée sur l’analyse et la génération de mouvement des systèmes anthropomorphes. 

Désormais, ce robot franco-japonais peut même monter des escaliers? 

C’est justement ce que nous allons montrer au public. HRP2 qui sait marcher, peut gravir des marches en se tenant à une rampe. Depuis 2006, ce robot a gagné en fonctionnalités.Son « cerveau » a évolué.Il effectue des tâches toujours plus intelligentes et cette fête de la science sera aussi l’occasion de montrer notre deuxième robot baptisé Romeo.Ce grand frère de Nao sera consacré à l’interaction sociale, c’est-à-dire entre l’homme et le robot.Romeo est capable de faire la synthèse de la parole, d’échanger avec les gens.Il peut aussi prendre quelqu’un dans ses bras.Certes, il a des pattes qui le maintiennent en équilibre, mais il ne sait pas encore très bien marcher.Il a été créé par la société Aldebaran rachetée depuis par l’entreprise japonaise SoftBank Robotics. 

Quelles études ont été engagées pour améliorer les performances de Romeo ? 

Nous intervenons sur les commandes de muscles moteurs.Notre objectif est d’essayer de comprendre pourquoi ce robot ne marche pas aussi bien que son aîné HRP2.Il reste cependant capable de manipuler de petits objets et, grâce aux programmes que nous avons mis au point, peut suivre ces mêmes objets du regard avec ses caméras placées dans la tête.Mais il est impossible de savoir quand il marchera !Nous réaliserons avec SoftBank une deuxième version de Romeo pour tenter de résoudre cette difficulté. La tâche est difficile.Pour qu’un robot marche, nous devons utiliser les lois de la physique qui permettent de dire comment un robot peut rester en équilibre.Nous écrivons des programmes de telle sorte que le robot se déplace d’un point A à un point B sans brûler ses moteurs, sans rentrer la tête dans le crâne comme ça peut arriver. 

Le gouvernement s’était fixé comme objectif de placer la France dans les 5 Nations leaders du secteur en 2020 ? 

Reste qu’il y a beaucoup plus de chercheurs au Japon qu’en France.Mais on constate en effet l’émergence d’un certain nombre d’acteurs comme BA Systemes qui développe des robots mobiles.Il y a aussi l’émergence des véhicules autonomes qui mobilisent l’ensemble des acteurs industriels et de nombreuses start-up.Incontestablement, le milieu de la robotique bouge comme en témoigne le cluster Robotics-Place en Midi-Pyrénées. 

Recueilli par Jean-Marie Decorse

Fête de la science. La chance, c'est une affaire d'équations !

La 25e édition de la Fête de la science est lancée,aujourd'hui, à l’Hôtel de Région.C’est dans le monde du hasard et de la chance que nous plongent ce soir deux chercheurs toulousains.

On espère tous avoir de la chance, être l'heureux gagnant du Loto, mais sait-on vraiment ce qu’est la chance, le hasard ?Voilà des lustres que les hommes, refusant de croire aux oracles, se penchent sur ces concepts.Le hasard n’est-il qu’une illusion ?Ne vivrions-nous pas plutôt dans un monde déterministe, infiniment complexe, dans lequel, bien souvent, les liens de causalité nous échappent ? Au carrefour de la science et de philosophie, voilà la réponse de deux chercheurs toulousains. Éric Thiery, roboticien de formation a bifurqué vers le journalisme et a longtemps travaillé pour « C’est pas sorcier ! ». 

Il est l’auteur du « Petit livre de la chance » paru aux Éditions du Pommier. Clément Sire, lui, est physicien statisticien, mais aussi joueur… Ce normalien touche-à-tout est chercheur au laboratoire de physique théorique Irsamc de Toulouse, mais il travaille aussi avec la Toulouse School of Economics (TSE) sur la théorie des jeux. Il étudie les phénomènes collectifs dans les groupes humains, en collaboration avec le biologiste du comportement Guy Theraulaz et ses travaux sur les bancs de poissons ou les groupes de cellules. 

« Nos expériences portent sur les groupes humains, sur leurs décisions et mouvements collectifs, en mesurant l’impact des informations accessibles au groupe. Nous essayons aussi de comprendre l’organisation collective des bancs de poissons qui peuvent être alignés, présenter des structures de vortex, de moulins, ou des structures sans ordre apparent. Dans ces divers contextes, on veut comprendre comment on passe du comportement d’un individu à celui du groupe qui présente de nouvelles propriétés ou compétences. 

On appelle ça l’intelligence collective », explique le chercheur. « Regardez les fourmis : prise isolément, l’insecte un peu idiot marche dans tous les sens, ramassant au hasard des boulettes de sables. Collectivement, la fourmi est pourtant capable de bâtir des nids, des structures complexes, sans qu’un « chef » ne coordonne leurs actions. Chez les humains, c’est pareil. Dans la rue, en marchant, nous formons spontanément des files sans qu’un chef nous le demande. De façon similaire, de nombreux réseaux humains, comme l’Internet, se développent dans une anarchie apparente, tout en révélant des structures communes, à l’analyse des scientifiques. »

 J.-M.D.

« Non, le hasard n'estpas forcément imprévisible »

Clément Sire est directeur de recherche au Laboratoire de physique théorique - IRSAMC du CNRS - Université de Toulouse.

La chance, le hasard… Comment un physicien explique-t-il au grand public, à ses étudiants, une notion aussi abstraite ? 

Le hasard, ce n'est pas si abstrait que ça. J’aime bien rappeler que le hasard, l’aléatoire, dans deux langues différentes, nous renvoie au dé à jouer. À l’origine, al-zahr, en arabe, voulait dire la chance, le dé. Aléatoire, c’est l’aléa, le célèbre Alea jacta est – les dés sont jetés – de César. Le hasard nous fournit des illustrations dans la vie de tous les jours : une rencontre, un tirage de dé… Dans ma conférence, j’explique qu’il y a de vrais hasards, mais aussi des « hasards » qui, en fait, ne font que cacher notre incompétence ou notre ignorance à comprendre un événement. Voltaire (et d’autres) disait que « ce que nous appelons hasard n’est et ne peut être que la cause ignorée d’un effet connu… ». J’évoque aussi les « coïncidences », et parfois le sens excessif qu’on leur accorde, alors qu’on ne les constate qu’a posteriori. 

Le tirage de dé, en réalité, ne serait donc pas du hasard ? 

Si vous lancez votre dé plusieurs fois exactement de la même hauteur et à la même vitesse, le dé retombera toujours sur la même face. En pratique, nous sommes confrontés à un phénomène appelé « chaos » : si vous changez un tant soit peu la condition initiale (position et vitesse), le résultat (la face sur laquelle tombe le dé) sera souvent différent, rendant le tirage de dé aléatoire. Autre exemple de système « chaotique » : la météo. La dynamique de l’air est régie par des équations chaotiques résolues par les superordinateurs des météorologues. Comme on ne connaît pas exactement et partout la vitesse du vent, la pression, la température exactement au même instant donné, on ne peut exactement prévoir le temps. Pire, comme pour un lancer de dé, notre incertitude sur les conditions météorologiques à un instant donné est ensuite amplifiée par le chaos, rendant les prédictions hasardeuses au-delà de quelques jours. 

Il y a donc toujours une explication physique à un phénomène ? 

Autant on peut interpréter de manière pratique le lancer de dé ou la météo à long terme comme du « hasard apparent », autant le véritable hasard existe… Mais à l’échelle atomique ! À l’échelle du milliardième de mètre, la mécanique de Newton n’est plus valable. Il faut utiliser la mécanique quantique, dont l’électronique actuelle, ou le laser, est le pur produit. La mécanique quantique nous dit que l’électron n’est pas localisé à un endroit précis, mais qu’il a seulement une certaine probabilité d’être observé ici ou là. Le monde quantique est intrinsèquement aléatoire ou probabiliste ! 

La mécanique quantique permet de calculer exactement ces probabilités, mais pas de vous dire où est exactement l’électron à un instant précis, cette question n’ayant en fait aucun sens à l’échelle atomique. Mais la beauté et la puissance de la physique, c’est aussi de pouvoir prédire le comportement régulier à grande échelle de systèmes apparemment contrôlés par le hasard (« chaotique » ou « quantique »). Votre téléphone portable où un milliard de milliards de milliards d’électrons nous obéissent collectivement au doigt et à l’œil en est une belle illustration ! 

Recueilli par Jean-Marie Decorse

Fête de la science. Dis-moi ce que tu manges...

A l'occasion de la fête de la Science, gros plan sur l’Institut de Recherche sur la Santé Digestive de Toulouse, qui étudie les petites bêtes de notre intestin pour qu’un jour, on n’ait plus mal au ventre.

Connaissez-vous les protéases ? « On les appelle packmans ! » s'amuse Nathalie Vergnolle, directrice de recherche Inserm à Toulouse-Purpan.En fait, ce sont des sortes d’agents de service de notre ventre, qui par exemple, nous coupent la viande pendant la digestion.Elles peuvent réaliser plein d’autres petits boulots, comme de nettoyer des plaies infectées ou débarrasser les débris de notre organisme.Sympa, non ?Seulement voilà ! Parfois, les packmans se lâchent et bouffent tout. En principe, notre organisme a des gendarmes pour les calmer, on les appelle des inhibiteurs.

Mais quand ils sont débordés, quand l’équilibre est rompu notre ventre devient un champ de bataille… « C’est le cas, par exemple, avec la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, poursuit Nathalie Vergnolle, des maladies chroniques très pénibles.L’idée est donc de réintroduire dans l’organisme ces inhibiteurs. » Et là, les chercheurs de l’Inserm ont eu une idée de génie : pourquoi ne pas cloner le gène humain de cet inhibiteur dans une bactérie que l’on réintroduit dans le ventre ?C’est alors la bactérie qui produit le « gendarme » ! 

« L’immense avantage, c’est que c’est une manière de soigner peu coûteuse, se réjouit Nathalie Vergnolle.L’inconvénient, c’est qu’il s’agit d’un organisme génétique modifié, et la réglementation impose qu’il n’y ait pas de dissémination dans la nature.

Nous avons des pistes sérieuses pour y parvenir, comme de programmer la mort de la bactérie dès son boulot terminé ! » 

Des souris et des ventres 

Voilà comment on se promène dans notre ventre, dans ce fascinant laboratoire.On y cherche aussi la recette pour diminuer la douleur, une sorte de vaccin pour permettre à notre organisme de produire lui-même les calmants ! On s’intéresse aussi à ces douleurs abdominales, le « syndrome du côlon irritable », qui gâche la vie de millions de personnes. 

« On a longtemps dit à ces malades que c’était dans leur tête ! Mais la flore intestinale d’un de ces malades est très différente de celle d’un bien portant ! Le microbiote varie énormément d’une personne à l’autre.Là aussi, nous espérons pouvoir bientôt trouver les inhibiteurs qui soulageront les malades. » À l’Institut de Recherche et de Santé Digestive, on comprend chaque jour un peu mieux que notre alimentation est déterminante pour non seulement notre équilibre, mais aussi notre comportement. 

Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es ! 

« Pour une expérience, au Canada, raconte Nathalie Vergnolle, ils ont pris deux groupes de souris, les unes agressives, les autres calmes.Ils les ont élevées en milieu totalement stérile, et puis ils ont injecté le microbiote de souris agressives à des souris calmes et le microbiote de souris calmes à des souris agressives…Vous avez deviné : les microbiotes ont changé les comportements ! »Est-ce qu’elles se sont étripées ?

Dominique Delpiroux

"Fête de la science 2016". Un long format de la rédaction de La Dépêche du Midi avec Science animation.
Textes : Jean-Marie Decorse, Dominique Delpiroux.
Photos : AFP, DDM, DR. Vidéos : Robotocs place, Novela Toulouse.
Mise en page : Philippe Rioux
© La Dépêche du Midi, octobre 2016