Coup de chapeau au 
carnaval d'Albi 2018

Difficile de dire si cette version 2018 du carnaval d'Albi est meilleure et plus belle que la version 2017. Mais, quand même, le beau temps a mis du baume au cœur des milliers de carnavaliers dans les rues de la ville, le dimanche 25 février. Les sourires et la bonne humeur étaient de sortie pour ce premier corso. On appréciait presque les confettis dans les yeux et la bouche, les bombes qui collent dans les cheveux, l’odeur des churros gras et des barbes à papa fluos, le bruit des gros métiers de la fête foraine et les hurlements des jeunes qui s’envoient en l’air à 20 m du sol. 

Coup de chapeau pointu à l’association du carnaval qui a mis tout son savoir -faire dans les chars. Coup de chapeau en carton-pâte également à l’équipe thérapeutique du Bon Saveur et ses patients masqués qui ont redonné vie au tacot de Gaston Lagaffe, une des vedettes du long défilé. Les associations des quartiers de la ville, fidèles jusqu’au bout au carnaval, ont fait un gros effort pour « coller » à la thématique de leur char. Comme celles du Breuil-Mazicou ou encore des deux associations de Cantepau. Et pour la première fois, le défilé s’est terminé, non pas en chansons, mais avec des feux d’artifice.

Patrice Scoccia

Le défilé du 25 février 2018

Photo DDM, M-P. V.

Plein phare sur l'automobile, thème du carnaval 2018. 

Pour cette 63e édition, 17 associations albigeoises ont mis la main au carton pâte.















Bilan : première sortie réussie pour le carnaval d'Albi

Carnaval des enfants : 
armures rembourrées pour carnavaliers frigorifiés

Photo DDM, M-P. V.

Comment déguiser son enfant pour le carnaval, alors qu'il fait des températures négatives ? Des parents ont trouvé la solution le mercredi 28 février 2018, et ont déguisé leur fille en tenue de ski. Ce déguisement était parfait pour braver le froid durant l'après-midi, tout en étant déguisé. À cause du froid, l'épicentre du carnaval des enfants a été déplacé sous la Halle du Castelviel.

La parade s’est faite autour de la Halle avec, en tête de cortège, la reine du carnaval et ses deux dauphines. Peu refroidis par le temps, les enfants ont sauté partout et lancé des confettis. Les spiderman, princesses, coccinelles et autres fées se sont fait maquiller le visage par des bénévoles du carnaval. 

Avec des paillettes plein le visage, et les chaussures remplies de confettis, ils se sont ensuite tous installés devant la scène où s'est déroulé un spectacle de clowns.


Ils ont tous chanté, motivés par le clown. Pendant près d’une heure, les rires enfantins ont bien résonné sous la Halle. Photo DDM, M-P. V.

Ensuite, c'était l’heure du goûter. La traditionnelle crêpe géante n’a pas pu être faite à cause du vent, mais cela n’a pas empêché les enfants d’en manger une, puisque, 3 500 crêpes ont été préparées par la cuisine centrale.

Le président du Carnaval, Bernard At, explique « Nous avons dû nous adapter au temps, c’est pour ça que le jugement du roi n’a pas été fait, comme la crêpe géante.» Selon les organisateurs, entre 450 et 500 enfants et parents étaient présents. Certains groupes qui avaient prévu de venir ne se sont finalement pas déplacés, d’où le nombre un peu moins important d’enfants cette année. Mais, à voir les visages de ceux présents, nul doute qu’ils étaient tout de même contents. 

Manon Pellieux

La fête foraine : 
le temps suspendu

Tour zen / Photo DDM, E. C.









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Portraits de forains

Angélique a un jeu de pièces : « Je suis de Castres »

Angélique Fayard est une foraine du département. Elle est née à Castres il y a 50 ans. « J'ai repris à la suite de mes parents. J’ai toujours été dans ce métier. Le Carnaval d’Albi, ça fait des années que je le fais. Depuis que je suis née, donc 50 ans ! Mes grands-parents ont été les premiers à refaire le Carnaval d’Albi après la Seconde Guerre mondiale. Ils avaient un manège qui s’appelait les « Vagues de la mer » . C’était un manège qu’ils avaient retapé après la guerre. À l’époque, les manèges ne fonctionnaient pas avec de l’électricité, tout était manuel. Pour le faire fonctionner, il fallait que quelqu’un pédale en permanence. » Les manèges étaient bien différents de ce qu’on peut voir aujourd’hui. Pourtant, les caractéristiques de ce métier étaient les mêmes qu’aujourd’hui. « On n’a pas de maison à proprement parler. On est toute l’année en mouvement. Notre métier dépend du temps. S’il pleut, c’est sûr qu’on a moins de passage. » Son mari tient à préciser : « Aujourd’hui, on rencontre parfois des difficultés avec les mairies parce qu’elles veulent nous excentrer des villes. Si on va à l’extérieur des villes, ça ne marchera pas, on aura forcément moins de monde. Ce n’est que quinze jours, ce n’est pas très long, chacun peut s’organiser. » 

Greg Juge aux manettes du crazy dance :
« C'est ma vie »

Greg est un jeune forain de 24 ans qui tient le Crazy Dance (danse folle en anglais). L'attraction porte bien son nom puisqu’elle secoue dans tous les sens tous ceux qui s’y aventurent. « Je suis originaire de Bordeaux. Ça fait des années que j’aide réellement mes parents à faire tourner le manège, même si je les ai toujours suivis le long de la route pour faire les différentes fêtes foraines. J’ai toujours été habitué à ça. C’est ma vie. Je ne me verrais pas faire autre chose. Pendant l’année, on se déplace principalement le long de la côte ouest. De Nantes jusqu’à Biarritz à peu près, et on vient dans le sud aussi. » Dans la cabine qui fait office de caisse, Greg parle au micro pour motiver les passants et les jeunes déjà présents sur ses installations. « Le milieu des forains c’est une grande histoire de famille. Plus tard, j’aimerais que mes enfants fassent comme moi je l’ai fait avec mes parents. Je voudrais qu’ils prennent les rennes du manège. Le Carnaval d’Albi, ça doit faire environ une douzaine d’années que je le fais. Je suis un habitué maintenant. » 

Pluie de confettis le 4 mars

Photo DDM, E. C.

« Et oui c'est fini, hélas ! mais on l'a échappé belle, la pluie s'est arrêtée juste avant le départ ». Bernard At, président du carnaval d'Albi était à la fois nostalgique et heureux le dimanche 4 mars 2018, alors qu’il arpentait la place du Vigan où les derniers chars du défilé bouclaient leur parade. « Ça va, poursuivait le président, tout s’est bien passé, c’est l’essentiel. Il faut bien que ça s’arrête à un moment. C’est vrai qu’il y avait moins de monde que le 25 février, le temps a joué ».

Pour cette ultime sortie des chars du carnaval 2018, la météo s’est finalement rangée du côté des organisateurs, les quelques gouttes tombées en début d’après-midi ne pouvaient stopper la marche en avant des chars. Le cortège s’est ébranlé depuis le Lude dans une grande cacophonie mêlant au hasard Édith Piaf, rythmes africains, sambas et performances de percussions. Ajoutons-y les couleurs vives, les paillettes et autres confettis et l’ambiance carnavalesque était donnée. À la fin du défilé des chars, elle allait encore se poursuivre un peu sur la place du Vigan pour un dernier baroud d’honneur. 


























Vivement la 64e édition, en 2019.

Le bonus : 
les coulisses 
du carnaval

. / Photo DDM, M-P. V.

C'est rue Antoine-Lavoisier, dans un grand hangar-atelier, que les chars du carnaval d'Albi sont stockés jusqu'au jour J. Pendant un an, les trois membres permanents de l'association du Carnaval d'Albi ont bossé dur. Aidées par des bénévoles de passage, Anne Dufour et son équipe n'ont pas ménagé leur peine pour fabriquer dix chars, tous plus beaux les uns que les autres. «Comme chaque année, c'est un miracle d'avoir terminé à temps !», se réjouissait Anne Dufour, lors de la cérémonie de présentation, mi-février. Et le résultat est bluffant. 

Au total, ce sont 15 chars (les dix de l'association, quatre sponsorisés par des spots publicitaires et un réalisé par les patients du Bon Sauveur) qui ont défilé les dimanches 25 février et 4 mars. 

Comment sont confectionnés les chars : la réponse de la carnavalière en chef, Agnès Dufour










Portraits de BÉNÉVOLES

Mireille : « Vu de ce côté, le carnaval est magnifique » 

Mireille, Albigeoise depuis toujours, vit avec le carnaval depuis qu'elle est toute petite. « Je me souviens, confie-t-elle derrière ses grosses lunettes jaunes, quand le carnaval partait de la gare Albi-Ville pour se diriger vers l’avenue De-Gaulle ! ». Depuis dix ans, Mireille, l’agent de restauration, s’implique au sein du défilé avec l’Association du Breuil-Mazicou qui n’a manqué aucun défilé depuis 30 ans. Lors de la première sortie, dimanche dernier, les bénévoles, tous costumés, étaient une bonne quarantaine sur et aux côtés du char du roi mutant sur sa Cadillac rouge. Dimanche, rebelote, ils seront de nouveau dans la rue pour défiler. « Je trouve qu’on se déguise davantage maintenant. Au sein des associations participantes mais également dans le public, ajoute-t-elle. Vu de ce côté, le carnaval est magnifique ! On a beaucoup plus de sensations. On croise beaucoup de monde. On voit aussi des personnes en situation de handicap dans le public pour qui ce défilé et cette ambiance représentent beaucoup. Certaines sont déguisées mais personne n’ose aller vers elles. C’est dommage. »

Sébastien : « 20 ans que je roule pour le carnaval »

Sébastien, 41 ans, surnommé « Kéké » par ses amis, est une personne qui en impose. Par sa taille mais surtout par sa gentillesse et sa disponibilité. Cet employé des Labos Fabre, ex-adjoint de sécurité dans la police nationale à Albi, fête cette année ses vingt ans de carnaval. Et toujours au volant pour conduire les chars. C'est d’ailleurs dans le cadre de son boulot de policier qu’il a mordu à l’hameçon de la passion. « J’assurais la sécurité du cortège avec mes collègues, je connaissais un peu tout le monde. Un jour, alors que je n’étais pas en service, on est venu me chercher pour dépanner. J’ai servi de chauffeur avec mon permis poids lourd ! Et depuis, je continue ! », confie Sébastien, natif de Mailhoc où il est d’ailleurs adjoint au maire de la commune. Il est facile à repérer cette année, il conduit le char 2 CV, posé sur un châssis de camion, parrainé par les deux associations de Cantepau. Son moteur de camion, dissimulé sous le char, avance au ralenti dans le cortège coloré. « C’est vrai qu’il faut avoir les yeux partout, c’est une grosse responsabilité, il fait 3 m de large, il est très haut. Il faut faire attention à la foule qui s’approche très près. Et, bien sûr, on est une cible privilégiée pour bouffer des confettis ! Ça fait partie de l’ambiance du carnaval. »

Kévin, Vendeur de rosettes : « C'est festif »

Kévin a 18 ans. Il porte la traditionnelle tenue du vendeur de rosette : le pull jaune aux couleurs du carnaval et la caisse en bandoulière. « C'est la première fois que je vends les traditionnelles rosettes du carnaval. J’ai intégré la vente des rosettes grâce à l’association Quartier plus qui m’a proposé cette mission. Et j’ai accepté. Je suis d’Albi, mais c’est la première fois que je participe au carnaval en n’étant pas spectateur, mais carnavalier. Pour moi le carnaval, c’est un festival. C’est toujours très joli. Il y a plein de couleurs. Chaque année les décors, chars et déguisements changent. C’est festif. » Situé au niveau de la place Sainte-Cécile, il est visible de loin. Son rôle est de vendre les rosettes, mais il guide aussi les passants qui cherchent à rejoindre le carnaval des enfants en ce mercredi. « Les gens sont en général plutôt accueillants. Beaucoup sont sympathiques et acceptent de nous prendre une rosette pour l’association du carnaval d’Albi. Je n’ai pas fait le défilé de dimanche, et je ne ferai pas le dernier défilé non plus. On ne m’a pas proposé, sinon j’aurais accepté avec plaisir. L’année prochaine, peut être que j’irai faire le carnaval en tant que bénévoles, ça ne me dérangerait pas. Malgré le froid, le jeune homme reste souriant : « J’ai commencé à treize heures, et je devrais y rester jusqu’à 17 heures sauf s’il y a du monde. Dans ce cas, je resterais plus longtemps. » Les épingleurs de rosette, tout comme les vendeurs de confettis, participent à financer le carnaval, essentiellement porté par des bénévoles.

Des grosses têtes du centre d'accueil des réfugiés

« Ça fait 20 ans que le centre d'accueil des réfugiés (N.D.L.R. : Casar) est associé au carnaval », explique un responsable en train de faire l’appel de ses grosses têtes. Ils et elles seront 26, comme la semaine dernière, à prendre part au défilé du carnaval. Les candidats au martyr des confettis et des sollicitations des enfants positionnent soigneusement leur carré de mousse autour du cou et sur les épaules. Une grosse tête, ça pèse son poids de carton-pâte et il faut tenir pendant 2,5 km, le temps d’arriver sur la place du Vigan. Parmi les volontaires, la famille Abushawash : Mahmoud, le père, âgé de 72 ans, Sameh, 40 ans, Hosam, 34 ans, et Brahim, 28 ans. Trois des quatre Palestiniens sont au Casar d’Albi depuis quatre mois, ils sont demandeurs d’asile politique et ont obtenu leurs papiers. Tout comme Brahim en visite à Albi pour passer deux semaines avec sa fille. 

« Nous avons passé un an et demi à Paris avant de rejoindre Albi, confie Mahmoud, le patriarche, dans un excellent français. Je suis des cours depuis 15 jours à l’université Champollion en première année littéraire-français. » Il ne cache pas sa fierté de s’exprimer dans la langue de son pays d’accueil. Son épouse est décédée il y a six mois et tous poursuivent leur long processus d’intégration. Le carnaval en fait partie. 

Maha, 18 ans: « C'est ma 5e année dans les confettis»

Avec son sourire, elle ne peut que vendre des confettis à profusion pendant les sorties du carnaval d'Albi. Maha, 18 ans, dans le circuit depuis toute petite et sur le terrain des bénévoles depuis 5 ans, a été contaminée par ses voisins, Michèle et José, les « gardes du corps » de la reine et de ses dauphines. de fil en aiguille, elle a rejoint l’armada des passionnés du carnaval avec ses deux sœurs, Rhyana et Sarra. «1 € le paquet de confettis, 3 € la bombe, n’hésitez pas ! », lance-t-elle aux passants en brandissant ses paquets. Et toujours avec un grand sourire. Maha, qui étudie la finance dans une école toulousaine, était présente pour les deux sorties du carnaval. « Je suis très relationnelle avec les personnes, j’ai une approche facile et naturelle. Je vais vers les enfants et je propose les paquets de confettis. Les gens sont vraiment sympas ! » Sa technique est rodée depuis plusieurs années. Maha est une bonne commerciale. «Bien sûr que je serai présente l’an prochain aussi, et dans 10 ans ! »

"Coup de chapeau au carnaval d'Albi 2018". Un long format de la rédaction de La Dépêche du Midi.

Photos : Emilie Cayre et Marie-Pierre Volle
Mise en page et légendes : Béatrice Dillies.
© La Dépêche du Midi, mars 2018.