Albi attire et s’exporte

Les 30 ans du jumelage avec Gérone, les 10 ans de la coopération avec Abomey au Bénin… et bientôt la signature d'un nouveau jumelage avec la ville chinoise de Lijang. Décidément, 2016 a des forts accents cosmopolites pour Albi. Après sa reconnaissance par l’UNESCO en 2010, la ville a pris une nouvelle envergure aux yeux du monde. Résultat, 40 à 50% des 650.000 personnes qui visitent tous les ans la cathédrale, depuis cette labellisation, ont une nationalité étrangère. 

La notoriété de la fac Champollion et de l’École des Mines participe également de l’engouement en attirant un flot toujours plus grand d’étudiants étrangers dans le Tarn. Mais l’attrait pour Albi n’est pas que touristique ou estudiantin. Les Anglo-Saxons, retraités pour la plupart, continuent d’acheter dans le Tarn, et à Albi plus particulièrement, malgré un Brexit qui diminue leur pouvoir d’achat. 

Le tissu associatif albigeois, qui compte une trentaine de structures tournées vers l’international, joue pleinement son rôle de promotion et d’assistance, comme le montre l’exemple de l’association Albi-Abomey. 

Mais si les étrangers sont bons pour l'économie locale, ils participent également à la balance des paiements française, et donc à la bonne santé des entreprises du Grand Albigeois qui exportent. Elles sont 51 dans ce cas, sur les quelque 3.500 entreprises que compte la communauté d'agglomération.

Petit tour d’horizon.

Albi attire des étudiants du monde entier

Promotion 2015 de l'Ecole des Mines au Grand théâtre des Cordeliers, à Albi. / Photo DDM, Emilie Cayre

Albi accueille deux établissements d'enseignement supérieur majeurs: l'université Champollion et ses 2700 étudiants, l'École des Mines avec 880 élèves-ingénieurs, ce qui fait de la capitale tarnaise une destination de choix pour les étudiants internationaux. En échange ou en Erasmus, les étrangers se croisent tout au long de l’année dans les rues du centre-ville. 

Pour les accueillir, l'Institut National Universitaire Champollion développe une vingtaine de programmes d'échanges dans la cadre de partenariats avec des universités étrangères. Dès leur arrivée, les étudiants -ils représentent 10 à 12% des effectifs de l'université - sont invités à se présenter au Service des Relations Internationales où tous les renseignements concernant leur séjour leur sont donnés.

De son côté, l’École des Mines, qui travaille déjà avec 1000 entreprises partenaires dans le monde, profite de sa notoriété pour voir grand. Le responsable des Relations Internationales, Radu Barna, ne cache pas les ambitions de l’école

120 étudiants de 30 nationalités à l'Ecole des Mines

«Pour développer notre offre internationale, nous proposons toujours plus de cours en anglais dans certains cursus.» Et ça marche. Les Mines d’Albi reçoit chaque année 120 étudiants étrangers, de 30 nationalités différentes, majoritairement des Brésiliens, des Indiens et des Chinois et bientôt des Irakiens et des Burkinabés. 

Récemment en visite officielle en Iran, Radu Barna cherche à établir de nouveaux contrats. «Mines Télécom, le regroupement des écoles des Mines en France, a des pays cibles, souvent des pays émergents. À Albi, nous sommes en charge de développer les relations avec les écoles d'ingénieurs de Colombie.» C’est Alexis Carrière qui se charge des relations entre les Mines et les meilleures écoles colombiennes. «On trie les universités sur le volet. Nous avons plusieurs partenaires en Colombie, notamment à Bogota et à Medellin.»

Alexis accompagne ce jour-là, Rafael, un étudiant colombien qui vient justement de l'université de Medellin. C’est le premier élève de cette faculté à venir à Albi. Il est dans le Tarn depuis en juillet 2016 pour perfectionner son français avant le début de son cursus en ingénierie biotechnologique. Bien qu’il loge sur le campus, Rafael a repéré les coins stratégiques. «Le centre d’Albi est très agréable. Je vais à la cathédrale tous les dimanches et j’ai même repéré une bonne pizzeria dans le centre-ville! »

De retour dans leur pays avec leur diplôme en poche, ces étudiants seront à n'en pas douter de futurs ambassadeurs de la Cité épiscopale, sur un plan touristique bien sûr. Et, pourquoi pas, en nouant des échanges économiques entre leurs entreprises et les entreprises tarnaises. 

Coopération : Albi en Espagne, au Bénin et bientôt en Chine

Visite d'une délégation d'Abomey à la mairie d'Albi. / Photo DDM

«2016, c'est l’année des anniversaires pour la mairie d’Albi.» 30 ans de jumelage avec Gérone, 10 de coopération avec Abomey. La maire de la ville, Stéphanie Guiraud-Chaumeil, est enthousiaste lorsqu’on évoque la question internationale. Un chantier qu’a commencé son prédécesseur et auquel elle tient, même si le choix a été fait de ne pas se perdre dans la signature de nombreux partenariats internationaux. «On veut plutôt s'inscrire dans la durée, dans la confiance», avance la maire.

Gérone : un pont vers la Catalogne

Albi compte pour le moment un jumelage avec Gérone, dont on a fêté les 30 ans cette année. Depuis le 9 juin 1985, c’est le plus grand partenaire de la ville. Les deux partenaires, situés à 3 heures de route l'un de l'autre, ont tout pour plaire aux amateurs d’histoire et de belles pierres.
«Outre le parallèle avec l’UNESCO, nous servons d’intermédiaire à des échanges économiques et les Catalans sont le premier contingent touristique d’Albi», confie Stéphanie Guiraud-Chaumeil. Au-delà des échanges culturels, scolaires et sportifs, Albi participe à la foire économique de sa jumelle et réciproquement.

Des médecins albigeois à Abomey

Depuis la signature de la convention-cadre entre Albi et Abomey en juin 2005, les deux villes ont noué des liens étroits qui donnent lieu chaque année à des échanges entre les deux collectivités, mais aussi entre les associations locales. Aujourd'hui, les projets de la ville d'Albi portent principalement sur la réhabilitation du patrimoine d'Abomey (l'Unesco a inscrit l'ancienne capitale du Dahomey au patrimoine mondial de l'Humanité en 1982), le développement du tourisme, de l'éclairage public et des réseaux d'adduction d'eau. Mais le partenariat est aussi médical.

Abomey, c'est un seul hôpital pour 100 000 habitants. On totalise un chirurgien et une poignée de médecins pour répondre aux besoins des habitants, qui sont privés de système de santé. Cette pénurie médicale était une des cibles de la signature de la coopération stratégique entre Albi et Abomey en 2005.
«La ville a fait appel à des médecins albigeois pour développer des liens avec Abomey, raconte Fabrice Rezungles, un des médecins de l'association. C'est comme cela qu’est née Coopération Santé Albi-Abomey.» 

Coopération Santé Albi-Abomey regroupe aujourd’hui cinq médecins d’Albi

Bien que les Béninois demandent avant tout du matériel, l’association cherche à développer des échanges de savoir-faire. Des élèves-infirmières tarnaises partent à Abomey pour des missions de six semaines. «Avant, nous devions faire le tri parmi les volontaires, regrette Fabrice Rezungles. Aujourd’hui, l’Afrique n’est plus à la mode, l’Afrique fait peur.» Le souci majeur étant celui des infrastructures, Coopération Santé Albi-Abomey envoie régulièrement des conteneurs remplis de matériels (voir photo).

Dans le conteneur envoyé en juillet 2016, on trouve des outils médicaux de bases mais aussi des panneaux photovoltaïques pour généraliser l’électricité dans les hôpitaux. Bien que la collaboration d’Albi soit une goutte d’eau, il permet aux Béninois d’accéder aux soins dans un pays où la majorité des médecins travaillent… en France.

Lijang, porte d'entrée du marché chinois 

Le tourisme et l’UNESCO, points importants des partenariats avec Gérone et Abomey, sont aussi des éléments fondamentaux qui ont motivé le rapprochement avec Lijang, une "petite ville" chinoise de 1,2 million d’habitants. Car si Lijang compte trois biens inscrits au patrimoine mondial de l'humanité, elle peut aussi ramener des touristes à la capitale tarnaise. «Nous savons que les Chinois sont maintenant très sensibles aux vignobles français, continue la maire. Et un grand magazine chinois a fait un reportage sur la ville d’Albi.» De quoi attirer des touristes mais aussi des étudiants, déjà nombreux à l’École des Mines. 


A ce stade, la mairie d’Albi ne cherche pas d’autres partenaires. «Nous donnons la chance à ce nouveau jumelage (Lijang) de rester opérationnel avant d’entamer d’autres démarches», explique Stéphanie Guiraud-Chaumeil.

Les touristes étrangers plébiscitent Albi 

L'inscription de la Ville d'Albi au Patrimoine mondial de l'humanité a incontestablement amélioré la visibilité de la Cité épiscopale à l'international. L'office du tourisme le mesure à une petite échelle avec les demandes de renseignements. Ainsi, le nombre de contacts moyens à l'office du tourisme est passé de 33 à 36.000 en moyenne avant 2010 à 50 ou 51.000 après. Quand les touristes précisent leur nationalité, ce qui n'est pas toujours le cas, il apparaît que 29 à 31% des demandes de renseignements émanent d'étrangers. 

Plus révélateur du poids du tourisme dans l'économie locale, le nombre d'entrée à la cathédrale d'Albi. En 2008, deux ans avant l'inscription au Patrimoine mondial, 580.303 personnes avaient visité la perle de la Cité épiscopale. Un chiffre qui a atteint les 650.000 après 2010, dont 40 à 50% de visiteurs de nationalité étrangère selon les années. Une clientèle qui pèse forcément dans le chiffre d'affaires des commerçants et des hôtels.

Immobilier : les Anglais toujours attirés par le Grand Albigeois

A Saint-Christophe, les anglo-saxons représentent la moitié de la population.

« Il y avait un grand engouement jusqu'à la crise de 2007. » Angelika est agent immobilier à « l’Union », un établissement tarn-et-garonnais basé à Saint-Antonin Noble-Val et spécialisé dans la vente de biens aux étrangers. L’agence vend une cinquantaine de maisons par année à des étrangers dans l’Ouest du Tarn. « C’est bien sûr majoritairement des Anglais, mais nous avons aussi des Australiens, des Belges, des Hollandais. » Les prix de l’immobilier en baisse auraient dû avoir un impact positif sur les ventes aux expatriés. Mais...

Un événement est venu perturber le quotidien de l’agence l’Union : le Brexit. La sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne fait craindre à Angelika une chute brutale de l’exode britannique dans le Tarn. À l’agence Midi Immobilier, M. At craint le même scénario. « La livre sterling a beaucoup perdu depuis deux mois. Ils ont 20 % de pouvoir d’achat en moins. » Il préfère se souvenir de l’élan des années 1990. 

Le coeur historique d'Albi valeur refuge après le Brexit

« Les Anglais étaient très demandeurs de maisons isolées dans le triangle d’or Cordes-Gaillac-Albi. Mais ensuite, la tranquillité s’étant transformée en ennui, ils se sont regroupés vers Castelnau-Montmirail et Mirandol-Bourgnounac.»
Ils forment des communautés, comme à Saint-Christophe où ils représentent la moitié des habitants. Lui aussi a vu le nombre d’intéressés chuter brutalement en 2007. D’après les dernières ventes de son agence, les étrangers viseraient maintenant le centre historique d’Albi. « Les prix dans le centre d’Albi restent moins chers qu’en Dordogne et ou sur la Côte d’Azur. La médiatisation de l’Unesco a aussi beaucoup pesé dans la balance. »

51 entreprises exportatrices dans le Grand Albigeois

Façade de Flot Control Technologies à Saint-Juéry : une vitrine du savoir-faire tarmais. / Photo DDM, Emilie Cayre

A l'écart des grands axes routiers, même si l'A 68 a amélioré les choses, le Tarn est loin d'être le premier département exportateur de la région. Le Grand Albigeois a fortiori. Et pour cause, sur 15.600 entreprises, le service des douanes n'en voit que 288 procéder à des exportations, soit 1,85%. Une proportion qui tombe à 1,45% dans le Grand Albigeois, avec seulement 51 entreprises exportatrices sur 3.500. Toutefois, ces entreprises pèsent particulièrement dans l'emploi local, bien plus en tout cas que toutes les entreprises de service ou liées au tourisme local qui, par définition, n'exportent pas. 

Autour de la Cité épiscopale, la palme de l'exportation revient à Lall Storm SDT Valves, héritier flamboyant des Forges du Saut du Tarn, plus connu depuis 1982 sous le nom de Flot Control Technologies, une entreprise du groupe Pentair spécialiste des robinetteries destinées aux grands pétroliers. Autant dire que, vu le marché, cette entreprise de 150 personnes basée à Saint-Juéry réalise "pratiquement la totalité du chiffre d'affaires à l'exportation". Luca Ciccarelli, le directeur, n'en tire pas de gloire particulière. Rares sont les plateformes pétrolières, même offshore, en France. Mais de là à être en tête de seulement 51 entreprises exportatrices dans le Grand Albigeois! "C'est vrai qu'il y a des pour et des contre à être du côté d'Albi quand on exporte. Mais pour nous, ça ne pose pas de problèmes particuliers. Si on était à côté de l'aéroport de Toulouse-Blagnac, ça ne changerait rien."

Dans le Top 3 des entreprises du Grand Albigeois qui exportent, on trouve aussi la VOA, bien sûr. Avec un million de bouteilles de 200 modèles différents, il s'agit tout de même de la troisième verrerie de France.
Et, en troisième position, Phodé, une entreprise où l'on n'hésite pas à prospecter dans des pays à risques, comme l'Irak ou l'Iran, pour vendre des compléments alimentaires pour animaux particulièrement recherchés par les éleveurs du monde entier. Particularité de cette société, elle a déjà participé à une opération humanitaire pour aider les réfugiés au Kurdistan, en lien avec l'association Franco-Kurde de Midi-Pyrénées basée... à Albi. Un geste altruiste que les investisseurs kurdes n'ont pas oublié. Les entrepreneurs qui travaillent à l'export le savent: il faut savoir donner pour recevoir. En la matière, Phodé est un exemple à suivre. 



"Le @grandalbigeois attire et s'exporte". Un long format de la rédaction de La Dépêche du Midi.
Mise en page : Béatrice Dillies.
Textes : Noé Hochet et Béatrice Dillies
Photos La Dépêche du Midi : Marie-Pierre Volle (dont photo de couverture) et Emilie Cayre.
Sites et vidéos en lien : la Ville d'Albi, ladepeche.fr, Béatrice Dillies.
© La Dépêche du Midi, septembre 2016.