Pour Rebecca Amsellem, 
il y a autant de féminismes 
que de femmes

Elle a fondé Les Glorieuses : une newsletter et une association pour stimuler les consciences féministes. 

Les Glorieuses ont fait brutalement leur irruption dans l'actualité et le gargouillis des réseaux sociaux moins d’un an après la création de leur newsletter. A l’automne 2016, elles lancent l’appel du « 7 novembre 16 h 34 ». Sur le modèle d’une mobilisation islandaise, elles incitaient les femmes à cesser le travail à cet horaire-là pour protester conte les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Passé ce moment, estiment-elles, leur travail n’est plus rémunéré jusqu’à la fin de l’année du fait des différences entre les rémunérations. 

Un premier message viral

Soutenu par Laurence Rossignol, Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, relayé par les médias et prolongé par les réseaux sociaux, l’appel fait beaucoup de bruit. Et suscite aussi quelques critiques sur la portée d’une telle initiative. Voire des jalousies même face à la viralité du message. « Dès qu’on fait quelque chose qui fonctionne, on s’attire des critiques, concède la fondatrice Rebecca Amsellem. Quand nous avons lancé notre appel, nous ne pensions pas que ça allait fonctionner ainsi. Je passais ma thèse la semaine suivante en plus. Ceci dit, les critiques, il faut aussi savoir les intégrer, c’est comme ça qu’on avance. Avec l’expérience, on affine notre stratégie de sensibilisation. » Car les Glorieuses ont l’ambition de ne pas s’arrêter à cette petite visibilité.

Les Glorieuses est une newsletter féministe lancée en octobre 2015 traitant de sujets liés à la politique, la maternité, la culture, le sexe… 

Le site - lesglorieuses.fr - met également en avant 

« les dix infos féministes de la semaine, la Glorieuse de la semaine, le carnet des événements »

« Il faut un retour de sensibilisation autour du droit des femmes, estime cette docteur en économie. Nous n'allons pas révolutionner le combat en un jour mais par nos mots nous voulons toucher des personnes, qu’elles s’approprient ce mouvement. » Et le but premier des newsletters aujourd’hui suivies par plus de 65.000 lecteurs est de « déculpabiliser les femmes. On parle de tous les sujets et on cherche à se débarrasser de ces petites voix dans nos têtes qui nous encombrent depuis l’adolescence ». Mais sans jamais donner de leçons ou de conseils. Sauf un. « Celui de ne pas passer d’une injonction à une autre : bien s’habiller, bien élever ses enfants, avoir un corps parfait… je dis à nos lecteurs, pensez par vous-même. Doris Lessing disait : pensez si ça vous plaît mais pensez par vous-même ». 

" Je pensais que si les femmes prenaient conscience de ce qui leur manquait, on arriverait facilement à l'égalité. Mais non, encore plus en temps de crise,
il faut toujours se battre. "

Un exemple ? « On ne va pas culpabiliser de porter ou pas du maquillage. Nous avons envie de dire : " vous faites ce que vous voulez “. Faites-le pour vous ou pour la personne que vous aimez. Mais il ne faut surtout pas tomber dans le syndrome de la femme parfaite. » Mais il y a surtout le sentiment de voir aussi les droits des femmes mis en danger et de voir revenir un « certain nombre d’injonctions sociétales » qui rendent de moins en moins audibles les discours féministes. 

« Quand je me suis engagée dans le féminisme, je ne pensais pas que l’égalité hommes femmes était aussi lointaine. Je pensais que si les femmes prenaient conscience de ce qui leur manquait, on arriverait facilement à l’égalité. Mais non, encore plus en temps de crise, il faut toujours se battre. Aux postes de pouvoir, en politique, dans les entreprises… les femmes n’ont pas autant de poids. »

Et la voie nouvelle qu'empruntent Les Glorieuses est celle du pluralisme. « Si nous sommes là c’est parce que les Femen étaient là avant nous. Même si nous ne sommes pas d’accord sur tous les points, leur action est une formidable action de communication ». 

Pour Rebecca Amsellem « il y a autant de féminismes que de femmes » et c’est la « pluralité de points de vue » qui rendra le message plus fort. « Nous appeler des féministes du quotidien ? Pourquoi pas. Nous voulions dire qu’il n’y a pas besoin de manifester tous les week-ends, se montrer seins nus, poster des messages Facebook enragés pour être féministe. On peut être féministe chez soi. Et avoir un impact sur les hommes. Ce n’est pas une guerre entre les genres. C’est une paix entre les genres que nous voulons. » 

Rebecca Amsellem n’est pas née féministe. Elle reconnait avoir grandi dans un milieu familial préservé où l’égalité entre les hommes et les femmes était palpable. « Mon arrière-grand-mère a été la première designeuse de meubles au Canada » raconte-t-elle pour expliquer la force de caractères de ces exemples qu’elle avait à proximité. « On ne m’a pas emmené dans une manifestation féministe, il n’y a pas eu de déclic » dirigé par sa famille. Mais elle a progressivement pris conscience des enjeux.

> Rebecca Amsellem a 28 ans.
> Elle est docteur en économie 
à l'université Paris I Panthéon Sorbonne.
> Chargée de cours 
à Sciences Po Paris et à l'IESA.
> Elle écrit dans " Femmes ici et ailleurs ", 
Elle et collabore avec l'agence de 
communication féministe Mad&Woman
> Son activité principale est 
de coordonner l'activité des Glorieuses

Le but des Glorieuses : déculpabiliser les femmes et les inciter à penser par elles-mêmes.

Elle considère que la famille reste le premier cercle dans lequel doit se développer ce sentiment d'égalité. Il conditionne beaucoup de choses. Le suivant est celui de l’école et « malgré le boulot d’enfer des professeurs, si le programme ne suit pas, l’égalité ne peut pas progresser. Pour nous l’histoire de France est biaisée parce que le féminisme est mis de côté. C’est hallucinant de devoir batailler pour voir rentrer les femmes dans l’histoire. » 

Les Glorieuses militent donc pour plus de diversité. « Mais pour l’émergence de ces connaissances, il faut des recherches, il faut des financements qui sont… décidés par des hommes. » Elle souhaiterait, par exemple, que le discours de l’écrivaine nigériane Chimamanda Adichie soit étudié au lycée. Son livre, Nous sommes tous des féministes est offert aux lycéens suédois de 16 ans. « Cela permettra de connaître le message d’une féministe non occidentale et aussi de mettre au programme une femme et une non-blanche. »

C’est aussi comme ça que Rebecca Amsellem construit ses articles pour le site. « Dans mon idée de départ, je voulais montrer qu’il existe un véritable panorama de points de vue et inviter les lecteurs à se faire le leur. Nous voulons être accessibles pour tous, pas besoin de bagages. Mon propos, mon fil de pensée, est accompagné de citations. » D’ailleurs dans son tout petit bureau épuré. La guirlande de lettres lumineuses à l’effigie des Glorieuses dispute le peu de place à une montagne de livres, tous liés de près ou de loin à la cause des femmes. Des ouvrages qui ont été aussi ses livres de chevet.