Ces Bains-Douches 
qui baignent le Berry 
de chansons

En 2018, les Bains Douches de Lignières (18) fêteront leurs 40 ans. Leurs fondateurs, Annie et Jean-Claude Marchet passent la main en 2017. 

Pour arriver jusqu'à Lignières, il faut traverser le Berry. Que ce soit la Champagne berrichonne, le Boischaut sud ou la Brenne. A mesure qu’on approche, les vallons, comme de petites vagues sur une mer bosselée de verdure font apparaître puis disparaître les clochers des villages au milieu des bosquets, des champs de blé ou de colza. Au cœur de cet océan de ruralité, un village de 1.500 habitants, ses cinq restaurants, son café et sa foire aux ânes. Mais aussi une salle de spectacle qui n’a rien à envier aux structures urbaines de même type. Aux Bains Douches, les loges des artistes donnent sur un petit jardin et les couloirs serpentent entre des bâtiments que l’activité du lieu a peu à peu ralliés à sa cause.

Au déBUT, une association : " Rencontre et loisirs ", fondée en 1978 à Lignières

Au fond de la scène, caché derrière les épais rideaux noirs, un vieil écran de cinéma. Comme le symbole d'une aventure de près de 40 ans pendant lesquels Annie et Jean-Claude Marchet, entourés de dizaines de bénévoles acharnés, ont transformé une petite salle des fêtes et de projection en un outil culturel de pointe. Un lieu où non seulement plus de 1.000 grands et futurs noms de la chanson française sont passés se produire, créent leurs spectacles et rencontrent le public mais aussi un endroit où parents et enfants écrivent ensemble des chansons, où on vient chanter…

Une salle moderne de 
350 places assises. 
Un budget annuel 
de 800.000 euros. 
Plus de 350.000 spectateurs 
accueillis depuis 1978.

Jean-Claude Marchet directeur de la structure professionnelle et Annie Marchet, présidente de l'association Les Bains Douches. (photo Olivier Pirot)

« Ce qui nous a toujours animé c'était d’avoir une approche très pro dans l’accueil et la diffusion » raconte Jean-Claude Marchet, le directeur. Pour que les gens s’emparent du lieu. « Le plus important pour nous était de créer du lien et des échanges » se rappelle Annie Marchet, la présidente de l’association Les Bains Douches et directrice adjointe. « Il fallait faire aimer le Berry aux artistes – à l’époque c’était plus péjoratif qu’aujourd’hui – et il fallait que les gens d’ici puissent entendre des choses qui les enrichissent, leur faire remettre des choses en question. Nous voulions apporter la culture au plus grand nombre. Parce que c’est la culture qui rend heureux, qui permet de combattre la sauvagerie et qui rend les gens ouverts. »

Jean-Claude Marchet prend même un congé sans solde pour partir faire de la prospection au Québec. « Dans les années 1980, on rencontre Pauline Julien, Fabienne Thibeault… On a Anne Sylvestre – qu'on adore – à table, alors que je jouais toutes ses chansons à la guitare ! » raconte Annie Marchet

Les Marchet ne sont donc jamais tombés dans la facilité. « Nous avons toujours été à la recherche d'artistes avec une singularité. » Au delà de faire vivre une structure de sept salariés permanents, leur fierté est d’avoir fédéré un public fidèle qui fait confiance à l’équipe. 

« On dit aux gens : " soyez curieux " et ils le sont, apprécie Jean-Claude Marchet. Qu’ils soient conquis ou qu’ils peinent à entrer dans un univers, ils discutent après les concerts. C’est un processus long que de convaincre un public important de répondre présent aux rendez-vous que nous organisons, quasiment chaque semaine. Ce n’était pas pensable il y a 20 ans. Aujourd’hui, nous avons la chance que pour un vernissage, une soirée avec des collégiens, dans la salle à manger un dimanche après-midi… les gens viennent. » Y compris au festival L'Air du Temps, lancé en 1988 et qui se tient traditionnellement sur le week-end de l'Ascension. 

Et le tout sur un « territoire pas très riche » où les Bains Douches ont toujours cherché à accueillir tout le monde, via des tarifs privilégiés, quitte à accompagner les gens pour qu’ils poussent la porte. « On ne met personne dehors après les concerts, sourit Jean-Claude Marchet. Une heure après, il y a toujours entre 80 et 100 personnes qui restent discuter ».

2010-2011. 17 mois de chantier. 

3,5 millions d’euros  de travaux portés. 

200.000 euros investis par L'association des Bains Douches pour le mobilier, l’éclairage de la scène, la création sérigraphique de la façade…

Le projet a été financé par la Drac, la Région, le conseil général du Cher, des fonds européens et du patrimoine, le CNV et la commune. (photo archives NR).

Cette philosophie s'étend aussi aux jeunes du territoire. Les Bains Douches travaillent avec tous les établissements scolaires « de la maternelle au lycée » situés à une quarantaine de kilomètres autour du lieu. Cela passe par une programmation jeune public bien entendu mais aussi par une approche pluridisciplinaire via des ateliers de sensibilisation au spectacle vivant, des ateliers chanson où des artistes se rendent dans les classes pour créer avec les élèves. « C’est important pour les enfants souligne – celle qui est aussi institutrice – Annie Marchet. Ça les change. En passant par l’art, on peut modifier leur comportement, capter leur attention… » 

" Cela montre aussi aux jeunes que les métiers du spectacle c'est aussi possible pour eux " Annie Marchet. 

Résultat, des « bébés Bains Douches » travaillent aujourd’hui dans les métiers du spectacle. Corentin Guiblin, par exemple, a été embauché comme régisseur son. D’autres sont administrateurs de pôles comme la Maison de la culture de Bourges, coordinateurs culturels de territoires… « Cela montre aussi aux jeunes que les métiers du spectacle c’est aussi possible pour eux ». Leurs enfants y compris. Yann travaille dans le milieu du cinéma et des lieux de tournage en France tandis que Florent a sorti cinq albums à chaque fois salués par la critique.

Plus de 1.000 artistes se sont déjà produits aux Bains-Douches, dont Clarika. (archives NR Olivier Pirot)

Cette transmission va prendre un aspect tout particulier cette année. Jean-Claude et Annie Marchet vont passer la main fin 2017. « On veut absolument réussir » cette étape dit sans détour Annie Marchet. « Il y a une équipe professionnelle très investie et des bénévoles très soucieux de participer à cette évolution ».

« Il y a de la place pour les nouveaux talents » confie Jean-Claude Marchet, ancien employé de banque devenu directeur de structure culturelle, « plutôt serein ». Et pour lui, ce n'est pas peu dire. « Les Bains Douches est un lieu labellisé » (pôle chanson régional) précise-t-il, soutenu aujourd’hui par l’État et les collectivités. Même s’il faudra sûrement chercher à élargir le réseau local. « Un appel à candidature a été lancé. Il y aura un premier jury avec une short-list de quatre personnes : deux hommes, deux femmes. » Surtout, ils laissent à leurs successeurs un outil formidable. 

« Pour nous, c’est le bon moment. La nouvelle salle a demandé beaucoup de travail en amont. Et au bout de 5 ans, les choses sont bien posées. » En attendant, il y a une nouvelle saison à préparer. Et à voir le nombre de disques – « je suis en période d’écoute » – encore éparpillés sur le bureau du directeur, la programmation sera belle et inédite.

1988. Les Bains Douches 
lancent l’Air du Temps,
 leur festival consacré à la chanson. 
La 26e édition se tient 
du 24 au 27 mai 2017

Franck Monnet lors de l'ouverture 2007  de l'Air du Temps (archives NR Olivier Pirot)

1994. Premières résidences de création. Plus de 70 spectacles ont été créés sur place dont Clarika, Da Silva, Fred Radix, Alex Beaupain, Daphné… 

ou ici Fred Radix

(archives NR Olivier Pirot)