Portrait d'un spécialiste des cheveux afro

Gilles Boldron, coiffeur martiniquais de Paris

Avec deux salons parisiens, le coiffeur martiniquais Gilles Boldron, 39 ans, a bâti une solide réputation. Bercé par un papa coiffeur et une maman ancienne miss Martinique, il s'est formé aux Etats-Unis pour devenir expert des cheveux afro.

Au cœur des beaux quartiers de la capitale, derrière la vitrine d'un immeuble haussmanien du 1er arrondissement, le salon de coiffure de Gilles Boldron se remplit. Des femmes aux cheveux raides, afros, crépus, frisés, défrisés, ondulés, passent la porte d’entrée et s’installent dans les fauteuils cosy du salon. Vêtu de noir, souriant et attentionné, Gilles Boldron accueille Chantal, une Antillaise habituée des lieux. "C’est tellement difficile de trouver un bon coiffeur pour nos cheveux afro que lorsqu’on en a un, on ne le quitte plus", s’exclame Chantal qui vient toutes les six semaines pour une coupe et un défrisage.

"Les cheveux afro sont venus à moi"
Gilles Boldron

"Plus un cheveu raide d'ici cent ans"

A 39 ans, ce coiffeur d’origine martiniquaise est devenu un spécialiste des cheveux afro. Son carnet de rendez-vous affiche complet pour les quatre prochaines semaines. Face au succès, Gilles Boldron a même ouvert un deuxième salon dans le 3e arrondissement.

"Je n’avais pas l’intention de me spécialiser, les cheveux afro sont venus à moi grâce au bouche-à-oreille des clientes", raconte Gilles Boldron qui déplore "le manque de professionnels des cheveux afro en France". "Nous sommes très en retard par rapport aux Etats-Unis. Pourtant, d’ici cent ans, il n’y aura peut-être plus un seul cheveu raide grâce au métissage, explique-t-il. Des écoles de coiffure afro commencent tout juste à voir le jour, mais ce n’est pas une solution. Il faut que l’ensemble des écoles de coiffure en France prennent en compte les cheveux afro et proposent des formations adaptées à tous les coiffeurs".

Les cheveux afro de père en fils

Les cheveux crépus, c’est un peu une histoire de famille chez les Boldron. "Mon papa vient de prendre sa retraite après 54 ans dans la coiffure", raconte fièrement Gilles. Formé aux Etats-Unis, Didier Boldron était l’un "des premiers Blancs à coiffer les Noirs en métropole". " Il avait 10 ou 20 ans d’avance, on le regardait bizarrement à l’époque", s’amuse son fils. 

Spécialiste de l'afro, le père de Gilles est même "appelé par le comité Miss France et Madame de Fontenay en 1974". "Ils avaient besoin de moi pour coiffer les miss antillaises dans un grand hôtel parisien le soir de l'élection, se souvient Didier Boldron. Parmi elle, il y avait miss Martinique qui est devenue ma femme".

"Il faut que les écoles de coiffure prennent en compte le cheveu afro"
Gilles Boldron

Formation aux Etats-Unis

Né à Paris, d'une maman ancienne miss Martinique et d’un papa coiffeur, Gilles Boldron, se forme dans la capitale et touche très vite aux cheveux afro dans le salon familial du 9e arrondissement. "Même s’il avait baigné dans l’afro, au début je le voyais partir sur du cheveu caucasien car c’était sa formation et il travaillait dans les salons chics de Paris, raconte son papa. Et puis, il y a eu les Etats-Unis".

Comme son père, Gilles Boldron est parti en Caroline du Nord suivre une formation dans la prestigieuse université Dudley, spécialisée dans les cheveux frisés.

10 ans chez l'Oréal

Après un passage en Martinique pour compléter son cursus, Gilles Boldron intègre l’Oréal, le géant du cosmétique, au début des années 2000. "Je me souviens de l’entretien d’embauche, la situation était surréaliste, raconte Gilles. Ils ne me posaient pas de question sur ma motivation mais sur le cheveu afro dont ils ne connaissaient rien. Il y avait tout à faire".

Gilles Boldron devient alors formateur pour la marque et parcourt les salons très prisés en Europe, en France hexagonale et Outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion). "J’aime l’aspect mode, fashion", explique celui qui a eu l’occasion de coiffer quelques têtes célèbres comme l’ancienne miss France, Sonia Rolland. Après dix ans d’expérience chez l’Oréal, le jeune Martiniquais a ouvert en 2011 son propre salon à Paris. "Une nouvelle aventure où il a fallu apprendre à gérer toute la partie administrative : un autre métier", sourit-t-il.

"Les clientes ont trop souvent vécu des expériences traumatisantes avec des défrisages agressifs"

Défrisage et naturel

Dans son salon, Gilles Boldron maîtrise les techniques du défrisage "dans le respect du cheveu et du cuir chevelu". "Les clientes ont trop souvent vécu des expériences traumatisantes avec des défrisages agressifs", déplore ce professionnel très à cheval sur "l'entretien et l’hydratation du cheveu".

Riche de son expérience, le coiffeur martiniquais est aussi devenu un expert de la coupe sur cheveu naturel. "Avant il n'y en avait que pour le défrisage. Aujourd’hui beaucoup de femmes sont prêtes à franchir le pas et revenir au naturel. C’est une décision très personnelle pour elles. Être "nappy" n’est toutefois pas nouveau, à 10 ans je voyais déjà mon père faire des coupes afro dans son salon, disons que cela se démocratise", remarque ce coiffeur polyvalent qui s’adapte aux cheveux crépus comme aux cheveux raides.

"Être nappy n'est pas nouveau"

Fatou N'Diaye et les blogs

Si Gilles Boldron se fait sa réputation via le bouche-à-oreille de ses clientes qui vantent ses "doigts de fée", il bénéficie aussi des éloges de bloggeuses célèbres. Parmi elles, Fatou N’Diaye. Egérie Kookai et l’Oréal, elle vient régulièrement se faire coiffer par Gilles Boldron et n’hésite pas à partager sa satisfaction sur son blog Black Beauty Bag. "Après chacun de ses passages, le téléphone sonne sans arrêt au salon, c’est bon signe", se réjouit Gilles Boldron qui a su se faire, en quatre ans, une solide réputation.

Pour regardez un extrait de la coiffure de Fatou N'Diaye, cliquez ici :

                                                                                                  Laura PHILIPPON