La grande histoire du Tour de France à Limoges

De 1951 à 2009
Récit de Xavier Georges

Le Tour de France a déjà fait étape 14 fois dans la capitale limousine. Sa magie, sa ferveur et toute sa passion, voici ce que notre journaliste Xavier Georges, qui suivra au plus près le Tour de France 2016, a voulu retranscrire dans cette rétrospective... 


1951. Grande première dans son histoire, la capitale limousine est l'hôte de la Grande Boucle. Une véritable ferveur accueille les coureurs à leur arrivée dans la ville après un périple de 241 km en provenance d’Angers. L’ambiance est chaude sur le bord de la route, mais elle l’est tout autant au cœur du peloton. Précisément, les hommes forts et tous leurs concurrents ont sensiblement haussé le rythme à hauteur de Bellac sous l’impulsion d’un Nello Lauredi intenable. Mais au terme d’un final au couteau, c’est le Belge André Rosseel qui règle tout le monde au sprint après 7h08’20’’ de course… Pour la victoire finale à Paris, c’est le Suisse Hugo Koblet qui met tout le monde à la raison, s’adjugeant son premier Tour de France. 

Pour la petite histoire: L’effervescence, l’enthousiasme du public, la rigueur de l’organisation ont conquis les organisateurs du Tour de France qui a accordé une autre étape à Limoges dès l’année suivante. 


1952. Dans la mémoire collective des Limousins, l'édition 1952 a sans doute beaucoup plus marqué les esprits que sa devancière. Le jour de cette 20e étape, après un départ donné de Bordeaux pour 228 km, les débats vont très vite s’animer. Les Français Rémy et Teisseire, imités par les Italiens Corsieri et Milano, sont les premiers à mettre le feu aux poudres. Et tout au long du parcours, c’est une succession d’attaques qui rythme la journée. 

À 32 km de l’arrivée, Jacques Vivier, Périgordin de Ribérac mais régional de l’étape (le Limousin était à l’époque rattaché à la Dordogne), effectue un beau retour à hauteur des échappés. Coppi, grand seigneur, lui laisse son heure de gloire et c’est une ovation énorme du "Municipal’’ de Beaublanc qui salue la victoire de Vivier.

Pour la petite histoire… : Cette année-là, Fausto Coppi réussit le doublé Giro – Tour, une performance jusque-là inédite. 



1960. 240 km séparent Angers de l’arrivée de cette 8e étape et c’est un fort vent d’Italie qui va souffler à Limoges. Au terme d’un sprint acharné, Nino Defilippis coupe en effet la ligne en tête devant ses compatriotes Battistini et Pambiaco. L’Italie va d’ailleurs pleinement triompher lors de cette édition puisque c’est Gastone Nencini qui remporte cette 47e édition devant Graziano Battistini.


Pour la petite histoire… : Anquetil absent, Roger Rivière est le grand favori de cette édition. Mais dans la descente du col du Perjuret, en plein cœur des Cévennes, il chute lourdement. Résultat : colonne vertébrale touchée, sa carrière est brisée nette.



1963. Depuis un an déjà, la France est divisée en deux avec les pro-Anquetil et les pro-Poulidor. En 1962, le Normand a remporté son troisième Tour, le Limousin montant sur la 3e marche du podium. Mais à Limoges, tout le monde ne vibre que pour l’enfant de Saint-Léonard.  

Sur la route, les cadors ont toutefois tiré le verrou, n’accordant pas la moindre liberté à leurs adversaires. Dès lors, comme au cours des jours précédents, la force prévaut. Et c’est finalement Janssen qui se détache à 1 km du stade municipal et qui s’impose devant Van Looy. 

Pour la petite histoire : A l’arrivée au Parc des Princes, Jacques Anquetil se fait ovationner tandis que Raymond Poulidor se fait siffler par un public déçu de sa 8e place.

Poulidor s'aligne en grand favori...

1967. Deux fois deuxième et deux fois troisième lors des précédentes éditions, Raymond Poulidor s’aligne au départ de ce Tour 1967 en grand favori. Mais la chance va de nouveau fuir le Limousin : il rate le maillot jaune de 6 secondes lors du prologue au profit de l’Espagnol Errandonea puis chute lourdement dans les Vosges avant de voir ses derniers espoirs s’envoler dans le Ballon d’Alsace. 

Exemplaire, il se mettra alors au service de Roger Pingeon pour la victoire finale. Sur la route menant à Limoges, une échappée se forme et à 20 km du but, Stablinski fausse compagnie à Grain, le Suisse Bingelli et le Hollandais Van Der Vleuter. En moins de 12 km, Stablinski, le doyen du peloton, creuse finalement un écart de 1’46’’ et enlève la mise. 

Pour la petite histoire : Si Roger Pingeon atteint son sommet en remportant son unique Tour de France, ce Tour 1967 est aussi marqué par le tragique décès de Tom Simpson sur les pentes du Mont Ventoux.



1970. Fait inédit et encore aujourd’hui unique, Limoges devient la capitale de la France en accueillant le Grand Départ de cette 57e Grande Boucle, laquelle prend même ses quartiers durant deux jours dans la cité limougeaude. Un prologue de 7,4 km est tracé entre L’Aurence et Landouge. 

Une boucle où le Cannibale Eddy Merckx justifie pleinement son surnom : il devance sans concession Grosskost et se permet même de suivre à vélo chacun de ses coéquipiers pour éventuellement les dépanner en cas de crevaison ! 

Pour la petite histoire : Eddy Merckx aura régné en maître sur cette édition 1970 : vainqueur de huit étapes dont le prologue et deux contre-la-montre, il s’offre logiquement son 2e Tour consécutif.


Dans la vidéo qui suit, Antoine Blondin évoque Linards, le Limousin et le rapport de la région avec le cyclisme. 


Raymond Poulidor en 1977 à Limoges

1977. Au moment d'arriver dans la capitale limousine, le peloton est montré du doigt. On ironise sur l’allure de croisière adoptée par les coureurs. Tout change à Limoges : une course nerveuse, des attaques, une moyenne décente (37 km/h) et 20 minutes d’avance sur l’horaire prévu ! À 5 km de l’arrivée, Jan Raas place un contre fatal qui lui offre la victoire devant Thaler et Santambroggio.

Pour la petite histoire : Merckx court son dernier Tour de France. Dietrich Thurau, un jeune Allemand de 22 ans, éclate lui au grand jour. Il parade deux semaines en jaune avant de baisser de pied dans les Alpes.

1985. En cette fin de Tour, les hommes de La Vie Claire, et surtout leur leader Bernard Hinault, contrôlent tout, ne délivrant aucun ticket de sortie. En se mêlant à une tentative lancée à environ 40 km de l’arrivée, Johan Lammerts met à profit ses qualités de rouleur pour placer à 2.000 mètres de la ligne un dernier démarrage et ensuite résister à ses poursuivants qui avaient pour nom Perini, Peters, Dhaenens et Andersen.

Pour la petite histoire : Le lendemain, lors du contre-la-montre à Vassivière, Greg LeMond se montre le plus rapide et devient le premier Américain vainqueur d’une étape de Tour de France.

1988. Usés par le rythme effréné des derniers kilomètres, les sprinters sont trop courts et ne peuvent rien devant la force de l’Italien Gianni Bugno qui lève les bras devant Nevens et Martial Gayant. 

Limoges dans la tourmente après la révélation du contrôle positif du maillot jaune Pedro Delgado. 

Il aurait utilisé des produits masquants pour cacher la prise d’anabolisants. Le produit en cause n’étant pas encore interdit par l’UCI, l’Espagnol est néanmoins blanchi et remporte ce 75e Tour de France.

Pour la petite histoire: Limoges est cette année-là ville arrivée et ville départ. Après Ruelle-sur-Touvre – Limoges, la 19e étape s’élance de Limoges et rallie Le Puy de Dôme.


1990. À trois jours de l'arrivée, le suspense bat son plein en cette fin de Tour. En toile de fond, c’est bien sûr le duel Chiappucci – Lemond qui alimente tous les débats. À Limoges, terme de la 19e étape partie de Castillon-la-Bataille, c’est l’Italien qui conserve son maillot jaune. Mais c’est son compatriote Guido Bontempi qui se montre le plus rapide dans la cité limougeaude, peu après être passé à l’offensive avant Aixe-sur-Vienne. Le lendemain, le contre-la-montre individuel va finalement décider l’issue de cette Grande Boucle puisque Greg LeMond se montre le plus habile et prend les commandements d’un pouvoir qu’il ne lâchera pas.

Pour la petite histoire: Le Limousin Luc Leblanc dispute cette année-là son premier Tour de France. À Vassivière, il s’offre une prometteuse 10e place.



1995. Deux jours avant son arrivée à Limoges, la caravane a été confrontée à la mort de Fabio Casartelli dans la descente de Porte d’Aspet dans les Pyrénées. 

L’émotion va être forte quand Lance Armstrong arrive seul en vainqueur à Limoges Ester en pointant ses doigts vers le ciel pour rendre hommage à son ami disparu.


Pour la petite histoire… : Miguel Indurain entre cette année-là dans la légende aux côtés de Anquetil, Merckx et Hinault en remportant son 5e Tour de France.



2000. Depuis Jacky Durand, cela faisait deux ans qu’un Français n’avait pas franchi en vainqueur la ligne d’arrivée. Avec un magnifique panache, Christophe Agnolutto redonne des couleurs au cyclisme national en enlevant la 7e étape à Limoges après une échappée solitaire de 128,5 km. 

Pour la petite histoire: Lance Armstrong enlève le contre-la-montre de Fribourg-en-Brisgau - Mulhouse à une moyenne record de 53,986 km/h !



Pour Guéret, une première

2004. Cette édition fait date : durant 3 jours, le Tour s’installe en Limousin, un événement inédit jusqu’alors. Après une journée de repos, la 9e étape fait la fête à Raymond Poulidor à l’occasion du départ de Saint-Léonard pour 165 km jusqu’à Guéret où Robbie McEwen est le plus rapide. Le lendemain, le peloton s’élance de Limoges pour Saint-Flour et voit Richard Virenque réaliser un numéro de soliste impressionnant. 

Pour la petite histoire : Avant cette édition, Guéret est le seul chef-lieu d’un département métropolitain où la Grande Boucle n’avait encore jamais eu le plaisir de s’arrêter.

2009. Dans un Tour 2009 marqué par le come-back de Lance Armstrong, Limoges accueille la première journée de repos et est le point de départ de la deuxième semaine. L’Italien Rinaldo Nocentini est en jaune et à l’arrivée à Issoudun c’est Mark Cavendish qui se montre une nouvelle fois le plus rapide au sprint. 

Pour la petite histoire: Pour la première fois sur le Tour, les oreillettes sont interdites sur cette étape Limoges - Issoudun. Une initiative très diversement appréciée dans le peloton. 

Lance Armstrong (Limoges, 14 juillet 2009)