Je passe une nuit agité. Le vent souffle fort, et dans un état de demi-sommeil je m'inquiète d’éventuelles chutes des branches d’arbres situés au dessus de moi. Finalement, c’est ma toile de tente que je me prends sur la tête : le sol du camping étant très sec, j’ai planté mes sardines à l’arrache la veille. Je me relève donc pour trouver une grosse pierre en guise de marteau et consolider l’arrimage de ma tente.

Départ au matin pour « finir » la D906. 35 km jusqu’à Alès, un peu de montée puis une longue descente plonge sur la ville.

Je passe à la gare d'Alès me renseigner sur les trains, car j’ai entendu parler de gros incendies dans la région et je veux m’assurer que la ligne TGV Montpellier-Paris n’est pas coupée.

Je me pose ensuite pour déjeuner sur une place du centre ville.

Seulement 35km avant la pause déjeuner, on ne peut pas dire que les matinées me réussissent en ce moment.

Je lis un peu, je traîne.

Puis je repars, et là ça coince.

J'ai une douleur très présente au talon d’Achille droit. Ça m’énerve car ce n’est pas la première fois que j’ai cette douleur qui apparaît, un peu sans prévenir et sans raison. Mais je ne m’inquiète pas trop car d’expérience tant que je ne laisse pas la douleur s’aggraver ça passera. Toutefois elle ralentit considérablement mon avancée. Je n’appuie presque pas sur les pédales pour ne pas forcer sur mon tendon, et je n’arrête pas de faire des petites pauses.

Je traverse désormais la partie la plus au Sud-Est des Cévennes. Par rapport à la veille, le paysage est beaucoup plus aride et rocailleux.

À peine 20km après être reparti d'Alès, je fais à nouveau une longue pause dans un bar. Je commande un coca, et un verre rempli de glaçon pour appliquer sur mon talon.

Je repars, et ce n’est pas beaucoup mieux.

Heureusement, au bout d’un moment je développe une technique de pédalage pas du tout académique, mais qui me permet de mettre un peu de force dans le pédalier sans avoir mal : je roule avec le pied quasiment à la verticale, ce qui permet à l’articulation de ma cheville de ne pas bouger et donc à mon tendon douloureux de ne plus s’activer. Ça ne me permet pas de rouler très vite, mais c’est suffisant pour avancer sans faire des pauses toutes les deux secondes, c'est déjà ça de pris !

Le schéma de la veille se répète : après une première partie de journée sans trop de motivation, à me lamenter sur ce qui ne va pas, à regarder le compteur kilométrique qui progresse trop lentement et à spéculer sur mon avancée, je retrouve de l’énergie en fin de journée. Je ne parle pas d’une force soudaine dans mes jambes, mais plutôt d’une certaine sérénité qui me fait avancer sans douleurs ni doutes, sans pression quant au kilométrage ou quant à mon point de chute pour la nuit, dans le seul but de voir la route défiler sous mes roues et d’apprécier chaque morceau du paysage.

Saint-Hippolyte-du-Fort marque la fin des Cévennes.

J'avance désormais au milieu de la garigue.

Un petit coup d'œil sur mon téléphone m’indique que j’ai laissé les derniers campings en quittant les Cévennes, et que les prochains sont sur le littoral. Hors de question de dormir dans un camping de bord de mer bourré de touristes, je bivouaquerai donc cette nuit. Je n’avais pas prévu ça, mais c’est une bonne occasion de me forcer.



Je me suis bien rapproché de Montpellier, je ne suis plus qu'à une vingtaine de kilomètres de l'agglomération donc ça ne sert à rien d'avancer plus aujourd’hui. Je me pause dans un village pour dîner.

Impossible de retrouver mon opinel, j’ai du l’oublier au pique nique ce midi. C'est frustrant et surtout pas facile de couper un oignon ou une tomate sans couteau, mais je me débrouille comme je peux.

Le soleil est déjà bas sur l'horizon lorsque je pars en quête d’un coin pour bivouaquer.

Je jette mon dévolu sur les abords d'un petit lac repéré sur la carte et je trouve l’endroit parfait pour la nuit.


Le temps est très sec, alors je décide de dormir à la belle étoile.

Je me couche, je lis un peu. Il fait assez clair car il y a une belle lune.


Je garde les yeux ouverts un moment pour regarder les étoiles filantes, puis je m'endors paisiblement.