Collégiens et lycéens découvrent le camp d'Auschwitz-Birkenau

Boulogne-Billancourt est une des rares villes à autant investir, et s'investir, dans le Devoir de mémoire auprès des plus jeunes. Récit.

Il est des expériences qui restent gravées dans la mémoire. Ainsi, le voyage organisé par la Ville au camp de concentration et d'extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne, à des­tination d’une centaine de collégiens et lycéens boulonnais, le 21 avril. Ce voyage répété chaque année en des lieux différents s’inscrit dans un travail pédagogique mené dans les établissements scolaires par les enseignants et l’infatigable Boulonnais Robert Créange, 86 ans, membre de l’associa­tion des Amis de la Fondation pour la Mémoire et la Déportation. Étaient concernés, en 2017, les collèges Jacqueline-Auriol, Jean-Renoir et Bartholdi, les lycées Jacques-Prévert, Etienne- Jules-Marey et Notre-Dame. 

Accompagnés de leurs professeurs, d’un guide et dotés d’écouteurs, les jeunes ont pu découvrir, d’abord, le camp de travail, à l’origine rebaptisé Auschwitz I, dont les portes s’ouvrent sous la sinistre devise « Arbeit macht frei ». Le parcours, de salles en blocks, longeant les barbelés et les miradors, permet d’appréhender, documents, photos, et cartes à l’appui, la folie destructrice du régime nazi et son futur projet de solution finale visant à exterminer les Juifs d’Europe. 

De vastes vitrines glacent le sang : amoncellement de cheveux devenus gris avec le temps, montagnes de chaussures, de lunettes et d’effets personnels confisqués aux déportés ou récupérés sur les défunts. Passer devant de minuscules cellules où pouvaient s’entasser quarante détenus, sinistre vision de la première chambre à gaz et du four crématoire installés dans ce premier camp, évocation des expérimentations médicales menées sur les détenus. Face au mur des fusillés, une première gerbe sera déposée en mémoire des suppliciés. Plus de 20000 détenus, dont de nombreux Polonais, ont été, là, passés par les armes. 

À quelques minutes de bus, les élèves s'apprêtent à pénétrer, maintenant à Auschwitz II-Birkenau. L’émotion est forte lorsque les groupes foulent les rails d’une voie de chemin de fer qui jadis menait à la mort. Birkenau est une véritable usine d’extermination, s’éten­dant sur 170 hectares, doté de quatre complexes de chambres à gaz et de fours crématoires. C’est là, à la sortie de ces wagons, au printemps 1942, que les SS effectuaient le « tri ». Enfants, personnes âgées, femmes enceintes, malades… Tous ceux qui ne pourraient travail­ler étaient dirigés vers la mort. Pour les autres, ceux qui ne ne mourraient pas de soif et de maladie, un sursis, souvent court, débutait. Plus d’1,2 million de juifs et tziganes ont été exterminés par les bourreaux.

Une seconde gerbe sera déposée face au Mémorial par des élus boulonnais (Marie-Laure Godin, Armelle Gendarme, Jonathan Papillon, Nicolas Marguerat et Vincent Guibert), puis une troisième par les collégiens et lycéens dans une zone de marécages et d’étangs où furent englouties des tonnes de cendres humaines. Avec Robert Créange, qui perdit ici ses parents, les élèves de Jacqueline-Auriol entonnent le poignant Chant des marais, le chant des déportés, et le temps s’arrête. Bientôt, adultes et adolescents reprendront tous en chœur le premier couplet de la Marseillaise. Plus tard, remerciant la Ville et le maire pour son soutien, Robert Créange, à l’issue d’une journée poignante, s’adressera aux adolescents : « une journée comme celle-ci donne à réfléchir et aussi l’envie d’agir… ». Et de citer la dernière phrase de La Résistible ascension d’Arturo Ui, pièce de Bertolt Brecht : « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde… »