Le pure player, 

un modèle réellement viable ?

Le web regorge de pure players. Sociétés de vente, banques ou médias, la toile offre de nouvelles possibilités aux entrepreneurs. Pourtant, certains préfèrent revenir aux méthodes traditionnelles en créant des boutiques physiques. Plongée dans l'univers de ces entreprises 2.0.

Coup de théâtre dans l'univers du web, Amazon crée sa première librairie physique, à Seattle. Le géant de l’e-commerce délaisse peu à peu son statut de pure player. Pionnière, avec eBay, dans la vente, la firme américaine relance le débat autour de la viabilité de ce business model. Si Amazon s’avère largement rentable, d’autres ont plus de mal. La facilité de création et le peu de moyens nécessaires poussent certaines start-ups à adopter le principe du pure player. Puis, à l’image de Sensee qui est passée du statut de distributeur exclusivement en ligne à celui de distributeur physique en ouvrant plusieurs boutiques dans les grandes villes françaises. Certaines reviennent au commerce traditionnel. Le modèle du pure player est-il vraiment viable ?

Amazon et Mediapart, des précurseurs

Au fil des années, Amazon s'est imposé comme le leader de l’e-commerce dans le monde, malgré la concurrence du chinois Alibaba. La firme a pris tout le monde à contrepied avec cette première boutique. Alors que s’installer sur Internet permet de baisser les coûts, le géant américain tente de passer à une offre multicanal. Cela revient à proposer les mêmes produits en boutique physique et en ligne, avec comme avantage de supprimer le délai de livraison. Il s’agirait pour Amazon d’augmenter son retour sur investissement, de toucher la clientèle ciblée et de réduire les coûts de communication.

Depuis dix ans, les pure players se multiplient sur Internet. Webmédias, sites marchands, banques sont devenus des acteurs incontournables du web. Existant seulement sur la toile, ces entreprises proposent un contenu diversifié. Avec la création de Mediapart, une nouvelle forme de journalisme est apparue et fait des émules. Précurseur d'un modèle économique payant devenu la norme, le média a fait son trou grâce à ses investigations qui ont révélé des scandales de grande envergure. Moyennant un abonnement de neuf euros par mois, Mediapart n’affiche pas de publicités et ne perçoit pas les subventions réservées à la presse. Rentable depuis 2011, le journal en ligne a prouvé que ce business model peut marcher. Mais cela n’est pas applicable à tous les pure players d’information. D’autres médias sont nés, à l’image du Quatre Heures ou Spicee, qui doivent rivaliser d’ingéniosité et de créativité pour se démarquer. Le premier se sert du cross-media, et utilise donc la vidéo ou le son en plus des écrits, pour dévoiler un contenu riche en informations. Spicee, lui, propose des reportages plus ou moins longs pour s’adapter aux nouveaux modes de consommation de l’information, notamment le smartphone. Tous se basent sur le même modèle économique que Mediapart. Pourtant, rien ne dit que cela leur garantit d’être rentables. D’autres, comme Rue89, ont misé sur un modèle gratuit avec de la publicité. Pari perdu puisque la rédaction est financièrement en danger.

Une génération test ?

En France, le dynamisme des pure players d'information ne serait qu’une façade. L’absence cruelle de revenus et la réticence des internautes à « payer pour lire » obligent les éditeurs à repenser leurs modèles économiques et à imaginer de nouvelles pistes pour augmenter leurs recettes. Le choix de la ligne éditoriale est radical pour des médias de ce type, comme le média anglais The Intercept qui a choisi de ne mener que des enquêtes exclusives. La presse et le numérique ont inventé un nouvel écosystème. Cela pousse les pure players à parier sur du long format. « Aujourd’hui, si un journaliste veut s’en sortir, il doit réfléchir comme s’il créée sa boîte. Il faut être le petit entrepreneur de sa cause », indique Charles-Henry Groult, le rédacteur en chef du Quatre Heures. La nouvelle génération de journalistes ose se lancer dans cette aventure. Cela peut permettre de se faire un nom, même si le projet échoue.


Enzo Janoir et Sébastien Girard