Avortement au Brésil : 

le combat des brésiliennes continue pour accéder à l'avortement

L'avortement est le combat que vivent de nombreuses femmes au Brésil, et ce depuis toujours. Si certaines lois ont été mises en place afin de définir des avortements « légaux », il est encore aujourd’hui bien difficile pour toutes les femmes d’y accéder. Manque de moyens techniques et médicaux modernes, religieux, ou encore instances politiques sont les nombreuses raisons qui se mettent au travers du chemin vers l’avortement.

Des femmes brésiliennes manifestaient en ces mois d'otobre et de novembre, très en colère, contre un amendement qui transformerait toute aide à l’avortement en délit. De plus, elles devraient passer des examens pour confirmer ou non la légitimité du rapport sexuel. Étaient scandés dans les rues brésiliennes « avortement légal tout de suite » et « Dehors Cunha » le président actuel de la chambre des députés. À Rio de Janeiro, ces manifestations étaient peuplées d’hommes. Un peuple qui évolue, soumis à un gouvernement de gauche qui, lui, n’a guère évolué depuis une vingtaine d’année.

Si l’avortement est illégal au Brésil, il y a tout de même certaines conditions qui l’autorisent. trois conditions : lorsque la grossesse met en danger la vie de la mère, lorsque la grossesse est issue d’un viol ou pour finir, dans le cas de l’anencéphalie du foetus (l’absence partielle ou totale du cerveau qui empêche la survie du nourrisson.) Les deux premiers cas ont été acceptés grâce à la loi de 1940, et le deuxième suite à une décision de la cour suprême en 2012.

Mais malgré ces conditions d’autorisations qui restent exceptionnellement respectées, il est toujours très difficile pour les femmes de se faire avorter au Brésil surtout pour les femmes pauvres. Car au brésil, la corruption fait rage. Il est alors facile pour une femme riche ou même simplement aisée de soudoyer un médecin pour pratiquer un avortement dans de bonnes conditions, mais discrètement. De plus, le pays ne compte que 65 hôpitaux capables de pratiquer l’avortement. Et ces hôpitaux sont submergés par la demande. Donc même dans des conditions légales, il n’est pas toujours possible pour les femmes de se faire avorter.

Pourtant, de nombreuses femmes ont besoin de ce service. Pour un pays de 200 millions d’habitants, seulement 1 626 avortement légaux ont été pratiqués en 2012. Un chiffre alarmant, compte-tenu des femmes très jeunes qui en ont besoin. La moyenne d’âge des femmes souhaitant se faire avorter est comprise entre 20 ans et 24 ans. Mais la plus jeune recensée à ce jour n’était âgée que de 10 ans. En comparaison, plus d’un million d’avortement illégaux sont pratiqués chaque année dans le pays.

En 2014, le gouvernement brésilien a tout de même essayé de faire avancer les choses, dans un pays pourtant peu réceptif au changement. Un arrêté du Ministère de la Santé datant du 21 mai 2014 voulait faciliter l’accès à l’avortement à toutes les femmes, de manière humaine et financière, dans tous les hôpitaux du pays, tans que cela restait légal. Mais il a été retiré au bout de seulement sept jours, après de nombreuses manifestations (surtout religieuses) anti-avortement. Cause officielle de l'annulation : des problèmes techniques.

Quatre ans de prison pour un avortement illégale

Quatre ans de prison. Voila ce que risque une femme qui se fait avorter dans un cas jugé non légal. Il est donc très difficile pour les brésiliennes d'accéder à un avortement dans de bonnes conditions. Car s’il est légal dans certains cas, ce n’est pas pour autant qu’il est toujours bien pratiqué. L’accueil des femmes dans les hôpitaux aptes à pratiquer l’IVG est vraiment négligé. Les médecins ne sont pas formés à ce genre de pratiques. De nombreuses preuves sont demandées pour prouver que l’avortement est bien légal. À un tel point que souvent, les femmes ne peuvent pas se faire avorter et subissent de nombreuses humiliations. À cause de ces interdictions, de la capacité d'accueil limitée des hôpitaux et de l'aspect tabou du sujet, de nombreuses femmes prennent la décision de se faire avorter clandestinement. Une pratique non seulement illégale, mais aussi très dangereuse pour la personne. Tous les deux jours, une femme meurt suite à un avortement clandestin. L’OMS (organisation mondiale de la santé) a réalisé une étude montrant que chaque année au Brésil, un million d’avortements clandestins ont lieu. Autre chiffre : à 40 ans, une femme brésilienne sur cinq a déjà pratiqué une interruption de grossesse, dans la majorité des cas illégalement, d’après une étude nationale (Pesquisa nacional do aborto) en 2010. Ces IVG ne respectent en aucun cas les règles de sécurité et surtout, d’hygiène. Pour cela, trois solutions se proposent aux femmes : se faire avorter en clinique privée -qui sélectionne tout de même les patientes- et payer 3000 euros , commander des pilules abortives -dont le fonctionnement n'est pas garanti- sur internet pour 80 euros, ou acheter des plantes médicinales contraceptives. Des conditions déplorables, mais que de nombreuses femmes traversent volontairement afin de mettre un terme à leur grossesse.

Le Brésil, premier pays catholique du monde. 

Le fait que le pays compte 123 millions de catholiques rend le débat sur l'avortement encore plus délicat. La loi permettant l’IVG dans les cas de violences sexuelles ou de danger pour la santé de la mère, reste « vague » aux yeux des pro-vie brésiliens et des catholiques. Ainsi, selon eux, cette loi permettrait l’élargissement de la tolérance vis-à-vis de l’avortement. À vrai dire, les pratiques vont déjà en ce sens. Cette loi apporte juste un cadre légal à ce qui se fait déjà. Les représentants des instances religieuse et le gouvernement brésilien sont souvent divisés sur ce sujet. Voici d'ailleurs un fait qui prouve que l’Église est totalement anti-avortement : une fillette de 9 ans avait été violée en 2009 par son beau père, et elle est tombée enceinte de jumeaux. L’évêque de Recife avait exclu les médecins qui ont sauvé la jeune fille, de la communauté catholique. Sa vie était pourtant en danger. Ce qui en ressort : l’Église n’est pas pour l’avortement même quand l’une ou les conditions citées plus haut sont présentes, voire réunies pour ce cas là. Le gouvernement cède d’ailleurs souvent, face à la pression des instances chrétiennes. En 2010, la présidente Dilma Rousseff s’était exprimée sur la ligne directrice de son mandat concernant l’avortement. Elle ne le légaliserait pas.


 Florine Bouvard et Marin Le Pezennec.