La France est blessée

Edito d'Anne Rivière

La France est blessée. Après les attentats de ce vendredi 13 novembre, tout le monde est sous le choc. La menace djihadiste se fait plus pesante. Ce sont maintenant les civils qui sont visés, le peuple français dans toute son humanité. Pourquoi prendre pour cible une salle de concert, un fast food, un restaurant, un bar et un stade de football ? Car ce sont les symboles de notre mode de vie occidental, et les moyens même dont Daech dispose pour nous toucher, au plus profond de notre quotidien.

Ces attaques sont impossibles à occulter, certains experts parlent déjà de 11 Septembre francais, de guerre civile. En conséquence, nous avons décidé non pas de modifier notre édito originel. Notre photo de la semaine portera sur l'image ahurissante des spectateurs du match France-Allemagne réfugiés sur la pelouse du Stade de France. Afin de respecter la mémoire des victimes, nous n’avons pas voulu publier de photos des attaques. A l’heure où on se félicite de plus en plus d’entrer dans une ère à la pointe de la modernité, l’hypocrisie ambiante nous pousse à oublier que les problèmes de société sont bien loin de régresser.

Pourtant, il appartient à chacun de s’opposer aux inégalités, un tout petit geste, si il est multiplié par un quotient suffisamment important, peut faire bouger les choses. Entre les manifestants pro-choix au Brésil, cette policière qui a su résoudre un conflit avec un battle de danse, ces parisiens qui ouvrent leur porte aux rescapés des attaques il y a un point commun. C’est la volonté de faire changer les choses et d’entrainer une prise de conscience par leurs propres moyens, aussi insignifiants soient-ils. Peut-on vraiment parler d’espoir ? Rien n’est moins sûr, mais j’aimerais le penser. En France, la situation reste bloquée. Les médias de masse, en choisissant leurs sujets selon ce qui « buzzera » le plus, participent à une désinformation collective. Je pense qu’il est important de ne pas donner au lecteur seulement ce qu’il a envie de lire, mais tout ce qui peut contribuer à lui éclairer l’esprit.

Et pourquoi si peu de collaboration entre les médias français et étrangers ? On a bien vu les journalistes du Figaro travailler main dans la main avec leurs collègues italiens et suédois pour traiter la crise des migrants, mais cela reste exceptionnel. Prenons l’exemple des manifestations pour la légalisation de l’avortement au Brésil, que presque aucun média français ni anglophone n’a abordé. C’est pourtant une problématique intéressante, mais la loi du mort-kilomètre l’emporte toujours.
Quand un milliardaire japonais, Joseph Lau, achète à sa fille deux des plus beaux diamants du monde pour une somme de 77 millions de dollars, on ne peut qu’être partagé entre deux états d’esprit. Penser « une telle somme aurait pu servir à aider tellement de personnes qui meurent de faim », ou penser « c’est son argent, il le dépense comme il veut » ? C’est bien triste à dire, mais la bien-pensance est devenu le nouvel accessoire à la mode. Où en sont donc toutes ces célébrités qui disaient vouloir accueillir des migrants chez eux ? Et François Hollande qui affirme n’avoir aucune résidence secondaire disponible pour accueillir les migrants ? Quid de sa Villa à Mougins, de ses appartements à Cannes et du Fort de Brégançon ? Arrêtons de nous voiler la face, et avant de faire la morale au autres, soyons nous- mêmes irréprochables. Si chacun de nous se levait de son confortable fauteuil, et agissait vraiment au lieu de s’apitoyer sur une vidéo Facebook, oui, le Monde irait mieux. Changer sa photo de profil pour un drapeau tricolore est un beau geste de soutien. Mais trois jours plus tôt, celui qui aurait arboré les couleurs françaises sur sa page serait passé pour un sympathisant de la fachosphère. Alors comment faire la part des choses ? Restons solidaires, et arrêtons de dénigrer l’autre.

Vous souhaitant une bonne lecture malgré tout, 

Anne Rivière.