Qu'est-ce qu'une visite du CICR en détention ?

L'exemple de la Somalie
Photographies Pedram Yazdi 

Somalie, Afghanistan, Yémen, Irak, Colombie, Philippines, Guantanamo, Ethiopie ou encore Cachemire, chaque année, le CICR visite dans 90 Etats et territoires plus de 500 000 personnes détenues en relation avec un conflit armé ou une autre situation de violence.

Cette spécificité humanitaire de l'institution a pour but de veiller à ce que
les personnes privées de liberté soient traitées dignement et humainement, conformément au Droit international humanitaire. Ce droit est précis, et prévoit notamment que toute personne privée de liberté doit être nourrie, vêtue, logée, soignée si besoin. Qu’elle puisse aussi bénéficier d’un procès équitable avec une défense, qu’elle soit libérée « à la fin des hostilités actives ». Voici ce que prévoit le Droit.

A l’aune de ces obligations, on mesure le chemin qui reste à faire pour qu’elles soient respectées à la lettre... Le CICR, inventeur, rédacteur et gardien du Droit international Humanitaire, continue donc de travailler auprès des détenus, si ce n’est pour maintenir le lien entre le prisonnier et ses proches durant toute la période de détention.

Pedram Yazdi, délégué du CICR et photographe, a suivi son collègue lors d'une visite dans deux centres de détention, un à Mogadiscio, la capitale somalienne et l'un à Bossasso, au nord du pays. Son récit en images nous permet de revenir sur les différentes étapes d'une visite « standard » d'un délégué détention du CICR.

Depuis 2012, le CICR visite les personnes détenues en Somalie. Ces visites couvrent les prisons, les postes de police et les locaux des services chargés de la sécurité de l'État. Le CICR, en contact avec les autorités pénitentiaires, tente de répondre aux besoins particuliers des détenus, mais aussi à ceux de leurs familles. 

Grâce au CICR, au cours de l'année 2014 :

- 66 visites ont eu lieu dans 26 centres de détention

- 2 300 détenus se sont vus distribué des matelas et/ou des couvertures

- Amélioration des services de soins des prisons de Mogadiscio et Baidoa (2 833 détenus ont été visités et 3 665 consultations ont eu lieux)

- 4 000 détenus furent sensibilisés à l'hygiène dans 16 centres de détention

- Restauration ou construction de cuisines, d'espaces sanitaires ou récréatifs dans les prisons de Garowe, Galkayo, Beletweyn, Baidoa

-  60 détenus reçurent un entrainement professionnel

Le délégué doit comprendre la vie quotidienne des détenus
Prison de Modagiscio. Un employé du CICR discute avec un groupe de détenus afin d'évaluer les conditions de vie dans la prison.

Les conditions de détention

L'objectif du CICR est de faire en sorte que les détenus soient traités conformément aux dispositions énoncées dans le Droit international humanitaire (cf. fin du longform). Ainsi, ils doivent être traités avec dignité et humanité pendant toute la durée de la détention. Ils doivent pouvoir communiquer avec leurs familles et recevoir leurs visites. 

L'hygiène et l’accès à l’eau potable demeurent, par exemple, une préoccupation constante pour le CICR. Ainsi, partout dans le monde, nombre de délégués travaillent dans les lieux de détention à l'amélioration du système sanitaire, des conditions d'hygiène, à l'approvisionnement en eau potable, à l'accès à la santé, etc. 

Un entretien privé et confidentiel avec le détenu
Prison de Mogadiscio. Un employé du CICR en Somalie s'entretient seul à seul et confidentiellement avec un détenu qui lui parle de sa situation.

l'entretien sans tÉmoin

Lors de ses visites, le CICR s'entretient en privé et de manière confidentielle avec les détenus, individuellement ou collectivement. Ces entretiens permettent une expression libre, ce qui aide les délégués à mieux comprendre et évaluer les conditions de vie et le traitement réservé aux détenus. Ces informations capitales ne sont pas rapportées aux autorités, sauf après accord de la personne concernée.

Le travail du CICR dans le domaine de la détention vise à ce que les détenus reçoivent
un traitement digne et humain.

Prison de Mogadiscio.Un employé du CICR prend des notes tout en parlant avec des détenus depuis la porte de la cellule

entre le dÉtenu
et sa famille :
Le message croix-rouge

Le CICR et le Croissant-Rouge Somalien utilisent différents outils pour aider les détenus à maintenir un lien avec leurs familles. Tout d'abord, lorsqu'une personne est arrêtée, les autorités doivent en informer ses proches qui disposent, eux, du droit de le visiter. 

Si cela n'est pas possible, pour des questions économiques ou géographiques, le CICR instaure et maintient le contact à travers les "Message Croix-Rouge" voire parfois en utilisant les "Salamats", courts appels téléphoniques. 

En outre, il arrive que le CICR puisse permettre à des détenus étrangers de prévenir leurs ambassades, et de tenir au courant leurs proches dans leurs pays d'origine. En 2014, par exemple, ce fut le cas pour vingt-deux détenus étrangers.

Prison de Bossasso. Trois délégués du CICR s'entretiennent avec le directeur de la prison.

Le dialogue avec les autorités

Les visites en détention suivent un standard bien établi incluant deux rencontres avec le directeur de la prison : une au début puis une à la fin. 

La première a lieu à l'arrivée des délégués pour faire le point sur la situation actuelle dans le centre de détention. Cette discussion confidentielle traite de divers points comme le nombre de détenus ou encore la configuration de la prison. 

La visite de la prison s'achève avec une nouvelle rencontre avec les autorités. Le CICR partage de manière confidentielle ses premières observations et propose des mesures d'amélioration des conditions de vie des détenus. Ceci donnera lieu plus tard à la remise d'un rapport détaillé aux autorités sur les différents constats établis et les recommandations faites par les délégués.  

Les visites répétées du CICR dans un même lieu de détention permettent de créer une relation forte avec les prisonniers, mais aussi avec ceux qui les détiennent. Une nécessaire confiance devra s'établir au fil des visites entre le CICR et les autorités, condition sine qua none pour améliorer les conditions de détentions.

Prison de Bossasso. Des hommes détenus apprennent à faire de la maçonnerie.

Article III Commun aux
4 conventions de GENÈVE :
Un résumé d'humanité

Surnommé la "mini  Convention de Genève" cet article majeur en Droit international humanitaire prévoit, quels que soient la nature du conflit et le statut de la personne protégée, un détenu, par exemple, un minimum de garanties humanitaires et judiciaires.  Il est important d'en connaître les termes : 

"En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, chacune des Parties au conflit sera tenue d’appliquer au moins les dispositions suivantes :

1. Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue.


À cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l’égard des personnes mentionnées ci-dessus :

a. les atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices

b. les prises d’otages ;

c. les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants ;

d. les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.

2. Les blessés et les malades seront recueillis et soignés.

Un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la Croix-Rouge, pourra offrir ses services aux Parties au conflit.
Les Parties au conflit s’efforceront, d’autre part, de mettre en vigueur par voie d’accords spéciaux tout ou partie des autres dispositions de la présente Convention.
L’application des dispositions qui précèdent n’aura pas d’effet sur le statut juridique des Parties au conflit.

Annexes 

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