Toulouse : la bouteille à la mer d'une famille Syrienne

Vendredi 30 octobre, Moraib, Fatima et leurs 3 enfants seront à la rue.

Textes et photos ©Patrick Batard


La famille Abas est arrivée à Toulouse il y a 1 mois de cela. Grâce à un contact dans le quarier des Izards, ils ont pu occuper une maison désaffectée, sans eau ni électricité.

A deux pas de la Place de l'Europe...

Puis un étudiant, temporairement en déplacement, leur a généreusement prêté son studio d'une vingtaine de m2 pour 3 semaines. Dans le quartier de Compans Cafarrelli, le studio doit être récupéré, et sans solution d'ici vendredi 30 octobre, ce sera la rue pour cette famille.

Les services de l'état, qui pourraient répondre à leur demande de protection, arrivent encore à nous surprendre par des situations ubuesques dont ils ont le secret. La générosité de l'étudiant, qui ne pouvait être que provisoire, devient pour eux une situation définitive. Et comme d'autres réfugiés doivent arriver d'Allemagne, les Abas deviennent non-prioritaires dans leur demande.

Avec le représentant de l'Association Solidarity Union, ils nous ont reçu dans ce petit studio qu'il vont devoir quitter à la fin de la semaine. Pour nous raconter leur histoire, forcément compliquée, et lancer un appel désespéré. 4 ans d'errance, à arpenter les côtes méditerranéennes, dont la source se situe en Libye.
© Patrick Batard
Libye, Syrie, Liban, Algérie, Maroc, Espagne, France...

Originaire d'un village proche de Homs, en Syrie, Moraib, 36 ans aujourd'hui, s'est installé comme décorateur en Libye en 2003. En 2011, il est alors jeune marié à Fatima (25 ans aujourd'hui), avec laquelle il ont un fils, Kusai, quand la révolution libyenne éclate : en tant qu'étranger, il ne fait pas bon rester en Libye.

De retour en Syrie, le répit sera de courte durée : les exactions du pouvoir, qui monte les communautés les unes contre les autres dans cette zone Sunnite entourée de Chiites, installent à nouveau la peur au quotidien. Un des frères de Moraib, haut fonctionnaire du ministère de l'intérieur, dénonce les abus du pouvoir; mais cela implique très vite la fuite vers le Liban pour les 3 générations de la famille. 98% de la population locale fera de même.

Cherchant des solutions pour sa famille, Moraib essaie de retourner en Libye, via l'Egypte. Mais il y reste bloqué, et ne peut être présent à l'accouchement de sa femme, qui a la surprise de voir naître deux jumeaux, Sara et Sari. En 2012, la famille arrive à se rejoindre à Benghazi, en Libye. Mais les faux barrages de miliciens, exécutions sommaires et kidnappings réinstallent la peur. Le matin où Moraib retrouve sa voiture, devant chez lui, criblée de balles le décide à chercher la paix vers l'Algérie.

Sara et Sari, jumeaux de 4 ans - © Patrick Batard


Passeport Syrien de Kusai, né en Libye en 2009 - © Patrick Batard

Kusai, l'ainé de la famille - 6 ans - ©  Patrick Batard


C'est à cette période que le mutisme de leur fils ainé, Kusai, inquiète ses parents. Aujourd'hui encore, il ne s'exprime quasiment pas malgré ses 6 ans.

Ils voient plusieurs spécialistes, qui ne peuvent que leur conseiller d'aller consulter à Dubaï ou en Europe. La porte la plus courte pour cette dernière semble passer par le Maroc, et l'enclave espagnole de Melilla. Un passeur et leurs dernières économies, 3000€, seront obligatoires pour que les douaniers détournent les yeux au bon moment.

En Espagne, avec l'aide de l'UNHCR et la Croix Rouge espagnole, ils gagneront Madrid assez rapidement. Mais devant le manque de structures d'accueil, Moraib et sa famille devront poursuivre leur route vers San Sebastian, pour finalement poser leur maigre bagage à Toulouse.


Moraid Abas - © Patrick Batard
Une confiance en l'avenir

Lorsqu'on demande à Moraib et Fatima ce qu'ils espèrent trouver en Europe, un mot revient très vite : Salam. La paix. Puis ensuite, pour lui, avoir la chance d'exercer son métier de décorateur. Pour elle, reprendre des études de langue. Et pour le jeune couple, offrir à leurs enfants un cadre de vie décent.

Aujourd'hui, Médecins du Monde a pu leur organiser un rendez-vous de consultation pour Kusai; peut-être un dignostic à la clef, et un espoir. 


Mais après tous ces kilomètres d'errance, la précarité est plus forte que jamais. 

Personne ne sais encore où ils dormiront vendredi soir.


Sara, lors du déballage d'un sac de don de vêtements - © Patrick Batard


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