Le secteur culturel doit-il changer en profondeur ses modes d'organisation ?


Les Ateliers des Nouvelles organisations dans la Culture de l'Observatoire des politiques culturelles font le point sur les changements organisationnels, les expériences coopératives et l'entrepreneuriat culturel. 

La culture traverse depuis 2008 une situation tendue : chute des emplois culturels (4,9 millions en 2008, 3,6 millions après la crise financière en Europe), érosion des budgets publics alloués à la culture, concurrence exacerbée. Les collectivités ont vu leurs moyens affaiblis (réforme fiscale et baisse des dotations de l'Etat) et la nouvelle génération d’élus se révèle moins acquise à la cause culturelle.

En outre, une vague de lois a vu le jour ces dernières années qui réorganisent le secteur culturel et ouvrent des fenêtres d'opportunités. Nouvelles régions, création des métropoles : ce changement d’échelle amènera-t-il un changement de politiques culturelles ? Par ailleurs, l’introduction des droits culturels dessine une nouvelle éthique de coopération.

C'est dans ce contexte instable qu’émergent d’autres formes de coopération et d’organisation. Le défi à relever est de taille pour le secteur culturel qui doit imaginer les termes d'une nouvelle écologie de la culture.

"Des notions comme celles de commun ou d'entrepreneuriat que l’on invoque aujourd’hui ne doivent pas seulement être brandies comme des mots magiques, il est nécessaire de les mettre au travail et d’organiser les controverses sur ces sujets".

Pour pérenniser une alternative durable aux seules logiques du marché, il est indispensable que le secteur culturel s'interroge sur ses propres contradictions : inégalités dans la répartition des ressources, fonctionnements économiques peu solidaires, écarts entre la générosité des discours et la réalité, problèmes de représentativité, etc.

Or, politique culturelle et changement ne font pas forcément bon ménage. Depuis 50 ans, l'empilement de nouvelles rubriques d’intervention culturelle s’est fait sans nécessairement beaucoup transformer l’existant. Dit autrement, il y a un impensé du changement dans les politiques culturelles dont l’évolution a emprunté une voie principalement cumulative. Or nous sommes depuis plusieurs années dans une situation de saturation qui nous pousse à fonctionner différemment.

"(...) il y a un impensé du changement dans les politiques culturelles dont l'évolution a emprunté une voie principalement cumulative".

Comment s'adapter aux transformations tout en revendiquant une éthique de responsabilité collective, de solidarité et de coopération ? Pour l’Observatoire, l’enjeu est primordial afin de construire les écosystèmes culturels de demain. Les ateliers de l’OPC, organisés en partenariat avec la Chaire de recherche « RH et Innovations sociales dans le secteur culturel » d'Audencia, visent à faire le point sur les modèles économiques, managériaux et politiques qui permettraient aux acteurs culturels et aux collectivités publiques de relever ces défis dans un esprit d’intérêt collectif.

Paroles de stagiaires


"J'aimerais inventer d’autres systèmes que la fusion-absorption"

Quelles motivations animent la présence de ces 25 professionnels à une formation sur les nouveaux modes d'organisation ? Parmi les raisons énoncées : la baisse des budgets, le besoin de faire plus de coopératif et de mutualiser les ressources reviennent à plusieurs reprises. Certains évoquent la redéfinition d’une politique culturelle, des rapprochements de structures ou l’envie de créer une coopérative. Enfin la nécessité d’échanger, de découvrir d’autres expériences, récolter des billes et des idées, se faire un nouveau réseau comptent aussi dans leur présence ici.

"Comment accompagne-t-on le mouvement de réduction drastique des budgets culturels sans tuer tout le monde ?"

Peut-on avoir une politique RH dans le secteur culturel ?

La question du management, si elle véhicule nombre de tabous, est un préambule pour réfléchir à comment s'organiser autrement.

Carole Le Rendu est enseignante et chercheuse en gestion des ressources humaines à Audencia Business School, responsable de la Chaire de recherche "RH et Innovations Sociales". Elle centre ses recherches sur la mutualisation de l'emploi dans le secteur des musiques actuelles et amplifiées, la gestion des ressources humaines dans le spectacle vivant, la communication et la conduite du changement dans le secteur culturel.

Le groupement d'employeurs est encore de l'ordre de l’expérimentation mais c’est une innovation intéressante, différente des coopératives d’activités et d’emplois ou des plateformes de portage sur l’entrepreneuriat, qui répond à un problème de sécurisation des emplois. 

Qu'est-ce que l’entrepreneuriat social ?

Par Sébastien Paule, Cofondateur d'illusion & macadam (Montpellier), responsable de l'innovation du groupe européen SMart (Bruxelles), membre du conseil d'administration du Mouves


On a beaucoup débattu, ces dernières années, de la notion d'entrepreneuriat culturel. Il me semble pertinent de la rapprocher ici de la dynamique de l’entrepreneuriat social. Ces deux notions sont venues bousculer leurs familles respectives. De mon point de vue, le secteur culturel a beaucoup à gagner à se rapprocher de l’entrepreneuriat social.

Qu'est-ce que l’entrepreneuriat social ?

Ce « courant » se développe en France depuis les années 2000.

Il s’appuie sur un mouvement de fond international :

- L'ONG Ashoka et le lancement d’une chaire à Harvard aux États-Unis[1] ;

- Muhammad Yunus, l’inventeur du microcrédit au Bangladesh ;

- Les coopératives sociales en Italie, le groupe de recherche européen EMES qui a mis en place un faisceau d’indices pour définir ce qu’est une entreprise sociale.


En France, il est nourri par le rapport Lipietz (« L'entreprise à but social »), les travaux autour du statut Scic (Société coopérative d’intérêt collectif) et la création du Mouves (le Mouvement des entrepreneurs sociaux).

L’entrepreneuriat social vise à faire converger intérêt général et efficacité économique. Il ne se définit pas par ses statuts, mais par 4 dimensions :

- un projet économique ou entrepreneurial ;

- une finalité sociale ou sociétale ;

- une lucrativité nulle, voire limitée ;

- une gouvernance démocratique ou participative.

Le dernier arrivé dans la grande famille de l’ESS

On parle aujourd’hui d’économie sociale et solidaire (ESS), mais c’est un terme récent qui résulte d’une synthèse de deux approches.

L’économie sociale a été (re)lancée par le gouvernement Mauroy dans les années 80 et pèse fortement sur l’emploi et l’économie (mutuelles, banques coopératives, domaines sanitaire et social…). Elle vise à remettre en cause la forme d’entreprise de capital.

L’économie solidaire prend, quant à elle, son essor durant les années 90. C’est en partie une réaction à l’institutionnalisation de l’économie sociale. Elle concentre son énergie sur la finalité sociale et les solidarités territoriales plutôt que sur les statuts et la démocratie d’entreprise. Concrètement, ce sont des entreprises d’insertion, la microfinance, le commerce équitable, l’économie circulaire… qui sont regroupées et fédérées selon leur type d’activité, induisant une fragmentation.

L’économie solidaire requestionne l’économie marchande en elle-même.

Ces deux courants se sont rapprochés fin 90 pour donner naissance à l’ESS, l’économie sociale et solidaire.

Quant à l’entrepreneuriat social il est le dernier à entrer en scène. Outre ses origines, il s’est constitué en réaction au peu de considération pour l’entrepreneuriat de la part de l’ESS. Aussi il rencontre un franc succès dans un contexte où les jeunes sont attirés, à la fois par la liberté entrepreneuriale et par le désir de transformation sociale.

Il faut admettre que les entrepreneurs sociaux excellent par leur structuration, leur médiatisation et la clarté de leur plaidoyer. À l’instar de la French Tech, ils réussissent à occuper l’espace malgré leur nombre et leurs moyens limités ; les logiques de concurrence et d’influence font que cette exposition agace parfois les anciens qui craignent d’être ringardisés.

Une loi pour les réconcilier tous ?

En 2014, la loi voulue par Benoit Hamon (loi ESS du 31 juillet 2014) tente de réconcilier ces 3 tendances en apportant à chacune une reconnaissance et des avancées en lien avec leurs revendications. Cette loi reconnait l’ESS comme un mode d’entreprendre et non pas un conglomérat de statuts ; elle marque surtout une vision inclusive de l’ESS (en ouvrant son périmètre et en posant des critères d’appartenance).

Les défis de l’entrepreneuriat social, miroir des enjeux de la culture ?

Des grands challenges se présentent pour l’entrepreneuriat social :

- les territoires : via la construction d’écosystèmes locaux lisibles et cohérents ;

- le changement d’échelle : comment produire plus d’impact social sans perdre ses valeurs ? ;

- les financements : pour amorcer, changer d’échelle, il faut des fonds. Là aussi il faut gagner en lisibilité et combler certains besoins ;

- la mesure de l’impact social : comment l’évaluer en résonance avec les défis sus-cités…

Certaines de ces problématiques sont communes avec le secteur culturel. C’est pourquoi, afin d’élaborer un environnement favorable, il serait utile pour les acteurs culturels de s’inspirer et se rapprocher des entrepreneurs sociaux, tout en préservant une vision de filière.

Un entrepreneuriat social et culturel ?

En dressant le tableau historique des familles de l’ESS et celui des défis de l’entrepreneuriat social, on est tenté de procéder à des rapprochements avec le secteur culturel. Pourtant, celui-ci se revendique rarement de l’ESS. Mais qu’en est-il ?

Si on adopte une lecture statutaire, la plupart des acteurs de la culture sont inclus dans l’ESS (via la prédominance du statut associatif).

Mais si on s’appuie sur les critères de l’entrepreneuriat social, les acteurs culturels sont déjà moins nombreux à pouvoir se revendiquer comme tels. Reprenons les 4 indicateurs :

- une finalité sociale ou sociétale : la plupart des acteurs culturels peuvent complètement revendiquer cette finalité ;

- une lucrativité nulle, voire limitée : c’est le cas de bon nombre d’acteurs culturels, surtout lorsqu’ils font le choix du statut associatif ou de la Scic ;

- une gouvernance démocratique ou participative : ce point pose question. En effet, même si la plupart sont constitués en association 1901, combien ont une véritable vie démocratique ? ;

- un projet économique ou entrepreneurial : de très nombreux projets culturels ont du mal à revendiquer un modèle économique indépendant de la puissance publique.

Les entrepreneurs culturels cherchent à lever cette dernière barrière. Ceux qui, de surcroit, font le choix d’une gouvernance participative peuvent tout à fait se définir comme des entrepreneurs sociaux.

D’autres analogies ?

Les 3 familles de l’ESS cohabitent et se concurrencent. Si on cherche à relier ces familles avec celles du secteur culturel, on peut tracer des parallèles :

- les entrepreneurs culturels sont les derniers arrivés, ils sont plus jeunes, exposés, féminisés, se méfient de l’institutionnalisation… et sont parfois mal perçus par leurs confrères ;

- les acteurs plus institutionnels ont profité du tournant des années 80, ils pèsent statistiquement, mais ont perdu de leur influence ;

- un nombre très important d’acteurs indépendants place parfois la dimension sociétale de la culture au même niveau que l’exigence artistique. Ils sont très fragmentés, se méfient de l’entrepreneuriat et questionnent la concentration des moyens au sein de l’institution.

On retrouve donc des échos de l’économie sociale, l’économie solidaire et l’entrepreneuriat culturel au sein du monde culturel.

Que nous apprend l’entrepreneuriat social ?

Plusieurs points forts de l’entrepreneuriat social sont à retenir de ces éclairages historiques et comparaisons : un plaidoyer lisible, des actions de lobbying efficaces et surtout un regroupement sous un même étendard.

Le secteur culturel est encore trop fragmenté et donc inaudible. La posture entrepreneuriale reste dévalorisée et l’innovation (sociale) peu encouragée.

Le rapprochement avec les entrepreneurs sociaux permettrait de s’insérer dans des outils inclusifs et de nature à aider les acteurs à relever les défis du secteur.


[1] Bill Drayton a popularisé le terme d’entrepreneur social et fondé l’ONG Ashoka, qui soutient les entrepreneurs sociaux innovants, dans les années 80.

Diversité et représentativité : quand le champ théâtral fait face à ses impensés


"La couleur de peau doit devenir dramaturgiquement neutre" (Arnaud Meunier)

Bérénice Hamidi Kim est maitresse de conférences en études théâtrales, membre de l'Institut Universitaire de France, directrice du laboratoire Passages XX-XXI. Elle travaille notamment sur la notion de diversité et ses impensés dans le théâtre public français.

"Le théâtre public est resté ces dernières décennies plus que timide dans l'examen de conscience de la manière dont se produisent et se reproduisent les inégalités liées au sexe, à la race et à la classe, au point de constituer un espace professionnel et social paradoxal, où ces dominations et discriminations opèrent d’autant plus fortement que ce secteur se vit par essence progressiste et émancipateur".
"Le terme "diversité" est hérité des États-Unis et a été récupéré par les entreprises dans une logique marketing destinée à élargir leurs cibles de consommateurs potentiels".
"Après le green washing, le social washing, on parle de "diversité washing""

Modalités de mutualisation et processus coopératif


Par Philippe Henry, chercheur en socioéconomie de la culture, maître de conférences HDR, retraité de l'Université Paris 8 - Saint-Denis

Un environnement transformé

On parle aujourd'hui très souvent de transition climatique. Mais plus globalement, c’est à une véritable transition de civilisation que nous sommes confrontés. Ne serait-ce que depuis le début du nouveau siècle et en se limitant au domaine culturel en France, celui-ci continue à se développer dans un contexte marqué par au moins trois tendances lourdes. La modification des modèles de production, de valorisation et d’appropriation d’une offre culturelle toujours plus abondante – on parle désormais d’une situation d’hyperoffre – devient toujours plus prégnante, entre autres quand on s’intéresse aux jeunes générations pour lesquelles le numérique joue, par ailleurs, un rôle structurant. Simultanément, la dimension économique et entrepreneuriale s’exacerbe dans des filières d’activité désormais très professionnalisées où la marchandisation – que cela nous plaise ou non – s’introduit en force dans les nouvelles formes d’échange, comme l’indiquent les évolutions à l’œuvre dans les réseaux sociaux ou les plateformes numériques collaboratives. Avec des phénomènes d’industrialisation, de concentration et de financiarisation qui ne conduisent pas – de toute évidence – à une société spontanément plus solidaire ou inclusive. Dans le même temps enfin, une limitation des ressources publiques disponibles devient chaque jour plus sensible pour des activités dont le caractère d’utilité sociale ou d’intérêt général doit sans cesse être socialement reconstruit et justifié.

Dans ces conditions, il n'est pas surprenant de voir resurgir avec force – en tant que nécessité et sous forme d’injonction – le thème de la coopération et des formes de mutualisation qui la sous-tendent, en particulier pour ce qui est des micro-entreprises qui constituent un terreau essentiel du développement artistique et culturel. Quelques études ont commencé à défricher cette question[1], qui seraient à plus amplement développer pour mieux en prendre la mesure. On s’en tiendra ici à la proposition d’une typologie des activités de mutualisation, qui montre déjà toute la diversité et la complexité des situations se réclamant de la coopération dans le domaine culturel.


Trois niveaux de mutualisation

En se situant sur le registre « micro » des organisations élémentaires, toute une palette de démarches est en effet observable. Celles-ci relèvent parfois de dispositifs formalisés (Groupements d'employeurs, Coopératives d’activité et d’emploi, plus largement Sociétés coopératives et participatives ou Sociétés coopératives d’intérêt collectif), mais le plus souvent de dynamiques inventant leurs propres formes au fil du temps (collectifs artistiques, lieux intermédiaires, tiers-lieux, pôles territoriaux de coopération économique…).

Trois niveaux de modalités de mutualisation sont repérables, qui renvoient chacun à un éventail non moins différencié de relations coopératives.

Dans tous les cas, on peut observer des mutualisations partielles entre acteurs de ressources et de compétences, comme l'utilisation partagée d’espaces ou de matériel, ou encore l’échange et la mise en commun d’informations, de « coups de main » échangés. On serait ici plutôt dans un registre de collaboration simple.

Un second plan très perceptible concerne les coopérations localisées et limitées dans le temps entre personnes ou organisations. Une mutualisation des risques va de pair avec une mutualisation au moins partielle des résultats. Cela va de réelles coproductions sur des projets particuliers jusqu'au développement de projets communs inédits entre plusieurs acteurs. Il est à noter que ces processus se construisent pratiquement toujours au fil de rencontres entre des personnes et d’opportunités de collaboration entre organisations qui se présentent alors mais bien au travers de ces personnes. On serait déjà plus ici dans le registre de la coopération – faire œuvre ensemble –, mais sur des enjeux qui restent volontairement limités.

De manière moins fréquente – parce que plus difficiles à concevoir, mettre en œuvre et faire perdurer –, un troisième plan concerne également des démarches qui exigent une relation plus intensive et dans la durée entre acteurs et un partage d'objectifs communs plus affirmés. Le plus souvent, une pérennité relative – mais déjà acquise – d’au moins une partie de ces acteurs est requise. Ces processus se repèrent dès que plusieurs acteurs décident de partager des fonctions support (depuis des achats groupés et des formations communes ou des veilles sur des appels d’offre ou des marchés publics, jusqu’à la mise en commun d’une partie de leur gestion administrative, sociale ou financière, voire la gestion d’emplois partagés). On rencontre en particulier ces cas dans les dispositifs coopératifs formalisés que nous avons mentionnés, mais pas seulement. On est ici dans un registre qu’on pourrait appeler de coopération renforcée, même si les situations sont toujours à étudier au cas par cas.

On observe également que ces trois plans sont, la plupart du temps, successifs et « emboîtés » : certains agencements restant au premier plan ou encore seulement au second (qui induit souvent la persistance du premier), le troisième plan intégrant généralement les deux précédents.

Un quatrième plan à toujours considérer

Plus on avance dans ces niveaux de mutualisation et plus apparaît, en effet, la nécessité d'une gouvernance idoine et donc de ce qu’on pourrait appeler la mutualisation du pouvoir de décision. C’est alors le type de partage du processus décisionnel entre les différentes parties prenantes d’un projet ou d’un agencement coopératif qu’il s’agit de considérer. Cette question se pose de fait pour toutes les formes de mutualisation, mais elle exige d’être traitée de plus en plus précisément au fur et à mesure que les enjeux de collaboration / coopération se renforcent.

Ce point nous ramène d'ailleurs aussi à la tradition historique du mouvement coopératif et à son parti pris en faveur d’une participation à égalité de pouvoir de décision de chacune des personnes ou des organisations parties prenantes, même si ce n’est pas la seule option possible et/ou pratiquée.

Mais au travers de cette dimension politique de la place et du poids relatifs de chacun dans le processus de décision, se pose aussi le problème très concret et chaque fois à résoudre, de l'agencement institutionnel et managérial potentiellement le plus efficace,mais également le plus juste, pour l’organisation ou le projet coopératif considéré. La nécessité de mettre en place et de gérer un niveau d’organisation spécifiquement dédié au processus coopératif lui-même n’est alors pas la moindre des difficultés.

Voilà en tout cas une première mise en perspective, qui permet peut-être d'aller un peu plus en avant dans l’examen pragmatique des processus actuels de coopération[2] que certains discours par trop convenus à leur sujet. Et si l’ensemble de ces démarches « par le bas » ne suffiront pas, par elles-mêmes, pour qu’advienne un monde moins obsédé de profitabilité concurrentielle, elles restent néanmoins le terreau indispensable d’une autre manière d’envisager notre avenir commun.

[1]Voir en particulier Marie Deniau, Étude exploratoire sur les nouvelles pratiques de mutualisation ou de coopération inter-organisationnelles dans le secteur culturel, Rapport définitif, Paris : DEPS - Ministère de la Culture et de la Communication, juillet 2014 ; ou Opale, Regards croisés sur quatre lieux de coopération artistique et culturelle de la Communauté d'agglomération de Plaine Commune (93), avril 2017 ; ou encore, sur un dispositif particulier, Philippe Henry, « Les PTCE culture : des spécificités à ne pas négliger », Recma n°343, janvier 2017.

[2] Un rapport d'étude empirique sur les enjeux de la coopération entre très petites organisations et les obstacles qu’elle rencontre est à paraître en début 2018 sous le titre Philippe Henry, Agencements coopératifs et micro-entreprises culturelles. Trois études de cas.

Ce texte est la reprise partielle, augmentée de quelques références, d'un propos liminaire à une table ronde tenu le 20 octobre 2017 dans le cadre du Forum régional Grand Est Entreprendre dans la culture, organisé par ARTECA à Nancy.

Coopérer ou faire œuvre commune : construire une éthique de la coopération

Pour transformer les politiques culturelles, il paraît nécessaire de faire évoluer les systèmes de coopération : ne pas s'arrêter au partage d'idées mais s’intéresser aussi la manière de s’assembler pour faire œuvre commune. C’est pourquoi, une journée des Ateliers a été consacrée à l’expérimentation de la fabrique d’un commun.


"La problématique de coopération implique d'aller sur le territoire de l’autre" (Emmanuel Vergès)