DANS LE QUOTIDIEN DE QUATRE FEMMES GENDARMES


JOUR 1  

8 heures. Le gendarme Virginie reprend son travail après deux semaines de permission. Et pour cette reprise, la journée commence avec une séance de tir  à 10 heures sur un terrain de tir civil. Pour Virginie rien de nouveau, en poste depuis 2012 dans une petite brigade de campagne, les séances de tirs ont lieu deux ou trois fois par an. Au programme : tir de protection avec son arme de service et tir au fusil à pompe. D'emblée, elle s'impose en conduisant le véhicule qui les mène au stand de tir avec quatre hommes à son bord. Le ton est donné. Arrivée sur place, il faut alors s’équiper. 

Premier stand, l'instructeur donne les ordres. Trois tirs debout, trois tirs à genoux, de part et d’autre de la protection et recharge rapide. Objectif : viser le bassin. "Il n’est pas question de tuer la personne mais, de la neutraliser" précise-t-il. Après quelque rappel des fondamentaux, les quatre gendarmes font feu. 

Dernière étape, avancer et tirer en même temps. À la fin du tir, l’instructeur déclare : "Des sensations ? " À Virginie de souligner la difficulté de tirer en avançant, les deux yeux ouverts tout en restant parallèle. Mais pour le quatuor, le résultat est correct. L’instructeur les félicite. 

Deuxième stand : le FAP (fusil à pompe), une arme qui est pourtant utilisée de moins en moins. Il faut savoir que le fusil à pompe pèse environ 3,2 kilos. Deux tirs de cinq cartouches, l'arme est puissante, le retour également. Mais pour Virginie, il s’agit de son arme préférée : "J’aime la sensation de cette arme, son retour. Elle est puissante mais, c’est ma préférée" avant de rajouter « Pourtant pour nous, femmes, la difficulté avec ce type d'arme est son poids. Lorsqu'il faut la tenir à une main pour la recharger de l’autre, on souffre".

"Pour faire ce métier, il faut être une femme de caractère"

Pause déjeuner - Virginie rejoint son appartement de fonction situé dans la caserne. Un appartement de 70m² qu'elle a décoré à sa manière maintenant qu'elle est devenue sous-officier de carrière. L’occasion pour moi de faire connaissance avec son compagnon, son chat qu'elle amène partout, mais surtout d'en apprendre un peu plus sur son parcours et ses débuts en gendarmerie. Virginie m'apprend alors qu'elle n'a pas toujours voulu être gendarme. Bien au contraire, comme nombre de ses collègues, elle était contre toute forme d'autorité qu'incarnait la police ou l'armée. Elle a donc décidé de devenir vendeuse. Mais comment arrive-t-on à devenir sous-officier de gendarmerie, Virginie ? 

"Mais vous travaillez dans les bureaux ?" 

Pour elle, aucun problème d'intégration. Être une femme en gendarmerie ne l'a jamais empêché d'évoluer ou de bien commander des hommes lorsqu'elle se retrouve avec des hommes moins gradés ou ayant moins d'ancienneté qu'elle. "Ce sont les gens en civil qui me disent souvent : ah bon, vous êtes dans la gendarmerie mais vous travaillez dans les bureaux ? Non, non, je suis sur le terrain !" (rires) 

Tout est une question de caractère, Virginie me confie honnêtement "Pour faire ce métier, il faut être une femme de caractère, c'est certain."

"Je n'ai jamais eu besoin de me mettre en avant ou de devoir prouver plus de choses qu'un homme"

Mais très vite cette travailleuse acharnée, comme elle aime se définir, évoque son futur et ses objectifs. Deux objectifs clairs, qu’elle a en tête depuis le début de sa formation. Tout d’abord être muté en Outre-Mer, une demande qu'elle a déjà faite, et ensuite rentrer dans une brigade de recherche. Pour cela, la trentenaire a dû se replonger dans ses livres et fiches de révision pour passer ses examens. Première étape : l'OPJ soit devenir officier de police judiciaire : "Je me suis toujours dit que si je devais évoluer, je ferais tout d’un coup. » Aujourd’hui, elle prépare donc ses examens. « Pendant ces deux semaines de permission, j’ai pu réviser. Je suis partie de la caserne pour me déconnecter, complètement, et être vraiment concentrée sur mes révisions". De belles perspectives d’avenir pour celle qui n'a pas peur, bien au contraire, d'obtenir de nouvelles responsabilités et de gravir les échelons au sein de la gendarmerie. 

"C’est une question de caractère et d’envie. J’ai envie d’évoluer, même si je suis très fière de ce que je suis aujourd'hui. Cette brigade est une étape dans mon parcours, j’ai beaucoup appris ici mais maintenant j’ai besoin d’action "

En effet, la vie de la petite brigade est relativement calme. Un peu trop. Un aspect du milieu rural qui déplaît parfois à Virginie avide « d’action, partir en intervention et sentir l’adrénaline monter ». Mais elle reconnaît que cette expérience, comme celles passées, est différente et l’a formée. « Ici, c’est la proximité avec les habitants qui me plaît, les gens me reconnaissent dans la rue et me disent même bonjour ! » 

En attendant, il est temps de revenir à la brigade principale du groupement de gendarmeries. 

14h30 - Les brigadiers ainsi que deux personnels de la brigade de recherches, venus en renfort, sont convoqués pour une réunion avec le commandant de la compagnie. La raison de cette réunion : le lendemain doit s'ouvrir une enquête judiciaire sur une affaire de pédopornographie. Deux jours d'enquête donc qui doivent être planifiés afin d'être les plus efficaces possibles. Tandis que l’unité s’organise donc pour la mise en garde à vue, la perquisition et l’enquête de voisinage, je fais la connaissance du gendarme adjoint volontaire, Elodie.

En poste depuis maintenant 2012 dans cette brigade, Elodie est, ce que l'on appelle un GAV, un gendarme adjoint volontaire. C'est-à-dire que contrairement à Virginie, elle est sous contrat. Contrat qu'elle peut renouveler chaque année pendant cinq ans. En attendant, elle peut passer des concours afin de rentrer en école de gendarmerie et devenir ainsi gendarme de carrière. Elodie m'avoue alors qu'elle a déjà passé plusieurs fois ce concours et a échoué en se blessant notamment lors de l'épreuve de sport. Pour celle qui était dans le paramédical avant de devenir GAV, l'aventure s'arrête là. "En octobre; mon contrat s'arrête et je vais revenir au civil donc. Je vais devenir conductrice de bus."  Mais c'est non sans une pointe de nostalgie qu'Elodie me confie son départ de la gendarmerie. "Cela va me manquer, vivre sur la caserne, faire partie de cette grande famille qu'est la gendarmerie et enfin être au contact de la population"

Pour Elodie, son intégration au sein de la brigade s'est également bien déroulée. Si elle devait revenir sur quelques difficultés se serait sur sa formation de GAV qui a duré trois mois. "Là, c'est vraiment le côté militaire de la gendarmerie qui ressort, cela a été dur moralement, on nous teste, il ne faut pas craquer. Mais je comprends la nécessité de cet exercice lorsque l'on voit les affaires que l'on doit traiter". 

En tant que GAV, il faut souligner qu'Elodie n'a que très peu de responsabilités, voire aucune. Sur des interventions, elle doit être constamment accompagnée d'un gradé. Aucun rapport avec le fait qu'elle soit une femme, à la gendarmerie, c'est le grade qui prime. 

Retour de la réunion, Virginie a été reçue par le commandant de brigade pour sa notation annuelle. Et elle vient de gagner un point de plus que l'année dernière. 6/10 : une très bonne notation qui pourra la favoriser dans sa demande de mutation en outre-mer par exemple. En attendant, elle est en mission d'accueil à la brigade. L’occasion pour elle de régler certains dossiers et de se tenir informer de ce qu’elle a raté pendant ses deux semaines de permission. 

18 heures - il est temps pour elle de rentrée à la caserne. Ce soir pas d’astreinte, c’est quartiers libres.

JOUR 2 

Réveil  - 6h30 - Ce matin, l'enquête judiciaire s’ouvre avec une mise en garde à vue de 24 heures qui sera potentiellement renouvelable. Il faut donc « taper » la personne à son domicile. Gendarmes et deux des membres de la brigade de recherches se rendent donc sur les lieux pour effectuer la perquisition de tous les supports informatiques appartenant au mis en cause. En parallèle, Elodie ainsi qu’un autre gendarme (plus gradé qu’elle) commence l'enquête auprès du voisinage. Virginie, quant à elle, assiste à la perquisition et surveille notamment l’épouse du mis en cause. Dès qu’elle craque, Virginie et Manuela de la brigade de recherche se précipitent dans la pièce pour la rassurer. L’adjudant chef souligne alors : "C'est dans ces moments-là qu'on voit l’importance d’un effectif féminin. Car nous, nous venons arrêter et faire du mal. Ici, c’est elle la victime." Virginie tempère, rassure, mais garde la tête froide. "Je vais l’auditionner tout à l’heure, je ne pose pas de questions encore, j’essaie simplement de la rassurer, le temps des questions vient après". Quelques heures après, nous sommes de retour dans la brigade. C’est l’effervescence. Une dizaine de gendarmes sont mobilisés pour cette enquête. Viens l’heure de l’audition de l’épouse menée conjointement par le major Delgado et Virginie. Plus de trois heures d’audition qui balayent de simples questions à des interrogations plus gênantes sur l'intimité du couple. Dès ce moment-là, le major s’éclipse et laisse alors Virginie mener l’audition. "Je me suis absenté car, je sentais une gêne. Les questions concernant l’intimité de la personne sont difficiles mais nécessaires. Dans ce cas, le fait d’avoir une femme en face de soi permet de mettre la personne plus en confiance", explique le major. Virginie pose donc ses questions avec tact et sans tergiverser. Le tout sans exprimer aucun jugement de valeur.

Pause déjeuner - Tous se retrouvent pour partager le repas. L’occasion pour l’équipe de décompresser, de prendre du recul vis-à-vis d’une affaire qui est à la fois longue, fastidieuse et surtout délicate. Les blagues vont bon train et quand je fais remarquer mon étonnement de les voir si boute-en-train, je comprends d’emblée la nécessité de parler, de rire et surtout de tourner les choses à la dérision. Unanimement, et lors de nos différentes conversations, tous m’ont confié la réelle nécessité de prendre du recul vis-à-vis d’un métier prenant et parfois très difficile. Virginie souligne notamment : "Nous ne pouvons pas prendre toute la misère du monde sur le dos. On intervient par définition dans des situations difficiles. Il faut être solide et savoir faire la part des choses. S'impliquer mais sans trop."

Après quelques rires, il est déjà temps de reprendre le travail. Pour Virginie, cette enquête représente un bon moyen de réviser son concours d’officier de police judiciaire qu’elle va passer très prochainement. Pour lui permettre un jour d’atteindre son objectif initial : rentrer dans la brigade de recherches. "C’est mon objectif, je le répète à qui veut l’entendre mais, j’aime l’idée d’enquêter, d’être en civil, même si je suis très fière de ma tenue".

En attendant, c’est aux côtés du personnel de l’N-TECH qu’elle passe l’après-midi, le spécialiste informatique départemental qui recherche quant à lui des preuves sur les supports informatiques saisis. Un travail minutieux qui va pourtant  déterminer toute la suite de l’enquête.

La journée se termine vers 20 heures pour toute l'équipe. La garde à vue étant prolongée de 24 heures, les gendarmes se retrouveront demain matin pour continuer leurs investigations. Une longue journée qui représente l’une des réalités du métier. Virginie : "Je sais à quelle heure je commence, mais jamais à celle où je termine." En effet, pour certains, il s’agit même d’une réelle contrainte. Un gendarme me signale : "Je pense que la difficulté pour les femmes lorsqu'elles sont seules c’est de parvenir à s’organiser. Car nous, hommes mariés, dès que nous rentrons chez nous, nous avons le dîner prêt. Tandis que pour Virginie, par exemple, il faut qu’elle se gère tout cela seule."

JOUR 3

8 heures. L'enquête reprend avec un effectif réduit. Virginie accompagne Philippe pour finir l’enquête de voisinage commencée la veille avec Elodie. Une enquête qui se transforme vite en séance de prévention. Virginie me déclare alors : "Sur n’importe quel type d’intervention on se retrouve à faire de la prévention. Ne serait-ce que pour rappeler aux gens que s’ils voient des voitures suspectes, ils relèvent le numéro de plaque. C'est également cela notre métier."

De retour à la brigade, Virginie est envoyée sur une intervention. Une femme aurait aperçu une personne dans un fourgon en train de prendre des photos de la résidence dans laquelle elle vit. "Là, je suis normalement mobilisée sur une enquête judiciaire pourtant je peux être amenée à intervenir ailleurs simultanément. Le métier de gendarme est très généraliste et nous devons rester disponibles pour n’importe quelle situation." En effet, afin de mieux comprendre le milieu, il faut entendre qu’un gendarme est amené à faire de la police qu’aussi bien mener des enquêtes judiciaires. Il n’a aucune spécialité. C’est pour cela qu’autour de ces gendarmeries, on retrouve des sections qui sont plus spécialisées : comme le PSIG - le peloton d’intervention et de surveillance - qui lui ne fait que de l’intervention, la brigade de recherches qui ne fait que de la police judiciaire ou bien l'N-TECH, cité au dessus, qui ne gère que la partie informatique.

Après une fausse alerte, nous sommes revenus à la brigade. L'épouse du mis en cause est de nouveau entendue. Virginie gère seule cette nouvelle audition. Toujours dans la même attitude - neutre et égale à elle-même. Même si elle connaît les avancées de l’enquête, elle ne laisse pourtant rien paraître. Accentue sur certains aspects de la vie du couple et n’hésite pas à reformuler les questions différemment pour être sûre d’obtenir tous les éléments nécessaires à faire avancer l’enquête. "Il faut vraiment faire attention dans ce genre d’affaire. On ne sait pas qui est réellement impliqué. Alors il faut toujours travailler à charge et à décharge".

L’après-midi se passe à remplir des papiers afin que le prévenu puisse être déféré devant le Procureur de la République le soir même pour être soit libéré soit placé en détention provisoire. Après deux jours d'euphorie dans la petite brigade, le calme revient. Ce qui me donne l'opportunité de discuter un peu plus longuement avec le Major Delgado, en charge du commandement du groupement de gendarmeries. Une discussion qui me permet d'évoquer la présence de femmes dans l'effectif de la gendarmerie pour connaître son point de vue. 

Avec 35 ans de métier derrière lui, le major Delgado a connu l'entrée des femmes dans la gendarmerie. Un événement exceptionnel pour l'époque qui a bouleversé à jamais l'institution. 

Au-delà des considérations d'un milieu qui reste pour tous, pas seulement en interne mais, également en externe, un milieu d'homme, l'effectif féminin est pourtant une nécessité dans les brigades aujourd'hui. Même si la plupart d'entre elles ne se sentent pas plus sensibles que d'autres gendarmes (du moins essaie de ne pas l'être), l'approche des femmes gendarmes dans certaines affaires semble pourtant belle et bien différente. 


Malgré cela, les avancées en terme d'égalité et de parité dans la gendarmerie sont au reflet de la société : lentes. Et c'est sur cette conclusion et l'espoir que les mentalités évoluent que j'achève mon entretien avec le Major Delgado. 




Pour Virginie, la journée se finit un peu plus tôt que ces derniers jours. 16 heures - il est temps de rentrer à la brigade et de rejoindre ses quartiers. Pendant deux jours elle va pouvoir souffler car elle est de repos. Avant d’attaquer un week-end de permanence. L’occasion pour elle de se replonger dans ses révisions, qu'elle avait dernièrement délaissées.


JOUR 4

J'ai donc quitté Virginie pour ces deux jours de repos. Aujourd’hui, je découvre donc une autre facette de la gendarmerie : la brigade de recherches. Et c’est avec Manuela, maréchal des logis-chef, seule en poste ce jour-là, que je passe la journée.

La brigade de recherche (BR) est une section à part entière de la gendarmerie. Son fonctionnement est simple. La BR se trouve dans le siège de la compagnie, ici, Castres. Elle fonctionne indépendamment d'une brigade mais, peut être appelée par n'importe laquelle d'entre elles pour s'occuper d'une enquête ou simplement en renfort (comme cela a été le cas en début de semaine). La particularité des gendarmes de la brigade de recherches est qu'ils travaillent en civil et effectuent tous leurs déplacements en véhicule banalisé. "Nous ne faisons que de la police judiciaire, avec les moyens que nous avons. Nous faisons des planques, d'où la nécessité pour nous de passer incognito", m'explique Manuela. Elle ajoute : "la BR ce n'est pas du tout le même rythme de travail que la brigade, nous nous sommes concentrés sur nos propres affaires, environ 4 ou 5 chacun, et rien d'autre. On ne fait ni police route ni d'intervention". En effet, la brigade de recherches est appelée sur le terrain uniquement sur ordre du commandant de compagnie et seulement après la venue de la brigade, qui a d'ores déjà "gelé" le terrain. Le risque est donc minime. 

La matinée est calme, seule en poste Manuela attend la visite de deux gendarmes de la brigade de recherches de Brive qui vont réaliser plusieurs auditions dans le cadre de leur enquête. L'occasion pour nous de revenir sur son parcours, d'évoquer les difficultés mais, aussi les avantages d'être une femme dans ce métier. 

«J'exerce ce métier au détriment de ma vie de femme et de ma vie de famille »

Pour cette jeune maman, l'aventure a commencé en 2003 lorsqu'elle décide de devenir gendarme adjoint volontaire. Pourtant anti-militariste depuis son adolescence, c'est à la grande surprise de sa famille qu'elle rentre dans la grande famille "gendarmerie". Mais très vite, elle se rend compte que le travail de brigadier ne la passionne pas et décide de s'orienter vers la police judiciaire en passant notamment le concours d'OPJ.  Très vite, elle monte en grade et parvient à rentrer à la brigade de recherches de St Michel à Toulouse en 2010. Depuis 2012, elle est donc mutée à la compagnie de Castres où elle se retrouve seule femme sur une équipe de huit personnes.   

" On ne fait pas ce métier sans passion car, c'est bien trop de sacrifices"

Manuela me confie que ce métier qui l'a passionne tant lui prend énormément de son temps personnel et empiète sur sa vie de famille. "Il est difficile d'allier travail et famille, nous sommes maniables, à tout moment, on m'appelle et je dois quitter ma famille pour aller sur une intervention ou bien tout simplement partir en déplacement pendant plusieurs jours. On ne fait pas ce métier sans passion car, c'est bien trop de sacrifices" Et à la gendarmerie, on ne veut pas faire de distinction entre homme et femme gendarme. "Je pense que beaucoup de femmes en ont profité par le passé, aujourd'hui, on se fiche de savoir que l'on travaille trop et que l'on ne voit pas assez nos enfants" avant d'ajouter "il y a un taux de divorces très élevé dans la gendarmerie. On en parle peu, mais c'est une réalité." En effet, déplacements et enquêtes menées en binôme sont souvent source de conflit entre conjoints. 

"J'ai appris à commander des hommes"

Il faut comprendre que la brigade de recherches n'a pas le même rapport à la hiérarchie que les brigadiers en gendarmerie départementale. La tenue civile est peut-être l'une des raisons. Quoi qu'il en soit, la notion de grade est quasi inexistante entre les gendarmes en brigade de recherches. L'exemple aujourd'hui avec la venue de la BR de Brive. Dès leur arrivée, ils tutoient Manuela et sont tout à fait à l'aise, et ce, sans connaître son grade. Mais si les "BRistes" se considèrent ainsi entre eux, en intervention, il en est autrement avec les brigadiers. Après que la brigade ait "gelé" le terrain, la BR est donc déplacée. "A ce moment-là, ce sont nous qui devons prendre les choses en main, donner des ordres à chaque brigadier. J'ai eu beaucoup de mal au début. On ne nous apprend pas à l'école à commander des hommes. Au début sans expérience et avec mon jeune âge, c'était parfois délicat. On apprend sur le terrain" me confie Manuela.  

"La condition de la femme dans la gendarmerie reste un sujet tabou, ce n'est pas anodin si on appelle la gendarmerie : la grande muette ! "

Pourtant, être une femme peut être un réel avantage dans son métier souligne Manuela. Lors des planques par exemple. "Personne ne soupçonne une femme d'être une enquêtrice, parfois, on ne me croit pas quand je dis que je suis gendarme, certaines personnes ont même appelé la gendarmerie pour confirmer mon identité ! "  (rires).  


L'après-midi, Manuela se rend dans une des brigades de la compagnie de Castres pour faire le point sur les enquêtes en cours. "Je suis à l'aise partout, je travaille avec toutes les brigades de la compagnie donc je suis partout chez moi ". Elle fait le point sur d'autres enquêtes dans le courant de l'après-midi. "Mon travail est tous les jours différent, mais la difficulté est de devoir avancer sur plusieurs affaires simultanément. Et c'est vrai qu'ici, on a une charge de travail très soutenue."

18 heures - La journée s'achève. Je laisse donc Manuela acter ses enquêtes. Puisque, demain elle sera principalement dans son bureau pour taper ses comptes-rendus et dossiers, je décide de quitter définitivement Manuela et de rencontrer le lendemain une nouvelle femme sur le terrain. 

JOUR 5 

En ce dernier jour, je rejoins Célyne, gendarme dans une autre brigade de la compagnie de Castres. Parmi les trois femmes de la brigade, elle est l'unique gradé. Au programme ce matin : patrouille et police route. Une matinée très calme qui nous donne l'occasion de discuter. 

Célyne, jeune femme au caractère bien trempé s'est toujours entourée de garçons durant son enfance. De son propos aveu, un peu garçon manqué, elle était présente à chaque bagarre dans son adolescence. Elle s'est donc tournée vers la gendarmerie directement après le lycée :  " Depuis mon enfant, je veux être gendarme, j'aime le côté militaire de l'institution ! ". Et elle est bien la première à me dire cela ! 

Nous évoquons alors son intégration au sein de la petite brigade de campagne où elle travaille actuellement. 


"Je ne veux pas de traitement de faveur, je ne veux pas qu'on me dise que j'y suis arrivée parce que je suis une femme !"

Célyne s'est toujours mis un point d'honneur à ne pas être perçu comme une femme, mais comme un gendarme à part entière. Pas question pour elle de bénéficier d'un traitement de faveur !  Très sportive, la jeune femme me confie qu'elle se met constamment le défi de rentrer dans le barème des hommes : "Je ne veux pas de traitement de faveur, je ne veux pas qu'on me dise que j'y suis arrivée parce que je suis une femme !"  Un sentiment de devoir toujours prouver plus de choses vis-à-vis des hommes qui ne la quitte jamais, même lors de simples intervention sur le terrain et qui fait d'elle une gendarme plus exigeante. 




Même si Célyne s'est très bien intégrée à cette petite brigade, cela n'a pas toujours été le cas auparavant. Intégré après sa formation dans un peloton d'intervention et de surveillance, le PSIG, cela a été pour elle une période difficile où sa condition de femme a alors posé problème. 


13 heures - L'activité très calme de la brigade est pour Célyne un bon moyen de réviser. En effet, la jeune femme est en train de préparer ses examens pour devenir officier de police judiciaire, à l'instar de Virginie, rencontrée en début de semaine. Son ambition : monter en grade, avoir de nouvelles responsabilités et diriger des hommes tout en restant sur le terrain. Elle a également pour souhait d'être mutée dans une brigade où l'activité est plus importante, mais toujours dans le sud de la France. Après avoir patrouillé toute la matinée et effectué plusieurs contrôles routiers classiques, je laisse Célyne rejoindre son appartement pour l'après-midi car ce soir, elle est de permanence toute la nuit.